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Commemorating in a global world

Commémorer dans un monde global

"L’Espace Politique" journal, no.42 (2020-3)

Numéro 42 (2020-3) de la revue « L’Espace Politique »

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Published on Tuesday, April 14, 2020

Abstract

Ce numéro spécial de la revue L'Espace Politique questionne la commémoration sous l'angle géographique et géopolitique. Alors que s’achève le centenaire de la première guerre mondiale, nous souhaitons interroger à nouveaux frais le phénomène commémoratif et les politiques mémorielles, dont l’étude connait un certain renouvellement (Garcia, 2001, Kesteloot C., Van Ypersele L., 2016). La commémoration recouvre une grande diversité de pratiques loin de se restreindre à la mémoire des guerres (Ashplant, 2000, West, 2016) ou des grandes figures nationales (par exemple incarnées par les panthéonisations en France). Ce numéro pourra ainsi s’ouvrir à une approche élargie du phénomène commémoratif.

  

Announcement

Coordinateurs du numéro

  • Anne Hertzog, MCF Géographie, Université de Cergy-Pontoise  
  • Rafiq Pirzada, Associate Professor in Cultural Studies, Université du Cachemire, Inde  

Présentation

Nous proposons de considérer la commémoration comme fabrique événementielle de l’espace politique, et de l’interroger sous l’angle géopolitique, à de multiples niveaux d’échelles, dans le contexte de la globalisation.

Généralement associées à l’affirmation de l’idée nationale (Gillis, 1994), les commémorations et pratiques mémorielles apparaissent néanmoins plus complexes. Mobiliser la mémoire en commun (com-mémorer) peut aussi signifier défendre une cause ou « demander la reconnaissance » (Gauchet, 2010). Organisées par des acteurs d’une grande diversité, étatiques et non étatiques, institutionnels ou non institutionnels, elles s’articulent à des processus et des circulations transnationaux caractérisant le monde globalisé. Elles s’inscrivent dans des enjeux multiples (Gensburger, Lefranc, 2017), politiques, civiques, diplomatiques mais aussi économiques et touristiques. Instruments de réconciliation, elles constituent aussi une modalité de résistance et de résilience, désormais globalisée, trouvant des formes d’expression variées dans l’espace publique. A un autre niveau, elles peuvent également être des espaces d’affirmation de la puissance d’Etats cherchant à projeter leur puissance dans l’espace mondial, à l’image des politiques mémorielles et commémoratives australiennes (Fathi, 2019) ou indiennes, qui s’intensifient hors des frontières nationales. Célébrations locales, les « liturgies » commémoratives décrites par les historiens suscitent des interactions entre acteurs, dont les modalités contemporaines restent à explorer, notamment dans leur articulation au politique. 

Ce numéro sera l’occasion de proposer des regards renouvelés sur le phénomène commémoratif et sa globalisation, venant enrichir les approches traditionnellement dominées par l’histoire politique ou les memory studies. Une grande attention sera accordée à la méthodologie et à l’approche critique ; il sera aussi possible de développer des analyses comparées ou multisituées, particulièrement intéressantes pour saisir l’émergence de la commémoration comme phénomène mondialisé.

1. Commemorations et politiques memorielles dans une perspective post-nationale / neo-nationale : nouvelles echelles des politiques commemoratives et memorielles.

Des articles sur la commémoration nationale seront être bienvenus. Il s’agit cependant d’interroger le phénomène commémoratif dans une perspective « post-nationale » à travers l’analyse de la pluralité/pluralisation des échelles des commémorations et des politiques mémorielles. Peut-on parler de fabrique événementielle d’espaces politiques « post-nationaux » lorsque s’affirment les commémorations « à soi » (touchant des cercles restreints), « communautaires » ou « transnationales » ? Dans le contexte de la globalisation et face aux recompositions géopolitiques du monde (Badie, Foucher, 2017), commémorations et politiques mémorielles s’inscrivent dans certains paradigmes universalistes comme la paix, la réconciliation ou encore les « mémoires partagées ». En quoi, les commémorations sont-elles des instruments de rapprochements entre États, tant à l’échelle européenne qu’à l’échelle mondiale ? En quoi dessinent-elles de nouveaux espaces d’échanges et de coopérations (transfrontalières, interétatiques, mais aussi localement à l’occasion de cérémonies…) ? Et, à l’inverse, dans quels cas, les commémorations peuvent-elles aussi conserver voire attiser la haine et la séparation ? Les textes sur l’usage de la commémoration dans les régimes autoritaires et les dictatures sont également attendus.

2. L’espace global de la commémoration et de la mémoire : circulations mondialisées des acteurs et des pratiques mémorielles.

Le contexte de la globalisation et des circulations généralisées permet de questionner la diffusion mondialisée des pratiques mémorielles et du phénomène commémoratif. Entre commémorations « globalisées » (Shoah, attentats terroristes) et réappropriations locales, quelles circulations des pratiques et des références culturelles ? Il s’agit de questionner les phénomènes commémoratifs dans leur articulation aux processus dynamiques multiscalaires d’échanges et de circulations (circulation des images et de l’information, mobilités généralisées mais inégales…) caractérisant l’espace mondialisé. Il s’agit de voir comment les commémorations sont remodelées par les mobilités et les circulations, mais aussi en quoi elles les suscitent, à différents niveaux d’échelles. Les textes étudiant le phénomène commémoratif à l’aune des travaux contemporains sur les circulations mémorielles (Erll, 2011) et le « tournant transnational » (Erll, Rigney, 2018, De Cesari, Rigney, 2014) seront les bienvenus.

3. La démocratie commémorative à l’épreuve : mémoires, contre-mémoires et violence politique

Si le phénomène commémoratif se mondialise, la liberté/les droits de commémorer s’avèrent inégaux dans le monde, conduisant dans bien des cas à des situations d’(in)visiblisation de la douleur. Il s’agit donc de questionner la place et les enjeux de la commémoration dans différents contextes, en analysant les commémorations comme l’affirmation de jeux de pouvoirs, mais plus particulièrement encore comme l’expression de contre-pouvoirs/résilience ou de résistance face à différentes formes de dominations (Basham, 2016, Ferris et alii, 2018, Fondhal, 2018, Hite, 2012) – y compris dans des perspectives post/dé-coloniales (Lasserre et alii, 2019, Souza Correa, 2011). Par ailleurs, les nombreux exemples de commémorations (institutionnelles ou non) exprimant la nostalgie de régimes autoritaires ou fascistes au sein même des sociétés libérales et démocratiques en Europe et ailleurs dans le monde, invitent à se demander de quoi ces commémorations de l’inacceptable sont-elles le nom ? Les textes qui questionneront la commémoration comme expression, produit mais aussi facteur de violence politique aussi bien que sociale seront les bienvenus. Il s’agit, plus largement, de questionner la commémoration à l’aune des conflictualités politiques et des rapports de pouvoirs, mais aussi à l’aune des inégalités sociales, spatiales et économiques, et du sentiment d’exclusion et d’injustice sociale, qui se manifestent dans l’ensemble des sociétés.

4. Scènes et ambiances commémoratives : un espace cérémoniel « globalisé » comme spectacle et expérience collective du politique ?

Pratiques mémorielles et commémoratives impliquent aussi le partage d’émotions et l’expression de rites individuels et collectifs s’inscrivant dans des « cultures mémorielles » très diverses (Closs, 2015). La fabrique de la commémoration suscite un ensemble de pratiques allant de la communication à la scénographie (Garcia, 2018). Les contributions analysant l’espace commémoratif et mémoriel comme « scène », s’intéressant aux ambiances ou atmosphères (Sumartojo, 2015, 2016) créées seront les bienvenues, de même que celles qui montreront le rôle de nouvelles catégories d’acteurs (artistes, médias…) aux côtés des acteurs plus traditionnels (commémorations militarisées vs démilitarisées), ou encore les contributions qui analyseront la commémoration à travers les pratiques et expériences individuelles et/ou collectives, en questionnant la dimension « affective du politique » (Thrift, 2004).

5. Économie(s) de la commémoration. Investissements, retombées, profits

Le thème généralement peu abordé des économies de la commémoration (coûts et profits, marchandisation) trouve sa place dans ce numéro : il s’agit de voir en quoi la cérémonie publique est saisie par l’économie. A l’image du Centenaire de la Première Guerre Mondiale en France, ou l’organisation du D-Day en Normandie en 2014, la commémoration peut être envisagée dans la logique du « méga évènement » lorsque l’enjeu est le développement, l’attractivité ou encore les retombées économiques sur un territoire. En quoi, la commémoration est-elle aussi pensée et promue comme une ressource économique ? Qui la finance ? Avec quels effets sur les pratiques commémoratives, les usages du passé et leur organisation spatiale ?

Modalités de proposition

Les articles ne doivent pas dépasser les 60 000 signes espaces compris et respecter les normes de publication de L’Espace politique [En ligne : http://espacepolitique.revues.org/1302].

Les textes finaux seront à faire parvenir au plus tard le 1er juin 2020 aux adresses suivantes :

  • anne.hertzog@u-cergy.fr
  • rafpirzada@gmail.com

Bibliographie

Ashplant T, 2000, The politics of war memory and commemoration Routledge, Abingdon

Badie B., Foucher M., 2017, Vers un monde néo-national ? CNRS Éditions, Paris, 208 pages

Basham V. M.  2016, « Gender, race, militarism and remembrance: the everyday geopolitics of the poppy », Gender, Place & Culture A Journal of Feminist Geography, 23/6

Closs S. A, 2015, “The affective atmospheres of nationalism”, Cultural Geographies 23, p. 181–98

De Cesari C., Rigney A., 2014, Transnational memory: circulation, articulation, scales, De Gruyter

Erll A., (2011), “Travelling Memory”, Parallax, 17:4, p. 4-18

Erll A., Rigney A., 2018, “Cultural Memory Studies after the Transnational Turn”, Memory Studies, Volume 11 Issue 3, July 2018

Fathi R., 2019, « Le prosélytisme mémoriel australien dans la Somme et le nouveau Centre Sir John Monash »20 & 21. Revue d'histoire 2019/3 (N° 143), pages 129 à 147

Ferris, S., Ladner, K., Allard, D., Hughes, M., 2018, « Commemoration and decolonization in the missing and the murdered indigenous women database », Public, Volume 29, Number 57, June 2018, pp. 96-106(11)

Fondahl G., 2018, « Visiting Memorial Tree. Micro-geopolitics of an Evenki place composed and performed », Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines [Online], 49 | 2018, URL : http://journals.openedition.org/emscat/3337 

Gauchet M., 2010, « Les enjeux de la reconnaissance », dans S. Trigano, L’universel et la politique des identités, Ed. de l’Eclat, p. 13-24

Garcia P., 2001, “Exercices de mémoire ? Les pratiques commémoratives dans la France contemporaine”, Cahiers français, n° 303, 7-8

Garcia P., 2018, « Commémorer in situ », dans « Paysages en guerre, paysages de guerre », Les Chemins de la Mémoire, Hors-Série, Novembre 2018, p. 20-25

Gensburger, S. & Lefranc, S., 2017, À quoi servent les politiques de mémoire. Paris : Presses de Sciences Po.

GillisJ. R., 1994, Commemorations: The Politics of National Identity, Princeton, NJ: Princeton University Press

Hite, K., 2012Politics and the Art of Commemoration: Memorials to Struggle in Latin America and Spain. Abingdon: Routledge.

Kesteloot C., Van Ypersele L., 2016, Pour une analyse du phénomène commémoratif, Revue Belge d’histoire contemporaine, XLVI, 2016, 3/4

Lasserre F., Stan C., 2018, « Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeux de pouvoir sur des lieux de mémoire », L’Espace Politique [Online], 36 | 2018-3, URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/5591 ; DOI : 10.4000/espacepolitique.5591

Souza Correa S M., 2011, History, memory, and commemorations: on genocide and colonial past in South West Africa Revista Brasileira de História. São Paulo, v. 31, nº 61, p. 85-103

Sumartojo S and Stevens Q, 2016 Anzac atmospheres in Drozdzewski D, Waterton E and de Nardi S eds Memory, place and identity: commemoration and remembrance of war and conflict, Routledge, London, p. 189–204

Sumartojo S, 2015, On atmosphere and darkness at Australia’s Anzac Day Dawn Service, Visual Communication 14, p. 267–88

Thrift N., 2004, Intensities of feeling: towards a spatial politics of affect, Geografiska Annaler, 86B, p. 57–78

Till, K., 2003, “Places of memory”. In J. Agnew, K. Mitchell, and G. Toal, editors, A Companion to Political Geography. Oxford, UK: Blackwell, 289–301

West B., (dir) 2016, War Memory and Commemoration, Routlege


Date(s)

  • Monday, June 01, 2020

Keywords

  • commémoration, géopolitique, globalisation, pratique mémorielle

Contact(s)

  • Anne HERTZOG
    courriel : anne [dot] hertzog [at] cyu [dot] fr

Information source

  • Anne HERTZOG
    courriel : anne [dot] hertzog [at] cyu [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Commemorating in a global world », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, April 14, 2020, https://doi.org/10.58079/14tc

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