AccueilLes personnages « féminins » dans les réécritures féministes

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Les personnages « féminins » dans les réécritures féministes

"Female" characters in feminist rewritings

Dramaturgie, esthétique et politique des classiques à la scène

The dramaturgy, aesthetics and politics of the classics on stage

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Publié le vendredi 30 octobre 2020

Résumé

Cette journée d’étude s’intéresse aux différents procédés (esthétiques, dramaturgiques et scéniques) permettant de ré(é)crire les pièces et spectacles « classiques » (européens et extra-européens) à partir de perspectives féministes.

Annonce

20 mai 2021

Argumentaire

Cette journée d’étude s’intéresse aux différents procédés (esthétiques, dramaturgiques et scéniques) permettant de ré(é)crire les pièces et spectacles « classiques » (européens et extra-européens) à partir de perspectives féministes. Définis comme des « données reconnues instituées en valeurs[1] », lesquelles font consensus dans un contexte de réception spécifique, les classiques sont en effet des récits dominants qui peuvent légitimer un système patriarcal, lui-même fondé, entres autres, sur la normalisation du genre « féminin[2] ». La ré(é)criture[3] supposerait donc l’intention de produire de nouveaux discours - fondés ou non sur une matrice textuelle - dans sa capacité à décentrer, déconstruire, « dérégler[4] » et réinventer ces représentations.

Les ré(é)critures peuvent ainsi utiliser les mêmes « structures thématiques » que les classiques, et des récits culturels dominants que ces derniers peuvent reconduire, en y apportant toutefois « de nouveaux matériaux, de nouveaux contenus, de nouveaux personnages [...], de nouvelles questions et de nouveaux thèmes tirés du monde contemporain et de ses aménagements sociaux[5] ». Nous serons particulièrement attentif·ve·s à la manière dont les critères esthétiques et dramaturgiques (rôles, discours, action, occupation de l’espace scénique) sont corrélés aux normes politiques et sociales, que les classiques peuvent entériner ou reconduire. Dans cette perspective, la subversion de ces critères esthétiques peut aider à la formulation d’un contre-discours – afin de critiquer et de déconstruire les attributs, injonctions, et déterminations assignées aux personnages considérés comme « féminins ».

Dans la continuité des études esthétiques et des études de genre menées par le laboratoire LLA-CREATIS, nous nous demanderons quelles stratégies esthétiques et dramaturgiques peuvent être mobilisées pour remettre en cause la « légitimité » et « l’évidence » de ces normes sociales, pour s’affranchir des définitions qui cloisonnent les genres, et pour inventer ainsi de nouveaux « devenirs individuels et collectifs[6] ».

Différentes perspectives féministes peuvent être mobilisées (matérialiste, queer, black feminism, afroféminisme…), le genre étant construit à l’intersection de différents rapports de domination (telle que « la race » et « la classe[7] »), et parce que les outils de lutte et d’émancipation divergent selon les différentes situations et expériences. D’autre part, cette hétérogénéité des points de vue s’offrira comme une richesse permettant d’éviter de circonscrire notre réflexion à un féminisme « blanc », aux portées universalisantes. 

Sans constituer une liste exhaustive ou restrictive, les sujets, axes de réflexion et approches suivantes pourront être abordés :

  • Diversification des rôles attribués aux personnages féminins dans la ré(é)criture des classiques pour indéterminer et réinventer leurs identités. Depuis Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir[8] et le documentaire Sois belle et tais-toi[9] de Delphine Seyrig, force est en effet de constater – comme le font Nathalie Heinich[10] (1996), Annie Lebrun[11] (1990), Iris Brey[12] (2020), Camille Froidevaux-Metterie[13] (2018), ou les quinze comédiennes qui témoignent dans l’ouvrage collectif Noire n’est pas mon métier[14](2018) - que le « féminin » est, encore aujourd’hui, enfermé dans le carcan de certains rôles (l’épouse, la mère, la prostituée, à la présomption hétérosexuelle[15], etc.), qui l’essentialisent, le réifient, et lui assignent des identités qui servent la pérennité du système de domination dans son ensemble.
  • Passage des personnages féminins de la position « d’objet » (objet du regard, objet du discours) à la position du « sujet » (de l’action et du discours[16]).
  • Dispositifs scéniques et dramaturgiques mobilisés pour déjouer les places et les assignations attribuées dans le texte aux personnages féminins, et rendre visible « l’épaisseur qu’ils ont malgré tout dans leur contrainte[17]». Dans cette perspective, nous pourrons faire un sort aux procédés qui mettent en décalage ou en dissonance le discours et l’image, « ce qui est dit » - la trame narrative et fictionnelle « classique » - et « ce qui est vu » - les corporéités ou contre-corporéités, la place des corps dans l’espace, leurs gestes et leurs mouvements.
  • Mise à jour des troubles potentiellement déjà présents dans l’œuvre originale, gommés par les traditions esthétiques et carcans idéologiques[18].
  • Ré(é)critures d’un classique européen depuis une autre sphère culturelle : il s’agira notamment de montrer comment les représentations proposées par les classiques peuvent être dénaturalisées par le déplacement culturel, et par d’autres perspectives épistémiques.

Modalités de contribution

Les propositions (titre et résumé, entre 250 et 500 mots), accompagnées d’une notice biobibliographique d’une dizaine de lignes, sont attendues

pour le lundi 4 janvier

et doivent être transmises à cette adresse : je.llacreatis@gmail.com

Les communications gesticulées, ou les mises en voix et en espace, seront les bienvenues.

Les communications pourront faire l’objet d’une publication dans la revue Littera Incognita, du laboratoire LLA CREATIS. 

Comité d’organisation

  • Lîlâ Bisiaux, doctorante en Études théâtrales, laboratoire LLA-CREATIS
  • Pauline Boschiero, doctorante en Arts du spectacle, spécialisé danse, laboratoire LLA-CREATIS
  • Chloé Dubost, doctorante en Études théâtrales , laboratoire LLA-CREATIS
  • Andréa Leri, doctorante en Études théâtrales, laboratoire LLA-CREATIS
  • Laurence Schnitzler, doctorante en études théâtrales, laboratoire LLA CREATIS. ATER au département « Art&Com », Université Toulouse Jean-Jaurès.

Comité scientifique

  • Fabrice Corrons, Maître de conférences en Catalan / Espagnol
  • Anne Pellus, Maîtresse de conférences en Arts du spectacle, spécialité danse
  • Muriel Plana, Professeure en études théâtrales 
  • Floriane Rascle, Maîtresse de conférences en Études théâtrales
  • Karine Saroh, Docteure en Arts du spectacle, chercheuse-associée au laboratoire LLA-CREATIS. Chargée de mission « Recherche et Formation continue » au sein de l'Ésacto’Lido (L’école supérieure des arts du cirque de Toulouse-Occitanie).

Bibliographie indicative

Barthes, Roland. Mythologies, Paris, Seuil, 1957.

Beauvoir, Simone de. Le Deuxième sexe, Gallimard, Vol. I et II, Paris, Folio essais, 1986.

Butler, Judith. Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion de l'identité, traduit de l’anglais par Cynthia Kraus, Paris, La découverte, 2006.

Brey, Iris Brey. Le regard féminin, Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020.

Froidevaux-Metterie, Camille. « Le corps des femmes, la bataille de l’intime », Philosophie Magazine, Paris, Essais, 2018.

Maïga, Aïssa (dir.). Noire n’est pas mon métier, Paris, Éditions du Seuil, 2018.

De Lauretis, Teresa. Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, traduit de l’anglais par Sam Boursier, Paris, La Dispute, 2007.

Fraisse, Geneviève. La Suite de l’Histoire -Actrices, créatrices, Paris, La Couleur des idées, 2019.

Heinich, Nathalie. États de femme - L’identité féminine dans la fiction occidentale, Paris, Gallimard, NRF essais, 1996.

Lebrun, Annie. Vagit-prop, Lâchez tout, Paris, Pauvert, Éditions Ramsay-J.J, 1990.

Marquié, Hélène. Non, la danse n'est pas un truc de filles ! Essai sur le genre en danse, Toulouse, L'Attribut, 2016.

Mayette, Muriel. « Metteuses en scène. Le théâtre a-t-il un genre ? », OutreScène, Strasbourg, TNS, no 9, mai 2007, pp. 44-50.

Plana, Muriel. Fictions queer, Esthétique et politique de l’imagination dans la littérature et les arts du spectacle, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2018.

Plana, Muriel. Théâtre et féminin, identité, sexualité, politique, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2012.

Plana, Muriel, et Sounac, Frédéric. Esthétique(s) queer dans la littérature et les arts. Sexualités et politiques du trouble, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2015.

Viala, Alain. « Qu’est-ce qu’un classique », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), Paris, 1992, n°1, p. 6-15.

Wittig, Monique. La pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam, 2018.

Notes

[1] Alain Viala, « Qu'est-ce qu'un classique ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1992, n° 1, p. 6-15. En ligne :  https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1992-01-0006-001 ISSN 1292-8399.

[2] Le terme « féminin » est compris ici comme une construction sociale, et non dans un sens ontologique.

[3] Nous faisons le choix d’utiliser un concept défini issu du domaine de la stylistique, en l’appliquant aux domaines des Arts du spectacle. En effet, Anne-Claire Gignoux fait la distinction entre la réécriture, définie comme « la somme de préparations, de corrections et de ratures, de variantes successives d’un même texte que l’auteur écrit – et que, la plupart du temps, il ne montre pas au lecteur » - de la récriture qui, selon Georges Molinié, s’établit sur une « corrélation suivie entre deux éléments » : le premier est un « discours littéraire stable » ; le deuxième est « l’écriture d’un nouveau texte, ou la mise en exercice d’un nouveau style », qui fait intervenir des variantes. De plus, la récriture n’est pas une « simple allusion ou réminiscence » d’un autre texte, mais nécessite au contraire « tout un ensemble de marques matérielles, tangibles et probantes » qui « doivent former un ensemble s’étendant tout au long d’un texte ». À ce sujet, voir Anne-Claire Gignoux dans « De l’intertextualité à la récriture », Cahiers de Narratologie [En ligne], 13 | 2006, mis en ligne le 25 septembre 2016, http://journals.openedition.org/narratologie/329.

[4] Geneviève Fraisse, La Suite de l’Histoire -Actrices, créatrices, Paris, La Couleur des idées, 2019.

[5] Teresa De Lauretis, Théorie queer et Cultures populaires. De Foucault à Cronenberg, Paris, La dispute, 2007, p. 132. « J'entends [...] par fantasmes publics les récits culturels dominants et les scénarios de l'imagination populaire qui s'expriment dans les mythes, ⟦...⟧ et d'autres formes de récits visuels, écrits et oraux qui racontent l'histoire d'un peuple, d'une nation ou de tout un chacun et qui en reconstruisent les origines, les luttes et les accomplissements. »

[6] Muriel Plana, « Introduction », dans Esthétique(s) queer dans la littérature et les arts. Sexualités et politiques du trouble, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2015.

[7] Les guillemets permettent de signaler qu’il s’agit bien d’une construction sociale.

[8] Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, Paris, Gallimard. Vol. I et II, Folio essais, 1986. Sur les mythes du « féminins », voir en particulier p. 244.

[9] Delphine Seyrig, Sois belle et tais-toi !, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir - Collection « Une caméra à soi », 1976. Il s’agit ici d’interviews d’actrices américaines et françaises des années 1970, afin de revenir sur leur expérience professionnelle en tant que femme, leur rôle et leur rapport avec le monde du cinéma de l’époque.

[10] Nathalie Heinich, États de femme - L’identité féminine dans la fiction occidentale, Paris, Gallimard, NRF essais, 1996.

[11] Annie Lebrun, Vagit-prop, Lâchez-tout et autres textes, Paris, éditions Ramsay / J.J. Pauvert, 1990, p.225-228 : « Le malheur historique de la féminité a justement été d’avoir été enfermée dans le carcan des rôles. La véritable révolte féminine consiste à déserter ces rôles que l’affirmation d’une spécificité féminine permettrait de justifier. »

[12] Iris Brey, Le regard féminin, Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020.

[13] Camille Froidevaux-Metterie, « Le corps des femmes, la bataille de l’intime », Philosophie Magazine, Paris, Essais, 2018. Nous pouvons aussi nous référer à la thèse de doctorat d'Adelina Laurence, « Représentations de la femme dans le théâtre espagnol contemporain. Corps et sexualité chez  Laila Ripoll et Federico García Lorca », soutenue en 2019 à l’Université de Poitier. 

[14] Aïssa Maïgag (dir.), Noire n’est pas mon métier, Paris, Éditions du Seuil, 2018.

[15] Sur cette question, voir Monique Wittig, La pensée straight, Paris, Amsterdam, 2018.

[16] À ce sujet, voir Muriel Plana, Théâtre et féminin, identité, sexualité, politique, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2012.

[17] Muriel Mayette, « Metteuses en scène. Le théâtre a-t-il un genre ? », op. cit, p.49-50 : « Ce qu’il faut montrer, c’est comment un personnage féminin lutte, souffre à l’intérieur de ce carcan, comment il arrive à continuer à vivre, comment il résiste, et c’est l’évolution de la mise en scène qui nous permet d’explorer cette dimension, de lui donner plus de place. C’est cela, il faut montrer la résistance des femmes. »

[18] Muriel Plana, « Introduction générale », Fictions queer, Esthétique et politique de l’imagination dans la littérature et les arts du spectacle, op. cit., p. 9-10.

Catégories

Lieux

  • Salle Régy et Salle Kantor - 56 rue du Taur
    Toulouse, France (31)

Dates

  • lundi 04 janvier 2021

Mots-clés

  • féminisme, arts de la scène, classiques, dramaturgie, politique, esthétique

Contacts

  • Chloé Dubost
    courriel : chloe [dot] dubost [at] outlook [dot] com

Source de l'information

  • Andréa Leri
    courriel : je [dot] llacreatis [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les personnages « féminins » dans les réécritures féministes », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 30 octobre 2020, https://doi.org/10.58079/15hd

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