AccueilArtistes-enseignantes au XXe siècle : la transmission au prisme du genre

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Artistes-enseignantes au XXe siècle : la transmission au prisme du genre

Artist-teachers in the 20th century: transmission through the prism of genre

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Publié le jeudi 25 juin 2020

Résumé

L’historiographie existante sur l’enseignement artistique au XXe siècle s’intéresse peu au cas particulier des artistes femmes. Elle se concentre principalement sur quelques établissements qui, à l’image du Bauhaus, font rupture et s’affirment comme des lieux de l’avant-garde, laissant dans l’ombre la plus grande part des écoles, le rythme de leurs évolutions et les luttes discrètes qui s’y jouent. Plus généralement, le contenu des cours, les dynamiques de transmission et le fonctionnement des groupes demeurent eux aussi méconnus. Le manque de sources constitue l’une des difficultés majeures auxquelles se heurte la recherche pour envisager les méthodes d’enseignement. Il en va de même pour la féminisation des groupes et la manière dont elle modifie les rapports de force, de projection, ainsi que l’imaginaire et les récits mis en œuvre dans l’enseignement.

Annonce

Argumentaire

Tout au long du XXe siècle, les écoles d’art et de design européennes font l’objet de critiques, de réformes et de réinventions successives. Les réseaux de validation, les carrières, ainsi que les échelles de valeur sur lesquels elles reposent sont en partie rendus obsolètes à la suite des premières avant-gardes. Perdant là une de ses raisons d’être, l’enseignement artistique traditionnel se voit dès lors constamment réévalué. Les méthodes, les techniques et les attitudes qu’elles transmettent sont ainsi régulièrement modifiées : on cherche à rendre l’enseignement plus pertinent, notamment en l’ouvrant davantage au contemporain. De multiples modèles sont ainsi testés en Europe et dans le monde : le Bauhaus, le Black Mountain College, CalArts, l’École d’Ulm, la Freie Internationale Universität, le Banff Centre for Arts and Creativity, La Cambre ou plus récemment Le Fresnoy, ainsi que de nombreuses écoles d’été indépendantes et éphémères. Partout le paysage se complexifie : la circulation des étudiant·e·s, des artistes et plus généralement des formes et des idées contribue, malgré des contextes nationaux différents, à une mutation globale de l’enseignement artistique. C’est dans ce contexte général de renouvellement qu’intervient l’accession progressive d’artistes femmes à des postes d’enseignement. Certaines ont été durablement associées à cette pratique, c’est le cas d’Anni Albers, Marianne Brandt, Lygia Clark, Doris Stauffer, Gina Pane, tandis que pour d’autres, cette activité demeure un pan peu connu de leur carrière, comme pour Maria Lassnig, Lea Lublin, Annette Messager par exemple. Parmi beaucoup d’autres, ces parcours particuliers donnent à penser non seulement les structures hiérarchiques sous-jacentes des différentes institutions de l’art mais aussi les voies de leur progressif renouvellement au cours du XXe siècle. A un niveau plus théorique, ce sont aussi les méthodes et peut-être les contenus eux-mêmes de la transmission pédagogique dont les impensés sont éclairés par l’arrivée des femmes dans les écoles d’art. À l’occasion de ce colloque, nous proposons donc de penser l’enseignement artistique au XXe siècle au prisme du genre afin de comprendre comment les écoles d’art et de design ont pu devenir les sites privilégiés de la lutte pour la visibilité que mènent alors ces artistes.

Les difficultés structurelles auxquelles se heurtent les artistes femmes sont connues. La recherche récente a notamment étudié leur manque de représentation institutionnelle et de soutien par le marché, l’importance de leur entourage et de leur lien à des artistes hommes, leur marginalisation, leur cantonnement à des rôles techniques comme autant de mécanismes entrant en jeu dans leur absence ou retard de reconnaissance. Leur rôle dans les écoles d’art et de design est quant à lui peu connu. Tandis que le champ se féminise, lentement mais sûrement, l’école peut-elle être considérée comme un autre aspect de l’institution, plus à même de les accueillir, si ce n’est de leur donner une visibilité ?

Alors que l’importance des professeurs semble majeure, qu’ils marquent par leur enseignement des générations de jeunes artistes, et bénéficient pour leur propre production de l’émulation du groupe, quelle place est réservée aux artistes femmes dans les écoles d’art ? La reconnaissance sociale qui est associée à ces fonctions est-elle la même pour les artistes femmes que pour les artistes hommes, et comment la penser aussi en dehors de cette binarité du genre ? Les questions du choix, de l’accessibilité et de la valorisation de cette carrière doivent être soulevées. Le bénévolat et la précarité, largement féminins, sont ainsi à repenser comme des interstices depuis lesquels les femmes exercent une influence qui pour être discrète et en décalage avec la hiérarchie, n’en est pas moins réelle.

Prendre en compte les méthodes et les contenus de l’enseignement permet d’autre part de révéler comment les attendus de genre sont contournés ou se transmettent depuis les artistes enseignantes vers les étudiantes. Ainsi les mécanismes de soin, de don de soi, d’attention aux autres que l’enseignement suppose entrent en résonance avec des clichés du féminin. Comment les artistes femmes ont-elles dépassé ou embrassé ces notions dans leur pratique ? La présence d’artistes femmes enseignantes dans les écoles modifie ainsi un certain nombre de dynamiques de pouvoir, de hiérarchie et de projection, renouvelant par là-même une partie des cadres informels de l’enseignement artistique.

L’historiographie existante sur l’enseignement artistique au XXe siècle s’intéresse peu au cas particulier des artistes femmes. Elle se concentre principalement sur quelques établissements qui, à l’image du Bauhaus, font rupture et s’affirment comme des lieux de l’avant-garde, laissant dans l’ombre la plus grande part des écoles, le rythme de leurs évolutions et les luttes discrètes qui s’y jouent. Plus généralement, le contenu des cours, les dynamiques de transmission et le fonctionnement des groupes demeurent eux aussi méconnus. Le manque de sources constitue l’une des difficultés majeures auxquelles se heurte la recherche pour envisager les méthodes d’enseignement. Il en va de même pour la féminisation des groupes et la manière dont elle modifie les rapports de force, de projection, ainsi que l’imaginaire et les récits mis en œuvre dans l’enseignement.

Théoriquement hors du marché, les écoles constituent des laboratoires où les personnalités autant que les pratiques se cherchent, s’affirment et se renouvellent. Le temps passé dans ces ateliers demeure un moment particulièrement important pour les jeunes artistes comme pour les professeur·e·s : les expérimentations, la liberté, la communauté des étudiant·e·s, contribuent à créer un environnement où idées, formes et partis-pris sont sans cesse mis en question et discutés. C’est en ce sens que nous proposons de l’étudier, comme un lieu de modification et de cristallisation de dynamiques de genre au sein du monde de l’art.

Sans restriction géographique et portant sur tout le XXe siècle, ce colloque a pour objectif de penser de manière dynamique le rapport entre artistes femmes et écoles d’art. Il s’agira non seulement de mettre en lumière des trajectoires individuelles, mais aussi d’interroger à un niveau plus général les luttes dont les écoles sont le théâtre et les évolutions que l’enseignement d’artistes femmes révèle, prépare ou accomplit dans le champ de la création contemporaine.

Modalités de proposition

Le colloque, sous la direction de Déborah Laks, est réalisé en partenariat avec le programme de recherche HPCA de l’École Nationale des Chartes et AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions. Il aura lieu les 3 et 4 décembre 2020, à l’École des Chartes à Paris.

Les communications, d’une durée de 30 minutes, pourront avoir lieu en français et/ou en anglais ; elles feront l’objet d’une captation audiovisuelle et certaines seront susceptibles d’être publiées en 2021.

Les propositions de 3000 signes maximum (soit 500 mots), accompagnées d’un bref CV et d’une liste des publications, devront être adressées à Déborah Laks (colloque.artistes.enseignantes@gmail.com)

avant le 20 septembre 2020

Elles seront évaluées par le comité scientifique du colloque.

Comité d’organisation

  • Déborah Laks, CNRS, LIR3S, UMR 7366
  • Stéphanie Louis, École Nationale des Chartes
  • Matylda Taszycka, AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions

Comité scientifique

  • Lucile Encrevé, École nationale supérieure des Arts Décoratifs
  • Déborah Laks, CNRS, LIR3S, UMR7366
  • Charlotte Foucher-Zarmanian, CNRS, LEGS - UMR8238
  • Camille Paulhan, École Supérieure d'Art Pays Basque
  • Elvan Zabunyan, Université Rennes 2

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • dimanche 20 septembre 2020

Fichiers attachés

Mots-clés

  • enseignement de l'art, femmes, artistes

Contacts

  • Déborah LAKS
    courriel : deborah [dot] laks [at] cnrs [dot] fr

Source de l'information

  • Stéphanie Louis
    courriel : stephanie [dot] louis [at] chartes [dot] psl [dot] eu

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Artistes-enseignantes au XXe siècle : la transmission au prisme du genre », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 25 juin 2020, https://doi.org/10.58079/151q

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