AccueilLa vocation politique, une question délaissée et une vocation discréditée

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La vocation politique, une question délaissée et une vocation discréditée

The political vocation: a forgotten issue and a discredited vocation

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Publié le mercredi 11 décembre 2019

Résumé

Chaque année, la Société des amis de Raymond Aron organise, avec le soutien du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron, une journée d’études autour d’un thème en rapport avec l’œuvre de Raymond Aron. La « journée Aron » n’a pas pour but de faire ou refaire l’exégèse de la pensée aronienne. Mais il s’agit plutôt de poursuivre, de façon diverse, un questionnement inauguré ou entretenu par Aron. Il y eut ainsi des journées Aron consacrées au devenir de la nation et de l’Union européenne, à la rationalité en politique, au rapport entre philosophie et sociologie, à la politique étrangère de la France, à la théorisation des relations internationales. La prochaine journée Aron, qui se tiendra le 28 mai 2020, sera consacrée à la question de la « vocation politique ».

Annonce

Journée d’études de la Société des Amis de Raymond Aron,  en partenariat avec le CESPRA, EHESS

Organisateurs

Agnès et Adrien Louis (agnes.louis@live.fr)

La journée d’études de la Société des Amis de Raymond Aron.

Chaque année, la Société des Amis de Raymond Aron organise, avec le soutien du CESPRA[1], une journée d’études autour d’un thème en rapport avec l’œuvre de Raymond Aron. La « journée Aron » n’a pas pour but de faire ou refaire l’exégèse de la pensée aronienne. Mais il s’agit plutôt de poursuivre, de façon diverse, un questionnement inauguré ou entretenu par Aron. Il y eut ainsi des journées Aron consacrées au devenir de la nation et de l’Union Européenne, à la rationalité en politique, au rapport entre philosophie et sociologie, à la politique étrangère de la France, à la théorisation des relations internationales. La prochaine journée Aron, qui se tiendra le 28 mai 2020, sera consacrée à la question de la « vocation politique ».

Argument de la journée 2020

L’engagement politique prend aujourd’hui des formes diverses. L’exercice du pouvoir institutionnel n’apparaît plus que comme une des façons de faire de la politique, et peut-être comme la moins recommandable. Le mouvement des gilets jaunes, par exemple, revalorise l’engagement pour une cause politique tout en dévalorisant l’engagement dans la politique comme telle. Plus largement, le débat démocratique est aujourd’hui animé par des figures ̶̶ militants ou activistes d’un côté, experts de l’autre côté ̶̶ dont le rapport à la politique proprement dite n’est pas évident. Toutes ces nouvelles formes d’engagement impliquent en effet de se mettre au service de la collectivité, mais sans viser le pouvoir et ses responsabilités. Dans ce contexte, les figures plus traditionnelles de l’engagement politique semblent largement dévalorisées. Les femmes et les hommes qui choisissent de prendre directement en charge la conduite des affaires communes sont facilement soupçonnés de trahir les attentes populaires. Surtout, ils apparaissent impuissants à les satisfaire, en raison de leur incapacité ou des contraintes objectives qui pèsent sur leur action. Ainsi peut-on dire que les mouvements qui se présentent comme les plus légitimes sont les plus étrangers à l’exercice du pouvoir, tandis que les individus investis du commandement sont de plus en plus discrédités. Il ne serait pas exagéré, de ce point de vue, de parler d’une crise de la vocation politique. C’est pourquoi nous proposons de renouer avec cette question.

En première approximation, la vocation politique peut se définir comme la rencontre, chez un individu, du désir de commander et d’un certain nombre de capacités, ou de ressources, permettant d’acquérir le pouvoir et de l’exercer. Le problème de la vocation politique occupe une place importante dans la philosophie politique classique. Platon brosse ainsi le portrait du gouvernant idéal dans La République, c’est-à-dire d’un gouvernant capable d’incarner et de réaliser une justice complète. Mais il offre en même temps une description extrêmement concrète de l’homme politique dans Le Banquet, où Alcibiade révèle son désir de commander et d’être aimé, de commander en suscitant l’amour du public. Dans le Gorgias, c’est cette fois l’ambition tyrannique de Calliclès qui fait l’objet d’une considération particulière. A son tour, Aristote accorde une place prépondérante à l’analyse du tempérament politique, s’interrogeant non seulement sur ce qui sépare le gouvernant du savant, du maître de maison etc., mais aussi sur la façon dont chaque régime donne naissance à une type spécifique de gouvernant. Dans la philosophie ancienne, la réflexion sur le vocation politique recouvre plusieurs enjeux. Il s’agit de déterminer ce qu’il est raisonnable d’espérer, et prudent de craindre, chez ceux qui prétendent gouverner. A partir de là, il s’agit surtout de savoir ce qui est susceptible d’encourager leur vertu ou de tenter leur vice. Il s’agit enfin de cerner le rapport ambigu que la figure du commandant entretient avec une cité qui se veut libre.

Ces questions traditionnelles concernant l’art de gouverner ne cessent jamais d’être actuelles. Comme l’écrivait Aron, une science politique qui serait incapable de distinguer entre un homme d’Etat et un charlatan ne serait pas digne d’intérêt[2]. Mais Aron nous invite également à repenser les acquis de la philosophie classique en fonction du contexte spécifique de la société contemporaine. En ce qui concerne la vocation politique, l’évolution de la société oblige à poser les questions suivantes : Que devient le désir de commander dans un contexte où la politique semble en grande partie déterminée par les contraintes économiques ? Autrement dit, que reste-t-il de la passion du pouvoir quand son objet propre semble disparaître ? Quelles sont les ressources proprement politiques mobilisables par un dirigeant dépendant à la fois de l’opinion, de l’avis des experts, et des contraintes budgétaires ? Qu’est-ce qui caractérise l’individu voué à la politique par rapport aux figures voisines du militant, du syndicaliste etc. ? Quelle forme la vocation politique prend-elle dans les différentes démocraties contemporaines ? Comment interpréter et évaluer le retour de la figure de « l’homme fort » dans les démocraties libérales ? Enfin, a-t-on affaire à crise profonde de la vocation politique de nos jours ? Telles sont quelques-unes des questions que nous nous proposons de soulever à l’occasion de cette journée d’études.

Pistes pour la constitution de tables-rondes

Quelle place la politique comme vocation occupe-t-elle dans la science politique contemporaine ?

Il serait intéressant, dans un premier temps, de dresser un état des lieux de la science politique française sur le sujet de la politique comme vocation. Que dit la science politique au sujet des individus engagés en politique ? Existe-t-il un déficit quelconque de la science politique sur ce thème ? La science politique française présente-t-elle des spécificités dans son traitement de la question par rapport à la science politique pratiquée dans d’autres pays ? Comment expliquer, par exemple, que la statesmanship, qui fait l’objet d’un enseignement de base aux Etats-Unis, ne soit pas en France un objet d’enseignement et de recherche ?

Comment distinguer le tempérament politique ?

Il faudrait ensuite s’attaquer directement à la description de la figure du politique, au sens évoqué plus haut. Cette description pourrait s’ancrer dans la lecture d’œuvres classiques ou dans l’étude de figures historiques particulières. Un des objectifs serait de discriminer clairement entre le politique et d’autres figures apparentées. Que disent les auteurs classiques du tempérament de l’homme politique ? Que nous apprend le parcours de tel ou tel personnage engagé en politique ? Qu’est-ce qui distingue le politique du haut fonctionnaire, de l’intellectuel, de l’activiste, du révolutionnaire ?

Quelle influence les institutions exercent-elles sur le profil des gouvernants ?

Il apparaît également essentiel de réfléchir à l’influence des institutions sur le profil des individus engagés en politique. Quel genre d’hommes une république impériale favorise-t-elle ? Quel profil s’affirme dans une république parlementaire ? Et dans une république présidentialiste ? Ici encore, la question pourrait abordée de diverse manière : l’histoire des régimes politiques, l’étude biographique, la philosophie politique pourraient être mobilisées.

Dans quelle mesure la vocation politique est-elle aujourd’hui en crise, et comment interpréter cette situation ?

L’engagement proprement politique semble aujourd’hui discrédité. Quelles sont les raisons de ce discrédit ? S’agit-il surtout d’une mise en cause morale des gouvernants ou d’une prise de conscience de leur impuissance objective ? Comment le pouvoir et ses détenteurs sont-ils perçus ou représentés dans les mouvements sociaux actuels ? Que penser d’une telle représentation ? Que devient la démocratie si les citoyens les plus engagés ne veulent plus exercer le pouvoir ?

Envoi des propositions de communication

Les contributions peuvent porter sur un auteur, classique ou plus méconnu (Ex : Le gouvernant dans les dialogues de Platon). Elles peuvent porter sur une figure historique (Ex : Aristide Briand, homme politique). Il peut également s’agir d’une étude comparative entre deux figures (Ex : Marx et Tocqueville, le révolutionnaire et le politique). Il peut aussi s’agir d’une analyse directe de tel ou tel aspect de la situation contemporaine (Ex : la représentation du pouvoir dans le mouvement des gilets jaunes).

Les personnes intéressées sont invitées à se signaler au plus vite auprès des organisateurs. Les propositions de communication, d’un format compris entre 2000 et 3000 signes, seront ensuite à envoyer

pour le 1er février 2020.

Les organisateurs sont ouverts à toute proposition originale en lien avec le sujet.

Évaluation

Les propositions seront ensuite examinées par les organisateurs et les membres du bureau de la Société des Amis de Raymond Aron.

Notes

[1] Centre d’Etudes Sociologiques et Politiques Raymond Aron de l’EHESS

[2] Préface à Max WEBER, Le Savant et le Politique, Paris, Plon, Bibliothèque 10/18, 1959, p. 41.

Lieux

  • Amphithéâtre François Furet - 105 Boulevard Raspail
    Paris, France (75006)

Dates

  • samedi 01 février 2020

Mots-clés

  • vocation, politique

Contacts

  • Agnès Louis
    courriel : agnes [dot] louis [at] live [dot] fr

Source de l'information

  • Agnès Louis
    courriel : agnes [dot] louis [at] live [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La vocation politique, une question délaissée et une vocation discréditée », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 11 décembre 2019, https://doi.org/10.58079/141s

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