AccueilQuelles transitions alimentaires dans les territoires ?

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Quelles transitions alimentaires dans les territoires ?

What food transitions for territories?

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Publié le mardi 24 novembre 2020

Résumé

Les travaux et rapports scientifiques sont aujourd’hui nombreux à poser la question de l’alimentation de demain et à s’alarmer sur notre capacité à nourrir 11 milliards de personnes à l’horizon 2050 (DuAline, 2014 ; GIEC, 2019) tout en respectant la santé humaine et des écosystèmes. Dans un contexte d’alertes récurrentes des conséquences du changement climatique et de la pollution des écosystèmes (Dumat et al., 2019), cet enjeu incite à penser urgemment les modalités concrètes de la transition des systèmes alimentaires vers des modèles durables et résilients. La récente crise liée au coronavirus a d’ailleurs remis en lumière les questions qui se posent, en termes d’organisation et de gouvernance, sur les vecteurs d’une telle transition écologique, d’une justice sociale et économique ou encore d’une santé globale.

Annonce

Argumentaire

Quelles transitions alimentaires dans les territoires ?

Les travaux et rapports scientifiques sont aujourd’hui nombreux à poser la question de l’alimentation de demain et à s’alarmer sur notre capacité à nourrir 11 milliards de personnes à l’horizon 2050 (DuAline, 2014 ; GIEC, 2019) tout en respectant la santé humaine et des écosystèmes. Dans un contexte d’alertes récurrentes des conséquences du changement climatique et de la pollution des écosystèmes (Dumat et al., 2019), cet enjeu incite à penser urgemment les modalités concrètes de la transition des systèmes alimentaires vers des modèles durables et résilients. La récente crise liée au coronavirus a d’ailleurs remis en lumière les questions qui se posent, en termes d’organisation et de gouvernance, sur les vecteurs d’une telle transition écologique, d’une justice sociale et économique ou encore d’une santé globale.

Une telle transition alimentaire implique des changements à la fois individuels et des organisations, et ceci pour l’ensemble du système : de la production à la consommation, en intégrant la gestion des déchets ou les intrants en agriculture (Dumat, 2019). Réussir à concilier et à coordonner ces changements multi-scalaires, à les articuler, est une des difficultés importantes qui ralentissent les changements : faut-il faire évoluer des systèmes existants ou plutôt effectuer des changements radicaux et créer ex nihilo de nouveaux systèmes ? Quelles modifications sociotechniques peuvent être envisagées dès à présent pour promouvoir la durabilité des systèmes alimentaires ? Tous les territoires sont-ils égaux pour s’y engager alors que se pose la question du portage des alternatives et des innovations, des modalités d’action et des échelles de référence ? Faut-il conforter de nouveaux acteurs tels des acteurs publics territoriaux ou des acteurs issus de la société civile, capables d’initier et de consolider de nouvelles façons d’intervenir ? L’urgence climatique et la crise sanitaire actuelle nous enjoignent à penser des transitions rapides et justes (Newell et Mulvaney, 2013 ; Newell et Simms, 2020) ainsi que les trajectoires pour y accéder. Cela passe par la connaissance et la reconnaissance de la capacité d’action des collectifs et des individus inscrits dans des territoires d’actions multidimensionnels et multiscalaires, aux dynamiques de résistance variées, spécifiques aux territoires, qui dessinent de nouvelles géographies alimentaires.

Le numéro spécial « Quelles transitions alimentaires dans les territoires ? » se propose d’examiner ces transitions à l’aune de deux enjeux complémentaires :

  1. Penser les transitions des systèmes alimentaires par et pour les territoires : Acteurs, échelles et action collective ;
  2. Penser la transition par la construction de politiques publiques intégratives dans les territoires.

Penser les transitions des systèmes alimentaires par et pour les territoires : Acteurs, échelles et action collective

Aborder la transition des systèmes alimentaires au prisme des territoires implique de croiser acteurs et espaces de ces transitions : quels sont les acteurs initiateurs, leaders ou porteurs de dynamiques de transition des systèmes alimentaires locaux / territoriaux ? Qui s’en réclame dans les territoires ? Tous les territoires offrent-ils les ressources indispensables pour répondre aux enjeux de ces transitions ? Quels sont les temporalités et d’éventuels effets retour (Geels et Schot, 2010) ? La transition implique-t-elle des modalités d’action collective classiques ou bien des arrangements et/ou des hybridations inédites propres aux processus d’innovation sociale ?

On peut penser que les processus de transition des systèmes alimentaires à différentes échelles peuvent éclairer les nouvelles modalités d’action dans les territoires, dans la mesure où elles peuvent mettre en lien des acteurs de manière nouvelle, faire émerger des interactions inédites, comme produire des manières de faire autrement, qu’il s’agit de documenter. Ainsi, ce numéro vient en continuité des numéros 93/2 et 93/3 sur « Les géographies du commerce alimentaire : vers de nouvelles territorialisations ? » qui donnent des pistes sur la montée en puissance d’acteurs intermédiaires aux stratégies intégrant des critères de durabilité. Il s’agit d’insister sur la notion de transition des systèmes alimentaires, dans une visée systémique qui donne une place prépondérante aux environnements (spatiaux, sociaux…) et aux trajectoires de ces démarches.

L’entrée par les territoires permet ainsi de questionner les échelles pertinentes de la transition des systèmes alimentaires vers la durabilité (Hansen et Coenen, 2014 ; Truffer et al. 2015 ; Murphy, 2015). En effet, pour optimiser par exemple la durabilité d’une filière, cela implique entre autres de connaître et de prendre appui sur les spécificités du milieu géographique et leur appropriation par les porteurs de projets du territoire. Par échelle pertinente, il s’agit de raisonner l’effectivité des transitions et l’échelle efficace pour qu’elles puissent se déployer. Dans un autre registre, la question des échelles interpelle l’ensemble des dynamiques visant à l’amélioration de l’autonomie alimentaire des territoires ou leur autosuffisance, autant d’utopies, de champs des possibles et de réalités qui interrogent de manière concrète, l’incontournable articulation des échelles, à la fois horizontale (au sens de la construction des inter-territorialités, des transactions ville-campagne…) et verticale (au sens de gouvernance multi-échelle, et plus généralement d’emboîtement des échelles d’action). La question des échelles n’est par ailleurs, pas très loin d’une entrée par la circulation des modèles d’action et d’interaction dans les territoires et entre territoires proches et lointains. Certains auteurs (Blay-Palmer et al., 2016 ; Sonnino et al. 2016 ; Sonnino, 2017 ; Santo et Moragues-Faus, 2019) évoquent la notion de trans-localisme pour insister sur le rôle des nouvelles circulations de connaissances, savoirs et pratiques (ex. bonnes pratiques, coopérations transfrontalières, etc.) entre espaces distants, la construction des réseaux d’acteurs à plusieurs échelles spatiales, et qui contribuent à la construction de la durabilité à l’échelle globale.

Penser la transition des systèmes alimentaires par et pour les territoires ne peut faire l’économie des enjeux de coexistence des systèmes alimentaires aux échelles territoriales (Gasselin et al., 2020). Les travaux sur les transitions identifient deux grands types d’innovations qui permettent le changement (Maye, 2016) : (i) Des innovations incrémentales, qui maintiennent le statu quo, permettent de répondre aux problèmes et enjeux des systèmes dominants, sans remettre en cause les normes et valeurs en cours. (ii) Des innovations radicales, qui éclairent les contradictions des systèmes en cours et les transforment en profondeur. Dans ces deux perspectives, il y a lieu de penser les frottements, les controverses, tensions et conflits que les dynamiques de transitions au sein des territoires génèrent et ce qu’elles impliquent en termes de nouveaux modèles du faire-ensemble, de développement des territoires et de coexistence des acteurs, des espaces et des systèmes.

Penser la transition par la construction de politiques publiques intégratives dans les territoires

Développer une alimentation plus durable sur les territoires implique d’analyser de manière systémique, les différents projets relatifs à la gestion des écosystèmes, aux activités anthropiques, aux modes de production, de consommation, etc. C’est pourquoi, la transition vers des systèmes alimentaires plus durables interpelle la manière de construire des politiques publiques plus intégratives (cf. proposition de PAAC, enjeux d’intégration de plans nationaux comme le PNA, PNNS, PNSE ou encore les stratégies One Health / Santé Globale). Les politiques alimentaires intégrées sont aujourd’hui un horizon d’action, qui se traduit par des discours politiques qui cadrent les débats, mais qui ne se traduisent pas forcement par de réelles stratégies intégratives au niveau national, malgré les urgences climatiques et sanitaires. L’analyse de la construction de politiques alimentaires intégrées en France montre que l’intégration, en tant que processus de construction politique et de coordination d’acteurs de différents secteurs et à différentes échelles spatiales, est contrainte structurellement, et surtout politiquement dépendante (Loudiyi, 2020). Ce qui amène à interroger la capacité des territoires locaux à être des leviers d’intégration de politiques publiques alimentaires.

Différentes stratégies alimentaires émergent et se développent en France, dans les régions urbaines et de plus en plus dans les territoires ruraux. Ainsi, dans plusieurs régions, l’alimentation durable est mise en avant pour créer des dynamiques sociales d’écologisation des pratiques. Par exemple, l’Occitanie, qui a désigné l’alimentation durable comme « grande cause » depuis 2018, a mis en place une consultation de l’espace public pour se saisir des critères importants pour les consommateurs (produits bio, locaux, de saison…). Dans un autre registre, les projets alimentaires territoriaux (PAT) en cours de diffusion à l’échelle nationale sont des dispositifs institutionnels qui visent l’articulation des enjeux alimentaires à différentes échelles, en impliquant la diversité des secteurs et des acteurs selon une logique systémique inhérente à l’objectif de durabilité. L’intégration dans les politiques alimentaires territoriales peut être alors saisi à partir des trajectoires territoriales (plans, projets et dynamiques territoriales), de l’articulation des échelles spatiales (horizontale et verticale) ou encore à partir des processus d’intégration / inclusion des acteurs et leurs enjeux dans la construction de ces politiques publiques (Loudiyi, 2020).

Interroger les territoires en tant que levier d’intégration permet de documenter les dynamiques alimentaires territoriales au prisme de la construction des visions politiques associées aux transitions territoriales, aux horizons d’attente des acteurs territoriaux et leur engagement, de la coordination entre enjeux et secteurs dans les territoires de proximité. Cela permet de penser de manière opérationnelle les barrières et les leviers de cette intégration à l’échelle territoriale et de raisonner sur des comparaisons entre espaces, entre jeux d’acteurs, voire de potentiels de ressources.

La construction de politiques alimentaires intégrées nécessite par ailleurs de penser la transition démocratique et les modalités de participation des acteurs dans leur diversité, aux dispositifs formels ou informels de gouvernance alimentaire territoriale (Billion, 2018), et la construction de cadres d’analyse critique de ces processus de gouvernance (Moragues-Faus, 2019) qui permettent de penser les transitions de manière juste. Finalement, peut-on vérifier l’hypothèse que l’intégration des politiques publiques ne peut être effective qu’à l’échelle de territoire d’action, d’expérimentation, du local, du proche ? Plus généralement, quelle dynamique et pérennité de ces politiques alimentaires territoriales visant une transition juste des systèmes alimentaires ?

Modalités de soumission

Délais et consignes (proposition d’un planning au comité de rédaction).

Les auteurs peuvent communiquer avec les coordinatrices du numéro, pour signaler leur intérêt et poser toute question scientifique en lien avec ce texte

D’un volume optimum de 40 000 signes, espaces compris (la rédaction se réservant la possibilité de rejeter les articles dépassant 60 000 signes), les propositions respecteront les normes de la revue Geocarrefour indiquées sur le site (http://geocarrefour.revues.org/index1017.html). Les articles seront évalués en double aveugle par le comité de lecture.

Les textes sont attendus pour le 15 mars 2021

Les auteurs recevront la notification de la décision (et d’éventuelles instructions de correction) le 30 juillet 2021 au plus tard, pour une parution en janvier 2022.

Coordination

Bibliographie

Blay-Palmer A., Sonnino R., Custot J., 2016, A food politics of the possible? Growing sustainable food systems through networks of knowledge, Agriculture and Human Values, vol. 33, n° 1, p. 27-43.

Billion C., 2018, Rôles des acteurs du commerce et de la distribution dans le sprocessus de gouvernance alimentaire territoriale, Thèse de Doctorat de l’Université Clermont Auvergne, 301 p.

Dumat C., 2019, L’agriculture urbaine : un vecteur de dynamiques sociales inclusives pour l’écologisation des systèmes alimentaires ? In : Carrère G., Dumat C., Zélem M.-C. (Ed), Dans la fabrique des transitions écologiques : Permanence et changements, Paris, L’Harmattan, Collection Sociologies et environnement, 324 p.

DUMAT C., PIERART A., SHAHID M., KHALID S. 2019, Pollutants in urban agriculture: sources, health risk assessment and sustainable management, in SANCHEZ-HERNANDEZ J., Bioremediation of Agricultural Soils, CRC press Taylor & Francis Group, 290 p.

Gasselin P., Lardon S., Cerdan C., Loudiyi S., Sautier D., 2020 (à paraître), Coexistence des modèles agricoles et alimentaires, un nouveau paradigme de développement territorial ? », QUAE.

Geels F.W. Schot J., 2010, The dynamics of transitions. A socio-technical perspective, in Grin J., Rotmans J. Schot J. (eds), Transitions to Sustainable Development, New York, Routledge, p. 11–101.

Hansen T., Coenen L., 2014, The Geography of Sustainability Transitions: Review, Synthesis and Reflections on an Emergent Research Field, Environmental Innovation and Societal Transitions, vol. 17, p. 92-109.

Loudiyi S., 2020, Construire des politiques alimentaires intégrées : Acteurs, échelles et gouvernance. Habilitation à diriger des recherches, Volume Inédit, Université Clermont Auvergne, 249 p.

Maye D., 2018, Examining innovation for sustainability from the Bottom Up: an Analysis of the Permaculture Community in England, Sociologia Ruralis, vol. 58, n° 2, p. 331-350.

Moragues-Faus A., 2019, Towards a critical governance framework: Unveiling the political and justice dimensions of urban food partnerships, The Geographical Journal, vol. 186, n° 1, p. 73-86.

Murphy J. T., 2015, Human Geography and Socio-Technical Transition Studies: Promising Intersections, Environmental Innovation and Societal Transitions, vol. 17, p. 73-91.

Newell P., Mulvaney D., 2013, The political economy of the ‘just transition’. The Geographical Journal, vol. 179, n° 2, p. 132-140. https://dx.doi.org/10.1111/geoj.12008

Newell P., Simms A., 2020, How Did We Do That? Histories and Political Economies of Rapid and Just Transitions, New Political Economy; https://dx.doi.org/10.1080/13563467.2020.1810216

Truffer B., Murphy J. T., Raven R., 2015, The Geography of Sustainability Transitions Contours of an Emerging Theme, Environmental Innovation and Societal Transitions, vol. 17, p. 63-72.

Sonnino R., Marsden T., Moragues-Faus A., 2016, Relationalities and convergences in food security narratives: towards a place-based approach, Transactions of the Institute of British Geographers, vol. 41, n° 4, p. 477-489.

Sonnino R., 2017, The cultural dynamics of urban food governance, City, Culture and Society, https://dx.doi.org/10.1016/j.ccs.2017.11.001.

Santo R., Moragues-Faus A., 2019, Towards a trans-local food governance_ Exploring the transformative capacity of food policy assemblages in the US and UK, Geoforum, vol. 98, p. 75-87. https://dx.doi.org/10.1016/j.geoforum.2018.10.002.


Dates

  • lundi 15 mars 2021

Fichiers attachés

Mots-clés

  • territoire, politique publique, système alimentaire, transition, alimentation de demain, durabilité

Contacts

  • Salma Loudiyi
    courriel : salma [dot] loudiyi [at] vetagro-sup [dot] fr
  • Christine Margétic
    courriel : Christine [dot] Margetic [at] univ-nantes [dot] fr
  • Camille Dumat
    courriel : camille [dot] dumat [at] ensat [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • André Buisson
    courriel : andre [dot] buisson [at] univ-lyon3 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Quelles transitions alimentaires dans les territoires ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 24 novembre 2020, https://doi.org/10.58079/15lo

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