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Le voyage immobile

The immobile journey

Numéro spécial de la revue en ligne « Astrolabe »

Astrolabe online journal special issue

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Publié le vendredi 17 juillet 2020

Résumé

Le programme de recherche intitulé « Géographies imaginaires : le voyage-prétexte comme machine à penser » prévoie d’éditer en ligne dans la revue Astrolabe un numéro inspiré de l’actualité : ces temps de pandémie et de confinement seraient le moment opportun pour réfléchir au voyage devenu immobile, mais qui jamais ne stagne. Quel en est le mouvement ? Est-il seulement imaginaire, s’il n’est physique ? Qu’en est-il aussi de celui qui bouge, mais n’avance pas, comme en un labyrinthe ? Autant de questions qui surgissent à propos des écritures du voyage immobile.

Annonce

Argumentaire

Le programme de recherche intitulé « Géographies imaginaires : le voyage-prétexte comme machine à penser » prévoie d’éditer en ligne dans la revue Astrolabe un numéro inspiré de l’actualité : ces temps de pandémie et de confinement seraient le moment opportun pour réfléchir au voyage devenu immobile, mais qui jamais ne stagne. Quel en est le mouvement ? Est-il seulement imaginaire, s’il n’est physique ? Qu’en est-il aussi de celui qui bouge, mais n’avance pas, comme en un labyrinthe (Le Château de Kafka, L’Emploi du temps de Butor, etc.) ? Autant de questions qui surgissent à propos des écritures du voyage immobile.

Dans Voyage au bout de la nuit, Céline écrit que « Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déception et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. » Il y a pourtant un paradoxe évident à associer la notion de voyage impliquant la mobilité, le déplacement, l’action, le changement de lieu et de temps, à ses opposés. Être ou devenir mobilis immobile représente une forme de « degré zéro » (Barthes) du voyage, de « tragique de la littérature » viatique, sorte d’exhibition du masque du voyageur qui n’est défini comme voyageur, selon les dictionnaires anciens (Furetière « Qui fait des voyages par pure curiosité, et qui en fait des relations ») que s’il écrit son voyage. Inversement, si voyager n’est validé que par l’écriture de son voyage, « écrire c’est voyager » (J.M.G. Le Clézio) : l’immobilité du voyageur le place face à une dialectique a priori déconcertante. Elle peut engendrer une réflexion autant générique que thématique, éthique ou rhétorique. Écrire, penser « à sauts et à gambades » (Montaigne), est-ce voyager ? Quel est le moteur intérieur ? Quelles errances psychologiques supposent ce mouvement arrêté ? Quels paradis artificiels visitent les voyageurs hallucinés ? La rentrée en soi n’est-elle pas découverte des multiples de soi ? Si le voyageur est souvent considéré comme un menteur (« A beau mentir qui vient de loin ») et que des auteurs comme Montaigne ou Rousseau, chacun à leur manière, privilégient le récit d’un regard naïf et peu lettré par rapport à celui qui, érudit, proposera plutôt sa bibliothèque de voyageur, confirmant ou infirmant ses lectures plutôt que de proposer un regard neuf, sans passer par le prisme de lunettes subjectives, le voyage immobile ne permettrait-il pas alors de penser une nouvelle forme d’humanisme ?

L’expression « voyageurs immobiles » (F. Pessoa) caractérisant le voyageur dont le champ d’action se trouve être ses pensées, avec son flot d’idées vagabondes, avec ses risques et ses tempêtes, pourrait être envisagée pour des auteurs comme Deleuze ou Giono dont l’une des nouvelles de L’Eau vive porte en titre cet oxymore (III, 118-120). Passion, errance ou rêve, le voyage immobile devient mission exploratoire pour celui qui emprunte les machines à remonter le temps : «  Si nous pouvions rester immobiles dans l’Espace absolu, le long du Cours du Temps […] tous les instants futurs et passés (nous constaterons plus loin que le Passé est par-delà le Futur, vu de la Machine) seraient explorés successivement, de même que le spectateur sédentaire d’un panorama a l’illusion d’un voyage rapide le long de paysages successifs » (Alfred Jarry, Commentaires pour servir à la construction pratique de la machine à voyager dans le temps par le Dr Faustroll, 1899). C’est là aussi tout le défi des machines théâtrales simulant le voyage par des décors mobiles où l’acteur restant sur scène et le spectateur dans son fauteuil voyagent par la vision et l’esprit…

Selon Furetière « On dit en Morale, Nous ne sommes que voyageurs en ce monde, pour dire, que cette vie est passagère » : homo viator, simple pèlerin sur terre, le mouvement du voyageur le renvoie à la condition humaine. Les sources bibliques évoquent d’emblée les désirs antagonistes d’Abel et Caïn, du sédentaire qui rêve d’ailleurs, et du nomade qui demande à se fixer. Confiné de gré (vœux monastiques ou retraite volontaire) ou de force (emprisonnement), l’homme cherche à s’évader par l’esprit, à voyager au-delà des murs. Cet empêchement, qui pourrait sembler asséchant, peut aussi donner lieu à une créativité nouvelle et à des œuvres originales. Les plus beaux voyages ne sont-ils pas parfois ceux qui sont pensés, rêvés, davantage que vécus ?

Si le déplacement paraît de prime abord inhérent et indispensable au voyage, certains textes s’affranchissent de la dimension physique et matérielle du voyage. Le voyage semble au XXIe siècle communément pratiqué, mais il n’a pas toujours été possible à certaines catégories de personnes de se déplacer : les femmes en Europe sous l’Ancien Régime et encore aujourd’hui dans plusieurs pays, les religieux ayant fait vœu de clôture, et tous ceux qui n’ont ni les moyens financiers ni les autorisations nécessaires pour le faire (par exemple la licence pontificale pour les pèlerins se rendant en Terre sainte, ou le refus de visa par les ambassades de nos jours).

Que l’auteur voyage autour de sa chambre (Xavier de Maistre) ou s’évade en pensée en des contrées lointaines, l’enfermement semble avoir joué un rôle dans l’élaboration des récits de voyages immobiles. Parfois, un simple bout de ciel bleu aperçu « par-dessus le toit » permet à l’auteur (Paul Verlaine) d’échapper à sa condition. Les jours de navigation sans vent donnent lieu alternativement à des « rien à signaler » journaliers ou au contraire à des grandes envolées méditatives (Journal aux Indes orientales de Robert Challe). De son exil anglais, le poète Charles d’Orléans regardait « vers le païs de France » et sa « doulce plaisance ». Que penser de Du Bellay, harassé de tâches domestiques à la cour de son oncle cardinal, qui prend à rebours le mythe odysséen et rêve de rester immobile chez lui ? Le confinement peut aussi donner lieu à des voyages intérieurs, où l’auteur se livre à une introspection, comme l’a expérimenté Xavier de Maistre narrant son expérience de confinement en quarantaine dans Voyage autour de ma chambre et dans Expédition nocturne autour de ma chambre.  Les écrits spirituels empruntent, eux aussi, largement à la sémantique du voyage : la voie, le chemin, le cheminement, l’ascension et les épreuves. Aussi parle-t-on de « voyages spirituels ». Les quêtes initiatiques ne se déroulent pas toujours dans un vaste espace, mais mènent, d’étapes en étapes, leur sujet à un aboutissement toujours plus élevé, même si des rechutes sont possibles.

Parmi tous les arpenteurs d’imaginaire et d’inconnu, les voyageurs immobiles choisissent leur parcours, mais aussi les mots et les formes pour l’exprimer. Aussi inviterons-nous les auteurs à proposer des textes questionnant ces voyages immobiles, de l’Antiquité à l’époque contemporaine et les genres qu’ils empruntent. Il peut s’agir d’une étude de cas, portant sur une œuvre ou un auteur spécifique, ou bien de l’analyse d’un corpus ou d’une pratique. Les recherches sur les textes ou les images sont les bienvenues.

Modalités de proposition

Les auteurs sont invités à envoyer avant le 15 septembre 2020 une proposition présentant en une dizaine de lignes leur projet d’article, accompagnée d’une courte bio-bibliographie.

Les articles définitifs devront être envoyés avant le 31 octobre 2020. Les normes de la revue sont consultables en ligne : https://astrolabe.msh.uca.fr/normes-aux-auteurs

Les propositions et les articles doivent être transmis sous format WORD à sylvie.requemora@univ-amu.fr et à gadrat@mmsh.univ-aix.fr

Comité scientifique

  • Philippe ANTOINE, CELIS, CRLV
  • Christine GADRAT-OUERFELLI, LA3M-AMU
  • Huguette KRIEF, CIELAM, AMU, CRLV
  • Patrick Mathieu, CIELAM, AMU, CRLV
  • Sylvie REQUEMORA, CIELAM, AMU, CRLV

Calendrier

  • Diffusion de l’appel 15 juillet
  • DL pour les propositions : 15 septembre
  • DL pour la remise des textes : 31 octobre
  • Expertises du comité scientifique : novembre
  • Mise en ligne des textes sur Astrolabe : 10 décembre

Dates

  • mardi 15 septembre 2020

Mots-clés

  • voyage, immobile, enfermement, introspection,

Contacts

  • Christine Gadrat-Ouerfelli
    courriel : christine [dot] gadrat-ouerfelli [at] cnrs [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Christine Gadrat-Ouerfelli
    courriel : christine [dot] gadrat-ouerfelli [at] cnrs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le voyage immobile », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 17 juillet 2020, https://doi.org/10.58079/154l

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