AccueilAttachements aux territoires ?

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Attachements aux territoires ?

Attachment to territory? Reflections and current struggles

Réflexions et luttes actuelles

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Publié le vendredi 04 octobre 2019

Résumé

Le colloque se propose de revenir sur les logiques parfois contradictoires de valorisation des territoires, d’en problématiser les ambivalences conceptuelles et d’identifier les différentes stratégies et usages constitutifs de ses orientations politiques. Dans ce champ actuel foisonnant, on privilégiera trois axes de recherche : 1) la problématisation des concepts d’attachement et de territoire en tant qu’ils sont actuellement retravaillés en philosophie et en sciences sociales ; 2) l’interrogation sur les nouvelles formes d’attachement des communautés à des territoires en « transition » ou à des territoires occupés comme les ZAD ; 3) l’étude des conflits urbains et écologiques à Liège et à Bruxelles, avec la participation des acteurs sociaux impliqués dans ces mouvements.

Annonce

Argumentaire

Là où certaines dimensions de la modernité ont induit, sous diverses formes qui restent toujours à analyser, des processus de détachement des collectifs humains à l’égard des territoires sur lesquels ils vivaient de manière plus ou moins stabilisée, on assiste aujourd’hui à une multiplication des stratégies d’attachement des collectifs humains aux territoires. Si le processus de détachement constituait l’un des aspects centraux de l’idéal moderne d’autonomie, notamment comme émancipation des individus par rapport aux liens territoriaux féodaux, il a aussi conduit à une dévalorisation des savoir-faire locaux, des usages vernaculaires des territoires et des modalités de composition avec les êtres biophysiques d’un milieu. Les ruptures causées ces deux derniers siècles avec les transformations des modes de propriété, de travail de la terre, d’échange des produits ont aussi conduit à une dégradation des écosystèmes, à une hiérarchie matérielle partageant les territoires sanctuarisés et ceux qui sont au contraire sacrifiés, souvent pour assurer la subsistance des populations urbaines.

On assiste aujourd’hui à une réévaluation critique, à la fois théorique et pratique, de ce discours du progrès suivant lequel le territoire local était ce dont il fallait se détacher pour s’émanciper et rejoindre le global, ou ce terroir qu’il fallait améliorer. Qu’il s’agisse des conflits autour des projets d’aménagements urbains, des ZAD en France ou du mouvement des communs qui s’attachent à certains lieux pour les extraire de la propriété publique et privée, une série de politiques territoriales nouvelles semble en effet émerger. La nouvelle condition écologique et les nouvelles formes sociales d’attachement aux territoires qu’elle suscite invitent ainsi à penser à nouveaux frais les rapports entre collectifs et territoires. Parce qu’elles posent autant de problèmes à résoudre que d’horizons prometteurs, elles appellent une réflexion multidimensionnelle – historique, philosophique, anthropologique et juridique – sur l’attachement des collectifs aux territoires locaux. Les formes d’attachement des collectifs non naturalistes aux territoires dont ils prennent soin pourraient-elles véritablement constituer des sources d’inspiration pour des stratégies actuelles ? Beaucoup plus proches de nous, les conflits urbains concernant l’aménagement des territoires ne devraient-ils pas conduire la philosophie et les sciences sociales à une réflexivité plus élaborée au sujet de la démocratie telle qu’elle s’expérimente concrètement sur les territoires ? Comment repenser les tensions entre la souveraineté étatique sur les territoires et l’autonomie locale revendiquée par les collectifs ? Les luttes politiques territorialisées qui se déroulent aussi bien dans nos villes que sur des territoires autonomes sont-elles susceptibles de transformer les conceptions de la philosophie politique classique ?

Toutefois, loin de constituer une dimension proprement émancipatrice, l’engouement pour la « revalorisation des territoires » n’a cessé d’être un levier de politique développementiste et d’aménagement de territoires, du point de vue des acteurs publics et privés.  Par ailleurs, la définition même du territoire ne va pas de soi : quels critères pour la délimitation d’un espace en fonction des usages qu’en font plusieurs espèces, de la hiérarchie et de la cohabitation de ces usages, ou pour les décisions politiques concernant les aménagements qu’on peut y apporter ? Quelles seraient aussi les frontières du collectif qui s’y attache, quels sont les êtres à inclure et à exclure, avec quels droits individuels et collectifs ? Ces interrogations permettent-elles de distinguer terre, terrain, territoire, sol ? Le colloque se propose ainsi de revenir sur les logiques parfois contradictoires de valorisation des territoires, d’en problématiser les ambivalences conceptuelles, et d’identifier les différentes stratégies et usages constitutifs de ces orientations politiques. Comment circonscrire les limites d’un collectif et de son milieu sans tomber dans une politique identitaire, voire raciale ? Dans quelle mesure, par exemple, la perspective des communs peut-elle éviter ces écueils en renvoyant à des communautés définies par leur activité de mise en commun de certains êtres ? Que peut être à cet égard la contribution des études éthologico-philosophiques qu’on voit se développer ces dernières années pour redéfinir, et problématiser à nouveaux frais, des formes de collectivité et de territorialité en partage entre humains et non-humains, depuis les questions d’usages partagés, de cohabitation et de diplomatie interspécifiques ?

Le concept d’attachement, tel qu’il est mobilisé par le pragmatisme et repris par la sociologie de l’action récente, présente l’avantage de privilégier le lien affectif et engagé entre les communautés et les territoires, plutôt que d’aborder ces derniers comme des objets distants. En tant que catégorie descriptive, on retrouve la figure de l’attachement dans de nombreuses luttes territoriales, dans certains récits ruraux ou néoruraux. Ce lien entre une communauté et un lieu est un problème pour la philosophie, dès lors que ses transformations paraissent constitutives de l’expérience politique et écologique de la modernité, mais aussi des revendications politiques du présent.

Dans ce champ actuel et foisonnant, le colloque « attachements aux territoires ? » privilégiera trois objectifs : 1) proposer une problématisation théorique des concepts d’attachement et de territoire en tant qu’il sont retravaillés en philosophie et en sciences sociales ; 2) questionner les formes d’attachement des communautés, qu’il s’agisse des territoires en « transition », des territoires occupés comme les ZAD ou des mouvements de permaculture; 3) les mettre en rapport avec les conflits urbains et écologiques à Liège et à Bruxelles, avec la participation des acteurs sociaux impliqués dans ces mouvements.

Programme

23-25 Octobre 2019 

Université de Liège

Comité d’organisation : Damien Darcis, Antoine Janvier, Julien Pieron, Ferhat Taylan

Mercredi 23 Octobre 

Salle Lumière, Université de Liège

Matinée

11h Ouverture du colloque

11h30-12h30 Pierre Charbonnier (CNRS) : « L'ubiquité des modernes. A quel territoire exactement sommes-nous attachés ? »

Après-midi

14h00-15h00 Ferhat Taylan (ULiège) : « Du territoire au milieu. Compréhensions territoriales contrastées de la théorie politique et de l’écologie »

15h00-16h00 Didier Debaise (ULB) : « Habiter un univers pluraliste. Héritages du pragmatisme »

Soirée 

Cafétéria Collective Kali (Rue St Thomas 32, 4000 Liège)

18h00-20h00.  Vinciane Despret (ULiège) et Baptiste Morizot (Aix-Marseille) : « Permettre à plus de réel de se manifester »

Jeudi 24 Octobre

Salle des professeurs, Université de Liège

Matinée

10h-11h Laura Centemeri (CNRS) : « Le mouvement de la permaculture ou la critique écologique par l’art de réhabiter »

11h-12h Nicolas Prignot (ULB) : « Enquêtes et controverses autour de potagers bruxellois »

Après-midi

14h-15h Jean-Marc Besse (EHESS) : « Le paysage: espace et forme sensible de l'attachement »

15h-16h Sylvaine Bulle (ENSA-CNRS) : « Peut-on ontologiser les attachements ? Une sociologie pragmatique des milieux de vie autonomes et de la forme-occupation »

16h30- 18h30 Benjamin Hennot (cinéaste) : « La jungle étroite »

Projection du documentaire suivie d’un débat avec le réalisateur

Vendredi 25 Octobre

Salle des professeurs, Université de Liège

Matinée

09h30-11h : Marc Monaco et Sébastien Demeffe (documentaristes radio) : « Faire territoire avec un aéroport de fret. Présentation d’une enquête radiophonique en cours »

11h15-12h30 : Thomas Berns (ULB) : « Territoires de la discrimination et renouvellement des conflictualités statistiques »

Après-midi

14h-15h : François Schreuer (urbAgora) : « Contre-pouvoirs, contre-projets et contre-expertises dans la ville. Retour sur l’expérience d’urbAgora »

15h-16h : Pierre Dardot : « Territoire(s) et souveraineté »

Bibliographie indicative

Revue Tracés n° 33, Revenir à la terre, Paris, 2017/2.

Besse, J-M., (2018), « Paysages en commun », Les Carnets du paysage, n° 33, pp. 5-13.

Besse, J-M., (2018), La nécessité du paysage, Parenthèses Éditions, Paris, 2018.

Cahn, L. (et alii), (2018). Terres des villes : Enquêtes potagères de Bruxelles aux premières saisons du 21e siècle, Ed. de l’éclat.

Descola, P. (2014), La composition des mondes. Entretiens avec Pierre Charbonnier, Paris, Flammarion.

Dewey, J. (1927), The Public and its Problems, The Later Works, 1925-1953, vol. 2, Southern Illinois Press, 1984.

Guibet Lafaye, C. et Vanuxem, S. (2015), Repenser la propriété, un essai de politique écologique, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Marseille.

Festa, D., (2016), Les communs urbains. L’invention du commun, Tracés, n° 16/2016, p. 233-256.

Laval, C., Sauvêtre, P., Taylan, F., (dir.), (2019), L’alterntive du commun. Enquêtes, terrains, stratégies, Hermann, Paris.

Latour, B. (2017), Où atterir? Comment s’orienter en politique, La Découverte, Paris.

Li, Tania Murray (2017), « Qu’est-ce que la terre ? Assemblage d’une ressource et investissement mondial », Tracés, n° 33, p. 19-48.

MORIZOT, B. (2016). Les Diplomates. Cohabiter avec les loups sur une nouvelle carte du vivant, Wild Project, Paris.

- , (2017), « Nouvelles alliances avec la terre. Une cohabitation diplomatique avec le vivant », Tracés, n° 33/2017, p. 73-96.

Sebastien, L., (2016), « L’attachement au lieu, vecteur de mobilisation collective ? », Norois, 238-239, 23-41.

Thévenot L., 2006. L'Action au pluriel. Sociologie des régimes d'engagement, Paris, La Découverte, 312 p.

TSING, A. (2017), Le champignon de la fin du monde, La Découverte, Paris.

Vanuxem, S. (2018). La propriété de la terre, Wildproject, Paris.

Entretiens en ligne :

Avec Guy Kastler, « Des savoirs paysans », Cahiers philosophiques, vol. 152, no. 1, 2018, pp. 37-61.

Avec Bruno Latour, Pierre Charbonnier et Baptiste Morizot, « Redécouvrir la terre »,

Avec Philippe Descola, Libération, 30/01/2019

Lieux

  • Premier jour salle Lumières batiment A, deux derniers jours salle des professeurs - Place Cockerill 3-5 4000 Liège
    Liège, Belgique (4000)

Dates

  • mercredi 23 octobre 2019
  • jeudi 24 octobre 2019
  • vendredi 25 octobre 2019

Mots-clés

  • environnement, paysage, territoire, milieu, communs, pragmatisme

Contacts

  • Ferhat Taylan
    courriel : Ferhat [dot] Taylan [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr

Source de l'information

  • Ferhat Taylan
    courriel : Ferhat [dot] Taylan [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Attachements aux territoires ? », Colloque, Calenda, Publié le vendredi 04 octobre 2019, https://doi.org/10.58079/13jt

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