AccueilStatuaires, mémoires et représentations au tournant décolonial

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Statuaires, mémoires et représentations au tournant décolonial

Statues, memories and representations during the decolonial era

Estatuarias, memorias y representaciones en el giro decolonial

Numéro 1 de « Nakan », revue d'études culturelles

Nakan journal, no.1. A cultural studies journal

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Publié le mardi 01 septembre 2020

Résumé

La revue Nak’an vise à impulser l’innovation dans le champ épistémologique des marges culturelles. Pour ce faire, le premier numéro s’intéressera aux statuaires, mémoires et représentations au tournant décolonial pour décoder l’actualité récente qui a vu la dégradation de statues représentant des figures esclavagistes ou coloniales un peu partout dans la Caraïbe, en Afrique, en Europe et aux États-Unis. Cette actualité s’inscrit dans un contexte de réflexion sur les marges suscité en particulier par le mouvement social Black Lives Matter. Quelles peuvent être les motivations profondes à l’origine de tels agissements ? La revue Nak’An propose une réflexion scientifique sur les statuaires et le discours colonial, le patrimoine, la mémoire, le mythe, etc.

Annonce

Argumentaire

Dans la Caraïbe, en Afrique, en Europe, aux États-Unis, et en d’autres points du globe, les statues de certains personnages historiquement liés à l’esclavage, ou à la colonisation, sont prises pour cibles, comme pour signifier une volonté collective de censure ou d’exclusion de symboles relayant l’apologie de crimes contre l’humanité. Destruction méthodique de deux statues de Victor Schœlcher en Martinique, dégradation artistique de celle de Léopold II en Belgique et de celle du Général Lee en Virginie, sans oublier le déboulonnage et la projection spectaculaire de la statue du négrier Edward Colston dans une rivière à Bristol : autant d’événements de l’actualité récente qui interrogent fortement la symbolique sculpturale du biopouvoir.

Les grands médias et réseaux sociaux transnationaux (par exemple, les mouvements #mustfall, #Blacklivesmatter) ont tôt fait de s’emparer du dossier, répercutant au passage l’écho d’une grande diversité de réactions, allant de l’approbation totale aux critiques les plus acerbes. Quelles peuvent être les motivations profondes à l’origine de tels agissements ? Faut-il voir en ces mouvements le renouvellement des luttes anticoloniales des décennies précédentes ? La résurgence ou la réappropriation de mémoires étouffées par une mémoire officielle, promue par les États et célébrée à l’occasion des commémorations publiques ? Que faire des symboles de domination occidentale tels que les statues, monuments ou enseignes glorifiant l’œuvre dite « civilisatrice » de colons ou d’abolitionnistes ? Que faire des héritages d’une histoire « glorieuse » pour les uns et « douloureuse » pour les autres ? 

Pour répondre à ces questions, parmi tant d’autres, nous proposons de structurer ce numéro inaugural de NaKaN, revue de Mélanges Caraïbes, association internationale de chercheurs et acteurs culturels des Amériques et du monde diasporique, autour de trois axes thématiques principaux et complémentaires :

Statuaire, discours et colonialités

La rémanence d’actes de contre-violence symbolique à l’égard des reliques du colonialisme et des statues de figures du colonialisme et de l’esclavagisme met sur le devant de la scène la question du rapport à la colonialité du savoir et du pouvoir (Quijano, 2012). L’histoire n’est pas, selon Ramón Grosfoguel, une science absolument neutre ou exempte de préjugés. Le sociologue portoricain livre dans ses réflexions sur la décolonisation épistémique des clés d’analyse pour saisir la portée symbolique et politique du mouvement transnational conduisant des individus d’âge ou d’ethnicité différents à attaquer frontalement la légitimité de tels symboles institutionnalisés (Grosfoguel 2002, 2007). De même que les pays occidentaux, le contexte hispanophone, de représentations historiques coloniales et d'un passé politique dictatorial, trouve un espace légitime à ce questionnement des statuaires dans les modes de vie, les mentalités, les politiques, les valeurs liés intrinsèquement à cet héritage historique dominant.

Mémoires et patrimonialisation

Sont également invoqués par cette mise en perspective : le poids des mémoires et héritages postcoloniaux (Stannard 1992 ; Blanchard & Bancel, dirs. 2006), le passif douloureux des relations interethniques dans un contexte socioéconomique précaire, exacerbé par les tensions identitaires et communautaires, la lancinante question des réparations, et en dernier lieu, celles de la représentation et de la reconstruction des identités culturelles subalternisées (Lefrançois & Kirchner-Blanchard 2018).

Questionner la légitimité des statuaires dans l’espace public revient à sonder la profondeur des représentations et de la mémoire collective partagée par un groupe. Dans cette perspective, les travaux de Halbwachs amènent à distinguer le souvenir, la version forte, et la version distribuée, interprétation d’une représentation du passé. En parallèle, Paul Ricœur nous renvoie à trois notions – la mémoire, l’histoire, l’oubli – en prenant l’éthique comme axe principal de sa réflexion. A partir de ces travaux, il convient d’étudier les représentations mémorielles à l’aune de leur évolution historique afin de comprendre les changements de paradigme. Quel est l'intérêt de l'histoire, de la mémoire, de l’ancien, dans un nouveau paradigme ? Quid de l’héroïsation de certaines figures dans la conscience nationale des peuples ?

Si le désir de justice transparaît comme l’une des pistes d’analyse les plus évidentes, d’autres facteurs sont à prendre en compte pour interpréter l’ampleur et l’orientation d’un phénomène dont le caractère statistique n’a rien de discret. Un discours sous-jacent visant la décolonisation des arts dans l’espace public et institutionnel remet profondément en question la validité du relativisme culturel (Verges & Dambury 2018) et écorne au passage la thèse d’une résilience assumée et valorisée chez les populations ont connu des traumatismes majeurs tels que l’esclavage (Charles-Nicolas & Bowser 2019). Les facteurs psychologiques et politiques se recoupent ainsi dans le champ interdisciplinaire de l’ethnique, de l’esthétique et de l’éthique pour créer une synergie d’un genre singulier. Dès lors, il devient urgent d’en saisir la dynamique fondamentale.

Héros et mythes

Si la statuaire s’identifie avec l'art de créer des œuvres sculpturales distinctives pour rendre hommage à certaines personnalités, elle ne se dissocie pas du champ croisé de l’esthétique, de l’éthique et du politique, car ces trois domaines se conjuguent pour redéfinir les critères du beau, du bien et du vrai en matière d’art et de bon goût. De ce point de vue, force est de constater la hiérarchisation qui s’opère souvent, dans les sociétés diasporiques de la Caraïbe et des Amériques, entre une statuaire désignée comme digne légataire d’une conscience nationale, fondée sur la place des héros dans les mythes et grands récits nationaux (Lyotard 1974, 1977, 1991), et une statuaire native émanant de la modernité des nouveaux mondes créoles.

L'ensemble de ces figures historiques, géoculturels, artistiques et génériques reflètent, en fin de compte, des idéologies, des représentations ou des imaginaires antagonistes. Dans la doxa occidentale (la vision des élites européennes, par exemple), elle fait partie de l’environnement public et est l’émanation, plus souvent que rarement, de choix politiques intentionnels. Elle se veut la représentation consensuelle et admise d’une lecture de l’Histoire - l’objectif originel étant de faire peuple, d’unir, d’homogénéiser et faire admettre, par le plus grand nombre, une certaine vision de l’histoire, d’ailleurs subjective.

Mais lorsque l’histoire d’un pays est traversée par des convulsions singulières, comme celles qui ont bousculé les sociétés postcoloniales caribéennes (esclavage, commerce des hommes ou colonisation) peut-on alors, de cette verticalité imposée de l’Histoire ailleurs, construire ici, un imaginaire collectif, dans toute sa « diversalité » ? En d’autres termes, ne risque- t-on pas, en occultant cette part sombre de l’histoire, d’obérer à la fois, la paix d’une nation, quelle qu’elle soit et la sérénité entre les diverses communautés qui la composent ? Pour preuve, les récents évènements sociaux et scandales sanitaires qui font resurgir les brisures d’un passé douloureux. Est-il possible, par conséquent, de conjuguer Histoire et Transhistoire – selon l’acception glissantienne (Glissant 1997 : 113) invoquant les concepts de « réseau » ou « d’archipel » – dans des communautés encore subalternisées, happées dans la spirale infernale de la domination des peuples, du colonialisme et de l’impérialisme ?

Consignes aux contributeurs

Pour entrer en résonance avec ce questionnement, les contributions pourront prendre la forme d’articles originaux, d’études de cas, d’analyses, de synthèses, d’entrevues ou de recensions dans ces champs disciplinaires connexes dont une liste non exhaustive suit :

  • cultural studies et culturologie
  • arts visuels et vivants
  • littératures nationales, diasporiques et comparées
  • philosophie : esthétique, ontologie, épistémologie
  • sciences humaines et sociales : histoire, sociologie, anthropologie, ethnologie, sciences politiques et une diversité de champs connexes.

Processus de sélection et calendrier

La sélection des propositions se fera en deux temps.

  • Du 1er septembre au 30 octobre 2020 : envoi des abstracts et notices biobibliographiques

Les propositions de contribution devront comporter un titre et un résumé d’environ 400 mots maximum dans la langue habituelle de l’auteur. Elles devront être assorties d’une brève notice biobibliographique, n’excédant pas 150 mots.

  • Du 1er novembre au 30 novembre 2020 : sélection des propositions.

Les propositions retenues feront l’objet d’un article de 35 000 signes maximum, espaces comprises. Une notification parviendra aux auteurs au 30 novembre 2020.

Les propositions d’articles, assorties d’une courte notice biobibliographique, sont à envoyer à nakanjournal@gmail.com. Pour toute information nécessaire, merci d’adresser un email à nakanjournal@gmail.com.

Comité de rédaction

  • Frédéric Lefrançois,
  • Malissa Conseil,
  • Gérald Désert,
  • Cheikh Nguirane

Comité scientifique

  • Dominique Berthet, Université des Antilles
  • Virginie de la Cruz, Université de Lorraine
  • Anny Dominique Curtius, Université d’Iowa
  • Christelle Lozère, Université des Antilles
  • Buata Malela, Centre Universitaire de Mayotte
  • Nestor Ponce, Université de Rennes 2

Calendrier

  • 30 octobre 2020 : envoi des propositions (abstracts et notices biobibliographiques)

  • 30 novembre 2020 : notification d’acceptation ou de refus des propositions aux auteurs
  • 30 mars 2021 : date limite de réception du texte intégral des articles
  • 30 mai 2021 : retour des expertises en double aveugle
  • 30 juin 2021 : Parution du numéro 1 de NaKaN

Lieux

  • Fort-de-France, Martinique (97200)

Dates

  • vendredi 30 octobre 2020

Mots-clés

  • statuaire, représentation, mémoire, culture, identité, études décoloniales, Amériques, mouvement transational, patrimoine, art public urbain, politique culturelle, ethnicité, esclavage, colonisation, anthropologie, statuaire, sculpture

Contacts

  • Frédéric Lefrançois
    courriel : nakanjournal [at] gmail [dot] com
  • Buata Malela
    courriel : buata [dot] malela [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Frédéric Lefrançois
    courriel : nakanjournal [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Statuaires, mémoires et représentations au tournant décolonial », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 01 septembre 2020, https://doi.org/10.58079/1581

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