AccueilArchitectures en série et patrimoine

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Architectures en série et patrimoine

Architectures in series and heritage

Cahiers Thématiques n° 20

Cahiers Thématiques journal no.20

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Publié le lundi 31 août 2020

Résumé

Le laboratoire de recherche de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (LACTH, laboratoire Conception – territoire – histoire - matérialité) publie annuellement les Cahiers thématiques. Le vingtième numéro, coordonné par le domaine « Histoire » dont la parution est prévue en 2021, sera consacré à la question des architectures en série et du patrimoine. Les mutations matérielles et techniques de la production de l’architecture depuis la Révolution industrielle imposent de nous réinterroger sur notre relation aux formes bâties. La construction en nombre sur un territoire donné ou dans un temps limité incite à la reproductibilité, modifiant le statut des édifices. De l’objet unique à la production en série, comment déterminer aujourd’hui les architectures à considérer comme représentatives de notre société ?

Annonce

Argumentaire

Cet appel s’inscrit dans la continuité des actions pédagogiques et scientifiques menées depuis 2017 à l’ENSAPL dans le cadre du programme interministériel de recherche et d’expérimentation en architecture, « Architecture du XXe siècle, matière à projet pour la ville durable du XXIe siècle », portant sur un corpus de 85 opérations de logements construites dans les Hauts-de-France et issues des campagnes Modèles Innovation[1].  

La fin du monument unique

Depuis une cinquantaine d’années, le rapport de notre société aux objets du passé a évolué. La notion de patrimoine s’est élargie, s’ouvrant à de nouveaux programmes, industriels notamment, à des périodes chronologiques plus récentes comme le XXe siècle, s’étendant aux objets ordinaires et dépassant le matériel pour se tourner vers l’immatériel. Aujourd’hui, le patrimoine, c’est finalement « tous les biens, tous les trésors du passé[2] ».

Cette extension de la notion de patrimoine s’est opérée en parallèle de l’accélération des phénomènes de densification des villes et de renouvellement du tissu urbain et paysager, multipliant les opérations de destruction/reconstruction. Dès lors que l’on est passé du « temps du monument » au « temps du patrimoine »[3], la rareté qui pouvait résulter de la valeur d’ancienneté préconisée par Aloïs Riegl[4] n’est plus opérante pour la sélection. Passant de l’exceptionnel et de l’unique à l’ordinaire et à la quantité, à l’ensemble et à la série, la constitution du « fonds destiné à la jouissance d’une communauté élargie[5] » nécessite d’être examinée à l’aune de nouveaux critères de sélection.

L’architecture en série, entendue dans un sens large comme un « ensemble composé d'éléments de même nature ou ayant entre eux une unité[6] », impose ainsi de nouvelles interrogations quant à sa reconnaissance, sa conservation et sa protection. Elle implique la présence de caractéristiques communes mais de possibles variations, adaptations et évolutions au fil des années. Au-delà des objets mobiles ou démontables, l’implantation dans un contexte donné constitue l’un des éléments de différenciation premier d’une construction, mais les déclinaisons peuvent s’opérer de multiples manières, en fonction des données économiques ou programmatiques notamment. On pourra interpréter le terme de série comme une suite conçue comme telle dès son origine, ou comme un ensemble rassemblé a posteriori, par son unité territoriale, programmatique, technique ou formelle. 

Mettre en œuvre une production de masse

L’architecture en série permet de répondre à des objectifs de rapidité et de rentabilité, dont les pouvoirs publics comme les compagnies privées se saisissent pour faire face à un besoin d’envergure. Avec la Révolution industrielle et le développement des voies de communications, la construction de canaux et de voies ferrées nécessite la multiplication d’équipements, tels que les gares, les postes d’aiguillages, ou encore les maisons éclusières. La construction des infrastructures techniques (comme celui des télécommunications et son réseau de télégraphes, tours hertziennes, centraux téléphoniques…), des équipements industriels liés à la production d’énergie (comme les barrages hydrauliques, installations électriques ou nucléaires) s’inscrivent dans cette même dynamique de maillage territorial, tout comme celle répondant aux exigences défensives (notamment les lignes de fortifications, citadelles ou bunkers). Se confrontant à la grande échelle, ces interventions contribuent à façonner les paysages de nos territoires. Dans les vallées où des centrales hydroélectriques se sont implantées, des villages entiers créés pour loger les salariés ont par exemple dessinés des paysages vernaculaires indissociables des équipements industriels.

Avec l’avènement de la société de consommation et les nouveaux besoins de construction de masse, le recours à la série se développe dans les administrations publiques françaises. Au tournant des années 1960, le ministère de l’Education nationale met par exemple en place les systèmes de commandes groupées et de concours conception-construction, afin de proposer des modèles adaptables à tout site. Dans le cadre de la production de logements, aux projets-types instaurés par le ministre Pierre Courant en 1953 à partir desquels sont construits plus d’un million de logements économiques et familiaux (logécos), laisse place la politique des modèles établie par les premières circulaires de 1968. Dans le même objectif d’une production quantitative de logements, la méthode est poursuivie en 1971 avec le Plan construction, à travers les dispositifs des Réalisations expérimentales (REX), des programmes architecture nouvelle (PAN) et des Modèles innovation. Mais, le recours à la série est aussi le fait d’initiatives privées, avec l’action des sociétés et coopératives immobilières ou le développement de l’habitat patronal sous le modèle notamment des cités-jardins. Les compagnies minières sont particulièrement investies avec l’obligation à partir de 1946 de loger gratuitement leurs employés, tandis que l’après-guerre voit aussi l’amplification du mouvement du castorat, système d’autoconstruction groupée pour faire face à la crise du logement.

Les conditions d’une production industrialisée

L’architecture en série est intimement liée aux conditions de sa production, et, en particulier, aux possibilités matérielles de l’industrialisation. L’utilisation de divers procédés, systèmes, composants, dans une industrialisation ouverte ou fermée, permet de construire vite, beaucoup et bon marché. Favorisée dans la France de l’après Seconde guerre mondiale, « l’aventure du béton assemblé[7] » se développe au-delà de nos frontières dans plus de 70 pays, avec des systèmes adaptés localement[8]. La production en série interroge ainsi les entreprises du bâtiment qui participent du mouvement de préfabrication du béton, mais aussi celles concernées par la construction métallique comme le Groupement d’Etude et d’Entreprises Parisiennes (GEEP) ou la compagnie industrielle de matériel de transport (CIMT), et les industriels des groupes chimiques ou pétroliers pour la réalisation de coques et de bulles lors de l’essor des matériaux plastiques. Elle interroge le rôle de grandes figures qui sont liées à ces questions, à l’image de Jean Prouvé et de son travail sur l’industrialisation de la construction métallique.  

Les processus d’industrialisation posent la question de l’échelle de la construction, des éléments de mobilier urbain du Paris haussmannien aux baraquements militaires ou de sinistrés, jusqu’à des programmes de plus grande envergure comme les équipements culturels ou de loisirs. Ils interrogent  la sphère publique, que l’on pense durant les Trente glorieuses, aux programmes sportifs telle que l’opération des Mille piscines, à la commande religieuse avec les églises nomades, ou au produit commercial avec les boites de nuit Macumba[9]. Des programmes comme celui de la maison portative ou mobile ont retenu l’attention des entrepreneurs privés et concepteurs au fil des décennies : des expériences coloniales du XIXe siècle avec la Manning portable colonial Cottage, aux maisons roulantes des années 1920 ou des mobil homes de l’après-guerre, jusqu’aux recherches théoriques de Peter et Alison Smithson (house of the Future, 1956), d’Archigram (Drive-in Housing, 1964) ou d’Archizoom (Autoarchizoom, 1973).

Au-delà des conditions de sa production, l’architecture en série questionne aussi les moyens matériels de sa conception comme les logiques de la commande. L’administration des PTT incite par exemple dès 1901 ses architectes à employer un plan-type pour l’implantation de bureaux de poste. Cette méthode de diffusion des modèles interroge les conditions de leur imitation, déclinaison et variantes, les séries réussies, mais aussi des outils de définition du standard et du type à reproduire. Dans la chaîne de production, elle renvoie à la conception du prototype, mais aussi à la protection du modèle par les systèmes de brevet.

 Patrimoine(s)

Le label Architecture contemporaine remarquable, qui succède au label Patrimoine du XXe siècle et qui reconnaît la valeur patrimoniale des architectures de moins de cent ans, impose de s’interroger sur les conditions de reconnaissance des objets en série. Alors que les piscines Tournesol produites à plus de 180 exemplaires en France, ont par exemple obtenu ce label dans cinq départements différents, seule la région Bourgogne a labellisé cinq Mille-clubs de jeunes parmi les 2 500 réalisés sur le territoire français, représentant les différents modèles produits[10]. A l’exemple des politiques de ce label, on pourra s’interroger sur les critères de sélection de la patrimonialisation des objets en série. Est-ce l’ensemble de la série qui fait patrimoine, ou les objets individuels selon leurs conditions particulières de construction ? N’est-ce pas l’effet de répétition qu’il faut patrimonialiser plus que les objets répétés ? Faut-il invoquer la singularité de certains objets ou leur représentativité ? Plus largement, quels sont les critères retenus ? On pourra ainsi travailler sur les actions patrimoniales menées par les institutions, organismes ou associations, dans leur action de connaissance, de valorisation et de conservation de ces objets. On pourra interroger le travail de protection mené par ensemble, mais aussi plus généralement les différentes méthodes mises en œuvre par les instances locales, nationales ou internationales.

Au-delà des différents critères convoqués par les instances patrimoniales, on pourra aussi interroger la valeur d’usage de ces objets en série et leur capacité à être adaptés au fil du temps par les maîtres d’œuvres et maîtres d’ouvrages. Il sera également possible de sortir du « discours autorisé sur le patrimoine[11] » construit par les pouvoirs publics, et de s’interroger sur les formes populaires de ce processus. Comment les différentes actions et regards portés sur l’architecture en série construisent une identité collective ? On pourra notamment s’attacher aux formes artistiques, à la manière des photographes Bernd et Hilla Becher qui ont consacré l’esthétique de l’architecture industrielle, ou d’Éric Tabuchi qui reconstitue les séries d’une architecture ordinaire française[12]. Il pourra ainsi être question de comprendre ce que l’image produit, mais aussi le rapport à la banalité de cette architecture en série et l’attachement qu’il génère, à l’image de Benoit Poelvoorde pour qui, les arrêts de bus en béton qui égrènent les campagnes belges  « devraient être protégés exactement comme les lieux de culte[13] ».

Attendus

Les contributions doivent être inédites et ne pas être en cours de soumission à d’autres publications. En termes de contenu, elles doivent apporter une contribution substantielle et des nouvelles connaissances au débat scientifique sur la patrimonialisation des architectures en série, des XIXe et XXe siècles en France et à l’étranger, et sur l’héritage qu’elles représentent. Elles seront soumises à la double expertise anonyme du comité de lecture.

Direction scientifique de ce numéro

  • Caroline Bauer, architecte dplg, docteure en histoire, maître de conférences associée à l’ENSAPL, chercheuse au LACTH.
  • Richard Klein, architecte dplg, docteur en histoire HdR, Professeur à l’ENSAPL, chercheur au LACTH.

Comité scientifique des Cahiers thématiques

  • Pascal Amphoux, professeur à l’Ensa de Nantes ;
  • Valter Balducci, professeur à l’Ensa de Normandie ;
  • Jean-Marc Besse, professeur à l’Ensp de Versailles ;
  • Rika Devos, chargée de cours à l’Ecole Polytechnique de l’Université Libre de Bruxelles ;
  • Franz Graf, professeur associé à l’École polytechnique fédérale de Lausanne ;
  • Daniel Le Couédic, professeur à l’Université de Bretagne occidentale (Brest) ;
  • Philippe Louguet, professeur émérite des Ensa ;
  • Frédéric Pousin, professeur à l’Ensa Paris-Belleville ;
  • Sylvie Salles, maître de conférences à l’Ensa Paris Val-de-Seine ;
  • Danièle Voldman, directrice de recherche CNRS et professeur émérite de l’Université Paris 1.

Comité de lecture

  • Philippe Grandvoinnet, directeur des études et de la vie étudiante à l’Ensa Grenoble
  • Eric Monin, professeur à l’Ensap Lille
  • Céline Barrère, maître de conférences à l’Ensap Lille
  • Xavier Dousson, maître de conférences à l’Ensa Paris Val-de-Seine
  • Pierre Lebrun, architecte, docteur en histoire de l’art

Calendrier

  • Juillet 2020 : Lancement de l’appel à contributions
  • 15 octobre 2020 : Réception des résumés

  • 30 novembre 2020 : Avis du comité de lecture sur les propositions
  • 31 janvier 2021 : Réception des articles
  • Septembre 2021 : Parution des Cahiers thématiques n°20

Modalités de contribution

Une proposition résumée de 1500 à 2000 signes sera transmise au secrétariat du LACTH pour le 15 octobre 2020 afin d’être soumise au comité de lecture.

Les contributions définitives doivent parvenir avant le 31 janvier 2021 dernier délai, à l’Ecole nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille par courrier électronique. Les textes, qui comporteront entre 15 000 et 20 000 signes maximum (espaces compris et notes non comprises), seront accompagnés d’un résumé de 1000 signes maximum ainsi que d’une présentation de l’auteur (3 lignes maximum). Les textes qui dépasseraient ce format seront retournés aux auteurs.

Les notes figureront en fin de texte et seront tapées en linéaire. Elles ne doivent pas excéder 25% de la totalité des signes du texte. Vous trouverez à la fin de ce document le modèle de mise en page des notes (pas de notes automatiques en bas de page ou en fin de document et pas d'appels de note automatiques).

Les illustrations (4 illustrations noir et blanc maximum), fournies sur support traditionnel ou numérique (300 Dpi minimum en format TIF), devront être libres de droits. Ces illustrations seront légendées et l’auteur mentionnera l’ordre et la localisation vis-à-vis du texte. Si ces illustrations sont extraites de revues, d’ouvrages ou proviennent de sources d’archives privées ou publiques, les auteurs joindront les autorisations écrites des détenteurs de droits (photographes, éditeurs, centre d’archives…) et devront nous confirmer qu’elles sont bien libres de droit.

Les auteurs, en répondant à cet appel à contribution, autorisent l’École d’architecture de Lille à publier leur contribution dans le cadre des Cahiers thématiques N°20. Ces contributions ne sont pas rétribuées. Les textes seront publiés en français ou en anglais, dans la langue choisie par l’auteur (seuls les résumés des articles seront traduits).

Contacts

Isabelle Charlet, secrétariat général du LACTH — mail : lacth@lille.archi.fr

Caroline Bauer & Richard Klein, direction et coordination Cahiers thématiques n°20

Notes

[1] Notre programme de recherches intitulé « Repenser l’innovation. Connaître et gérer le legs du logement social, expérimental et innovant de la décennie 1968-1978 », est mené conjointement par le LACTH de l’ENSAP Lille l’INAMA de l’ENSA Marseille.

[2] Jean-Pierre Babelon et André Chastel, La notion de patrimoine, Paris, Liana Levi, 1994.

[3] Daniel Fabre (dir.), Les émotions patrimoniales, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France », cahier n° 27, 2013.  

[4] Aloïs Riegl, Le culte moderne des monuments, son essence et sa genèse, Paris, Seuil, 2013 (1ère édition en langue allemande en 1903).

[5] Selon la définition que propose Françoise Choay du patrimoine historique dans Françoise Choay, L’allégorie du patrimoine, Paris, Édition du Seuil, 1992, p. 9.

[6] Trésor de la Langue Française informatisé, consultable en ligne http://atilf.atilf.fr/

[7] Yvan Delemontey, Reconstruire la France, l'aventure du béton assemblé, 1940-1955, Paris, Éditions de La Villette, 2015.

[8] Pedro Ignacio Alonso et Hugo Palmarola (commissaires), Flying Panels, How Concrete Panels Changed the World, exposition, ArkDes, 18 octobre 2019-1er mars 2020, Stockholm.

[9] Richard Klein et Gérard Monnier (dir.), Les années ZUP, architectures de la croissance, 1960-1973, Paris, Picard, 2002.

[10] « Liste des édifices ou ensembles labellisés "Patrimoine du XXe siècle" entre 2000 et 2015 », Ministère de la culture et de la communication – DGP, juillet 2016.

[11] Traduction libre de « Authorised Heritage Discourse » dans Laurajane Smith, Uses of Heritage, Londres, Routledge, 2006.

[12] Voir en particulier le projet d’Atlas des Régions naturelles mené depuis 2017, https://atlasrn.fr/.

[13] « La pire interview, Benoit Poelvoorde », Konbini, 2018.

 

Lieux

  • Villeneuve-d'Ascq, France

Dates

  • jeudi 15 octobre 2020

Mots-clés

  • architecture, histoire de l'architecture, histoire, histoire de l'art, patrimoine, patrimonialisation, série, construction en nombre, lacth, ensap lille

Contacts

  • Isabelle Charlet
    courriel : lacth [at] lille [dot] archi [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Caroline Bauer
    courriel : lacth [at] lille [dot] archi [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Architectures en série et patrimoine », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 31 août 2020, https://doi.org/10.58079/156y

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