AccueilQuelles prisons pour Haïti ?

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Quelles prisons pour Haïti ?

What prisons for Haiti?

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Publié le lundi 22 juillet 2019

Résumé

Ce colloque international entend susciter un débat sur le carcéral et plus généralement sur la pénalité haïtienne, autant dans sa spécificité que dans une perspective comparative. L’objectif fondamental des discussions est de faire le point sur l’état actuel de la connaissance pour détecter les questions qui demeurent inexplorées, celles qui sont encore mal comprises ou erronées, et celles pour lesquelles la recherche a fourni une réponse satisfaisante. Le comité scientifique invite donc à proposer des contributions originales exposant des études de terrain, études de cas ou retours d’expériences ainsi que des réflexions plus larges sur les enjeux de l’enfermement en Haïti. C’est donc à un dialogue des disciplines, des méthodes et des perspectives théoriques pour améliorer notre compréhension de cette institution centrale dans le projet de construction / consolidation de l’État de droit haïtien que nous vous convions.

Annonce

Présentation

Le changement de régime politique en Haïti à la fin des années 1980 a conduit à une transformation des prisons haïtiennes, autant du point de vue démographique (caractéristiques sociodémographiques de la population carcérale) que du point de vue du traitement et de la logique de gestion interne. Dès l’aube de l’ère démocratique, les autorités haïtiennes se sont mobilisées pour lancer un vaste projet de réforme du système pénitentiaire qui se poursuit aujourd’hui avec les efforts pour développer un droit pénitentiaire légiféré et moderniser l’administration pénitentiaire. La reconnaissance accrue de droits aux détenus s’y conjugue néanmoins avec un renforcement des logiques de contrôle de l’institution carcérale. Malgré ces changements, les établissements pénitentiaires représentent encore pour les organismes de droits humains une source de grandes préoccupations. Ils font régulièrement l’objet de l’actualité médiatique et de la surveillance attentive des organisations de droits humains. Pourtant, en tant qu’objet de recherche, la prison haïtienne n’a pas le même succès.

Pour orienter les contributions attendues de toutes les disciplines en sciences humaines et sociales (sociologie, science politique, anthropologie, histoire, philosophie, droit, criminologie, etc.), quatre axes de travail sont proposés :

Axe 1 : Conditions de détention

Les conditions de détention en Haïti sont à maintes reprises dénoncées comme cruelles, inhumaines et dégradantes (RNDDH 2018, 2015, 2012 ; Fuller 2002 ; Edouard et Dandoy 2018, 2016 ; CDH 2015 ; UNHRC 2014). Entre 2012 et 2017, un nombre significatif de décès a même été officiellement constaté à la Prison civile de Port-au-Prince (Daméus 2017[1]). Les prisons haïtiennes sont par exemple réputées pour leur surpopulation. Haïti détenait, en 2013, un record mondial en la matière, avec un taux de surpopulation de 400% (ICPS 2013). C’est, entre autres, à cause de cette surpopulation que les conditions de détention se sont beaucoup détériorées : en novembre 2015, l’espace moyen dans les prisons haïtiennes était de 0,54 m² par détenu(e) (UN 2016). D’autres en revanche soutiennent que les prisons demeurent des lieux de détention arbitraire où plus de 70% des détenu(e)s sont en détention préventive prolongée, à cause des multiples dysfonctionnements de l’appareil judiciaire haïtien. Le colloque invite des communications qui mettent en tension la pérennité de ces mauvaises conditions carcérales avec la situation générale du pays, les engagements pris au plus haut niveau de l’État en matière de droits humains et les interventions récurrentes des acteurs de l’humanitaire.

Axe 2 : Généalogie de l’institution carcérale

L’institution carcérale haïtienne semble porter sur ses épaules un lourd héritage dont les racines remontent jusqu’à la période coloniale esclavagiste. Le pays ne semble toujours pas avoir trouvé le modèle carcéral qui lui convient et le régime pénal correspondant. Ce colloque vise à interroger la généalogie de cette institution, autant dans sa spécificité que dans une perspective comparative. Haiti offre un terrain propice à l’ouverture du champ de la recherche historique afin d’interroger à la fois les racines coloniales de l’institution carcérale, la réappropriation de la prison par l’État postcolonial et l’impact de la transition démocratique sur la représentation sociale des peines.

L’histoire de la prison qui nous intéresse n’est pas exclusive à celle de l’espace carcéral, elle s’étend à celle de l’État contre le crime et le désordre, celle des rationalités pénales modernisantes et des déterminants socioéconomiques des modes de punir au fil du temps, celles des luttes vivantes des détenus et des organisations de défense des droits humains, celle de l’émergence de nouvelles professions pénales (gardiens, administrateurs, intervenants), celle des classes laborieuses et dangereuses et de de leur agentivité, etc. Retracer la généalogie de la prison haïtienne offre une bonne occasion d’éclairer les continuités et discontinuités entre situations passées (situation coloniale, situations nationales sous occupation ou en pleine dictature) et situations présentes en matière de production de frontières sociales, de régimes de citoyenneté, de contrôle social différentiel à l’égard de certaines catégories de la population haïtienne.

Axe 3 : Les fonctions sociales de la prison

Le colloque international aborde la pénalité haïtienne comme réponse aux demandes collectives de justice et de sécurité. La faible efficacité des dispositifs normatifs, incluant les plus hétéronomes, est souvent expliquée par la corruption des acteurs du système judiciaire : policiers, greffiers, huissiers, magistrats, avocats, etc. Les enquêtes diligentées lors des évasions pénitentiaires s’attardent le plus souvent aux failles des technologies de contrôle et de surveillance en sus de la corruption au sein des centres carcéraux. Mais les piètres résultats de ces outils ne reflètent-ils pas les œillères des courants dominants qui les instruisent ?

C’est l’inscription sociale de la prison contemporaine qui est ici en cause. A quoi sert-elle ? Est-elle à la marge de la société ? N’est-elle qu’une manière de penser ses frontières et de contrôler ses populations indésirables/dangereuses ?

L’hypothèse d’une « pénalisation du social » dans le contexte contemporain dégage par ailleurs un terrain privilégié d’observation des réformes récentes en matière de sécurité, de leurs promesses, de leurs défis et des perspectives d’avenir (Edouard et Dandoy 2016, 2017). Quand bien même cette hypothèse se confirmerait, il reste à déterminer s’il s’agit au-delà d’une réponse pénale à un problème socioéconomique, d’un écho éloigné du populisme pénal et d’une culture globale du contrôle.

Les communications peuvent aborder les fonctions sociales de la prison, les impacts de la détention et de la « prisonnisation secondaire », les logiques et dynamiques d’acteurs dans son environnement interne et externe, leur agentivité, les marchés qui s’y développent, l’alignement des pratiques sur des modèles de type occidental, etc.

Axe 4 : Réforme pénitentiaire et droits des détenus

La notion d’inscription sociale pose en creux le problème de l’appropriation locale de modèles normatifs et répressifs exogènes à prétention universelle. Ce transfert normatif critiqué notamment par la littérature d’anthropologie juridique haïtienne pose la question de leur mode d’intégration dans le contexte haïtien et de leur degré de réception tant auprès des acteurs du système que de l’opinion publique (Pierre 2012, 2007 ; Pierre-Louis 2009 ; Dorval 2003 ; Descardes 1998-199 ; Despeignes 1976). Le problème de fond tient à un manque de réflexion sur l’impact local du mouvement global vers la réforme pénitentiaire au nom des droits humains. Sous la pression de la communauté internationale, divers chantiers ont été ouverts pour entamer la réforme des institutions pénales haïtiennes. Au lieu de s’atteler à comprendre leurs spécificités historiques et leurs mécanismes propres, les décideurs et les acteurs d’intervention parent au plus pressé en s’inspirant ou en dupliquant tout bonnement des réformes entreprises à l’étranger.

Le colloque accueille des interventions qui interrogent les travaux de réformes en cours dans la loi et l’administration pénitentiaire haïtienne. Ces dernières peuvent porter à la fois sur la fiction juridique qui conduit à la mise en œuvre de ces réformes ; les structures et processus qui y président ; les interactions entre les différents acteurs impliqués ; les blocages observés ; les enjeux d’efficacité et de performance de ces réformes ; les problèmes de légitimité de nouvelles mesures pénales ; les questions de contingence, de visibilité et de légitimité des dispositifs carcéraux, etc.

Objectifs

Le colloque international vise à partager avec la communauté scientifique notamment les résultats de travaux de recherche universitaires récents sur la problématique carcérale en Haïti ou dans des pays comparables. Ce sera pour les étudiants, les chercheurs et les acteurs du milieu (société civile) l'occasion de réfléchir ensemble sur quelques-uns des enjeux théoriques, méthodologiques, épistémologiques et politiques soulevés par le sujet.

Ce colloque est également organisé afin d’informer les décideurs politiques et les acteurs du milieu de la disponibilité et du contenu de certaines données probantes sur plusieurs dimensions de la problématique carcérale haïtienne. La mise en commun de résultats de recherches empiriques comparables est susceptible d’alimenter/orienter les travaux de réforme en cours dont l’ambition est d’établir un système de justice plus juste, plus équitable et plus humain.

L’activité offrira l’occasion de produire des matériaux pédagogiques dans le but de favoriser le transfert de connaissances dans les domaines correspondants et de promouvoir la culture de l’accumulation des savoirs en sciences sociales et humaines. Sont d’ailleurs prévus dans ce cadre une série de rétrospectives et d’événements comme des projections vidéo, des performances théâtrale et artistiques, des rencontres-débats avec d’anciens prisonniers, etc. Les actes du colloque feront l’objet d’une publication scientifique.

Public cible

Le colloque international « Quelles prisons pour Haïti ? » cible les étudiants, les chercheurs, les acteurs de la société civile, les fonctionnaires publics intéressés à la problématique carcérale en Haïti. Les historiens, les philosophes, les sociologues, les spécialistes du droit, les étudiants gradués provenant principalement des Amériques, d’Afrique ou d’Europe sont invités à proposer des interventions en anglais, en français ou en créole. La liste des participants invités sera déterminée par un comité scientifique. 

Modalités de soumission des propositions de communication

Soumettre un résumé de 250 mots et trois à cinq mots-clés. Le résumé doit être accompagné du nom de l’auteur, de son affiliation (institution et département) et de son adresse courriel.

Les propositions doivent être envoyées avant le 01 septembre 2019

à l’adresse : crejusth@gmail.com.

Plan de diffusion

Les auteurs des communications sélectionnées seront ensuite invités à produire au plus tard le 01 décembre 2019, un article scientifique en vue d’un ouvrage collectif. Ce texte qui devra être rédigé selon les normes éditoriales à venir, sera évalué par un comité de pairs. Sa publication est conditionnelle à un avis favorable du comité scientifique.

Pour information : Écrivez-nous à l’adresse crejusth@gmail.com.

Comité d’organisation

  • Arnaud Dandoy, Professeur, Université d’État d’Haïti, Haïti
  • Roberson Édouard, chercheur, Université Laval, Québec
  • Vita Pierre, étudiante à la Maîtrise, Université d’État d’Haïti
  • Berline Jean-Pierre, étudiante, Université Quisqueya
  • Clorméus Ampidu Lewis, Professeur, Université d’État d’Haïti

Calendrier

Date limite de remise des propositions de communication :

01 septembre 2019

Retour des avis du comité scientifique :

13 septembre 2019

Publication du programme préliminaire du colloque :

01 novembre 2019

Remise des textes à publier :

01 décembre 2019

Lieu du colloque

Port-au-Prince / Haïti

Date du colloque :

9 – 11 octobre 2019

 

[1] Le Commissaire a relevé plus précisément 416 décès au cours de cette période.

Lieux

  • Port-au-Prince, Haïti

Dates

  • dimanche 01 septembre 2019

Mots-clés

  • prison, justice, réforme, femme, mineur

Contacts

  • Roberson Edouard
    courriel : colloque [dot] impact [dot] covid [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Roberson Edouard
    courriel : colloque [dot] impact [dot] covid [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Quelles prisons pour Haïti ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 22 juillet 2019, https://doi.org/10.58079/137v

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