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Vivre de la politique

Living politics - careers, entourage and controls

Carrières, entourages, contrôles

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Publié le mercredi 13 novembre 2019

Résumé

Ce colloque propose d'interroger l'activité politique comme une activité professionnelle ordinaire même si elle occupe une position singulière dans la division sociale du travail. S'intéresser au financement de cette activité revient à s'intéresser aux possibilités de s'y engager et de s'y maintenir. En effet, le marché politique est profondément sélectif et très inégalitaire du point de vue des gratifications matérielles. Sélectif dans le sens où pour des raisons matérielles certains agents sociaux peuvent moins que d'autres s'y engager, inégalitaire dans la mesure où les mandats nationaux ou les exécutifs locaux sont les plus rémunérateurs. Pour autant, les conditions matérielles d’exercice des mandats sont rarement saisies comme un objet de recherche, du moins par la recherche française. On peut alors s'interroger sur ce relatif silence comme si les chercheurs, faisant ici écho à la prudence dont font preuve les élus en la matière, avaient intériorisé le caractère confiné de cette question ou n'osaient pas s'aventurer sur un sujet potentiellement exposé à une disqualification populiste de l'activité politique. L’étude des rémunérations du travail politique apparaît dès lors comme un objet sensible que cet évènement permettra d'investir.

Annonce

Ce colloque, organisé dans le cadre de la recherche sur les élus et l'argent soutenue par l'Agence nationale de la recherche (ANR - ELUAR) aura lieu les 30 juin et 1er juillet 2020 à Amiens (CURAPP-ESS).

Argumentaire

En démocratie, les mandats électifs ont très tôt soulevé la question des conditions matérielles de leur exercice. L’une des solutions retenues, certes différemment selon les systèmes démocratiques, a consisté à indemniser les activités électives [Le Saout, 2019]. Cette pratique désormais ancienne continue de soulever des interrogations, mieux encore, des réserves. En effet, les critiques de toutes natures n’ont jamais véritablement cessé à l’égard du statut du personnel politique et de sa professionnalisation. Elles pèsent lourdement sur les difficultés rencontrées par les parlementaires à énoncer l'objet même des réformes qu'ils engagent, tant ils redoutent, en légiférant sur l'attribution de moyens financiers de s'exposer à des réprobations ou accusations populaires [Damamme, 1999]. Pourtant, en tant qu'activité rémunérée et susceptible d'être exercée à plein temps, l'activité politique peut être considérée comme une activité professionnelle ordinaire même si elle occupe une position singulière dans la division sociale du travail. S'intéresser au financement de cette activité revient à s'intéresser aux possibilités de s'y engager et de s'y maintenir. En effet, ce marché est profondément sélectif et très inégalitaire du point de vue des gratifications matérielles. Sélectif dans le sens où pour des raisons matérielles certains agents sociaux peuvent moins que d'autres s'y engager, inégalitaire dans la mesure où les mandats nationaux ou les exécutifs locaux sont les plus rémunérateurs. Singularité française souvent relevée par les chercheurs étrangers, les élus représentent plus de 600 000 individus, soit presque 1 % de la population nationale. Aujourd'hui, les rétributions financières des hommes et femmes politiques, qu'ils soient élus locaux ou nationaux, représentent une dépense de plus d'un milliard d'euros par an. Pour autant, les conditions matérielles d’exercice des mandats sont rarement saisies comme un objet de recherche, du moins par la recherche française. [Judge 1984, Baimbridge, Darcy, 1999, Eggers, Hainmueller, 2009, Keane, Merlo, 2010, Mause, 2014, Mocan, Altindag, 2013, Pedersen, Pedersen, Bhatti, 2018]. On peut alors s'interroger sur ce relatif silence comme si les chercheurs, faisant ici écho à la prudence dont font preuve les élus en la matière, avaient intériorisé le caractère confiné de cette question ou bien n'osaient s'aventurer sur un sujet potentiellement exposé à une disqualification populiste de l'activité politique. L’étude des rémunérations du travail politique apparaît dès lors comme un objet sensible. Cependant interroger les conditions et modalités de rémunération des mandats politiques offre une entrée particulièrement féconde pour informer le marché du travail et des carrières politiques et plus largement des rapports qu'entretiennent les acteurs politiques à l'argent.

Dans cette perspective, le colloque invite à interroger ces rapports selon trois axes :

  • Le premier porte sur les liens entre argent, engagement et carrière politique
  • Le deuxième porte sur les usages non personnels de l'argent
  • Le troisième aborde la question du contrôle de l'argent

Axe 1 Les rapports à l'argent : engagement et carrière

Les rapports entretenus entre les élus et l'argent sont pour partie le résultat du sens subjectif que les acteurs leur accordent. Ce sens subjectif est lié à une série d’enjeux telles les tensions entre continuité ou accidents dans le parcours politique ou les articulations entre aspirations ou projections d’avenir et réalisations. Notamment à partir de quand et comment des élus abandonnent leur profession initiale au profit d'un mandat politique ? En quoi le cumul des mandats qui relevait de stratégies de sécurisation économique des carrières politiques affectent-elles celles-ci depuis la loi anti-cumul de 2017 ? Comment les conséquences matérielles des incertitudes électorales sont-elles appréhendées ? Quels sont les effets des défaites électorales et des pertes financières associées sur les carrières ? Pour cet axe, l’attention aux rémunérations permettra de saisir la variété des formes contemporaines de la professionnalisation politique et du déroulement des carrières politiques en prenant en compte le parcours proprement politique, le parcours professionnel et le parcours personnel. Si ces questionnements relèvent d'une sociologie des carrières politiques, le sens subjectif conféré à l'argent peut être abordé sous un autre angle. Différents travaux ont montré que l’argent n’a pas une valeur intrinsèque. Celle-ci apparaît comme relativement indépendante des règles économiques qui semblent la régir [Zelizer, 2005]. Les rapports à l’argent, socialement construits, doivent, dès lors, être analysés de manière relationnelle et contextuelle [De Blic, Lazarus, 2007]. Ces apports de la sociologie de l'argent permettent de considérer que la dimension subjective structure les rapports que les élus entretiennent à l’argent (sentiment d’enrichissement ou d’appauvrissement, malaise par rapport à ces sentiments, perception de la « juste » indemnité...)

Axe 2 Faire vivre de la politique

Différents travaux ont insisté sur le caractère collectif du travail politique [Demazière, Le Lidec 2014, Boelaert, Michon, Ollion, 2017]. Peut-on dès lors étendre ces acquis aux conditions matérielles d'exercice des mandats ? Autrement dit, penser l'accès à l'indemnisation et ses usages comme le résultat d'une mobilisation collective. On pense ici à la famille. Peu d'études renseignent sur l'économie domestique et les négociations financières qui peuvent être exercées au sein des ménages dans la perspective d'une professionnalisation politique [Gris, 2016]. On pense également à l'entourage des élus [Courty, 2005, Beauvallet, Michon, 2017]. L'argent du mandat ne finance-t-il pas tout autant un collectif de collaborateurs

(formels ou informels) que l'élu ? De même et pour orienter le questionnement vers la sociologie du financement de la vie politique, il est possible de considérer que l'indemnisation des élus participe à entretenir des collectifs militants et partisans (reversement aux partis politiques, associations...). Enfin, et plus ici dans la perspective d'une sociologie de l'action publique, il est possible d'interroger les reversements de moyens financiers dont disposent les élus pour aider et subventionner certaines réalisations publiques. Les communications peuvent donc ici relever de sujets relativement différenciés mais devront toutes avoir pour préoccupation d'intégrer dans l'objet un usage collectif, qu'il soit domestique ou professionnel, de l'argent du politique.

Axe 3 Contrôler les usages de l'argent

Les usages de l’argent dans le cadre des activités politiques se prêtent à des jugements multiples (aussi bien ordinaires qu’experts, médiatiques ou politiques). En effet, ils donnent prises à des discours critiques se confondant parfois avec une dénonciation des professionnels de la politique. Ils donnent également lieu à une activité de contrôle qui s’est singulièrement étoffée avec le développement d’un « droit de la vie politique » [Rambaud, 2017, Phélippeau 2018]. Plusieurs dispositifs ont été mis en place à différentes échelles pour scruter ces usages politiques de l’argent. Dans cet axe, il s’agit plus particulièrement de s'intéresser aux représentations, discours qui sont portés sur l'indemnisation des élus, mais aussi aux pratiques et instruments d’évaluation ou de contrôle. Sont ici plus particulièrement considérés, les agences de contrôle de l'usage de l'argent par les élus (Haute autorité pour la transparence de la vie publique - HATVP), les collectifs ou associations (Anticor, Regards citoyens), les journalistes... Outre la question de la construction et de la diffusion de ses représentations, il s'agira de s'intéresser aux arguments qui sont mobilisés pour justifier l'indemnisation du travail politique ou à l'inverse pour disqualifier cette pratique en conjoncture électorale ou au cours des mandatures. Les communications pourront porter aussi bien sur des affaires précises que sur des séquences de débat (au Parlement, dans les médias, etc.), Elles pourront prêter une attention particulière au fonctionnement des dispositifs d’évaluation et de contrôle, ainsi qu’aux acteurs qui les investissent et aux réactions du personnel politique.

Conditions de soumission

Les propositions de communication d’environ 300 mots sont à envoyer à remy.le-saout@univ-nantes.fr

avant le 15 février 2020

Comité scientifique et d'organisation

  • Stéphane Cadiou - TRIANGLE - CNRS - Université Jean Monet - Saint-Etienne
  • Didier Demazière - CSO - CNRS - Science po Paris
  • Rémi Lefebvre - CERAPS - CNRS - Université de Lille II
  • Rémy Le Saout - CENS - CNRS - Université de Nantes
  • Patrick Lehingue - CURAPP-ESS - CNRS - Université de Picardie Jules Verne
  • Sébastien Vignon - CURAPP- ESS - CNRS - Université de Picardie Jules Verne
  • Sébastien Ségas - ARENES - CNRS - Université Rennes 2

Bibliographie

  • Beauvallet W., Michon S. (dir.), 2017. Dans l’ombre des élus. Une sociologie des collaborateurs politiques, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion. - Boelaert J., Michon S., Ollion E., 2017. Métier : député. Enquête sur la professionnalisation de la politique en France, Paris, Raisons d'agir.
  • Baimbridge M., Darcy D., "Mps' Pay 1911-1996 : Myths ans realities", Politics, 1999, 19(2). - Courty G. (dir.), Le travail de collaboration avec les élus, Paris, Michel Houdiars Editeur, 2005. - Damamme D., "Professionnel de la politique, un métier peu avouable", in Offerlé M. (dir.), La profession politique, XIXe-XXe siècle, Pairs, Belin, 1999.
  • De Blic D., Lazarus J., Sociologie de l'argent, Paris, La Découverte, 2007.
  • Demazière, P. Le Lidec (dir.), Les mondes du travail politique, Rennes, PUR, 2014.
  • Eggers A.,Hainmueller J, “MPs for Sale? Returns to Office in Postwar British Politics.” American Political Science, 2009, 103 (04).
  • Gris C., 2016. La maisonnée politique. La contribution des conjointes d’élus à la carrière élective. Thèse pour le doctorat de science politique, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne.
  • Judge D., « The politics of MPs’ Pay », Parliamentary Affairs, janvier 1984, 37(1).
  • Keane M.P. & Merlo A., "Money, political ambition and the career decisions of politicians". American Economic Journal, 2010, 2(3).
  • Le Saout R, La rémunération du travail politique en Europe, Paris, Berger Levrault, 2019.
  • Mause K., « Self-serving legislators? An analysis of the salary-setting institutions of 27 EU parliaments », Constitutional Political Economy, 2014, n° 25.
  • Mocan N., Altindag D.T., "Salaries and Work Effort: An Analysis of the European Union Parliamentarians", The Economic Journal, 2013.
  • Pedersen L., Pedersen R. & Bhatti Y., "When less is more: on politicians’ attitudes to remuneration", Public Administration, 2018.
  • Phélippeau E., 2018. L’argent de la politique, Paris, Presses de Sciences Po.
  • Rambaud R., "L'argent et les partis", Pouvoirs, n° 163, nov. 2017.
  • Zelizer V., La signification sociale de l'argent, Paris, Seuil, 2005.

Lieux

  • Amiens, France (80)

Dates

  • samedi 15 février 2020

Fichiers attachés

Mots-clés

  • carrière politique, entourages politiques, rémunération de l'activité politique

Contacts

  • Sébastien Ségas
    courriel : sebastien [dot] segas [at] univ-rennes2 [dot] fr
  • Rémi Le Saout
    courriel : remy [dot] le-saout [at] univ-nantes [dot] fr

Source de l'information

  • Sébastien Ségas
    courriel : sebastien [dot] segas [at] univ-rennes2 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Vivre de la politique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 13 novembre 2019, https://doi.org/10.58079/13sr

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