The poetics of the video game: what video games do for creation
Poïétique du jeu vidéo : ce que le jeu vidéo fait à la création
Appareil journal theme issue (2nd semester 2020)
Numéro thématique de la revue en ligne Appareil (2nd semestre 2020)
Published on Wednesday, September 25, 2019
Abstract
« Créative », l’industrie du jeu vidéo. Le terme de « création » semble même aujourd’hui devoir subsumer un large spectre d’activités, allant de l’artisanat à la culture, en passant par l’art et les derniers venus high tech. A tout le moins, le jeu vidéo aura donc eu cette vertu de faire basculer nos anciens arts et nos vénérables industries dans l’ère des industries créatives (...) Appel à contributions pour un numéro de la revue en ligne "Appareil" consacré aux modalités de création propres aux jeux vidéo.
Announcement
Argumentaire
Si le jeu vidéo s’est imposé comme première « industrie créative », damnant le pion aux honorables « industries culturelles » nées avec les techniques de reproduction (cinéma, musique, vidéo, bande dessinée, etc.) – c’est peut-être parce qu’il a su les synthétiser et en assurer la relance, voire parce qu’il les a dépassées et en propose comme une relève.
« Créative », l’industrie du jeu vidéo. Le terme de « création » semble même aujourd’hui devoir subsumer un large spectre d’activités, allant de l’artisanat à la culture, en passant par l’art et les derniers venus high tech. A tout le moins, le jeu vidéo aura donc eu cette vertu de faire basculer nos anciens arts et nos vénérables industries dans l’ère des industries créatives.
Or le jeu vidéo est un programme. Il est un pur produit de l’ordinateur et requiert des compétences informatiques qui ont longtemps été inaccessibles au vulgaire. Il propose donc une expérience de la création très différente de celle que connaissent les artistes, les artisans ou les vidéastes. Le face-à-face avec la matière de l’œuvre se conçoit ici comme un dialogue ouvert avec les puissances algorithmiques et calculatoires de la machine. Depuis l’arrivée des moteurs de jeu vidéo, un moyen bien plus aisé de réaliser des niveaux de jeu et des interactions a été offert, mais comment fonctionnent exactement ces moteurs de jeu, et quel sens ont leurs présupposés et leurs limites créatives ? De même des langages informatiques simples (java, html5) permettent à nombre de développeurs amateurs de s’essayer à la création de petits jeux : dans quel but ? avec quelles limites ? Quelle formation quelqu’un qui se veut concepteur de jeu vidéo a-t-il besoin d’avoir ? Car s’il n’a plus besoin d’être informaticien, celui qui se rêve créateur de jeu vidéo devra pourtant continuer de passer des heures devant son écran à apprendre un logiciel, un langage, un code, des fonctions – et dans quel espoir ? Par ailleurs, l’acte de création doit tenir compte du contexte socio-technique pour lequel il veut produire une œuvre. Quelle est la place des technologies supports dans la création et la pérennité des jeux (périphériques, OS, logiciels, plug-ins, clouds) ? Et quelle est celle des acteurs de diffusion dans le processus de création (hier les équipementiers, aujourd’hui les « markets » d’applications et les plateformes de dépôt) ?
Car le jeu vidéo est une industrie. A quelques exceptions près, le créateur n’y a sa place que dans un studio, chez un éditeur. C’est le studio qui agrège aujourd’hui les talents et qui a su développer des techniques de production propres pour organiser et orchestrer une dynamique chorale de création réunissant des approches musicale, visuelle, ergonomique, scénaristique, cinématographique, etc. Nul doute que faire la musique d’un jeu vidéo, composer celle d’un film ou écrire un opéra sont des expériences poïétiques très différentes. De même à quoi ressemble exactement un scénario de jeu vidéo ? Que présentent à leurs mécènes les créateurs en quête de subsides ou d’édition ? Quelle place peuvent tenir les petits studios indépendants, non seulement dans l’économie générale mais dans la dynamique de création qui court de studios en festivals en passant par les sites spécialisés ? Comment certains grands studios ont-il réussi à imposer leur marque, leur image ? Quelle est la place de la franchise dans cette dynamique créative économiquement très contrainte ? Peut-on être autre chose que l’auteur ou le studio d’un seul type de jeu ? D’ailleurs comment l’implantation d’un genre inédit dans un paysage déjà organisé s’opère-t-elle ? Quelle importance la pure puissance de calcul et la course à la performance des appareils ont-t-elles dans la créativité et la réception de cette industrie ? Quels sont les nouveaux modèles économiques développés par le jeu vidéo et quelle influence ont-ils sur leur développement et leur contenu ?
En outre le jeu vidéo est une expérience interactive. Cette interaction casse la dichotomie bien installée par Valéry entre poïèse et esthèse : le joueur est co-créateur de son expérience ludique et dans une certaine mesure, le jeu vidéo n’existe comme œuvre qu’au travers de chacune de ses expériences singulières. Le joueur qui rejoue est un individu exprimant sa créativité à l’intérieur du cadre de création proposé par le jeu. Le joueur qui s’empare des fonctionnalités constructives de certains jeux vidéos (Minecraft, etc.) pour produire lui-même de nouveaux horizons de jeu est un individu exprimant sa puissance de création. Le joueur invité sur des forums (ou autres) à s’exprimer pour faire évoluer la trame ou l’univers dans lequel son héros évolue, n’est-il pas co-scénariste de l’œuvre ? Le joueur qui détourne un jeu, le parodie en un autre, en fait la suite ou la version porno-gore ne devient-il pas créateur au sens plein ? Le simple joueur, qui rêve et qui pense en déambulant dans un jeu ou en l’arrêtant en pleine action, est un proto-artiste en éveil. Parce que tout joueur de jeu vidéo y trouve une façon de renouer avec la « toute-puissance des idées » de son enfance, l’interaction vidéoludique est une sorte de création plus ou moins patente.
Enfin, le jeu vidéo est une source d’inspiration. Il est devenu le centre névralgique d’une multitude de créations connexes. Il a pris place dans la grande ronde de remédiation qui court à travers tous les arts, et inspire films, bandes dessinées, musiques, romans, etc. Il se retrouve encore alpaguer par l’art contemporain le plus assis, que ce soit au travers de son fonctionnement ludique ou dans la récupération de ses images les plus iconiques. Il a aussi engendré des nouvelles boutures créatives : le vidéotubbing qui essaime sur Internet, la création de films issus directement de séquences de jeu vidéo, les festivals et leur cosplay, etc. C’est peut-être comme nœuds d’une expérience transmédia que certains jeux vidéo se comprennent le mieux : Zelda, Pokemon, Assassin’s creed vont bien au-delà du jeu qui leur donna leur nom de baptême. Par ailleurs, les paradigmes même de la création ou de la réception de jeu vidéo s’instillent dans de nombreuses branches, créatives ou non, de la société : la ludification du monde et de nos relations prouvent, s’il en était besoin, l’impact que les modèles développés par et pour les jeux vidéos modifient profondément notre être-au-monde.
Pour une grande part, l’imaginaire du XXIe siècle se forge dans les studio de jeux vidéo. Une grande part des ressources créatives du XXIe siècle va être dédiée aux jeux vidéo et à ses à-côtés. Il y a fort à parier qu’il y aura même des créateurs et des artistes qui finiront par émerger et être reconnus comme tels.
Axes thématiques
Dans ce numéro, on cherchera donc à éclairer ces différentes facettes des modes créatifs du jeu vidéo. Sont attendus :
- des essais théoriques sur cette nouvelle modalité de la création
- des approches techniques sur la conception de jeux
- des approches historiques sur un genre, un acteur, un jeu
- des analyses comparées avec des arts voisins
- des études de cas
- des approches socio-économiques éclairant les particularités de cette industrie
- des approches sociologiques sur les créateurs et les joueurs
Modalités de proposition
Les textes seront réunis dans un numéro thématique de la revue en ligne Appareil à paraître au second semestre 2020 sous la direction de Pascal Krajewski.
Les propositions (autour de 3.000 signes) doivent être adressées
pour le 1er décembre 2019
accompagnées de quelques lignes de présentation de l'auteur.
Les propositions retenues donneront lieu à la rédaction d'un article complet (autour de 30.000 signes et jusqu’à 50.000) qui devra être envoyé pour le 1er avril 2020.
Les articles feront ensuite l’objet de plusieurs relectures par le comité de lecture de la revue.
Les consignes pour la rédaction des articles se trouvent ici.
Tout échange se fera à l'adresse mel : appareil-jeuvideo@outlook.fr
Comité de lecture de la revue
- Diane Arnaud (MC, Paris Diderot – études cinématographiques)
- Jean-Hugues Barthélémy (épistémologie, philosophie des sciences)
- Richard Bégin (PR invité, Laval – études cinématographiques, littérature)
- Jacques Boulet (PR architecture, ENSAPLV)
- Alain Brossat (PR, Paris 8 – philosophie politique et culture)
- Christian Corre (PR, Paris 8 – musicologie)
- Jean-Louis Déotte (PR, Paris 8 – philosophie)
- Georges Didi-Huberman (EHESS – philosophe, histoire de l’art)
- Jean-Michel Durafour (philosophe, études cinématographiques)
- Andrew Feenberg (Canada Research Chair in Philosophy of Technology, Simon Fraser University, Vancouver, CA).
- Geneviève Fraisse (CNRS, philosophie – questions de femmes/sexe/genre, Europe)
- Robert Harvey (PR & Chair. Dpt of Comparative Lit. and Cultural Studies University at Stony Brook, New-York)
- Marcel Hénaff (professeur, département des sciences politiques de l’université de Californie, San Diego)
- Marion Hohlfeldt (MC arts plastiques, Rennes 2)
- Carsten Juhl (PR, Académie royale des Beaux-arts de Copenhague - esthétique)
- Pascal Krajewski (ingénieur, conservateur de bibliothèque)
- David Ledent (chercheur en sociologie, Caen)
- Martine Lefeuvre-Déotte (MC, sociologue Caen – immigration, loisirs)
- Laurence Manesse-Césarini (philosophie contemporaine)
- Alain Naze (philosophie, études cinématographiques)
- Beate Ochsner (HD Dr Universität Mannheim, Romanistik III – sciences des média)
- Daniel Payot (PR, philosophie, Strasbourg 2 – esthétique, architecture)
- Charles Ramond (PR, philosophie, Paris 8)
- Audrey Rieber (chercheure à l’Institut Eikones, Université de Bâle - histoire de l’art)
- Germain Roesz (PR, Strasbourg 2 – arts plastiques)
- Georges Teyssot (PR, Univ. Laval, Québec – théories de l’art et de l’architecture)
Pistes bibliographiques
BONHOMME, Stello et TALON-HUGON, Carole (sld), Nouvelle revue d’esthétique. N°11 : Esthétique des jeux vidéo, Paris, PUF, 2013, en ligne : https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2013-1.htm
FREUD, Sigmund, « Le créateur littéraire et la fantaisie », dans L'inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985
KRAJEWSKI, Pascal, « Comment savoir si c’est de l’art ? Le cas des jeux vidéo », dans Appareil. Varia, Juillet 2019, en ligne : https://journals.openedition.org/appareil/92
KRAJEWSKI, Pascal (dir), Convocarte. N°6-7 : Ars Ludens, Lisbonne, FBAUL, 2019, en ligne : http://convocarte.belasartes.ulisboa.pt/index.php/2019/04/03/n-o-6-e-n-o-7-ars-ludens-arte-jogo-e-ludico/
LIEGE GAME LAB, Culure Vidéoludique !, Liège, PUL, 2019
TRICLOT, Mathieu, Philosophie des jeux vidéo, Paris, La découverte, 2011
VALERY, Paul, Variété : théorie poétique et esthétique : première leçon du cours de poétique, dans Œuvres. Tome 1, Paris, Gallimard, 1957
WIKIPEDIA, « Industries créatives », en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Industries_cr%C3%A9atives
Subjects
- Modern (Main category)
Places
- MSH
Paris, France (75)
Date(s)
- Sunday, December 01, 2019
Keywords
- esthétique, art, jeu vidéo, création
Contact(s)
- pascal krajewski
courriel : krash8484 [at] gmail [dot] com
Reference Urls
Information source
- pascal krajewski
courriel : krash8484 [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« The poetics of the video game: what video games do for creation », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, September 25, 2019, https://doi.org/10.58079/13gg