Announcement
Argumentaire
Le big data s’est aujourd’hui imposé dans le champ de la santé : les données en grand nombre sont mobilisées dans la recherche biomédicale, pour diagnostiquer la maladie ou bien envisager un traitement. Elles répondent aussi à des logiques comptables (gestion des établissements de santé notamment) et s’insèrent plus largement dans des marchés (industries technologiques et pharmaceutiques, assurances) très concurrentiels. Les données médicales, hautement convoitées, se monnayent à travers le monde et portent à questionner les modèles économiques, mais aussi scientifiques, qui les sous-tendent.
De nos jours, le paradigme du grand nombre entraîne un renouvellement des représentations médicales du corps (qui se voit fragmenté en autant de données comparables et agençables à merci) et de la relation thérapeutique. L’avènement de la médecine dite personnalisée, de l’intelligence artificielle et de ses dispositifs algorithmiques s’accompagne effectivement de nouveaux imaginaires et rhétoriques soignantes. Ces dernières s’appliquent à déployer un discours prophétique sur les découvertes scientifiques à venir, sur la capacité des sciences à repousser les maladies et même la mort, à renforcer et normaliser les corps ; l’idée d’une médecine toute puissante, en somme. La « vérité » des corps et la résolution de leurs troubles ne se trouveraient que dans ce qui est pensé comme une double objectivation : traitement de données quantitativement nombreuses et réalisation de l’exercice par une machine non douée d’affects.
Nous nous proposons de revenir sur ces rhétoriques médicales, de saisir ces promesses intellectuelles et techniques dans le temps long, en les articulant aux relations thérapeutiques qu’elles induisent. En investissant d’une part les imaginaires soignants, et d’autre part la place des individus souffrants, nous souhaitons enquêter sur les césures que génère l’émergence des données médicales en grand nombre, comme sur les très fortes permanences, jusqu’aux discours contemporains, de l’idée d’un « progrès » nécessairement obtenu par une mise à distance, de plus en plus importante, de la médiation humaine, pour saisir les corps et leurs pathologies.
Nous aimerions plus particulièrement que ce numéro thématique questionne la notion de données médicales dans un temps long, en partant du principe qu’elles constituent tous les éléments mobilisés par les soignant·e·s pour appréhender l’état de santé des individus et leurs éventuelles pathologies. Il s’agit notamment de réfléchir aux mécanismes de pouvoir sur les corps produits par un regard médical fondé sur l’élaboration de données sérielles et d’investiguer la manière dont elle façonne les savoirs médicaux et la définition même des pathologies.
Diverses pistes de recherche pourront être explorées :
-
Définitions et élaboration d’une donnée médicale : quels sont, au fil des siècles, les éléments corporels ou psychiques observés et évalués par les soignant·e·s ? Comment passe-t-on de l’expérience du corps malade à l’énonciation d’une pathologie singulière ? Comment s’élabore une donnée, des approches sensualistes aux dispositifs techniques ? Quels sont les méthodes et contextes de recensement, mais aussi les processus d’objectivation du corps ? Quelle place pour les perceptions des souffrant·e·s et leurs mises en récit ?
-
Données et paradigmes : quels rapports aux données les médecines idiosyncratiques, holistiques, personnalisée ou encore prédictive ont-elles élaborés ? Quelles évolutions notables dans les représentations du corps et de la santé sont décelables ?
-
Formes des données : sous quelles formes les données sont-elles élaborées ? Quels codages nécessitent-elles pour être appréhendées et comparées ? Quelles en sont les incidences sur leurs mobilisations et leur traitement ?
-
Mise en série : l’approche sérielle, au cœur des données en grand nombre, invite à explorer la notion de « cas » et ses possibles mises en série, mais aussi à revenir sur les rationalités à l’œuvre. Quelles intelligences mobiliser pour saisir les données ? Quelle est la place des soignant·e·s face aux données, comment les faire parler ? La machine algorithmique induit-elle une disqualification des capacités d’observation et d’analyse des soignant·e·s, simples exécutant·e·s « éclairé·e·s » des diagnostics ou traitements proposés ?
-
Patient·e·s : Quelle place des malades, et plus largement des individus, dans ces dispositifs ? Que faire de l’expérience sensible et individuelle des malades : est-elle une donnée et comment est-elle traduite ? Quelles collaborations sont demandées aux souffrant·e·s ? Quelles capacités de négociation ont les malades face aux données ? Quelles sont les incidences sur la relation thérapeutique ?
-
Utilisation des données médicales : comment et dans quels domaines les données médicales peuvent-elles servir en dehors du champ du soin ? Quelles ont été les mobilisations de ces données dans le domaine économique, social, politique, militaire… ? À qui appartiennent-elles et par quels dispositifs sont-elles devenues monnayables ?
Des contributions relevant de ce thème, mais davantage destinées à la présentation critique de sources, textuelles et/ou iconographiques, pourront également être proposées pour la section « Sources et documents » de la revue.
Histoire, médecine et santé publie des articles aussi bien en français qu’en anglais et en espagnol. Les propositions de contributions pour la section « Sources et documents » peuvent être soumises dans une de ces trois langues, mais la publication imprimée de ces textes se fera exclusivement en traduction française ; en revanche, la version numérique pourra être bilingue.
Modalités de contribution
Les travaux proposés ne devront pas excéder 45 000 signes (espaces comprises) pour les articles, 10 000 pour les textes de présentation de sources. Ils devront être adressés
jusqu’au 15 décembre 2020
à Céline Barthonnat (celine.barthonnat [@] cnrs.fr).
Pour toute question d’ordre scientifique sur cet appel, vous pouvez joindre Hervé Guillemain (herve.guillemain [@] univ-lemans.fr) ou Nahema Hanafi (nahema.hanafi [@] univ-angers.fr).
Les consignes sont disponibles sur le site de la revue, à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/hms/757.
Responsables du numéro
- Émilie Bovet, Maître d'enseignement HES, Haute École de Santé Vaud (HESAV), Lausanne ;
- Hervé Guillemain, Professeur des Universités, Le Mans Université - TEMOS UMR 9016 CNRS ;
- Nahema Hanafi, Maîtresse de conférences, Université d’Angers - TEMOS UMR 9016 CNRS.
Modalités d'évaluation
Le comité de rédaction, composé d’enseignant·e·s-chercheur·e·s et de jeunes chercheur·e·s, sélectionne les articles avant de les envoyer à deux évaluateurs/trices anonymes. Les articles peuvent être : acceptés en l’état, acceptés sous réserve de modifications, refusés.
Argument
Big data has now imposed itself in the field of health: large amounts of data are used in biomedical research to diagnose disease or consider treatments. Data also responds to accounting logics (management of healthcare institutions in particular) and is more widely used in highly competitive markets (technological and pharmaceutical industries, insurance). Medical data, which is highly coveted, is being traded worldwide and raises questions about the economic and scientific models that underlie it.
Nowadays, the paradigm of large numbers is leading to a renewal of medical representations of the body (which is fragmented into as many comparable and freely combinable data) and of the therapeutic relationship. The advent of so-called personalized medicine, artificial intelligence and its algorithmic devices is indeed accompanied by new imaginaries and care rhetorics. The latter apply themselves to deploy a prophetic discourse on the scientific discoveries to come, on the capacity of science to repel disease and even death, to strengthen and normalize bodies; the idea of an all-powerful medicine, in short. The “truth” of the bodies and the resolution of their disorders is found only in what is thought to be a double objectification: the processing of quantitatively numerous data carried out by a machine without affect/emotions.
We propose to return to these medical rhetorics, to grasp these intellectual and technical promises over a long period of time, linking them to the therapeutic relationships they induce. By investing on the one hand the caregiver imaginaries, and on the other hand, the place of suffering individuals, we want to investigate the breakdowns generated by the emergence of medical data in large numbers, as well as the very strong permanence, even in contemporary discourses, of the idea of "progress" necessarily obtained at a distance, more and more important, of the human mediation, to seize bodies and their pathologies.
We would particularly like this thematic issue to question the notion of medical data over a long period of time, starting from the principle that they constitute all the elements mobilized by health care workers to apprehend the state of health of individuals and their possible pathologies. In particular, it is a question of reflecting on the mechanisms of power over the bodies produced by a medical view based on the elaboration of serial data and investigating the way in which it shapes medical knowledge and the very definition of pathologies.
Various avenues of research could be explored:
-
Definitions and elaboration of medical data: what are, over the centuries, the bodily or psychic elements observed and evaluated by the caretakers? How does one go from the experience of the sick body to the enunciation of a singular pathology? How does one elaborate a given, from sensualist approaches to technical devices? What are the methods and contexts for recording, but also the processes of objectification of the body? What place is there for the perceptions of sufferers and their narratives?
-
Data and paradigms: how do idiosyncratic, holistic, personalized or predictive medicine relate to data? What significant changes in representations of the body and health can be detected?
-
Forms of data: in what forms are data processed? What coding is required to be understood and compared? What are the implications for their mobilisation and processing?
-
Serialisation: the serial approach, at the heart of large numbers of data, invites us to explore the notion of “case” and its possible serialisation, but also to return to the rationalities at work. What intelligence should be mobilized to capture the data? What is the place of the caregivers in relation to the data, how to make them talk? Does the algorithmic machine lead to a disqualification of the observation and analysis capacities of the caregivers, who are simply the “enlightened” executors of the proposed diagnoses or treatments?
-
Patients: What is the place of patients, and more broadly of individuals, in these devices? What to do with the sensitive and individual experience of patients: is it a given and how is it translated? What kind of collaboration is required from patients? What negotiation skills do patients have when faced with data? What are the implications for the therapeutic relationship?
-
Use of medical data: how and in what areas can medical data be used outside the scope of care? What have been the mobilizations of these data in the economic, social, political, military field? To whom do they belong and by which devices have they become monetizable?
Contributions relating to this theme, but more intended for the critical presentation of sources, textual and/or iconographic, may also be proposed for the “Sources and Documents” section of the journal.
Submission guidelines
Histoire, médecine et santé publishes articles in French as well as in English and Spanish. Proposals for contributions to the “Sources and Documents” section may be submitted in one of these three languages, but the printed publication of these texts will be exclusively in French translation; however, the digital version may be bilingual.
The proposed work should not exceed 45 000 characters (including spaces) for articles and 10 000 for texts presenting sources. They should be sent
until 15 December 2020
to Céline Barthonnat (celine.barthonnat [@] cnrs.fr).
For any scientific questions about this call, you can contact Hervé Guillemain (herve.guillemain [@] univ-lemans.fr) or Nahema Hanafi (nahema.hanafi [@] univ-angers.fr).
Instructions are available on the journal's website at https://journals.openedition.org/hms/757.
Editors
- Émilie Bovet, Maître d'enseignement HES, Haute École de Santé Vaud (HESAV), Lausanne ;
- Hervé Guillemain, Professeur des Universités, Le Mans Université - TEMOS UMR 9016 CNRS ;
- Nahema Hanafi, Maîtresse de conférences, Université d’Angers - TEMOS UMR 9016 CNRS.
Argumentos
El big data se ha impuesto hoy en el campo de la salud: los datos en grandes cantidades se emplean en la investigación biomédica, para diagnosticar enfermedades o considerar un tratamiento. También responden a lógicas contables (gestión de instituciones prestadoras de servicios de salud, en particular) y se insertan, más ampliamente, en mercados muy competitivos (industrias tecnológicas y farmacéuticas, seguros). Los datos médicos, muy codiciados, se comercializan a través del mundo y conducen a cuestionar los modelos económicos, así como científicos, en los que se basan.
En nuestros días, el paradigma de los grandes números produce una renovación de las representaciones médicas del cuerpo (que resulta fragmentado en datos comparables y articulables entre sí a voluntad) y de la relación terapéutica. El advenimiento de lo que se ha dado en llamar medicina personalizada, de la inteligencia artificial y de sus dispositivos algorítmicos se acompaña, en efecto, de nuevos imaginarios y retóricas médicas. Estas últimas despliegan un discurso profético sobre los descubrimientos científicos por venir, sobre la capacidad de las ciencias para alejar la enfermedad e incluso la muerte, para reforzar y normalizar los cuerpos; se trata, en suma, de la idea de una medicina todopoderosa. La “verdad” de los cuerpos y la solución de sus trastornos sólo residirían en lo que se piensa como una doble objetivación: el tratamiento de datos cuantitativamente numerosos y la realización del ejercicio por parte de una máquina desprovista de afectos.
Nos proponemos volver sobre esas retóricas médicas, enfocar esas promesas intelectuales y técnicas en la larga duración, articulándolas con las relaciones terapéuticas que inducen. Al abordar, por un lado, los imaginarios médicos, y por otro lado el lugar de los individuos enfermos, queremos indagar acerca de las cesuras que genera la emergencia de los datos médicos en grandes cantidades, así como sobre las muy fuertes permanencias, hasta los discursos contemporáneos, de la idea de un “progreso” necesariamente obtenido por medio de una puesta a distancia cada vez mayor de la mediación humana para captar a los cuerpos y sus patologías.
Más particularmente, aspiramos a que este número temático interrogue la noción de datos médicos en la larga duración, partiendo del principio según el cual esos datos constituyen todos los elementos movilizados por el personal de la salud para aprehender el estado sanitario de los individuos y sus eventuales patologías. Se trata sobre todo de reflexionar sobre los mecanismos de poder sobre los cuerpos que produce una mirada médica basada en la elaboración de datos seriales, e investigar cómo esa elaboración moldea los saberes médicos y la propia definición de las patologías.
Podrán explorarse diversas pistas de investigación:
-
Definiciones y elaboración de un dato médico: ¿cuáles son, a lo largo de los siglos, los elementos corporales o psíquicos observados y evaluados por el personal de la salud? ¿Cómo se pasa de la experiencia del cuerpo enfermo a la enunciación de una patología singular? ¿Cómo se elabora un dato, de las aproximaciones sensualistas a los dispositivos técnicos? ¿Cuáles son los métodos y los contextos de recogida, así como los procesos de objetivación del cuerpo? ¿Qué lugar ocupan las percepciones de las personas enfermas y las narraciones que elaboran a partir de ellas?
-
Datos y paradigmas: ¿qué relaciones con los datos se elaboran en las medicinas idiosincrásicas, holísticas, personalizada o predictiva? ¿Qué evoluciones notables pueden identificarse en las representaciones des cuerpo y de la salud?
-
Formas de los datos: ¿bajo qué formas se elaboran los datos? ¿Qué codificaciones necesitan para ser aprehendidos y comparados? ¿Qué incidencias tiene esto en sus usos y su procesamiento?
-
Puesta en serie: el enfoque serial, que ocupa un lugar central en los datos en grandes cantidades, invita a explorar la noción de “caso” y sus posibles serializaciones, así como a reconsiderar las racionalidades en juego. ¿Qué inteligencias movilizar para ingresar los datos? ¿Cuál es el papel del personal de la salud frente a los datos, cómo hacerlos hablar? ¿La máquina algorítmica induce una descalificación de las capacidades de observación y de análisis de ese personal, situándolos como simples ejecutantes “esclarecidos” de los diagnósticos y de los tratamientos propuestos?
-
Pacientes: ¿Cuál es el lugar de las personas enfermas, y más ampliamente de los individuos en esos dispositivos? ¿Qué hacer con la experiencia sensible e individual de los enfermos: se trata de un dato? ¿Cómo se lo traduce? ¿Qué capacidad de negociación tienen los enfermos frente a los datos? ¿Cuáles son las incidencias en la relación terapéutica?
-
Utilización de los datos médicos: ¿cómo y en qué campos pueden servir los datos médicos, fuera del ámbito de la salud? ¿Qué usos se han hecho de esos datos en los campos económico, social, político, militar…? ¿A quién pertenecen y por medio de qué dispositivos se han vuelto comercializables?
Las contribuciones relativas a este tema, pero más destinadas a la presentación crítica de fuentes, textuales y/o iconográficas, podrán también ser propuestas para la sección “Fuentes y documentos” de la revista.
Modalidades de proposiciones de ponencias
Histoire, médecine et santé publica artículos tanto en francés como en inglés y en español. Las propuestas de contribuciones para la sección “Fuentes y documentos” pueden ser presentadas en cualquiera de estas tres lenguas, pero la publicación impresa de esos textos se efectuará exclusivamente en traducción al francés; la versión digital, en cambio, podrá ser bilingüe.
Los trabajos propuestos no podrán exceder los 45 000 caracteres (con espacios) para los artículos, ni 10 000 para los textos de presentación de fuentes, y deben ser enviados
antes del 15 de diciembre de 2020
a Céline Barthonnat (celine.barthonnat[@]cnrs.fr).
Las consultas de orden científico sobre esta convocatoria pueden ser dirigidas a Hervé Guillemain (herve.guillemain [@] univ-lemans.fr) o Nahema Hanafi (nahema.hanafi [@] univ-angers.fr).
Las instrucciones a los autores están disponibles en el sitio web de la revista, en la dirección electrónica siguiente: https://journals.openedition.org/hms/757.
Coordinadoras
- Émilie Bovet, Maître d'enseignement HES, Haute École de Santé Vaud (HESAV), Lausanne ;
- Hervé Guillemain, Professeur des Universités, Le Mans Université - TEMOS UMR 9016 CNRS ;
- Nahema Hanafi, Maîtresse de conférences, Université d’Angers - TEMOS UMR 9016 CNRS.