AccueilRégions et mémoires migratoires : le Nord de la France au miroir de l’Europe

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Régions et mémoires migratoires : le Nord de la France au miroir de l’Europe

Regions and migration memories. Northern France from a European perspective

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Publié le mardi 21 janvier 2020

Résumé

Alors que la patrimonialisation des migrations s’est affirmée à l’échelle nationale en France – avec l’aboutissement, en 2007, du musée de l’histoire de l’immigration – et plus généralement en Europe, ce colloque entend poser la question du rôle des territoires locaux et des régions d’accueil dans ce mouvement de reconnaissance collective. Dans le contexte de la décentralisation et du « rééchelonnement » de l’État, quelle place les migrations tiennent-elles dans la construction des identités régionales et l’affirmation des territoires locaux ? À l’heure des replis identitaires et de « l’insécurité culturelle », la mémoire migratoire peut-elle se faire une place dans le récit collectif local ? Le colloque examinera la question à partir de l’exemple du Nord de la France (et en particulier la région Hauts-de-France), mais en ouvrant des comparaisons avec d’autres régions en France et en Europe.

Annonce

Argumentaire

Alors que la patrimonialisation des migrations s’est affirmée à l’échelle nationale en France – avec l’aboutissement, en 2007, du musée de l’histoire de l’immigration (1) – et plus généralement en Europe, ce colloque entend poser la question du rôle des territoires locaux et des régions d’accueil dans ce mouvement de reconnaissance collective. Plus de dix ans après le vaste travail collectif « Histoire et mémoires des immigrations en régions » commandé par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) (2), les régions ont-elles pris le relais de l’État dans l’inventaire et la valorisation de leur passé migratoire ? Dans le contexte de la décentralisation et du « rééchelonnement » de l’État, quelle place les migrations tiennent-elles dans la construction des identités régionales et l’affirmation des territoires locaux ? A l’heure des replis identitaires et de « l’insécurité culturelle », la mémoire migratoire peut-elle se faire une place dans le récit collectif local ? Le colloque examinera la question à partir de l’exemple du Nord de la France (et en particulier la région Hauts-de-France), mais en ouvrant des comparaisons avec d’autres régions en France et en Europe.

Le Nord de la France constitue en effet l’une des grandes régions migratoires européennes : bassin minier, grande région de l’industrie textile et métallurgique, il a connu une importante diversité de migrations de travail depuis la fin du XVIIIe siècle, principalement peu qualifiées, mais également élitaires. Grand carrefour transfrontalier, le Nord de la France est aussi depuis deux siècles une zone de passage pour des migrants au profil varié, des travailleurs saisonniers flamands aux actuels exilés du Moyen Orient piégés par le rejeu des frontières dans une Europe qui se ferme. Cette longue histoire migratoire reste en chantier (3). Si la contribution des travailleurs migrants à l’histoire minière est de mieux en mieux connue, cette mémoire de la mine contribue aussi à laisser dans l’ombre d’autres mémoires migratoires, que ce soit dans d’autres secteurs économiques (textile, sidérurgie, agriculture), ou d’autres types de migration, notamment les circulations et transits liés à la présence de la frontière. Ainsi, la reconnaissance institutionnelle du passé migratoire régional reste encore limitée. Le Nord de la France constitue donc un laboratoire de ces questions mémorielles puisqu’il offre le paradoxe d’une grande région d’immigration où la mémoire migratoire reste encore peu présente dans les institutions publiques locales.

International, le colloque confrontera la situation du Nord de la France à celle des autres grandes régions migratoires françaises et européennes afin de saisir l’influence des facteurs locaux, culturels, historiques et des organisations politico-administratives dans la valorisation différenciée du passé migratoire régional. Pluridisciplinaire, il fera appel à l’histoire, mais aussi aux sciences sociales étudiant les usages actuels de la mémoire migratoire dans la construction des identités et des jeux de pouvoir des régions d’accueil, de départ ou de transit (sociologie, géographie, anthropologie, sciences politiques, etc.). Il associera également des acteurs de la société civile et des institutions culturelles locales impliquées dans la mémoire des migrations.

Trois axes de questionnement seront privilégiés.

Inégalités migratoires et fragmentations mémorielles

La construction d’une mémoire collective repose toujours sur un rapport de force et une réécriture de l’histoire. Les communications seront donc attentives aux acteurs qui produisent la mémoire migratoire – les « entrepreneurs de mémoire » – à l’échelle régionale, et aux inégalités de traitement que ce jeu d’acteurs entraîne pour les différents flux migratoires locaux. Ainsi, le modèle assimilationniste français a longtemps laissé la mémoire migratoire au domaine privé et à la société civile. La reconnaissance politique officielle de la contribution des migrations à l’histoire nationale est récente. C’est encore plus vrai à l’échelle régionale. Dans le Nord de la France, la mémoire migratoire reste encore assumée pour l’essentiel par les descendants de migrants eux-mêmes, au travers notamment de leurs associations, à l’image de l’Association des Mineurs marocains du Nord, ou du tissu associatif culturel polonais.

Dans ce contexte, les inégalités sont profondes entre les différentes mémoires migratoires, en fonction du pouvoir politique local et des capacités d’auto-organisation des acteurs qui les portent. Du fait du poids du patronat minier, et des choix de marketing territorial régionaux, la mémoire des migrations minières domine largement les autres. Les différences sont également profondes entre les anciennes vagues migratoires, qui ont pu accéder à la visibilité publique et la reconnaissance locale, à l’image des Polonais du bassin minier, et les migrations plus récentes, comme les Marocains venus fermer les mines (4). Enfin, les inégalités sont fortes entre les migrations « territorialisées » par les politiques publiques (rapprochement familial, intégration locale…), et les migrations de passage, largement occultées par les institutions. Ainsi, alors que les premières « jungles » se sont constituées près de Calais au moment de la guerre civile yougoslave il y a près de 25 ans (5), l’histoire du passage en région reste encore à écrire.

Lieux de mémoires migratoires et identité régionale

Les communications interrogeront également le rôle de l’espace et des lieux dans la construction des mémoires migratoires régionales. Parce qu’il permet de donner une visibilité aux faits sociaux, l’espace joue en effet un rôle primordial dans les processus de patrimonialisation et de reconnaissance politique des minorités. Le Nord de la France compte beaucoup de lieux de mémoires locaux, produits par les communautés de migrants, à l’image des églises polonaises du bassin minier. Mais qu’en est-il des lieux de mémoire des communautés plus récemment arrivées dans la région ? Et observe-t-on également l’émergence de lieux de mémoires institutionnels, portés par les pouvoirs publics ?

La question de l’espace dans la mémoire migratoire sera posée à plusieurs échelles. Celle, micro-locale des lieux ponctuels et des monuments. Celle, plus vaste, du quartier urbain, les villes du Nord de la France comptant des quartiers façonnés par l’immigration, dont l’importance est clairement affichée dans leur identité et leurs paysages – mais qui restent très peu étudiés. Plus largement, ce sont parfois des villes entières qui jouent sur leur image migratoire, à l’image du réseau européen des « villes accueillantes » constituées autour de la crise des réfugiés. Les contributions étudieront ainsi la participation des migrants et des associations d’immigrés à la fabrication du campanilisme local des villes ouvrières – très fort dans le Nord de la France. La notion de « régions migratoires », que ce soit de départ, de transit ou d’accueil sera au centre des questionnements. Le problème du rôle que les territoires locaux jouent dans les migrations et leurs temporalités (lieux de passage, impasse, finistère …) sera posé.

Mémoire migratoire et développement local

Enfin, les journées poseront la question du rôle de la mémoire migratoire comme levier de développement régional. Comment les musées et les institutions régionales prennent-elles en charge cette mémoire migratoire ? En Amérique du Nord et dans certains pays d’Europe, comme la Belgique, villes et régions utilisent depuis longtemps leur histoire migratoire comme un élément de marketing territorial et un moteur de développement touristique, sans toujours éviter la folklorisation. En France, cette pratique est beaucoup plus limitée, comme en témoigne le récent classement au patrimoine mondial de l’Unesco du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais (2012), où l’héritage migratoire a tenu une place limitée. Dans certaines villes, la question migratoire est même clairement perçue comme un obstacle dans des politiques de marketing territorial tournées vers les loisirs et le tourisme, à l’image de Calais. Les politiques de reconversion tertiaire dans l’économie créative, très en vogue dans les vieilles régions industrielles contribuent également à mettre à distance la mémoire ouvrière et la mémoire migratoire qui lui est liée.

Modalité de Soumission

Les propositions de communication en français ou en anglais (titre, résumé de 2500 signes environ), accompagnées d’une courte présentation de l’auteur.trice, sont à envoyer avant le

15 mai 2020 

à Thomas Pfirsch thomas.pfirsch@uphf.fr et Céline Vaz  celine.vaz@uphf.fr

Calendrier

15 mai 2020 - Date limite d'envoi des propositions

15 juin 2020 – Retour des organisateurs sur les propositions.

5-6 novembre 2020 – Colloque à l’Université Polytechnique Hauts-de-France (UPHF), Valenciennes, Institut Sociétés et humanités.

Comité d'organisation

  • Thomas Pfirsch (Université polytechnique Hauts-de-France)
  • Céline Vaz (Université polytechnique Hauts-de-France)

Comité Scientifique

  • Marie-Claude Blanc-Chaléard (Université Paris Nanterre)
  • Yasmine Bouagga (ENS de Lyon)
  • Irène Dos Santos (CNRS, URMIS)
  • Marco Martiniello (Université de Liège)
  • Judith Rainhorn (Université Panthéon-Sorbonne)
  • Philippe Rygiel (ENS de Lyon)
  • Camille Schmoll (Université de Paris)

Notes

(1) BLANC-CHALEARD Marie-Claude. « Une Cité nationale pour l'histoire de l'immigration. Genèse, enjeux, obstacles », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. no 92, n°4, 2006, pp. 131-140.

(2) Pour un bilan de ce programme : Histoire des immigrations. Panorama régional, numéro spécial Hommes et Migrations, n°1273, Mai-juin 2008.

(3) RAINHORN Judith, Histoire et mémoire des immigrations dans le Nord-Pas-de-Calais, XIXe-XXe siècles [rapport final], Acsé, mai 2007

(4) PERDONCIN Anton, Des marocains pour fermer les mines : immigration et récession charbonnière dans le Nord-Pas-de-Calais (1945-1990), thèse de doctorat, Université Paris-Saclay, soutenue le 30 novembre 2018.

(5) AGIER Michel, BOUAGGA Yasmine, GALISSON Maël, HANAPPE Cyrille, PETTE Mathilde et WANESSON Philippe, La jungle de Calais, Paris, PUF, 2018.

Lieux

  • Valenciennes, France (59)

Dates

  • vendredi 15 mai 2020

Fichiers attachés

Mots-clés

  • migration, mémoire, patrimoine, région, développement local, France, Europe

Contacts

  • THOMAS PFIRSCH
    courriel : thomas [dot] pfirsch [at] uphf [dot] fr
  • Céline Vaz
    courriel : celine [dot] vaz [at] uphf [dot] fr

Source de l'information

  • Céline Vaz
    courriel : celine [dot] vaz [at] uphf [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Régions et mémoires migratoires : le Nord de la France au miroir de l’Europe », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 21 janvier 2020, https://doi.org/10.58079/145z

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