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Batailles de la faim

Battles of hunger

Tracés. Revue de sciences humaines, n° 39

Tracés. A journal of the humanities, no. 39

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Publié le vendredi 21 juin 2019

Résumé

La faim, problématique ancestrale des sociétés humaines, demeure relativement peu étudiée par les sciences humaines et sociales. Partant de ce constat, la revue Tracés consacre son numéro 39 aux différentes formes de conflits, tensions et expériences de la faim sur un large spectre allant de l’intime aux arènes internationales. À la croisée des pratiques, des représentations, des savoirs et des institutions, la question de la faim fera l’objet d’une lecture politique étendue, en restituant, à travers le prisme agonistique, son épaisseur et sa diversité. Si aujourd’hui les enjeux géopolitiques semblent dominer le traitement de la question, elle est saillante à d’autres échelles et concerne potentiellement toutes les sciences humaines et sociales.

Annonce

Coordination

Coordonné par Pierre Janin, Natalia La Valle, Anne Lhuissier et Thomas Ribémont

Argumentaire

« Peu de phénomènes ont influé aussi intensément sur le comportement politique des peuples que le phénomène alimentaire et la tragique nécessité de manger » (de Castro, 1952, p. 21)[1]. La faim, problématique ancestrale des sociétés humaines, en prise avec différents ordres (matériels et symboliques), est pourtant relativement peu étudiée par les sciences humaines et sociales, du moins en France. Partant de ce constat nous consacrons ce numéro aux différentes formes de conflits, tensions et expériences de la faim, passées ou actuelles, sur un large spectre allant de l’intime aux arènes internationales.

Du besoin individuel aux défis collectifs

La faim est une expérience vitale particulière qui induit l’invention d’institutions spécifiques pour se nourrir, pour priver de nourriture ou encore pour penser la relation à ce besoin, à ce désir. Chez Spinoza (2000), l’appétit et le désir sont la même chose, le désir étant un appétit conscient chez l’homme. De nombreuses doctrines philosophiques conçoivent le désir en rapport au latin appetere/appetitus, qui signifie d’abord demande, désir. Si appétit signifie aujourd’hui désir de manger c’est aussi parce qu’il désigne un désir primaire commun à l’homme et à l’animal, constituant un moteur essentiel (et parfois principal) de l’activité des êtres vivants. Loin de se réduire à une expérience vitale et individuelle, la faim est un phénomène révélateur du politique, et, plus largement, de nos rapports au risque, à soi et à autrui. À la croisée des pratiques, des représentations, des savoirs et des institutions, la question de la faim fera ici l’objet d’une lecture politique étendue, le terme de « batailles »[2] en restituant, à travers un prisme agonistique, toute son épaisseur et sa diversité. Le terme invite à s’intéresser aux arènes dans lesquelles des protagonistes s’affrontent au travers de luttes pour la production, l’accès ou le contrôle des aliments, mais aussi pour définir la faim, l’administrer ou la mettre en scène.

Si faim et politique vont singulièrement de pair, leur relation n’est pas univoque ni son historiographie un long fleuve tranquille. Prenons le cas français des Guerres des farines, en 1775 : considérées comme une « forme de conflit politique », elles laisseraient ensuite la place aux mobilisations caractéristiques de l’ère industrielle (Tilly, 1972). Or, certains auteurs abordent ce qui subsiste « de la culture moderne de la contestation frumentaire dans celle du XIXe siècle, une fois la libre circulation des grains traduite clairement dans la loi (1797) et une fois achevé le désengagement de l’État de ses fonctions protectrices » (Bourguinat, 2002). Cette culture de la contestation s’étend au présent avec les émeutes de la faim qui ont touché différents pays du monde en 2008 et 2011[3]. Plaçant, de nouveau, la question sur le devant de la scène, ces mobilisations ont modifié pendant un temps les agendas politiques et médiatiques et ont transformé durablement le champ d’action militant (e.g. le mouvement paysan international Via campesina).

Pour une population croissante, le besoin de se nourrir avec des ressources naturelles limitées, dans des conditions climatiques de moins en moins prévisibles, engendre débats, mobilisations et politiques publiques. Toutefois, la faim persiste quels que soient les niveaux de richesse et de développement, au Nord et, surtout, dans les Suds. Les batailles de la faim semblent produites et favorisées par les transitions globales en cours, qu’elles soient agricoles, environnementales, démographiques ou nutritionnelles (Geels, 2010 ; Hinrichs, 2014). À l’instar des mouvements de paysans « Sans terre » en Amérique latine, des plaidoyers d’associations d’aide alimentaire dans les pays industrialisés ou, tout récemment, des marches internationales des jeunes pour le climat, ces transitions semblent s’exprimer dans une volonté citoyenne et politique, encore fragile, appelant à une reconfiguration des manières de produire, de s’approvisionner, de conserver et de consommer les aliments (Dufumier et Hugon, 2008 ; Dufumier, 2019). Dans bien des cas, les adaptations accélérées qu’elles impliquent sont autant des nécessités que des opportunités : émergence d’un ethos de la frugalité, du bien-être animal, reterritorialisation de la production, renégociation du partage de la valeur au sein de la chaîne alimentaire, etc. Mieux, compte tenu de l’inviabilité des modèles productivistes dominants, imposés par le régime néo-libéral et entrepreneurial de régulation des systèmes alimentaires (Friedmann 1995 ; McMichael, 2009 ; Holt-Gimenez et Schattuck, 2010), ces adaptations appellent à un basculement conceptuel : la faim cesserait d’être vue comme un accident, une fatalité ou un mal à éradiquer et davantage comme un risque systémique car inhérent aux modèles précités. Les systèmes alimentaires constitués semblent aujourd’hui à la croisée des chemins : l’un renvoyant à la poursuite de la marchandisation et de la financiarisation des ressources, filles de ce que Thompson (1995) appelle le productionnisme ; l’autre, en devenir, faisant de l’alimentation « un commun à soigner et à fructifier » (Summer, 2011)[4], une activité humaine capable de satisfaire les besoins des populations « tout en cotisant à une paix sociale et politique nécessaire au développement »  (Bricas et Daviron, 2008). Au centre de cette croisée, la pauvreté et la faim, en particulier des populations rurales. De plus en plus de voix appellent en effet à arrêter d’urgence « la ruine des paysanneries du Sud » qui, concurrencées par les « excédents des pays d’agriculture mécanisée, motorisée, chimisée et subventionnée » ne dégagent pas de revenus suffisants pour vivre (Dufumier, 2019). Une urgence qui passe désormais par une approche d’ensemble dans « les négociations sur l’environnement, la faim et les migrations », qui ne font qu’un (ibid.)

Les figures composites et inégalitaires de la faim

La faim est d’abord une sensation immédiate, parfois brutale, « traduisant le besoin de manger », compte tenu de nos exigences physiologiques individuelles mais obéissant également à des règles sociales et culturelles (Aymard, Grignon et Sabban, 1993). Elle renvoie à aussi un manque d’aliments qui fait qu’une population souffre de faim. Cette dernière dimension est celle habituellement privilégiée dans les analyses et les dispositifs scientifiques de traitement de la faim. Enfin, un sens métaphorique renvoie à une « aspiration profonde vers une chose qui répond à une attente » (Buchi et al., 2015). Cette pluralité de discours, de représentations et de mesures s’assoit sur des savoirs qui ne se recouvrent qu’imparfaitement (Benson, 2008) : savoirs profanes, locaux, experts… Les divers registres, et la valeur qui leur est attribuée, changent au gré des transformations sociopolitiques et économiques mais aussi à la lumière des connaissances produites, par exemple en termes de nutrition (Barona, 2012). Se dessinent ainsi de plus en plus clairement des histoires (Vernon, 2007 ; Thompson, 1988 ; Kaplan, 1982 ; Menant et Bourin, 2013) et des géographies de la faim (Brunel, 1999 ; Castro, 1952 ; Janin, 2016, par ex.). Aussi, une science de la nourriture (Spary, 2012, 2014) attentive à la santé et à l’hygiène alimentaire, semble avoir pris place entre chimie, médecine et pharmacie. De leur côté, les expériences vécues de la faim sont moins étudiées[5]. Puisque l’on ne peut assimiler le phénomène de faim ressentie et exprimée à la « faim cachée »[6], ni à l’insécurité alimentaire, davantage composite[7], cette rareté relative des travaux sur la faim vécue s’expliquerait-elle par des raisons d’ordre épistémique ?      

Au-delà des mesures normées du manque (deprivation), se pose la question des vécus et des inégalités alimentaires dans leurs différentes dimensions : économiques, sociales, subjectives et politiques. La régulation de ces inégalités, et ce, depuis l’Antiquité (Garnsey, 1999), engage nombre d’institutions qui, à l’instar de l’État, doivent faire face à plusieurs défis : stabilité des approvisionnements, voire des prix, efficacité des contrôles, équité des arbitrages… La difficulté à les manier de concert se renforce logiquement lorsque les ressources sont limitées, fragiles et mal réparties, et qu’elles mettent aux prises des acteurs dont les représentations et les objectifs diffèrent, contribuant à diverses formes de « mise en tension » (Janin, 2009).

Faim et politique : une relation sécuritaire

La relation entre faim et politique est centrale, et, pour autant, ambiguë (Janin, 2010). Pour un gouvernement susceptible d’être contesté, débordé ou désavoué, elle devient une menace avérée. En ce sens, discours et répertoires d’action contre la faim sont fortement empreints d’accents sécuritaires. Au-delà des situations de conflit armé, de crise humanitaire ou de mobilisations sociales violentes, les éléments de cette relation sécuritaire sont généralement plus ténus et moins visibles.

Lorsqu’elle perdure et qu’elle gagne en intensité, la faim est souvent combattue par des actions prioritaires immédiates qui peuvent demander, pour un temps donné, des règles d’exception (suppression de taxes à l’importation, politique de rationnement, etc.). Au cœur de ces situations de crise, les qualificatifs et catégories mobilisés pour rendre compte de la relation d’aide, illustrent la nature des liens : les personnes dans le besoin sont, tantôt, des « victimes » et des « vulnérables » (Naepels, 2018) exprimant une plainte, des « cibles », des « bénéficiaires » ou encore des « agents », voire des « clients » potentiels, plus ou moins porteurs de revendications (Janin, 2016 ; Ribémont, 2016).

Si cette relation se caractérise par une politisation aiguë, elle ne doit pas masquer, par ailleurs, les logiques de dépolitisation de la faim. Celles-ci semblent observables au moins à trois niveaux : celui de la volonté de rendre compte, de manière quasi-clinique, de la réalité complexe de la faim dans ses acceptions objectivées ; celui du souci, inachevé, d’amélioration des outils de lutte contre la faim, depuis la mise au point de nouveaux produits thérapeutiques de traitement de la malnutrition jusqu’au poids accru d’indicateurs de plus en plus sophistiqués de diagnostic et de suivi ; celui, enfin, du développement de processus d’harmonisation des méthodologies d’enquête, de qualification des situations comme de standardisation des traitements. Ces dynamiques s’inscrivent dans le cadre de la montée en puissance de politiques gestionnaires (Moore-Lappé et al., 2013) qui assoient leur légitimité sur la quête de résultats chiffrés, seul analyseur probant de performance (Ogien, 2010). Si ces politiques gestionnaires conduisent à une banalisation, voire à une euphémisation des expériences de la faim, comment aborder ces dernières de manière à en restituer le contexte et le sens ? Une des hypothèses que nous souhaitons discuter et voir discuter par les auteurs est que, à moins de sortir le cadre d’analyse de la faim de son prisme sécuritaire et/ou gestionnaire, ces expériences ainsi que les dimensions politiques de la faim (inégalités sociales, exploitation et marchandisation des ressources, autonomie et/ou souveraineté alimentaires, etc.) resteront l’apanage de perspectives et d’initiatives souvent locales, certes portées par un souci de justice et de démocratie (Gómez-Benito et Lozano, 2014) mais à la marge des instances politiques ayant la charge de reconfigurer globalement les systèmes alimentaires.

Axes

Les batailles de la faim peuvent être abordées, entre autre, au prisme des normes, des discours ou des pratiques et ce à différentes échelles. Pour un individu, on pourra s’intéresser à la recherche de nourriture, aux pratiques alimentaires extrêmes, aux subjectivités ainsi construites. À l’échelle des groupes ou des populations on interrogera les interactions, socialités et mobilisations qui se tissent autour de l’enjeu de la faim. Enfin, au niveau institutionnel, on s’intéressera aux acteurs stratégiques, publics ou privés, assurant le gouvernement des ressources ainsi que le gouvernement des corps (Fassin et Memmi, 2004) et des esprits. Puisque toutes les batailles ne concernent pas la réduction de l’emprise de la faim, nous avons organisé l’appel à contributions autour de trois axes qui offrent des perspectives différentes, tout en embrassant la plus grande diversité possible de disciplines et d’objets.

Pour les trois axes on pourra travailler, entre autres, les questions suivantes : quels espaces oppositionnels ces bataillesconstituent-elles ? Dans quelles arènes (politiques, militaire, marchande, judiciaire, législative, médiatique) se déploient-elles ? Quels acteurs entrent et sortent du jeu ? Quelles sont les dynamiques des revendications, demandes et confrontations ? Quels en sont les effets sur les contextes politiques internationaux, nationaux et locaux ? Et sur les subjectivités, individuelles et collectives, ou sur la participation à la vie publique ?

Les batailles de la faim

On peut parler de batailles de la faim au sens où, dans des contextes où les ressources alimentaires sont rares, mal réparties ou contingentées (Corbet, 2014), se nourrir relève de combats, avec leurs apprentissages et engagements propres. Nous invitons des contributions qui s’intéressent à la manière dont se déploient ces savoirs et activités, aux effets de la quête de nourriture – soit-elle chronique ou ponctuelle – sur les subjectivités, le lien social et la participation à la vie publique, autant qu’aux organisations et mobilisations qui permettent de faire face à la faim. En termes d’activités et de savoirs, il s’agira de rendre compte, entre autres, d’autoproduction, de glanage, d’entraide, de charognage, de mendicité, d’interpellations des pouvoirs publics et des bienfaiteurs. On pourra s’intéresser aux valeurs contrastées, voire opposées, attribuées à ces pratiques et aux effets de cette attribution. Dans cette optique, il sera pertinent d’interroger des notions telles que la « culture de la faim » (Quellier, 2007), qui serait propre aux classes populaires, ou encore les sanctions morales ou religieuses frappant certains aliments (Bonnassie, 1989).

La nourriture et son contrôle ont toujours été cruciaux pour le pouvoir : dans les cités grecques ou l’Empire romain, mais encore au XIIe siècle, dans les grandes villes d’Egypte ou de Haute-Mésopotamie, lorsque le pouvoir agissait par l’intermédiaire des muhtasibs, véritables préfets des marchés assurant leur bon fonctionnement et veillant à leur moralisation. En Europe, au XVIIe siècle, une police des blés a existé, par exemple à Paris pendant la disette de 1692-1694, police dont l’efficacité a fait défaut en raison de son souci d’ordre public plutôt que de régulation économique (Buat, 2010). Au XXe siècle les Nations Unies insèrent dans la Charte des droits de l’homme le droit à une alimentation suffisante, ratifiant une pratique plusieurs fois millénaire. Dans la mesure où l’étude des modalités de régulation de la production, de l’accès et de la distribution des aliments rend compte de confrontations autour d’enjeux économiques, sociaux ou culturels, aussi bien quantitatifs (prix, réserves) que qualitatifs (catégories, hygiène), nous recevrons des contributions sur ces formes du politique, ainsi que sur leurs effets – escomptés, réels, institués, contestés, etc.

Face à la souffrance provoquée par la faim, à ses corollaires tels que la colère ou la honte (Delavigne et Montagne, 2008), les sociétés s’organisent, sans toujours chercher à se confronter aux causes de la faim : aumônes, charité, secours, assurances sociales, aides alimentaires… Entre le XVIe siècle et la fin du XIXe la théorie économique se demande : « Faut-il nourrir les pauvres ? ». Pour certains la réponse est presque toujours la même, assise sur l’idée que le pauvre est seul responsable de sa condition. Les politiques sont plutôt punitives, accompagnées d’un encouragement à la charité privée et à la création de structures apportant un secours alimentaire épisodique mais stigmatisant (Clément, 2008). Dans cet axe s’inscriront donc les travaux sur la tension propre à toute relation de don et de secours ainsi que sur les luttes économiques, sociales, fiscales et morales qui, à divers degrés, marquent et ont marqué les actions de secours. Aussi, nous nous intéressons à la manière dont ces conflits ont évolué, par exemple, pour la période contemporaine, dans le passage qui a vu l’aide alimentaire aux plus démunis passer d’une gestion privée, et parfois confessionnelle, à une gestion para-publique, aboutissant à un fonctionnement institutionnel hybride (Duvoux, 2012 ; Retière et Le Crom, 2018). Comment les divers acteurs en présence font-ils face aux demandes et mobilisations populaires pour la nourriture ?

En effet, cet axe aborde également les conflits ouverts, passés ou contemporains, dont les émeutes de la faim précédemment mentionnées ne sont qu’un exemple[8]. Tous les continents ont connu des révoltes de la faim, y compris l’Asie, avec les émeutes du riz au Japon en 1918, par exemple. Bien souvent, ces batailles, réclamant au départ une baisse des prix des aliments, sont à l’origine de révolutions et de changements de régime profonds : au milieu du XIXe siècle cette dynamique touche presque tous les pays d’Europe, où des crises de subsistance se traduisent par des ébranlements politiques qui mettent en échec l’ordre absolutiste. En 2008, le gouvernement haïtien tombe suite aux révoltes de la faim. Dans des contextes où le problème est nié par l’Etat, certaines batailles concernent le dévoilement, la mise au jour de la faim dans le but de l’installer dans l’agenda politique[9].

Les batailles par la faim

Le deuxième axe porte sur les batailles par la faim, c’est-à-dire celles qui relèvent d’une faim non pas subie mais orchestrée ou volontaire (Belair, 2007), imposée à soi ou à autrui. Cet axe abordera plus spécifiquement la faim comme stratégie, notamment politique, pour contrôler des populations, pour affaiblir des adversaires ou nourrir des affidés, afin de conquérir militairement de nouveaux territoires, d’asseoir un pouvoir[10], etc. Dans ces situations extrêmes, la faim est euphémisée, niée ou instrumentalisée, à l’exemple des famines qui ont sévi au Biafra en 1968 (Calmettes, 2001), en Ethiopie en 1984-85 (Brunel, 2002) ou, plus récemment en Somalie en 2011-2012 (Majib et McDowell, 2012) ; elle peut aussi être purement « construite » comme dans le cas du Cambodge en 1979-80 (Brauman, 2006).

Les contributions viendront éclairer ici les pratiques configurant la faim en ressource, dans le but de résister face à l’injustice, à l’instar des grèves de la faim (Scanlan. Cooper Stoll et Lumm, 2008 ; Siméant, 1998 ; Vázquez Lezama, 2018) ou de transformer le manque ou la souffrance en recours esthétique, voire en véritable geste artistique comme chez Kafka, Hamsun ou Levi, « écrivains de la faim »[11].

Cet axe porte aussi sur le façonnage volontaire des corps par la faim, et accueillera des contributions sur les luttes physiques et spirituelles forgées dans le renoncement, sur les formes radicales d’ascétisme ainsi que sur des troubles de l’alimentation comme l’anorexie mentale (Darmon, 2003 ; Moreno-Pestaña, 2016) dans la mesure où ces phénomènes donnent lieu à toute sorte de configurations sociales et de re-définitions de normes, certains s’en saisissant comme un moyen de résistance (MacSween, 1993) ou comme un étendard (Peuteuil, 2014).

Les batailles pour la faim

On traite ici les batailles symboliques, épistémiques et normatives visant à définir, raconter, légiférer et calculer la faim. Cet axe s’intéresse aux débats et controverses sur la nature des solutions à y apporter (Rastoin et Ferault, 2017), les acteurs impliqués et les dilemmes auxquels ils sont confrontés. On traitera autant des imaginaires de la faim et des réalités sociales et politiques qui en découlent (Camporesi, 1981) que des débats et controverses (historiques, juridiques, médicales, sociotechniques, économiques…) relatifs à sa définition et à sa mesure, toutes deux lourdes de conséquences. Nous nous intéressons aussi aux forii où ces différentes batailles ont lieu : organisations internationales, Forum mondial pour la souveraineté alimentaire de 2007 au Mali, discussions autour du droit à l’alimentation à l’ONU ou dans le champ juridique (cf. Ziegler et al., 2011, ou le numéro 101 de la revue Droit et Société publié en 2019) entre autres.

La famine est généralement considérée comme une « phase de réduction massive et brutale des niveaux de consommation alimentaire » (Sen, 1981, p. 41). Or, la conceptualisation de la faim et les solutions associées se sont formées par des discours et des intérêts qu’il importe d’interroger. Pour l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour ne citer qu’elles, l’évaluation de la consommation alimentaire est longtemps passée par une logique essentiellement nutritionnelle (calcul des protéines consommées). Les nutritionnistes constituaient la principale autorité scientifique (Ruxin, 1996), dans une hiérarchie qui, face à l’incapacité de ces organisations à « éradiquer la faim », a finalement été modifiée. Mieux, selon MacAuslan (2009) deux interprétations opposent, en raison de leurs différents mandats, la FAO, d’un côté, qui voit la faim essentiellement comme un manque de nourriture, et de l’autre l’OMS et l’UNICEF, qui perçoivent la faim comme malnutrition. Or, situations de faim extrême (famine) et situations individuelles de malnutrition (aiguë, sévère, modérée), ne se traduisent pas par les mêmes indicateurs. Comment sont-ils élaborés ? Sur quels critères et par qui ? Comment définit-on les divers degrés ou les étendues de la faim ? Avec quelles conséquences ? Depuis plusieurs décennies, différentes institutions se disputent l’espace médiatique et politique (Masset, 2011 ; Weerdt et al., 2014), chacune mettant en avant ses propres indices, scores ou échelles, élaborés pour permettre des comparaisons internationales dont les prétentions universalistes semblent appauvrir singulièrement le sens des expériences de la faim (Deitchler et al., 2010). Crucial, cet enjeu autour des connaissances a constitué un des points de départ dans la gestation du numéro. En effet, les mesures et formes de calcul de la faim poussent les décideurs et les bailleurs de fonds vers des utilisations de ressources divergentes. Mais où en sont les débats sur les programmes de sécurité alimentaire, dont on s’accorde à dire qu’ils sont bien souvent dévalorisants, discrétionnaires et aléatoires ? Malgré tout, la césure opposant interventions d’urgence et programmes de développement semble avoir été dépassée au sein de certaines organisations supranationales et ONG. Or, sur la base de quels conflits des savoirs ce dépassement a-t-il été opéré ? Plus généralement, quelles (re)compositions politiques, économiques et idéologiques ont lieu à partir des programmes contre la faim (Diven, 2006) ?

Les effets des conflits épistémiques dépassent les sphères économiques et techniques. Comme le montre Bonnecase (2010), « la brusque mise en lumière de la faim en Afrique sahélienne, loin de ne découler que de la dégradation réelle des conditions d’alimentation des populations en période de sécheresse, a aussi été le fait d’une nouvelle production de savoirs sur un phénomène jusqu’alors sous-estimé » et mal étudié. Selon l’auteur, ces savoirs, issus de conflits épistémiques et politiques, « ont participé à la mise en forme de la famine », qui a « paru d’autant plus grave qu’était grande l’ignorance de la faim ordinaire » Les définitions et les méthodologies n’ont cessé d’évoluer depuis, réaménagées par l’ensemble des institutions qui les produisent, tout en cherchant à les (et à se) légitimer. Cette problématique en amène une autre : celle de la « violence épistémique » (Spivak, 1999) exercée par les experts à l’égard de celles et ceux qui, ne disposant pas des savoirs légitimes propres aux modes de fonctionnement des organisations, sont disqualifiés des processus de définition et de mise en œuvre des politiques d’aide internationale, par exemple. Nous nous intéressons ici aux conflits générés par cette violence et aux résistances qui leur sont opposées. Pensons, pour ne prendre qu’un exemple paroxystique de ces relations Sud/Nord, à ces parodies de campagnes humanitaires faites par des artistes africains, appelant aux dons pour aider un pays scandinave. Qu’est-ce que la faim et ses batailles de sens du point de ceux qui sont perçus comme « affamés » ?

En histoire aussi les débats sont nombreux, tant sur des questions terminologiques (comme dans le cas du Hungerplan nazi)[12], que sur les périodes et échelles considérées ou encore sur les sources utilisées (Menant et Bourin, 2013)[13]. Plus globalement, le renouveau historiographique en cours depuis les années 2000, en histoire rurale notamment, propose des rapprochements entre Moyen-Âge et époque moderne dans la mesure où la famine, contrairement à la disette, entraîne, dans l’une et l’autre des périodes, de profonds changements sociaux : annihilation de populations, reclassements sociaux, destructions de patrimoines et profits spéculatifs.

En s’intéressant aux théories sur les causes de la faim, aux débats sur sa métrologie, etc. les contributions aborderont la manière dont les connaissances sur la faim entrent en conflit et aux conséquences de celui-ci. Autour de quels champs de savoirs se configurent les principales batailles des savoirs sur la faim ? Quelle en est la portée ? Quelles en sont les expressions politiques, scientifiques et techniques ? Comment les sciences humaines et sociales, pour leur part, traitent-elles la faim et quelles lignes de partage ces traitements dessinent-ils ?

Si la faim cristallise des rapports de force et de pouvoir, les batailles de la faim sont plurielles, tant matérielles qu’immatérielles, allant des controverses terminologiques aux modes de (sur)vie, en passant par la confrontation entre systèmes alimentaires. Et si, historiquement, les enjeux géopolitiques semblent dominer le traitement de la question, elle est saillante à d’autres échelles et pour bien d’autres disciplines. Les contributions pourront se focaliser sur l’un des axes présentés ci-dessus ou bien en articuler plusieurs. Dans une perspective interdisciplinaire, toutes les perspectives, méthodes et matériaux peuvent être mobilisés : philosophiques, sociologiques, ethnographiques, historiques ou géographiques, mais aussi littéraires, cinématographiques et esthétiques, à travers l’analyse de ressources iconographiques, photographiques, picturales ou cinématographiques…

Modalités de soumission

L’appel à contribution a valeur de cadrage et permet la sélection des contributions en fonction de leur pertinence par rapport au thème et aux enjeux du numéro. Il a, en outre, vocation à suggérer aux rédacteurs potentiels quelques pistes générales de réflexion, et à leur rappeler que la revue Tracés attend un propos analytique et argumenté.

Articles

Les articles représentent des contributions originales à la recherche, qui suivent les normes habituelles de la production scientifique. Ils doivent tous se positionner par rapport à l’appel à contributions. Différents types d’approches sont possibles, permettant de diversifier la manière d’aborder la thématique : nous accueillons tant des articles à vocation essentiellement théorique, que des contributions fondées sur des recherches empiriques, où les enjeux méthodologiques seront précisés et discutés. Tracés étant une revue interdisciplinaire, les articles doivent pouvoir être compréhensibles et pertinents pour des lecteurs non spécialistes ; ils peuvent également faire appel à des méthodes et des références de plusieurs disciplines, ou interroger les présupposés ou les outils empiriques et théoriques d’une discipline à partir du point de vue d’une autre discipline. Les articles soumis ne peuvent excéder 40 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Notes

Nous publions des notes critiques qui présentent un ensemble de travaux (éventuellement un ouvrage en particulier), une controverse scientifique, ou l’état d’une question actuelle. Elles doivent dans tous les cas se rattacher explicitement à la thématique du numéro et permettre d’éclairer des orientations de recherche ou des débats inhérents à cette dernière, notamment pour des lecteurs non spécialistes des disciplines concernées. Les notes soumises ne peuvent excéder 30 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Entretiens

Des entretiens avec des chercheurs ou d’autres experts des questions étudiées sont également publiés dans chaque numéro. Les contributeurs qui souhaiteraient en réaliser sont invités à prendre contact directement avec le comité de rédaction (soumission-articles.traces@groupes.renater.fr).

Traductions

Les traductions sont l’occasion de mettre à la disposition du public des textes peu ou pas connus en France et qui constituent un apport capital à la question traitée. Il doit s’agir d’une traduction originale. Le choix du texte devra se faire en accord avec le comité de rédaction et les questions de droits devront être réglées en amont de la publication. Il est donc demandé aux contributeurs de bien préciser pour quelle rubrique l’article est proposé. La soumission d’articles en anglais est également possible, mais si l’article venait à être retenu pour la publication, sa traduction nécessaire en français demeure à la charge de l’auteur.

Procédure

Déclarations d’intention : les auteurs et autrices doivent informer les coordinateurs du numéro, Pierre Janin (pierre.janin@ird.fr), Natalia La Valle (natalialavalle@gmail.com), Anne Lhuissier (anne.lhuissier@inra.fr), Thomas Ribémont (thomas.ribemont@sciences-po.org) de leur projet. Cette information se fait par courrier électronique aux coordinaterus et à l’adresse quivante : soumission-articles.traces@groupes.renater.fr, en indiquant le titre de la contribution, le ou les axes dans lesquels elle est proposée ainsi qu’un bref résumé du propos.

La date limite des propositions est fixée au 1er septembre 2019.

Un retour est fait aux auteurs sur la recevabilité de leur proposition.

NB : L’insertion d’images et de supports iconographiques est possible dans un nombre limité (merci de le préciser dans votre déclaration d’intention).

Envoi des contributions : les auteurs devront envoyer les textes proprement dits (articles, notes, etc.) avant le 10 novembre 2019 à l’adresse suivante : soumission-articles.traces@groupes.renater.fr

Nous demandons aux contributeurs de tenir compte des recommandations en matière de présentation du texte. Ces recommendations sont accessibles sur la page suivante de notre site : http://traces.revues.org/index103.html

IMPORTANT : les articles envoyés à la revue Tracés doivent être des articles originaux. L’auteur s’engage à réserver l’exclusivité de sa proposition à la revue jusqu’à ce que l’avis du comité de lecture soit rendu. Il s’engage également à ne pas retirer son article une fois que la publication a été acceptée et que l’article a été retravaillé en fonction des commentaires des lecteurs.

Évaluation

Chaque article est lu est par un membre du comité de rédaction et par deux évaluateurs extérieurs. Nous maintenons l’anonymat des lecteurs et des auteurs. A l’aide de ces rapports de lecture, les coordinateurs du numéro rendent un avis sur la publication et décident, le cas échéant, des modifications à demander aux auteurs afin de pouvoir publier l’article. Dans le cas de propositions trop éloignées de l’appel à contribution ou des exigences scientifiques de la revue, les coordinateurs se réservent le droit, en accord avec le comité de rédaction, de rendre un avis négatif sur la publication sans faire appel à une évaluation extérieure. Hormis ces exceptions, une réponse motivée et argumentée est transmise aux auteurs suite à la délibération du comité de lecture.

Indications bibliographiques

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« Où en est la faim dans le monde aujourd’hui ? », Planète Terre, France Culture, 6 avril 2016 : https://www.franceculture.fr/emissions/planete-terre/ou-en-est-la-faim-dans-le-monde-aujourd-hui

Notes

[1] Sociologue brésilien, de Castro (1908-1973) a présidé le Comité exécutif de la FAO de 1952 à 1956.

[2] Ce titre renvoie explicitement, bien que non exclusivement, à l’ouvrage de T. Lang et M. Heasman intitulé Food Wars: the Global Battle for Mouths, Minds and Markets (2004) et à celui de A. J. Weis, The Global Food Economy: The Battle for the Future of Farming (2007).

[3] Générées par de brusques augmentations de prix dues, en particulier, à des spéculations financières, ces émeutes ont eu lieu dans une trentaine de pays du Sud dont la Mauritanie, le Cameroun, le Burkina Faso, l’Ethiopie, l’Indonésie, l’Egypte, le Maroc, la Côte d’Ivoire, les Philippines, ou Haïti. Il s’agit à l’époque de la plus grave crise alimentaire depuis 15 ans, selon la FAO.

[4] Et ce, au-delà de la notion de « bien public global » (Lerin et Louafi, 2009) qui renvoie à un positionnement essentiellement économique.

[5] Parmi les chercheurs français y travaillant citons Laé et al. (2004), Ramel et al. (2014) ou Retière et Le Crom (2018), notamment en sociologie dans les domaines de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire ; au-delà nos frontières on peut rappeler la marquante ethnographie de Scheper-Hughes (1992) au Brésil.

[6] La faim cachée (carences en micronutriments) se produit lorsque la qualité de la nourriture consommée ne répond pas aux besoins nutritionnels, si bien que les personnes qui en pâtissent ne reçoivent pas les vitamines et minéraux essentiels à leur bien-être, leur croissance et leur développement.

[7] La sécurité alimentaire peut s’organiser autour de cinq piliers : accessibilité économique, disponibilité physique, stabilité temporelle, mobilisation physiologique, adéquation socio-culturelle (Janin, 2014).

[8] Il s’agit toutefois d’un cas qui met crûment au jour les effets de la mondialisation, montrant l’articulation étroite entre les questions de justice sociale et d’injustice spatiale.

[9] Le contexte argentin illustre bien ce type d’enjeu : fin mai 2019, alors que la course à l’élection présidentielle bat son plein, un député de l’opposition lance – à côté de chercheurs, syndicats et associations – la campagne #ComerBien (bien manger). Cette action, qui cherche en particulier à répertorier toutes les cantines populaires du pays, appelle à des « dialogues urgents pour éradiquer la faim » dont souffre, à divers degrés, un tiers de la population, notamment enfants et adolescents.

[10] Un cas emblématique est celui de la guerre au Yémen, commencée en 2014 où 30  % des raids aériens menés par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont frappé des cibles civiles, en particulier des réserves de nourriture et d’eau potable. L’ONU estime que 80 % de la population yéménite a besoin d’une aide alimentaire d’urgence, des millions de personnes étant au bord de la famine. Cette guerre pose par ailleurs la question de la responsabilité de la France en raison de ses récentes ventes d’armes.

[11] Il existe aussi des métiers de la faim, pourrait-on dire, tels les champions du jeûne qui travaillaient dans des music-halls à la fin du XIXe (Danflous, 2016 ; Vigée, 1989). Paradoxalement, ils faisaient de la faim un moyen de subsistance.

[12] S’agit-il de prévisions ou d’un plan visant explicitement une extermination de masse des populations slaves qui, dès 1941, mettait en place une politique de la famine ? (Kay, 2012).

[13] Ainsi, la tendance à désigner d’un terme unique différents champs d’opposition – la Guerre des Farines du XVIIIe, par exemple -, pose problème car la foule, au fur et à mesure qu’elle prend connaissance de la nouvelle économie agraire, ne s’en prend plus uniquement aux marchands de grains mais à tous ceux qui en possèdent en quantité dans le but de spéculer (Ikni, 1993). Menacée par les pratiques des fermiers et des marchands, l’économie familiale est défendue par des couches pauvres du Tiers-état dont l’adversaire serait bien plus la bourgeoisie de la campagne que les privilégiés nobles (ibid.).


Dates

  • dimanche 10 novembre 2019

Mots-clés

  • faim, bataille, expérience, politique

Contacts

  • Natalia La Valle
    courriel : natalialavalle [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Anthony Pecqueux
    courriel : anthony [dot] pecqueux [at] msh-lse [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Batailles de la faim », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 21 juin 2019, https://doi.org/10.58079/12zk

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