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Impostures et vérités en art(s)

Fakery and truth in art

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Publié le lundi 12 octobre 2020

Résumé

En posant, la question des impostures et des vérités en art(s) à partir d’œuvres singulières, il s’agit de s’interroger lors du colloque, sur la manière dont chaque artiste s’arrange ou dérange la « société de l’imposture » en proposant des formes de création inédites, en ayant par exemple recours dans leurs fictions : au plagiat, à la tromperie, au faux dans les productions proposées à leurs publics, pour transgresser de manière critique les impostures présentes dans l’ordinaire de nos vies.

Annonce

Ce colloque sera organisé à l'université Bordeaux Montaigne, Artes, Théâtre des Images les 24 et 25 février 2021.

Argumentaire

Hypocrites, menteurs, fraudeurs, usurpateurs, les imposteurs ont besoin, plus que d’autres, de faire croire, de trouver un public, des victimes qui consentent à ce que le faux soit authentifié comme vrai, que le « pour rire » soit pris « pour de bon »

Gori, R., La fabrique des imposteurs, Babel, 2013, p. 12.

En posant, la question des impostures et des vérités en art(s) à partir d’œuvres singulières, il s’agit de s’interroger lors du colloque, sur la manière dont chaque artiste s’arrange ou dérange la « société de l’imposture » en proposant des formes de création inédites, en ayant par exemple recours dans leurs fictions : au plagiat, à la tromperie, au faux dans les productions proposées à leurs publics, pour transgresser de manière critique les impostures présentes dans l’ordinaire de nos vies.

Historicité

Comme l’ont souligné les situationnistes dans les années 1960 et 1970, avec l’avènement de la « société du spectacle » la notion même d’imposture est rendue caduque puisque le mensonge, la tromperie ne s’opposent plus à la vérité de l’histoire. En avançant la proposition que « le vrai est un moment du faux » Debord s’avère alors plus proche de la conception benjaminienne de la dialectique, qui repose sur une vision du temps non homogène, que de Hegel ou de Marx comme beaucoup de commentateurs l’ont affirmé. Benjamin écrit : « Chaque présent est déterminé par les images qui sont synchrones [synchronistisch] avec lui ; chaque Maintenant est le Maintenant d’une connaissabilité déterminée. Avec lui, la vérité est chargée de temps jusqu’à en exploser. » (Benjamin, 1993 : N3, 1). C’est donc bien le rapport de la vérité au temps qui est posé par Benjamin.

Plus largement, en affirmant un « monde réellement inversé », Debord rejoint certains aspects des analyses de Günther Anders, notamment dans L'obsolescence de l'homme, quand il annonce que « Notre monde actuel est “post idéologique” » (Anders, [1956], 2002 : 188), et qu’il n'a donc plus besoin d'idéologie, avançant alors que « Mentir devient superflu quand le mensonge est devenu vrai » (Anders, [1956], 2002 : 224-225).

Le système que l’on peut qualifier de néolibéral (ou comme certains de néo-industriel) rêve ainsi d’une culture où les productions artistiques seraient rythmées exclusivement par le marché. Nous serions alors condamnés à vivre dans une société qui cesserait d’être un foyer vivant de créations, au profit de produits artistiques (hiérarchisés comme produits de masse mineurs et produits de luxe majeurs) dont les usages seraient préalablement prescrits par les producteurs, à grand renfort de plans marketing et d’algorithmes.

Thèse

La thèse, ici avancée, se propose donc d’analyser notre société comme celle du règne des impostures, où le discours dominant sous couvert d’un « progrès absolu » affirmant la construction d’un « réel » sans alternative possible, valorise en fait le faux, le plagiat, le leurre, la fraude, l’usurpation, la tromperie, le mensonge, à travers le spectacle généralisé. Dans cette conception sont alors privilégiés l’apparence et l’opinion à la pensée rationnelle. En mettant au même niveau le vrai et le faux, articulés dans une rhétorique affirmant la saisie de la vérité absolue basée sur un réel gestionnaire devant s’imposer à tous, et sans alternatives possibles, ce nouvel ordre social plonge aujourd’hui la culture occidentale dans le risque d’une prise de pouvoir d’un régime autoritaire privilégiant la construction d’un « régime de vérité » légitimant une véridiction hypermoderne, dont le fondement s’articulerait uniquement sur la « vérité du marché ».

Il existe encore néanmoins des espaces critiques qui visent à travailler et à garder en mouvement les imaginaires vivants. Conscients de ce qu’ils montrent à leurs publics, les artistes mêlent à la fois de manière ludique et engagée, l’imposture et la vérité au sein de leur processus de création, choisissant de dévoiler ou de cacher la « tromperie » qui anime leurs fictions. Ainsi, par la mise en jeu de propositions inattendues, par la création de formes inédites, les artistes se jouent des impostures idéologiques pour exposer des vérités non encore énoncées et proposer des points de vue nouveaux.

Au-delà, donc, de la question des représentations de l’imposture dans les arts, il s’agit dans ce colloque d’interroger le geste artistique contemporain, qui consiste à affirmer en même temps le vrai et le faux, tout en rendant visible l’espace fictionnel dans lequel ce geste se déploie dans les arts, - en littérature, au théâtre, au cinéma, dans les arts plastiques et en design -, remettant en question le statut contemporain de la vérité.

Axes thématiques

  1. Vrai et Faux

L’appréciation de la vérité est toujours tournée chez un sujet, plus du côté de ce qu’il croit, que de ce qu’il ne croit pas. Le désir du faussaire est donc de faire croire en l’authenticité de son geste artistique pourtant usurpé quant à sa signature. À partir des temps modernes, en Occident émerge la figure de l’artiste créateur qui quitte l’anonymat pour être nommé. La question de l’authenticité en arts renvoie donc à la modernité de l’art au moment où dans notre culture, se pose le problème de l’attribution d’une œuvre à un nom propre.

  • Quelles stratégies les artistes déploient-ils alors pour être crus par leurs spectateurs, lecteurs, regardeurs, auditeurs ?
  1. Illusions et croyances en art(s)

Sur ce thème une série de questions se posent :

  • Pourquoi croire à ce qui est présenté, quand bien même le cadre fictionnel est clairement exposé ?
  • Est-ce que la personne au plateau, à l’écran, derrière son livre, est bien celle qu’elle prétend ?
  • Qu’est-ce que ces pratiques de l’imposture en art(s) donnent à penser du monde ordinaire ?
  • La croyance est-elle une présomption de vérité ?
  1. Fictions artistiques

Que se passe-t-il en littérature :

  • Quand l'autobiographie se fait fiction ? (comme par exemple chez Raymond Roussel ou, plus récemment, chez Pierre Michon et Chloé Delaume).
  • Quand l’auteur emploie consciemment et de manière stratégique un pseudonyme pour tromper les critiques (comme par exemple Romain Gary avec Emile Ajar, ou Hervé Le Tellier avec Jaime Montrestrela).

Que se passe-t-il en cinéma quand :

  • Orson Welles propose en 1973 dans F for Fake(Vérités et mensonges en français), un montage discordant très surprenant de personnages marquants, comme une belle inconnue ou Welles lui-même. Cette œuvre pose ici une série de questions qui concerne la question du vrai et du faux :
  • Qu’est-ce qui est vrai dans un film — vrai, au sens de fidèle à la vision de Welles ?
  • Qu’est-ce qui est faux — faux, au sens d’interpréter pour essayer de comprendre les notes laissées par Welles ?
  • Comment séparer le vrai du faux sur le plan du contenudu film — lequel est une fiction, montrant des images d’un film (également de fiction) dans le film, donc doublement (triplement ?) faux mais jusqu’à un certain point.
  • Tim Burton dans Big Eyes (2014) raconte l'histoire d'une des plus grandes impostures du monde de l'art : Walter Keane, faux peintre du dimanche, berne public et critiques en faisant croire qu'il est l'auteur de tableaux à succès, alors qu'ils sont l'œuvre de sa femme, Margaret Keane.

Que se passe-t-il au théâtre quand :

  • Le Collectif Berlin choisit de prendre pour sujet l’histoire du faussaire Geert Jan Jansen dans True copy (2018), en mettant en scène Geert Jan Jansen lui-même ? la personne au plateau est-elle bien celle qu’elle prétend ? Est-on comédien quand on joue son propre rôle ? Quelles vérités de cette histoire et de cet homme sont présentées ? Comment jouent la fascination et la croyance face à ce spectacle ?

Que se passe-t-il dans le domaine des arts plastiques :

  • Le marché de l’art redoute le « faux » s’employant à expertiser de manière de plus en plus précise les œuvres d’art, pour déceler l’authentique du faux. Le faux, en effet (lorsque celui-ci est avéré), remet violemment en question la « valeur » de telle ou telle œuvre authentifiée et attribuée à tel ou telle artiste (reconnu et côté).
  • Une série de problèmes théoriques alors se posent :
    • L’identité de l'auteur,
    • La définition de l'art
    • La nature de l'expérience esthétique.

À partir de ses trois axes, il s’agit alors d’interroger le sentiment d’imposture en art(s) en essayant de comprendre comment celui-ci est mis en œuvre et revendiqué par un artiste, dans la forme et dans le contenu de sa création artistique. L’imposture en art(s) ne tient donc ni du mensonge aux autres, ni des manipulations nées d’œuvres insincères mais de ce que nous pourrions nommer un geste de création revendiqué et signé par un sujet, qui joue avec les règles, les prismes et les habitus des discours. Pouvant vite devenir un malentendu pour le public ou la critique, elle procède du détournement des conventions et de la transgression des codes et des usages, par la mise en œuvre d’un projet critique de création, dont le but se situe aux antipodes des productions de masse des industries culturelles.

Parmi la problématique soulevée nous retiendrons donc particulièrement les interrogations suivantes :

  • Du point de vue de la création, qu’est-ce que les artistes choisissent de cacher ou d’exposer pour jouer avec les contours de l’imposture et de la vérité ?
  • Du point de vue de la réception du public, comment ménager alors l’illusion et la croyance produite par une œuvre d’art ?

Conditions de soumission

Lors de ce colloque transdisciplinaire, les contributions de chercheurs et de chercheuses et celles d’artistes professionnel.le.s se croiseront pour ouvrir l’espace de discussion à une pluralité d’approches disciplinaires en sciences humaines et sociales. Les propositions issues des études théâtrales et cinématographiques, de la littérature, de l’histoire, de la sociologie et de l’anthropologie seront les bienvenues. 

Ce colloque s’inscrit dans un cycle de recherches autour de l’histoire de la vérité initié en 2019-2020 par la journée d’études « Michel Foucault. Vérité et jeux de vérité » lors de la 5ème édition du Festival des arts et de la pensée TDI : « Théâtre des Images », à l’université Bordeaux Montaigne.

Calendrier

  • Date limite pour l’envoi des propositions de contribution : 15 novembre

  • Acceptation et refus des propositions : 25 novembre

Les propositions sont à envoyer aux trois adresses ci-après.

Coordination scientifique

  • Marie Duret-Pujol (marie.duret-pujol@u-bordeaux-montaigne.fr)
  • Christian Malaurie (Christian.Malaurie@u-bordeaux-montaigne.fr)
  • Marguerite Vappereau (marguerite.vappereau@u-bordeaux-montaigne.fr)

Lieux

  • Esplanade des Antilles
    Bordeaux, France

Dates

  • dimanche 15 novembre 2020

Mots-clés

  • histoire de la vérité, régimes de vérité, jeux de vérité, vrai et faux, original et copie, impostures, fictions

Contacts

  • Marie Duret-Pujol
    courriel : marie [dot] duret-pujol [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr

Source de l'information

  • Marie Duret-Pujol
    courriel : marie [dot] duret-pujol [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Impostures et vérités en art(s) », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 12 octobre 2020, https://doi.org/10.58079/15ej

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