AccueilLes pas de l'alcool : errance et ivresse dans le roman (XVIIIe-XXIe siècle)

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Les pas de l'alcool : errance et ivresse dans le roman (XVIIIe-XXIe siècle)

In the steps of alcohol: roaming and drunkeness in the novel (18th-21st century)

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Publié le lundi 23 mars 2020

Résumé

Il s’agira dans cette journée d’études d’interroger les liens entre les représentations de l’errance et de l’alcool dans le roman du XVIIIe au XXIe siècle. […] L’approche comparatiste, à la fois sur le plan diachronique et synchronique, permettra de mieux distinguer et circonscrire les effets, stratégies et esthétiques associées à l’articulation entre errance et ivresse alcoolisée dans le roman. Si la thématique a été explorée par la critique sur les deux grands espaces que sont les États-Unis et la Russie, il s’agira pour nous d’interroger la pertinence de celle-ci dans d’autres littératures et d’autres aires géographiques et culturelles.

Annonce

Journée d’études – 23 octobre 2020 à Université Paris Nanterre

Argumentaire

D’après la théorie fondatrice de Frederick Jackson Turner, présentée en 1893 dans l’essai The Significance of the Frontier in American History, l’esprit américain se serait défini par le face-à-face avec une frontière prospective, qui prendrait la forme d’un horizon de découverte incessamment repoussé. Le caractère américain serait animé par un esprit de conquête, essentiel pour comprendre la détermination à découvrir l’ensemble de ce territoire continental d’un océan à l’autre par ce peuple nouvellement assemblé sur une terre prétendument vierge. Ainsi pourraient s’expliquer quelques mythes fondateurs de cette nation, tels que le mythe de la terre promise et la conquête de l’Ouest. En Russie, la boussole semble inversée puisqu’on parlera volontiers de conquête de l’Est pour évoquer les grands espaces de la steppe sibérienne. Si aux États-Unis, l’appel de l’Ouest est souvent représenté sous la forme d’une exaltation de liberté, les grandes steppes de l’Est russe sont chargées d’une double symbolique. Les trajectoires utopiques se sont superposées à l’exploration de l’espace du Soleil Levant, jusqu’au Japon que le mythe vieux-croyant, selon Nadia Rocher, investit notamment aux XVIIe et XVIIIe siècles ; et plusieurs courants philosophiques considèrent dès le tournant du XXe siècle que l’avenir russe ne peut se faire que dans la réconciliation avec les Scythes et que la constitution de l’Union soviétique doit permettre une expansion vers ces espaces (Heller, Niqueux). Mais l’appel de l’Est est aussi aujourd’hui chargé du traumatisme des camps de travail et du Goulag, dont la mise en place coïncide avec cette expansion.

En revers de ce rêve de s’installer ailleurs pour commencer une nouvelle vie, nombreuses sont les représentations littéraires d’un départ qui a pour seul but de fuir la civilisation et la société des hommes, en marge d’une normalité droite et cadrée. L’errant, le marginal et bien souvent le buveur se trouvent alors réunis souvent en un seul et même personnage depuis Pap Finn, le père d’Huckleberry chez Mark Twain à Dean Moriarty chez Jack Kerouac, dans Sur la Route ou plus récemment Henry Chinaski, l’alter-ego de Charles Bukowski. Dans les deux cas, le héros appelé par ce départ à la destination incertaine fait avant tout l’expérience d’une volonté de quitter un monde balisé et établi par une carte où tout est référencé pour se perdre dans un monde défait de la plupart de ses repères.

Il semblerait que tienne en cela l’un des liens entre errance et alcool : pour qui n’abandonne pas l’espace urbain, l’alcool est un des moyens de troubler les repères, de redéfinir la carte pour s’abandonner à l’incertitude et aux brumes du trajet de l’errance. Tandis que Natty Bumppo, le héros de James Fenimore Cooper, se perd aux confins du territoire américain civilisé, c’est en restant à Pétersbourg que Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment, « [rentre] chez lui sans se souvenir du tout du chemin qu’il avait pris. » C’est « devant les tavernes » et leurs « ruelles attenantes » qu’il sort pour « errer de rue en rue » L’errance ne s’écrit alors pas à l’échelle du grand territoire à la carte vierge, mais au sein même d’un quotidien perturbé par l’introduction au sein de son cadre fixe et répétitif d’un élément perturbateur qui balaie ses certitudes : l’alcool. D’effet de réel, l’alcool peut constituer un élément structurant dans la reconfiguration narrative de l’œuvre et la dynamique que celle-ci compose. L’itinéraire d’Holden Caulfield dans L’Attrape-cœurs de Jerome David Salinger ne peut que se construire dans un cadre désabusé et sceptique, usant de l’ironie comme d’une arme aussi violente que la rupture que l’ivresse tient. Venedikt Erofeev, dans Moscou sur Vodka, errant par son ivresse, s’en sert de levier dans la production de discours dissidents au pouvoir soviétique.

Ce motif, qui s’épanouit au XIXe siècle, se situe à la frontière entre léthargie et enthousiasme délirant, comme déjà Friedrich Nietzsche le dessine dans sa Naissance de la Tragédie. L’ivresse baudelairienne et l’image du flâneur décrite par Walter Benjamin sont indissociables l’une de l’autre. En effet, l’alcool, comme l’errance, participent au motif plus général des marges au tournant du XXe siècle qui, silencieuses, peuvent se manifester dans leur plus grand éclat et renverser tumultueusement l’ordre établi. Il s’agira de s’interroger sur le rôle de l’ivresse dans la formalisation de ces imaginaires : la transgression appelle une autre transgression, et l’alcool errant vient, dans les textes, métaphoriser potentiellement la révolte sourde contre une modernité jugée, paradoxalement, plus décadente que l’état d’ivresse dans lequel le protagoniste se tient. Il s’agira donc aussi de considérer les esthétiques et stratégies narratives associées à l’articulation, dans les œuvres littéraires, entre alcool et errance : fonctionnent-elles comme des anomalies disruptives dans l’ordre de la narration (Raphaël Baroni), ou comme des éléments d’un paysage déstructurant donnant à voir la perte d’une cohérence générale, un envahissement de l’anormal, et de l’absurdité, comme par exemple chez David Foster Wallace ?

L’approche comparatiste, à la fois sur le plan diachronique et synchronique, permettra de mieux distinguer et circonscrire les effets, stratégies et esthétiques associées à l’articulation entre errance et ivresse alcoolisée dans le roman. Si la thématique a été explorée par la critique sur les deux grands espaces que sont les États-Unis et la Russie, il s’agira pour nous d’interroger la pertinence de celle-ci dans d’autres littératures et d’autres aires géographiques et culturelles.

Modalités de participation

Il n’y a pas de frais de participation. Les propositions de communication (500 mots), accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique (comprenant vos affiliations universitaires), doivent être envoyées

au 15 mai 2020 au plus tard

en fichier .DOC ou .RTF à l’adresse je.alcools@gmail.com.

Comité d'organisation

  • Dir. Loïk Maille (Univ. Paris X – Nanterre)
  • Cécile Rousselet (Univ. Paris 3 Sorbonne-Nouvelle / Sorbonne-Université)

Catégories

Lieux

  • Université Paris Nanterre - 200 avenue de la République
    Nanterre, France (92000)

Dates

  • vendredi 15 mai 2020

Mots-clés

  • errance, alcool, littérature comparée, littérature

Contacts

  • Cécile Rousselet
    courriel : jewishlanguages2022 [at] gmail [dot] com
  • Loïk Maille
    courriel : je [dot] alcools [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Cécile Rousselet
    courriel : jewishlanguages2022 [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les pas de l'alcool : errance et ivresse dans le roman (XVIIIe-XXIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 23 mars 2020, https://doi.org/10.58079/14pl

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