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Patrimonialisations de la littérature

The heritage of literature

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Publié le lundi 18 mai 2020

Résumé

La notion de patrimoine est aujourd’hui régulièrement utilisée dans le domaine des arts et en particulier en littérature, ce qui invite à interroger les dynamiques de patrimonialisation propres à ce champ et à poser la question des instances qui déterminent ce phénomène. Ce dossier de Culture & Musées s’intéressera aux mécanismes qui font de la littérature et des écrivains des êtres patrimoniaux, ainsi qu’aux modes de diffusion des œuvres et des figures littéraires à travers différentes sphères médiatiques.

Annonce

Direction scientifique

Sous la direction de Marcela Scibiorska (Université de Louvain-la-Neuve), Mathilde Labbé (Université de Nantes) et David Martens (Université de Louvain).

Argumentaire

La cristallisation de la littérature dans la mémoire collective et sa circulation dans l’espace public reposent essentiellement sur de grands noms, de grandes œuvres et forgent une mythologie qui fait l’objet d’une médiation spécifique. C’est ce qui fait de la littérature un patrimoine partagé. Mais comment ce patrimoine se construit-t-il et se diffuse-t-il ?

Pendant longtemps, les études littéraires se sont centrées sur l’analyse des œuvres, et des œuvres les plus canoniques en particulier. Même les études de réception se consacraient le plus souvent à la façon dont les écrivains étaient reçus par leurs pairs. Ce n’est que plus récemment que la manière dont les œuvres et leurs auteurs accédaient à la reconnaissance a été interrogée, à travers les notions de légitimation, de sacralisation ou de canonisation. Depuis une dizaine d’années, ces phénomènes et procédés ont été envisagés comme processus de patrimonialisation, qu’il s’agisse de rendre compte de la présence de l’œuvre hors du livre (Depoux), son adaptation, sa diffusion via des collections de monographies illustrées (Labbé, Martens, Scibiorska), sa mise en scène au sein de maisons d’écrivains (Régnier), ou l’entrée de l’auteur dans les programmes scolaires et dans la statuaire publique (Labbé).

La notion de patrimoine, d’abord en usage dans les domaines architectural, naturel et technique, est aujourd’hui régulièrement utilisée dans le domaine des arts et en particulier en littérature, ce qui invite à interroger les dynamiques de patrimonialisation propres à ce champ et à poser la question des instances qui déterminent ce phénomène. En effet, ces dernières semblent à la fois plus nombreuses et moins centrales que les institutions susceptibles de patrimonialiser des ressources naturelles ou des bâtiments situés dans l’espace public, par exemple. Comment la « raison patrimoniale » (Poulot, 2006) se traduit-elle dans le champ littéraire ? Entre consécration et popularisation, la patrimonialisation de la littérature s’effectue par le biais d’un vaste ensemble de discours et d’images, mais aussi à travers la thésaurisation et la sélection explicites qu’opèrent ces institutions diverses à l’attention des générations futures, même lorsqu’elles présentent leurs choix comme un simple enregistrement de ce qui résiste à l’épreuve du temps.

Alors que les politiques patrimoniales engagées au XIXe siècle et relancées sous l’impulsion d’André Malraux dans les années 1950 ont été suivies d’une diffusion massive, voire d’une banalisation de la notion de patrimoine elle-même, les études concernant la patrimonialisation n’ont véritablement pris leur essor que dans les années 1990, peu après la théorisation de la post-modernité, qui avait mis en évidence le rôle des œuvres du passé dans la création contemporaine. À partir des travaux de Dominique Poulot en histoire de l’art, de ceux de Jean Davallon en sciences de l’information et de la communication, ou de ceux de Nathalie Heinich en sociologie, par exemple, la notion de patrimonialisation a ainsi été explorée pour des objets sensiblement distincts de la littérature, repérés notamment en raison de leur matérialité marquée et des questions du lien entre patrimonialisation et politiques de conservation. L’histoire de l’art se penche, quant à elle, sur l’évolution de la notion d’« objets de mémoire » (Debary et Turgeon) en fonction, notamment, de l’idée d’une qualité esthétique et d’une réception contextuelle, tout en situant dans l’histoire la naissance d’une distinction entre patrimoine matériel et immatériel (Poulot).

Ce dossier s’emploiera à répondre à ces questions en s’intéressant aux mécanismes qui font de la littérature et des écrivains des êtres patrimoniaux, ainsi qu’aux modes de diffusion des œuvres et des figures littéraires à travers différentes sphères médiatiques. Trois axes de recherche, non exclusifs les uns des autres, sont envisageables :

Axe 1 – Discours et images

Au-delà de la littérature elle-même, quels types de discours sont mobilisés dans le but de patrimonialiser l’œuvre littéraire ? Comment la figure de l’écrivain et de son œuvre s’y trouvent-elles mises en scène ? Quelle place et quelles fonctions y sont-elles données aux images et quels sont les types d’images privilégiés ? Au-delà des seules images, quels sont les modes de patrimonialisation de la littérature qui œuvrent à travers une spatialisation, dans l’espace public (à travers les monuments, par exemple) comme au sein de lieux de mémoire tels que les maisons d’écrivains ou encore à l’occasion d’expositions ? Quels sont les principaux modèles de ces discours et quelle est leur généalogie ? Comment les valeurs symboliques associées à la littérature circulent-elles à travers ces dispositifs ?

Axe 2 – Médias

Si la patrimonialisation de la littérature apparaît traditionnellement liée au domaine du livre, et plus particulièrement à la pratique anthologique, que celle-ci s’exerce dans le domaine scolaire ou en dehors, elle est corollairement le fruit d’autres types de discours et se déploie au sein d’autres médiums, bien au-delà de l’espace proprement « littéraire ». Qu’il s’agisse de publications dans des collections à visée canonique, d’expositions consacrées à la littérature, de lieux de mémoire littéraire (monuments commémoratifs concernant les écrivains…), d’émissions de radio ou de télévision ou encore de biopics ou de fictions cinématographiques relatifs à des écrivains, le façonnement et la médiation du patrimoine littéraire s’opère à travers différents types de dispositifs et s’incarne à la faveur de scénographies hétérogènes. Comment ces différents médiums mobilisent-ils les outils qui leurs sont propres dans l’objectif de patrimonialisation de la littérature.

Axe 3 – Institutions et réseaux

Les processus de patrimonialisation dont la littérature et les écrivains sont les objets émanent nécessairement d’institutions et d’acteurs liés par des interactions régulées et relativement normées. Quels sont dès lors les espaces, institutions et réseaux servant cette patrimonialisation de la littérature et qui en tirent parti en retour ? Quels sont les acteurs et les lieux déterminants de ces entreprises et quelles relations entretiennent-ils avec ceux du champ littéraire ? Quelles sont leurs interactions ? Dans quelle mesure les systèmes de valeurs de ces champs extra-littéraires affectent-ils l’image de la littérature et des écrivains qu’ils génèrent et diffusent ? Dans quelle mesure et selon quelles modalités les écrivains et la littérature sont-ils transformés, voire instrumentalisés lorsqu’ils sont investis au sein de champs extra-littéraires (musée, politique, publicité…) ?

L’étude des modes de patrimonialisation de la littérature mène, comme on le voit, à une extension du domaine traditionnellement dévolu aux études littéraires en mettant en lumière la constitution d’un savoir sur l’histoire littéraire et culturelle couplé à l’établissement d’une affectivité induite par le rapport ainsi institué avec un passé rendu présent, disponible, et valorisé. Du côté des disciplines qui ont développé des travaux d’envergure sur le patrimoine et sa constitution, la confrontation avec les objets proposés par la patrimonialisation de la littérature et des écrivains conduit, en raison des nécessaires ajustements conceptuels que suppose le recours à une notion élaborée pour éclairer d’autres phénomènes, à une remise en perspective de la notion elle-même et des approches auxquelles elle a jusqu’à présent donné lieu.

Ce dossier de Culture & Musées aura pour finalité de présenter ces nouvelles tendances, convergentes dans des champs disciplinaires distincts, en cartographiant leurs lignes de force et en examinant les enjeux épistémologiques qu’elles soulèvent, en ce qu’elles engagent l’adoption d’approches interdisciplinaires et de points de vue résolument croisés. Pour favoriser un tel questionnement, le dossier réunira des chercheurs venus d’horizons disciplinaires distincts en les invitant à confronter leurs perspectives et leurs objets aux approches développées non seulement au sein des sciences de l’information et de la communication et des études littéraires, mais aussi dans le cadre des études culturelles, de l’analyse du discours, de la sociologie, ainsi que de la muséologie.

Modalités de contribution

Les résumés comporteront un titre, 5 mots clés, 5 références bibliographiques (mobilisées dans le projet d’article), les noms, adresse électronique, qualité et rattachement institutionnel (Université, laboratoire) de leur auteur.e. ainsi qu’une courte biographie et 3 références bibliographiques (pour chaque auteur.e). Ils détailleront l’ancrage disciplinaire ou interdisciplinaire de la recherche, la problématique, le terrain ou le corpus, la méthodologie employée, le cas échéant, une première projection sur les résultats.

Calendrier

  • 15 mai 2020 : Diffusion de l’appel à propositions d’articles 
  • 1er octobre 2020 : Réception des propositions d’articles

  • 15 octobre 2020 : Retour aux contributeurs (acceptation ou refus de la proposition d’article)
  • 5 janvier 2021 : Réception des articles complets
  • Janvier - février 2021 : Expertise des articles en double aveugle
  • 1er mars 2021 : Retour aux auteurs suite aux expertises
  • 30 avril 2021 : Réception des versions définitives des articles
  • 1er Décembre 2021 : Publication du numéro

Envoi des propositions d’articles à

  • Marcela Scibiorska : marcela.scibiorska@uclouvain.be
  • Mathilde Labbé : mathilde.labbe@univ-nantes.fr
  • David Martens : david.martens@kuleuven.be

Copie à 

  • Dominique Poulot, directeur de rédaction : culturedominique@gmail.com
  • Caroline Archat, coordinatrice éditoriale : Culture.Musees@gmail.com

La revue

Culture & Musées est une revue scientifique de recherche à comité de lecture qui pratique l’évaluation en double-aveugle. Elle édite des travaux de recherche inédits sur les publics, les institutions et les médiations de la culture. Elle s’adresse aux chercheurs et étudiants de ces domaines ainsi qu’aux professionnels œuvrant dans le champ des musées et des patrimoines.

La revue est co-portée par Avignon Université et UGA Éditions. Elle est publiée avec les soutiens de la Direction générale des patrimoines - département de la politique des publics, Ministère de la Culture et de la Communication et de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Culture & Musées a obtenu le soutien de l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS pour les années 2018 - 2020.

Depuis 2010, elle est indexée à l’INIST et sur les bases Arts and Humanities Citation Index et Current Contents/Arts and Humanities (Thomson Reuters). Elle est également référencée par l’HCERES dans la section 71ème du CNU (Sciences de l’information et de la communication).

Bibliographie indicative

Bénichou Paul, Le Sacre de l’Écrivain, 1750-1780. Essai sur l'avènement. d'un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne. Paris, Joseph Corti,1973

Bisenius-Penin Carole (dir.), Les résidences d’écrivains et d’artistes : des dispositifs de création et de médiation, Culture & Musées, n° 31, 2018, https://journals.openedition.org/culturemusees/1512

Boucharenc Myriam, Laurence Guellec & David Martens (dir.), Interférences littéraires/Literaire interferenties, n° 18, « Circulations publicitaires de la littérature », mai 2016, http://interferenceslitteraires.be/index.php/illi/issue/view/3.

Bourdieu Pierre. Les règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire. Le Seuil, 2016.

Davallon Jean, Le Don du patrimoine : Une approche communicationnelle de la patrimonialisation, Paris, Hermès Science-Lavoisier, 2006.

Debary Octave et turgeon Laurier (dir.), Objets et Mémoires, Paris et Québec, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme et Presses de l’Université Laval, 2007.

Delassus Justine, Visiter les œuvres littéraires au-delà des mots : des maisons d’écrivains aux parcs à thème, l’impossible pari de rendre la littérature visible, thèse en histoire culturelle, s. dir. Jean-Yves Mollier, Université Paris-Saclay, 2016.

Depoux Anneliese, Le patrimoine littéraire hors le livre, thèse en sciences de l’information et de la communication, s. dir. Marc Escola & Yves Jeanneret, CELSA – Université Paris-Sorbonne, 2013.

Dubois Jacques, L'Institution de la littérature, Bruxelles, Labor, 1978

Fabre Daniel (dir.), Émotions patrimoniales, textes réunis par Annick Arnaud, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2013.

Folin Marco & Preti Monica (dir.), Maisons-musées. La patrimonialisation des demeures des illustresCulture & Musées, n  34, 2019

https://journals.openedition.org/culturemusees/3474

Guillory John, Cultural Capital. The Problem of Literary Canon Formation, Chicago, University of Chicago Press, 1993.

Heinich Nathalie, La Fabrique du patrimoine. De la cathédrale à la petite cuillère, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2009.

Jeanneret Yves, Penser la trivialité, Paris, Lavoisier, 2008.

Labbé Mathilde et Martens David (dir.), « Une fabrique collective du patrimoine littéraire (XIXe-XXIe siècles). Les collections de monographies illustrées » dans : Mémoires du livre/Studies in Book Culture, vol. 7, n°1, 2015.

Labbé Mathilde, Héritages baudelairiens (1931-2013), thèse de doctorat s. dir. André Guyaux, Sorbonne Université, 2014.

Poulot Dominique (dir.), Patrimoine et modernité, Paris-Montréal, L’Harmattan, coll. Chemins de la mémoire, 1998.

Poulot Dominique, Une histoire du patrimoine en Occident, XVIIIe-XXIe siècle. Du monument aux valeurs, Paris, PUF, 2006.

Régnier Marie-Clémence (dir.), Ce que le musée fait à la littérature. Muséalisation et exposition du littéraire, dans : Interférences littéraires/Literaire interferenties, n°16, 2015.

Régnier Marie-Clémence, Vies encloses, demeures écloses. Le grand écrivain français en sa maison-musée (1879-1937), thèse en lettres modernes s. dir. Françoise Mélonio et Florence Naugrette, Sorbonne Université, 2017.

Saurier Delphine, La Fabrique des illustres. Proust, Curie, Joliot et lieux de mémoire, Paris, Éditions Non Standard, 2013.

Scibiorska Marcela, Les Albums de la Pléiade. Histoire et analyse discursive d’une collection patrimoniale, thèse en littérature et en langue française, s. dir. David Martens et Dominique Maingueneau, KU Leuven et Sorbonne Université, 2018.

thiesse Anne-Marie, La fabrique de l'écrivain national. Entre littérature et politique. Gallimard, 2019.


Dates

  • jeudi 01 octobre 2020

Fichiers attachés

Mots-clés

  • patrimonialisation, littérature, discours, image, média, institution

Contacts

  • Caroline Archat
    courriel : culture [dot] musees [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Caroline Archat
    courriel : culture [dot] musees [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Patrimonialisations de la littérature », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 18 mai 2020, https://doi.org/10.58079/14x6

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