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Paysannerie et violence économique aujourd’hui

Peasantry and economic violence today

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Veröffentlicht am Freitag, 07. Februar 2020

Zusammenfassung

La paysannerie, mode de vie et de production constitutif de l’identité d’une composante géographiquement, socialement et professionnellement distinctive des groupes dits urbains, est souvent analysée autour de la figure de l’agriculture rentière d’exportation. Une acception minimaliste de cette agriculture rentière d’exportation en fait un système de production économique local ancré dans des cultures pérennes, à récolte annuelle, destinées à un marché extérieur qui en régule techniques de production, seuil de la demande et prix au producteur. Cacao, café et coton matérialisent cette figure. Cette journée d’étude prioritairement orientée vers des questionnements liés au monde paysan et plus généralement aux problématisations classiques de sociologie rurale, invite donc à renouveler les analyses en étendant le concept de violence économique non plus seulement sur la seule catégorie paysanne et ses cultures de rente, mais sur l’ensemble de la population rurale et ses activités de production qui la mettent en rapport avec des milieux situés hors des frontières du village.

Inserat

Argumentaire

La paysannerie, mode de vie et de production constitutif de l’identité d’une composante géographiquement, socialement et professionnellement distinctive des groupes dits urbains, est souvent analysée autour de la figure de l’agriculture rentière d’exportation (Belloncle, 1979; Mendras, 1976). Une acception minimaliste de cette agriculture rentière d’exportation en fait un système de production économique local ancré dans des cultures pérennes, à récolte annuelle, destinées à un marché extérieur qui en régule techniques de production, seuil de la demande et prix au producteur (Ela, 1990). Cacao, café et coton matérialisent cette figure.

Une analyse critique de cette structure de production promue et souvent plus imposée par l’État (Charmes, 1975), montre que les cultures de rente qui, en Afrique noire, ont participé au processus de monétarisation des échanges et de pénétration du capitalisme au village (Schwartz, 1971), ont un apport capital dans les agrégats économiques de la trésorerie de l’État indépendant (Hugon, 1993 ; Konings, 1986 ; Boutrais, 1973). Dans un contexte d’industrialisation tâtonnante et de lente diversification des secteurs de production, cacao, café et coton, à titre principal pour ce propos, sont devenus indispensables pour le financement des opérations de développement par un pouvoir qui s’était voulu dirigiste et concepteur de toute perspective de transformation de la société (Nzhie Engono, 2004 ; Oyono, 2004). Aussi, fallait-il garantir une production maximale pour un prélèvement toujours accru sur la valeur monétaire réelle de ces cultures de rente afin d’entretenir les ambitions de l’État (Meliki, 2007; Meliki, 2009) : ainsi naitra l’hypothèse d‘une capture de la paysannerie (Hyden, 1980; Hyden, 1985).

La paysannerie a été prise dans le seul sens de production des utilités (Mbembe 2000). Outil et force de travail de soutien de la filière et des agrégats économiques nationaux, elle a été subordonnée à la programmation totalisante de l’Etat. La situation a donné naissance à une figure type de l’embrigadement et d’une exploitation économique échevelée : au sein de la filière, dès la plantation jusqu’aux ventes, l’omniprésence à tous les niveaux des structures de l’Etat au contrôle tatillon et intempestif dépossèdent et aliènent le paysan (Ela, 1990 ; Ela, 1982). Cette initiative de sujétion a, pour le redire, comme objectif phare une action sur la production agricole pour assurer la formation et l’appropriation de plus-values toujours élevées pour irriguer les comptes de l’État (Goussault, 1976). C’est pourquoi, pour Jean-Marc Ela, les cultures d’exportation qui produisent les richesses sur lesquelles se fonde la puissance publique ne cesseront d’être promues. Elles sont la réappropriation de la culture de l’impôt sans laquelle l’Etat aurait assez de difficultés pour fonctionner (Hyden, 1985 ; Ela, 1982). La dépossession est alors totale, les paysans reçoivent un prix au producteur décidé sans eux (Ela, 1990). Cette contrainte subtile qui met au travail pour garantir un haut niveau de prélèvement ou ponctionnement (Ela, 1990) rentre dans le cadre de ce qu’il convient de nommer violence économique.

La violence économique, caractéristique des rapports entre paysannerie et État, est à saisir sous deux perspectives gémellaires. D‘abord, fixer les paysans dans des circuits de production qui leur sont socialement étrangers en termes de gestion et qu’ils n’ont pas librement choisi en usant de plusieurs organismes de promotion et d’encadrement paysan qui usent parfois de mécanismes de contrainte voilée. Ensuite, à travers l’action de diverses sociétés publiques ou parapubliques, prélever une partie substantielle des revenus qui y sont générés (Meliki, 2017). Sur le terrain, plusieurs sociétés donnent une portée empirique à la première dimension du concept. En zones de production de café, l’opération de sujétion de la paysannerie était assurée par des démembrements de l’Etat tels que la ZAPI (zones d’actions prioritaires intégrées). Alors qu’en zones de production du cacao, la SODECAO (Société de développement du cacao). Le maillage de ces zones par les techniciens agricoles, la présence de sociétés d‘animation villageoise et la mise sur pied d’un service de micro crédits n’admettant que les planteurs de ces cultures participaient d’une contrainte voilée visant à drainer les paysans dans ces filières (Meliki, 2007). La seconde dimension du concept trouve une matérialité dans l’existence de moult sociétés de gestion des étapes de commercialisation où le paysan apparait comme un simple figurant sur la scène des opérations qui retranchent une part essentielle de ses revenus (Ela, 1990). L’ONCPB (Office national de commercialisation des produits de base), la Caistab (Caisse de stabilisation et de péréquation des prix des matières premières), ONCC (Office national du cacao et du café), entre autres, ont siphonné les gains des producteurs par le biais de procédures techniques institutionnalisées. Dans les faits, si dans les campagnes lors des achats, les intermédiaires et coxeurs retranchent souvent plus de 10 % du prix à payer, en prétextant la mauvaise qualité du produit (Afrique agriculture, 1995), il faut souligner que la politique institutionnelle des prix les prix sont toujours fixés inférieurs aux 2/4 du prix potentiel, c’est-à-dire des prix FOB1 qui résultent des marchés mondiaux (Giri, 1986). Bien plus, on a souvent observé un prélèvement de taxes abusives à l’exportation, notamment 15 % de la valeur FOB du cacao et 25 % de la valeur FOB des cafés. Cela constitue une charge exorbitante pour les paysans qui subissent une pression fiscale énorme, soit 30% pour le cacao, 26 % pour le café robusta et 43 % pour le café arabica (Meliki, 2017 ; Afrique agriculture, 1995). Quoique datées, ces statistiques n’ont pas fondamentalement changé en termes de valeur et de son impact chez les producteurs.

Cette violence économique secrète des réactions paysannes de rejet. Prise comme riposte, ce rejet a été analysé autour du basculement de l’agriculture rentière d’exportation pour d’autres productions souvent hors filières promues par l’Etat. La multiplicité de telles pratiques fonde l’observation selon laquelle « la paysannerie […] n’a toujours pas été « capturée » par d’autres classes sociales, les paysans africains ne sont soumis ni par la pénétration du capitalisme ni par les régimes [étatiques] » (Hyden, 1980 :139). Traduite sur le terrain camerounais, c’est la fin du règne du cacao/café comme socle économique exclusif chez les paysans (Courade, 1994). Le tissu économique villageois connaît ainsi une restructuration depuis deux décennies. Dans le grand Sud du pays, elle s’exprime, selon les villages, soit par une logique concurrentielle portée par des activités nouvelles qui mettent fin au règne du café/cacao comme socle économique exclusif chez les paysans, soit par un délaissement définitif de ces cultures de rente au profit d’activités production inédites (Meliki, 2017 ; Meliki, 2019).

Jusqu’ici, les éléments de la riposte paysanne ont davantage été interprétés sous une perspective mettant en exergue la chute historique des cours qu’aggrave la prédation financière de l’Etat, et le besoin paysan de trouver des sources substitutives de revenus plus rentables. L’analyse économiciste a été sanctuarisée. Ce prisme décrit comment la logique de gestion exclusive de l’État, doublée des prélèvements abusifs, dans la filière cacao/café et la volonté souverainiste paysanne d’accéder pleinement aux revenus générés par ces productions, donnent cours à l’adoption de nouvelles production économiques à logique contestataire dont le rôle est d’empêcher l’État de lever des taxes non justifiées. Des travaux d’OCISCA2 jusqu’à ceux de Jean-Marc Ela, le dénominateur commun des démonstrations était cette logique de repli vers des secteurs de production qui permettent aux paysans de garder, si ce n’est tout le revenu avec soi, au moins une grande partie.

Cette journée d’étude prioritairement orientée vers des questionnements liés au monde paysan et plus généralement aux problématisations classiques de sociologie rurale, invite donc à renouveler les analyses en étendant le concept de violence économique non plus seulement sur la seule catégorie paysanne et ses cultures de rente, mais sur l’ensemble de la population rurale et ses activités de production qui la mettent en rapport avec des milieux situés hors des frontières du village. La journée d’étude appelle à dépasser le schème moniste économiciste ayant pour figure le numéraire, d’ailleurs largement démontrée, en tant que forme et signification de la riposte contre la violence économique.

Il s’agit ici d’explorer d’autres grilles interprétatives des ripostes paysannes face à la violence économique. Y a-t-il d’autres lectures possibles que cette logique du numéraire dans les activités rurales en marge de l’économie cacaoyère et caféière ? La paysannerie poursuit-elle par sa riposte autre chose en plus du gain en argent ? En effet, une riposte contre la violence économique ne peut s’exprimer sous le seul mode d’érection de filières configurées dans la logique de gains meilleurs. Ne peut-on extraire une intelligibilité autre que celle du seul calcul du marché et de la rémunération dont le porte étendard est l’homo oeconomicus dans les activités de riposte ?

Modalités de soumission

Les propositions de communication en français ou en anglais sont à envoyer

avant le 15 février 2020

sous forme de résumé de 300 à 500 mots aux adresses suivantes :

  • labo@ceresc.org
  • marcellinlebongo@yahoo.fr
  • salifndam@gmail.com
  • morellm2003@yahoo.fr
  • salomonessaga@yahoo.fr

Elles comprendront les éléments suivants : Titre de la communication, nom et prénom du chercheur, Université ou organisme de rattachement, résumé de la communication, mots-clés. Le comité d’organisation insiste fortement sur le caractère original et récent du travail proposé.

NB : Bien vouloir marquer comme objet du mail «Journée d’études ceresc paysannerie».

Calendrier

  • 15 février 2020 : date limite d’envoie des propositions de communication 

  • 29 février 2020 : Notification aux auteurs de l’acceptation ou du refus de leurs propositions
  • 20 mars 2020 : Remise du texte complet de la communication 
  • 26 mars 2020 : Tenue de la journée d’étude à l’amphi NBP7 de l’Université de Yaoundé I

Comité scientifique

  • Jean NZHIÉ ENGONO (Université de Yaoundé I)
  • Joseph-Marie ZAMBO BELINGA (Université de Yaoundé I)
  • Laurent Charles BOYOMO ASSALA (Université de Yaoundé II)
  • MOTAZE AKAM (Université de N’Gaoundéré)
  • Antoine SOCPA (Université de Yaoundé I)
  • Claude ABÉ (Université catholique d’Afrique centrale)
  • Honoré MIMCHE (Université de Yaoundé II-IFORD)
  • Armand LEKA ESSOMBA (CERESC/Université de Yaoundé I) 
  • ALAWADI ZELAO (Université de Dschang)
  • Désiré MANIRAKIZA (UCAC)
  • Christian BIOS NELEM (Université de Yaoundé I)
  • Paul ABOUNA (Université de Yaoundé)
  • Ibrahim Bienvenu MOULIOM MOUNGBAKOU (Université de Maroua)

Comité de coordination

  • Armand LEKA ESSOMBA (CERESC/Université de Yaoundé 1) 
  • Morell MELIKI (CERESC/Université de Yaoundé 1) 
  • Jean-Marcellin MANGA (CERESC/Université de Yaoundé II)
  • Salifou NDAM (CERESC/Université de Yaoundé I/CNE)
  • Donald NGOUO DJOUMESSI (CERESC/Université I) 
  • Yves Valery OBAME (CERESC/Université de Yaoundé 1) 
  • Salomon ESSAGA (CERESC/Université de Yaoundé 1)

Bibliographie

Afrique agriculture, n0 225, Avril 1995

BELLONCLE, Guy, Quel développement rural pour l’Afrique noire ?, Dakar, NEA, 1979 BOUTRAIS, Jean, La colonisation des plaines par les montagnards au nord du Cameroun (Monts Mandara), Paris, ORSTOM, 1973

CERTEAU de, Michel, La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Seuil, 1994

CHARMES, Jacques « Théorie et pratique de la vulgarisation agricole », Cahiers sciences humaines, Paris, ORSTOM, Vol XII, N 3, 1975

COURADES, Georges, Le village Camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Karthala, 1994

CRUISE O’BRIEN, Donald, « Des bienfaits de l’inégalité. L’Etat et l’économie rurale au Sénégal », Politique Africaine, n° 14, Paris, Karthala, 1984

ELA, Jean-Marc, Quand l’Etat pénètre en brousse : les ripostes paysannes à la crise, Paris, Karthala, 1990

ELA, Jean-Marc, L’Afrique des villages, Paris, Karthala, 1982

GESCHIERE, Peter, « La paysannerie africaine est-elle captive ? Sur la thèse de Goran HYDEN et pour une réponse plus nuancée», Politique africaine, n0 14, 1984

GIRI, Jacques, L’Afrique en panne : vingt-cinq ans de « développement », Paris, Karthala, 1986

GOUSSAULT, Yves, « L’Etat et le développement de l’agriculture : le concept d’intervention », Revue Tiers monde, t. XVII, n0 67, 1976

HUGON, Philippe, L’économie de l’Afrique, Paris, La Découverte, 1993

HYDEN, Goran, «La crise africaine et la paysannerie non capturée », Politique africaine, 18 juin 1985, p.p.93-113

HYDEN, Goran, Beyond Ujamaa in Tanzania, Underdevelopment and an uncaptured peasantry, Londres, Heinemann, 1980

KONINGS, Piet, « L’Etat, l’agro-industrie et la paysannerie », Politique africaine, n°22, 1986, pp. 120- 137

MBEMBE, Achille, De la postcolonie : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000

MELIKI, Hugues Morell, « Désengagement de l‟État et dynamique socio-économique endogène chez les populations d‟Avoundi et de Nkolguet dans la Mvila et le Nyong et So‟o », Mémoire de DEA en sociologie, Université de Yaoundé I, 2009

MELIKI, Hugues Morell, « Interventionnisme et désengagement de l’Etat en milieu paysan. Impacts sur les caféiculteurs de Diang dans l’Est-Cameroun », mémoire de Maîtrise en sociologie, Université de Yaoundé I, 2007

MENDRAS, Henri, Sociétés paysannes, Paris, Armand Colin, 1976

NZHIE ENGONO, Jean, « Les mouvements associatifs villageois en milieu urbains au Cameroun : une approche alternative de mobilisation pour un développement du monde rural », in Revue camerounaise de sociologie et d’anthropologie (RECSA), Yaoundé, PUY, Vol. 1, N1, 2004

OYONO, Dieudonné, Cameroun : les chantiers de la gouvernance, Yaoundé, Saint-Paul, 2004

SCHWARTZ, Alfred, « Univers économique traditionnel et évolution du système de production Guéré », Cahiers des sciences humaines, Paris, ORSTOM, Vol. VIII, n0 3, 1971

Orte

  • Amphi NBP7 de l’Université de Yaoundé I - Ngoa-ekellé
    Yaoundé, Kamerun

Daten

  • Samstag, 15. Februar 2020

Schlüsselwörter

  • paysannerie, violence economique

Kontakt

  • Salifou Ndam
    courriel : salifou [dot] ndam [at] epfl [dot] ch
  • Jean-Marcellin MANGA
    courriel : marcellinlebongo [at] yahoo [dot] fr

Informationsquelle

  • Salifou Ndam
    courriel : salifou [dot] ndam [at] epfl [dot] ch

Lizenz

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Zitierhinweise

« Paysannerie et violence économique aujourd’hui », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Freitag, 07. Februar 2020, https://doi.org/10.58079/14ga

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