AccueilTracer les villes : symphonies urbaines à rebours dans les dispositifs filmiques

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Tracer les villes : symphonies urbaines à rebours dans les dispositifs filmiques

Tracing the city: city symphonies in reverse and the cinematic apparatus

« La Furia Umana », numéro 40/2021

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Publié le vendredi 12 juin 2020

Résumé

De quoi les symphonies urbaines sont-elles le reflet dans leurs manifestations filmiques contemporaines ? Comment les dispositifs filmiques - quels qu’ils soient - captent et enregistrent la ville comme entité subjective et inter-subjective ? À l’image des travaux développés par Richard Koeck dans son essai Cine-spaces : Cinematic spaces in architecture and cities (2012), c’est peut-être du côté du simulacre qu’il faut voir l’inscription du cinéma dans la ville post-moderne. En effet, que se passe-t-il si nous commençons à penser la ville comme un « appareil visuel » basé sur le mouvement, la lumière et le corps que nous pouvons explorer de manière cinématique, cinétique et kinesthésique ? En utilisant le film comme un objectif à travers lequel nous regardons les espaces et les lieux urbains, il ne s’agit pas de montrer la place de l’architecture dans les films, mais de voir en quoi par exemple l’architecture post-moderne est un phénomène cinématique, un décor urbain en mouvement (Las Vegas, Dubaï, Macao…).

Annonce

Coordination

  • Andrea Franco (Université de La Corogne),
  • Benjamin Léon (Université de Lille/CEAC)
  • Nicolas Tixier (ENSA Grenoble/AAU_Cresson)

Argumentaire

Les symphonies urbaines constituaient un genre important du cinéma documentaire d’avant-garde des années 20. En porte à faux avec les films d’actualité, ils consistaient moins à transmettre une information factuelle de la réalité, que de puiser dans la magie de l’ordinaire et du quotidien. La plupart des cinéastes de l’époque envisageaient leur art comme une façon de forger la conscience sociale en se penchant sur l’activité urbaine pour en révéler les objets poétiques. Si les figures de Dziga Vertov et Walter Ruttmann restent les plus iconiques, n’en oublions pas pour autant les travaux novateurs de Paul Strand, Charles Sheeler, André Sauvage ou Alberto Cavalcanti. L’expression d’une utopie se retrouvait d’un film à l’autre allant jusqu’à proposer chez Vertov la métaphore réflexive du cinématographe comme instrument d’éducation collectif.  

Au lieu de revenir sur ces films à l’exégèse soutenue, nous chercherons à interroger la symphonie urbaine dans ses manifestations contemporaines ou « à rebours » pour reprendre un terme proposé par le cinéaste Thom Andersen dans son film Los Angeles Plays Itself (2003)[1]. Ce montage d’archive constitue une proposition singulière qui vient interroger les puissances figuratives du cinéma à travers le paysage urbain. Ce palimpseste visuel trouve prolongement  dans le travail de Rick Prelinger sur San Francisco et ses Lost Landscapes (2006-2015), lequel  trouve un écho avec les films de Guy Maddin comme My Winnipeg (2007). À rebours des symphonies urbaines des années 20 qui cherchaient à établir des dispositifs narratifs plus ou moins fidèles à la réalité urbaine, ces films tentent plutôt d’exposer les limites d’une telle approche en encourageant la conscience historique d’un spectateur participatif selon deux paradigmes : d’un côté, la dimension surfacique qui permet de saisir un peu du réel social de la condition urbaine et d’un autre côté, la dimension formaliste qui interroge notre perception en retravaillant certains éléments concomitants aux symphonies urbaines : rythme, mouvement, vitesse.

Pour Siegfried Kracauer, le cinéma est le médium capable de saisir la grande ville et d’en capter les phénomènes sensibles, fugitifs, inconscients afin d’établir une correspondance entre l’essence du médium cinématographique et la ville comme flux sensoriel. Le film permet aussi d’avoir une autre compréhension de l’espace construit et de ce qui s’y joue. La ville est un lieu d’exercice du regard et du pas, de la station et de la mobilité. Prendre un film et une ville comme compagnons de réflexions et s’attacher à̀ ce qu’ils nous disent ou ce qu’ils nous permettent d’énoncer sur l’ordinaire urbain : il s’agit bien de débusquer sous des formes différentes comment le cinéma et ses dispositifs nous aide à̀ penser et à voir la ville. De quoi les films sont-ils les témoins, voire parfois les avocats ? Et, c’est peut-être, tout autant l’inverse, à savoir comment la culture cinématographique modifie notre perception de la ville et peut-être même le design de celle-ci. Kracauer voit son travail comme un assemblage complet de petits faits, d’indices, une réhabilitation des choses matérielles, non dans un réalisme naïf, mais bien critique par la culture du regard et de l’enquête. Il nomme lui-même cet exercice, une pensée de « l’anti-chambre » qui serait chez lui une chambre du dehors, « où nous porterions notre attention non pas aux toutes dernières choses, mais aux avant-dernières. » Au début du XXe siècle, le film répondait de cette sensibilité́ urbaine relativement nouvelle, « le choc des métropoles ». Mais est-on toujours dans cette sensibilité, quelles sensibilités se dessinent pour nous en ce début de XXIe siècle ? Dans la mesure où la société post-industrielle fait de la représentation de la machine et de la force du travail une existence virtuelle, comment considérer la symphonie urbaine aujourd’hui ? De même, est-ce vraiment possible de tracer une ville aujourd’hui du fait de la déconnexion entre les différents espaces et la prolifération de nouveaux centres ? Le cinéma est-il toujours le médium idéal pour représenter la grande ville, et si oui, à quelles conditions et selon quels dispositifs ? Ne faut-il pas discuter alors une proposition critique qui montrerait en quoi les villes et les films construisent trop souvent une perception voire une pratique de la réalité qui reste principalement ancrée au XXe siècle ?

À rebours, mais non à contresens, nous voudrions faire jouer ensemble les modalités plurielles d’une telle confrontation. De quoi les symphonies urbaines sont-elles le reflet dans leurs manifestations filmiques contemporaines ? Comment les dispositifs filmiques - quels qu’ils soient - captent et enregistrent la ville comme entité subjective et inter-subjective ? À l’image des travaux développés par Richard Koeck dans son essai Cine-spaces : Cinematic spaces in architecture and cities (2012), c’est peut-être du côté du simulacre qu’il faut voir l’inscription du cinéma dans la ville post-moderne. En effet, que se passe-t-il si nous commençons à penser la ville comme un « appareil visuel » basé sur le mouvement, la lumière et le corps que nous pouvons explorer de manière cinématique, cinétique et kinesthésique ? En utilisant le film comme un objectif à travers lequel nous regardons les espaces et les lieux urbains, il ne s’agit pas de montrer la place de l’architecture dans les films, mais de voir en quoi par exemple l’architecture post-moderne est un phénomène cinématique, un décor urbain en mouvement (Las Vegas, Dubaï, Macao…). Bien souvent, il s’agit d’espaces qui rappellent une réalité médiatique : nous avons l’impression de regarder les scènes sur un écran et d’être physiquement incarnés dans une réalité parallèle, mais pourtant bien réelle. On peut alors se poser la question du rapport entre les ambiances urbaines et les ambiances filmiques, et au-delà des liens de correspondance entre les deux, il s’agirait moins de percevoir l’ambiance d’un lieu que de percevoir par l’ambiance elle-même. L’ambiance ne serait plus l’objet de la perception, mais la condition même de toute perception et action potentielle.

En réfléchissant à la notion même de symphonie, il serait peut-être intéressant de faire jouer les couples opposés de cette relative unité pour ouvrir la réflexion aux potentialités dysphoniques et hétérophoniques de toute traversée urbaine. Les propositions allant dans ce sens sont les bienvenues. Il est aussi prévu de laisser carte blanche à quelques artistes intéressés par d’éventuelles créations visuelles et/ou sonores.

Axes de réflexion :

Intentionnalité dans les processus de création, modalités de transmission et approches formalistes   

  • Symphonies urbaines à rebours : dimension subjective et inter-subjective (place du spectateur)
  • Symphonies urbaines et formalisme structurel (lumière, cadre, lignes directrices, rythme, montage…)

Unités, oppositions et variations de l’espace urbain

  • Les nouvelles formes de symphonies urbaines :  unité cacophonique et films sonores sur la ville (les sons, les mouvements, le rythme)
  • Le regard du réalisateur  
  • Compositions sonores et pièces multimédias

Espace urbain et geste critique

  • Dispositifs filmiques, compréhension et conception de l’espace urbain
  • Essais audiovisuels, found footage
  • L’image de la multitude dans la ville contemporaine et au regard des nouvelles symphonies (espace hétérotopique/utopie)

Ambiances et atmosphères

  • Par-delà un enjeu de représentation, la traversée des ambiances
  • Par-delà la primauté du visuel, les puissances du sonore

Écrans urbains, simulacre et identité numérique

  • La ville comme appareil visuel
  • Le numérique (et l’art vidéo) en tant que format « liquide » pour appréhender la nouvelle réalité urbaine

Modalités de candidature

Les propositions de communication (en français, anglais, espagnol et italien), d’une longueur de 2000 signes maximum, sont à adresser

pour le 31 juillet 2020 au plus tard,

accompagnées d’une brève présentation personnelle et transmises dans un fichier nommé selon la nomenclature NOM_Prénom_Titre aux adresses suivantes : 

  • andrea.franco@udc.es (espagnol/anglais)
  • benjamin.leon@univ-lille.fr (français/anglais)
  • nicolas.tixier@grenoble.archi.fr (français/anglais)

Réponse : 1er septembre 2020

Remise des textes : 15 décembre 2020

Publication : février/mars 2021

Présentation du trimestriel

La Furia Umana : www.lafuriaumana.it 

Fondé en 2009, La Furia Umana est un trimestriel multilingue en ligne sur la théorie et l'histoire du cinéma avec des rêveries et des dérives. Il existe également une édition papier (8 numéros) avec des articles différents (Duen de Bux, Espagne).

Notes

[1] À l’aide de plus de 200 extraits de films, l’oeuvre culte de Thom Anderson est une fresque ambitieuse sur la représentation de la mégalopole américaine. Le cinéma n’a pas simplement filmé Los Angeles, il lui a créé une histoire et un présent fictifs qui font désormais office de réalité.


Dates

  • vendredi 31 juillet 2020

Mots-clés

  • architecture, cinéma, ville, symphonie, dispositif, écran, geste

Contacts

  • Benjamin Léon
    courriel : benjamin [dot] leon [at] univ-lille [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Benjamin Léon
    courriel : benjamin [dot] leon [at] univ-lille [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Tracer les villes : symphonies urbaines à rebours dans les dispositifs filmiques », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 12 juin 2020, https://doi.org/10.58079/150g

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