Animation and experimentation
Animation et expérimentation
Passed - present - future
Passé - présent - futur
Published on Friday, June 19, 2020
Abstract
L’animation introduit de facto un décalage avec le réel et s’écarte du réalisme imposé par le naturel d’une perspective représentative qui était au cœur de l’invention des Frères Lumière. Les avancées techniques de l’outil cinématographique s’accompagnent ainsi d’une exploration toujours renouvelée des possibilités d’expérimentation qui s’ouvrent alors avec elles, et l’animation, à ses côtés, découvre parfois par elle-même d’autres façons de faire bouger les images. L’animation a certes parfois écarté cette dimension exploratoire de la pratique filmique au profit d’une standardisation de ses modes de figuration, ce qui a conduit le grand public à la considérer, comme la bande dessinée, comme une forme d’expression pour enfants. Néanmoins, l’animation, par les possibilités graphiques qu’elle met en œuvre, n’a jamais cessé, plus souterrainement, de se livrer à l’expérimentation. N’est-elle pas de fait le point de rencontre nécessaire entre des formes esthétiques aujourd’hui encloses dans des « cases artistiques » qui gagneraient à être questionnées, déconstruites, défaites ?
Announcement
Argumentaire
L’animation introduit de facto un décalage avec le réel et s’écarte du réalisme imposé par le naturel[1] d’une perspective représentative qui était au cœur de l’invention des Frères Lumière. Les avancées techniques de l’outil cinématographique s’accompagnent ainsi d’une exploration toujours renouvelée des possibilités d’expérimentation qui s’ouvrent alors avec elles, et l’animation, à ses côtés, découvre parfois par elle-même d’autres façons de faire bouger les images. L’animation a certes parfois écarté cette dimension exploratoire de la pratique filmique au profit d’une standardisation de ses modes de figuration, ce qui a conduit le grand public à la considérer, comme la bande dessinée[2], comme une forme d’expression pour enfants. Néanmoins, l’animation, par les possibilités graphiques qu’elle met en œuvre, n’a jamais cessé, plus souterrainement, de se livrer à l’expérimentation. N’est-elle pas de fait le point de rencontre nécessaire entre des formes esthétiques aujourd’hui encloses dans des "cases artistiques" qui gagneraient à être questionnées, déconstruites, défaites ?
Évoquant différentes formes de films d’animation, Olivier Cotte présente le « film d’art » en ces termes :
« Peu diffusé à la télévision, mais très présent dans les festivals spécialisés, le film d’art (ou expérimental, cinéma graphique, d’art et essai, d’auteur…) représente le courant le plus artistique de tous. Non pas que les autres soient dépourvus d’ambition esthétique ou excluent la recherche formelle, mais le film d’art, qui a accompagné toute l’avant-garde artistique depuis l’aube du XXe siècle, en fait son principal but. […] Si l’expression personnelle est prédominante, le créateur ne s’enferme pas pour autant dans le petit monde de la création contemporaine : il s’agit de ne pas confondre le film d’art et le film d’artiste. »[3]
Comment pourtant ne pas envisager conjointement des objets filmiques partageant le même support et qui ont des techniques de production et des visées esthétiques similaires ? Film d’art et film d’artiste, pour reprendre l’expression équivoque de Cotte, se distinguent-ils simplement par leur espace de monstration et les expériences de visionnage auxquelles ils sont associés ? Stephen Dean, évoque en ce sens « la vidéo artistique » comme « un cinéma que l’on regarde debout, et pas forcément du début à la fin. »[4] Il est bon de rappeler que Dominique Noguez, questionnant justement, par une trouvaille typographique, une catégorisation dont les fondements esthétiques sont très incertains mais qui reste très largement partagée, souligne pour sa part : « Je ne crois pas qu’on puisse accéder au cinéma expérimental autrement que par l’enchantement d’une projection »[5].
Une triangulation entre une forme de cinéma d’animation, le cinéma expérimental et l’art vidéo nourrit des espaces plus que mouvants. Le Centre Pompidou Metz contribue à brouiller les pistes dans ses grandes expositions thématiques : en 2015-2016, l’exposition Cosa Mentale (Art et Télépathie au XXe siècle)[6] rassemble par le biais d’une même présentation -un écran numérique suspendu au mur- aussi bien des films d’Emile Cohl (Rien n’est impossible à l’homme, 1910, et Le Retapeur de cervelles, 1911) que des vidéos de Stan VanDerBeek (Astral Man, 1957) ou Jordan Belson (Samadhi, 1967) ; en 2019-2020, Opéra Monde[7] fait se succéder une installation mixte de William Kentridge (Preparing the Flute, 2004-2005), des vidéos de Bill Viola (Isolde’s Ascension (The Shape of Light in he Space of Death), 2005) et de Vergine Keaton (« Vous qui entrez ici », 2019). Cette indifférenciation ne paraît d’ailleurs ni nouvelle ni spécifique à l’espace muséal français : ainsi, l’exposition Momentary momentum : Animated drawings (3 mars-15 avril 2007) de Parasol Unit, fondation londonienne pour l’art contemporain, présentait des œuvres très diverses en réunissant artistes contemporains établis (William Kentridge, Kara Walker…), réalisateurs d’animation (Michaël Dudok de Wit, Arthur de Pins, Georges Schwizgebel…) et cinéastes expérimentaux (Robert Breer, David Shrigley…), voire même en proposant des collaborations entre réalisateurs et artistes contemporains (Paul Bush et Lisa Milroy avec Geisha Grooming, 2003)[8]. Les espaces d’exposition ne sont d’ailleurs pas les seuls lieux incarnant ce "melting-pot" : le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, la plus grande manifestation consacrée aux films courts au monde, a choisi le terme de Labo pour désigner la compétition où se retrouvent pêle-mêle des films venus d’horizons et de traditions très différents. La critique elle-même tend à mettre en avant et emmêler toujours davantage, et de manière pertinente, expérimentation et animation[9].
Nous ne souhaitons pourtant pas circonscrire ce colloque à l’exploration générique d’un tel espace, peut-être indéfinissable par essence, marqué par une réalisation, l’animation, et une ambition, l’expérimentation. L’enjeu est plutôt de croiser cette réflexion générique ou intermédiatique à une analyse des évolutions qui marquent ces productions. Il s’agira donc d’interroger également l’histoire des techniques qui fondent la pratique de l’animation. La première moitié du XXe siècle est ainsi marquée par des trouvailles techniques dans le cinéma de Georges Méliès, qui développe les premières variations inattendues autour des notions de magie visuelle appliquées au cinéma « naturel ». Au-delà des potentialités toujours renouvelées du dessin animé, il faut citer, sans exhaustivité, l’apparition du collage et du papier découpé, de la pixillation, de la peinture ou de la gravure animée, de la technique du stop motion effectuée à partir des matières les plus diverses et les plus inattendues, ou le détournement des composants de l’outillage cinématographique avec l’intervention directe sur pellicule et le travail à la tireuse optique. à côté des évolutions techniques de la caméra (avec la caméra multiplane, la 3D) apparaissent des machines distinctes dont la plus célèbre demeure certainement l’écran d’épingles d’Alexandre Alexeïeff et Claire Parker, un outil si atypique qu’il permet de tracer une véritable généalogie de réalisateurs qui y ont dédié leur travail (Jacques Drouin prend la relève d’Alexeïeff et Parker avant de transmettre à son tour appareil et techniques à Michèle Lemieux).
Face aux restrictions technico-économiques que posent la création de films d’animation au cours du siècle dernier, l’apparition des technologies numériques, leur application, leur manipulation et leur diffusion, changent la donne. Ces technologies permettent à des individus isolés ou à des équipes très réduites de produire et de diffuser leurs réalisations d’une autre manière, infusant l’animation hors de ce qui, justement, pouvait sembler être son écosystème naturel (celui des studios d’animation aux effectifs pléthoriques dont Disney demeure l’archétype). L’animation, en ce début de XXe siècle, s’avère être à la fois l’un des espaces artistiques les plus hybrides et l’une des pratiques les plus marqués par le temps. Continuellement tournée vers ses futurs possibles et attentive à l’innovation technique, l’animation est également, comme le remarquent de nombreux théoriciens, un espace de création où les cinéastes ne cessent de solliciter, de redécouvrir et de réactualiser leurs potentialités plastiques de techniques anciennes. L’animation conjuguée à l’expérimentation questionne donc un rapport au temps d’une richesse et d’une complexité particulières dont nous souhaitons faire la colonne vertébrale de ce colloque.
Modalités de contribution
Sans exclusive disciplinaire, nous attendons des études de cas portant sur des œuvres filmiques qui mettent en valeur les porosités entre différents champs artistiques et mettent en évidence, par leur aspect technique ou technologique, un rapport particulier au temps et à l’histoire. En écho à notre partenaire, le Festival Ciné Court Animé de Roanne, qui propose depuis 12 ans une compétition expérimentale, nous priviligiérons les propositions accordant une place significative à des films de court ou moyen métrage. Les propositions de communication devront se composer d’un titre, d’une proposition de corpus d’étude et d’un texte de présentation (gabarit compris entre trois cent et cinq cent mots). Elles seront accompagnées d’une brève bio-biographie et devront être envoyées
avant le 1er octobre 2020
à : jerome.dutel@univ-st-etienne.fr et rodolphe.olcese@univ-st-etienne.fr.
Calendrier
- Diffusion de l’appel à contribution : juin 2020
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Date limite d’envoi des propositions : 1er octobre 2020
- Proposition programme prévisionnel : novembre 2020
- Diffusion programme définitif : février 2021
- Colloque : 25 - 27 mars 2021
- Festival Ciné Court Animé de Roanne : 22 - 28 mars 2021
- Remise des articles pour publication : 1er juin 2021
Accès
Un programme prévisionnel sera établi dès le mois de novembre 2020. Le colloque se tiendra du jeudi 25 mars 2021 (14 heures) au samedi 27 mars (12 heures), sur le site universitaire roannais. Les conférenciers se verront remettre une accréditation leur permettant d’accéder librement à toutes les projections du Festival Ciné Court Animé de Roanne, partenaire du Colloque. Le programme de l’édition 2021 sera mis en ligne en février. Il est possible, à titre informatif, de prendre connaissance des programmes des éditions passées sur le site du festival (http://animationfestival.roanne.fr).
L’inscription au colloque est de 60 euros (36 euros pour les doctorants). Cette inscription donne droit aux trois repas organisés pendant le colloque, à deux nuits d’hôtel (Hôtel Central, en face de la gare de Roanne) ainsi qu’à un pass pour l’ensemble des séances du festival.
Le site universitaire roannais, en centre-ville, est à 5 minutes de la gare de Roanne (en train, Paris-Roanne : 3 heures 15, Lyon-Roanne : 1 heure, Clermont-Ferrand-Roanne : 1 heure 15).
L’accès à toutes les séances et expositions du festival sera gratuit pour tous les participants.
Comité d’organisation
- Jérôme DUTEL, Maître de conférences, Université Jean Monnet Saint-Etienne
- Rodolphe OLCESE, Maître de conférences, Université Jean Monnet Saint-Etienne
- Loïc PORTIER, Directeur du Festival Ciné Court Animé de Roanne et membre du Comité Animation de l'Académie des César
Comité scientifique
(en cours de constitution)
- Patrick BARRÈS, Professeur, Université de Toulouse Jean Jaurès
- Jocelyn DUPONT, Maître de conférences, Université Via Domitia Perpignan
- Jérôme DUTEL, Maître de conférences, Université Jean Monnet Saint-Etienne
- Xavier KAWA-TOPOR, Directeur de l'Abbaye royale de Fontevraud (2005-2014), fondateur de la NEF Animation
- Rodolphe OLCESE, Maître de conférences, Université Jean Monnet Saint-Etienne
- Loïc PORTIER, Directeur du Festival Ciné Court Animé de Roanne
Artistes invités
(en cours de constitution)
Adriaan LOKMAN, réalisateur (Mention spéciale André-Martin au festival d’Annecy 2019, Mention du jury au Festival Vidéoformes 2020)
Réferences
[1] Suivant Hervé Joubert-Laurencin, nous utilisons ici le terme d’Eisenstein en lieu et place du traditionnel cinéma de prise de vues directe(s), pour désigner « tout ce qui peut être considéré comme cinéma à l’exclusion de tout ce qui peut être considéré comme cinéma d’animation » et renvoyons à l’Avertissement in Hervé Joubert-Laurencin, La Lettre volante (quatre essais sur le cinéma d’animation), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997, p. 9-10.
[2] On retrouve une belle illustration de ce vieux lieu commun dans les termes américains comics et cartoons.
[3] Olivier Cotte, Le Grand Livre des techniques du cinéma d’animation, Paris, Dunod, 2018, p. 45.
[4] Stephen Dean, « Sous des couleurs désinvoltes », conversation entre Christophe Domino et Stephen Dean, in Stephen Dean, Arles, Actes Sud-Altadis, 2004, cité par Valérie Labayle, p. 64, in Sans réserve (Parcours n°8 de la collection), Vitry-sur-Seine, MAC VAL, 2017
[5] Dominique Noguez, Eloge du cinéma expérimental, Paris expérimental, 1999 (deuxième édition revue et augmentée), Prologue, p. 21.
[6] Pascal Rousseau, Cosa Mentale (Art et Télépathie au XXe siècle), Gallimard/Centre Pompidou-Metz, 2015, Emile Cohl, p. 51 et Stan VanDerBeek, p. 205 et 207, Jordan Belson, p. 208-209.
[7] Stéphane Ghislain Roussel (dir.), Opéra Monde (la Quête d’un art total), Paris, RMN-Grand Palais/Centre Pompidou metz, 2019, William Kentridge, p. 98 et suivantes, Bill Viola, p. 108 et suivantes, Vergine Keaton, p. 112 et suivantes.
[8] Ziba de Weck Ardalan (dir.), Momentary Momentum : Animated Drawings, Lonon, Parasol Unit Fondation for contemporary art, 2007.
[9] Il est possible de renvoyer aux entretiens consacrés à Boris Labbé ou Theodor Urshev dans le dossier « Richesse et renouveau du cinéma d’animation » de la revue Positif (n°703, septembre 2019) ou à certains articles du n°50, consacré au cinéma d’animation, de la revue trismestrielle Artpress2 en février-avril 2019. De manière plus large, avec des approches différentes et en langue anglaise, des ouvrages comme Experimental Animation (1977 et 1988) de Robert Russell et Cecile Starr ou Experimental animation (2019), dirigé par Miriam Harris, Lilly Husbands et Paul Taberham, se sont déjà penchés sur cette question.
Subjects
- Representation (Main category)
- Mind and language > Representation > Visual studies
Places
- Roanne, France (42)
Date(s)
- Thursday, October 01, 2020
Attached files
Keywords
- animation, expérimentation filmique, histoire, technique
Contact(s)
- Jérôme Dutel
courriel : jerome [dot] dutel [at] univ-st-etienne [dot] fr - Rodolphe Olcèse
courriel : rodolphe [dot] olcese [at] univ-st-etienne [dot] fr
Information source
- Rodolphe Olcèse
courriel : rodolphe [dot] olcese [at] univ-st-etienne [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Animation and experimentation », Call for papers, Calenda, Published on Friday, June 19, 2020, https://doi.org/10.58079/151b