AccueilRécits de femmes en milieu carcéral : entre survie et création

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Récits de femmes en milieu carcéral : entre survie et création

Women's narratives in the prison environment: between survival and creation

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Publié le mercredi 20 janvier 2021

Résumé

Cette journée d’étude a pour objectif de développer une réflexion sur ce que cela signifie d’être une femme en milieu carcéral et de dire la prison, en se penchant sur la relation entre ces deux aspects, prison et création, pour comprendre le rapport entretenu par les femmes avec leur détention, en réfléchissant aux dispositifs et moyens d’agentivité et d’émancipation qui sont à leur disposition. Bien que privées de leur liberté, soumises à la réclusion et à l’enfermement – donc, subjuguées à des expériences de marginalisation et d’écrasement du moi créateur –, nombreuses sont les femmes qui ont témoigné de leur vécu en brisant le silence et l’oubli et en s’érigeant comme porte-voix de l’expérience féminine carcérale.

Annonce

Cette journée d'étude virtuelle aura lieu 24-25 mars 2021 à l'université de Montréal. Elle est organisée par l’équipe du projet de recherche « Théâtre sonore et voix de femmes incarcérées dans un dispositif de récits de soi ». Ce projet est subventionné par le Fonds de recherche du Québec, volet Société et Culture et dirigé par Simon Harel.

Argumentaire

Selon une étude récente menée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) et rendue publique en juillet 2020, le nombre de femmes détenues en milieu carcéral augmente progressivement depuis plusieurs années, avec plus de 700 000 femmes emprisonnées dans le monde, représentant entre 2 et 10% de la population carcérale mondiale[1]. Comme le démontre l’Association internationale de réforme pénale, cet accroissement est principalement causé par la détention de femmes ayant commis, pour la plupart, des délits mineurs non-violents, et s’explique par le peu de recours à des peines alternatives qui seraient plus efficaces[2]. Souvent issues de milieux défavorisés et/ou souffrant d’alcoolisme, de toxicomanie ou de troubles mentaux, les femmes détenues sont fréquemment privées d’accès à des services juridiques trop coûteux, voire même à des soins médicaux ou à l’apprentissage ; l’incarcération des femmes a ainsi non seulement d’importantes conséquences sur leurs vies personnelles mais également, et surtout, sur leurs vies de famille, puisqu’elles sont généralement le parent le plus impliqué dans l’éducation des enfants. Les femmes sont ainsi tenues prisonnières au sein d’un système carcéral qui ne répond pas à leurs besoins spécifiques, les établissements carcéraux pour femmes ayant pour unique modèle ceux pour hommes.

Ce que ces données révèlent de prime abord est l’invisibilité des femmes détenues : invisibles dans un premier temps parce qu’elles représentent une population carcérale minoritaire par rapport à celle des hommes. Les établissements carcéraux pour femmes - moins nombreux que ceux pour hommes - ne font presque pas l’objet de recherches ou de productions scientifiques dans le domaine des Sciences Sociales[3] et ne sont que rarement bénéficiaires de projets de subvention ou de financement. Dans un deuxième temps, et surtout, les femmes détenues sont invisibles du fait même qu’elles sont mises de côté comme des cas à part jugés peu représentatifs du milieu carcéral en général, soit englouties dans la masse des détenus et réduites à n’être qu’un cas parmi d’autres.

En effet, la femme, encore aujourd’hui, est souvent subalterne à l’Histoire écrite au masculin, sa voix reléguée à un silence épistémologique, systématiquement mise en sourdine, réduite à n’être entendue que comme un bruit blanc, alors qu’elle est centrale à son émancipation, non seulement en tant qu’investissement sonore mais en tant qu’espace de constructions subjectives et de liens de communication. La femme est prisonnière de la mise en scène du corps et la captation de l’image, prisonnière, en somme, des structures incarcérantes du genre. Or, le milieu carcéral opère une double marginalisation de la femme, tant par l’isolement auquel il la relègue comme détenue, que par l’invisibilité à laquelle il la réduit, sa voix n’étant plus qu’un faible murmure à peine audible.

Notre projet de recherche-création, « Théâtre sonore et voix de femmes incarcérées dans un dispositif de récits de soi », s’inscrit dans le noir et le silence de cette invisibilité et se veut un dispositif passe-muraille pour faire entendre et résonner la voix des prisonnières au-delà des barreaux de la prison, et ainsi, sensibiliser au phénomène d’incarcération féminine. Notre démarche repose sur la mise en scène de la voix comme véhicule d’intériorité dépassant les murs qui confinent les femmes au sein d’établissements carcéraux en mettant l’emphase sur la dimension politique, littéraire et identitaire de la voix. Plutôt que de repenser ou de recréer à partir de l’espace narratif scriptural, notre projet privilégie une approche inédite, un dispositif d’enregistrement audio, afin de créer un véritable théâtre de la voix qui permettra de penser la voix en tant qu’espace d’investissement, de construire un lieu de création et d’interroger la voix comme possibilité de passe-muraille, pour ne citer que quelques pistes de réflexion.

Ce que nous envisageons dans le cadre de cette journée d’étude est le développement d’une réflexion sur ce que cela signifie d’être une femme en milieu carcéral et de dire la prison, en se penchant sur la relation entre ces deux aspects, prison et création, pour comprendre le rapport entretenu par les femmes avec leur détention, en réfléchissant aux dispositifs et moyens d’agentivité et d’émancipation qui sont à leur disposition. Bien que privées de leur liberté, soumises à la réclusion et à l’enfermement - donc, subjuguées à des expériences de marginalisation et d’écrasement du moi créateur -, nombreuses sont les femmes qui ont témoigné de leur vécu en brisant le silence et l’oubli et en s’érigeant comme porte-voix de l’expérience féminine carcérale.

Tout médium artistique sera envisagé (littérature, peinture, installation, enregistrement audiovisuel, danse, performance, etc.) afin de mener à bien notre réflexion. Aucune limite n’est imposée en ce qui concerne la période historique, le pays de provenance ou la zone géographique, les formes d’expression ainsi que la langue de l’artiste/écrivaine choisie.

Axes de réflexion proposés

Ces axes, nullement restrictifs, sont suggérés à titre indicatif.

Dire, traduire et raconter l’incarcération

  • Récit de soi et autofiction : entre survie et évasion
  • Créer pour survivre : témoigner pour contrer l’oubli et réparer l’expérience carcérale
  • Formes, supports, avatars artistiques et littéraires et perspectives de femmes incarcérées
  • Représenter et traduire l’espace-prison au-delà des barreaux de la détention
  • Du silence à la découverte d’un langage à soi pour dire le monde et se dire dans le monde

L’agentivité et l’émancipation de la femme en milieu carcéral

  • Autoreprésentation, prise de parole et autres actes d’agentivité féminine
  • Représentation(s) de la femme détenue : entre mise en silence et subalternité
  • Communauté(s), solidarité(s) et polyphonie(s) féminines en prison
  • Catharsis et sublimation : thérapies artistiques et ateliers de création en milieu carcéral
  • Un héritage de résistance depuis la prison : les témoignages écrits des luttes d’hier pour l’émancipation des femmes d’aujourd’hui

“L’effet prison” ou le signe d’un État omniprésent et vigilant

  • Le système carcéral : surveillance, domination et dispositifs de contrôle des femmes
  • Hétérotopies, temporalités et espaces de l’imaginaire en milieu carcéral
  • Pouvoir et contre-pouvoir de/sur la femme incarcérée
  • Vivre différemment la sexualité, l’orientation sexuelle et l’identité de genre en prison
  • La prison, synonyme de perte de liberté et de vie : témoignages de détenues décédées et devoir de mémoire
  • Regarder le monde en-deçà des barreaux de la prison : un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur

Format de la journée d’étude

En raison des mesures sanitaires mises en place dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, cette journée d’étude se déroulera entièrement en ligne, sur la plateforme Zoom. Les intervenant.e.s seront ainsi en mesure de participer sans contraintes géographiques. Le lien pour participer sera envoyé aux participant.e.s lors de l’acceptation de leurs propositions et figurera également dans la programmation de la journée d’étude.

Les communications ne doivent pas dépasser 20 minutes chacune et seront suivies d’une période de questions de 10 minutes.

Conditions de soumission et d'évaluation

Les propositions de communication (rédigées en français, en anglais ou en italien) doivent comporter un titre, un résumé d’un maximum de 250 mots qui précise clairement le corpus étudié, une bibliographie critique ainsi qu’une notice bio-bibliographique de 5 lignes (comprenant le nom, l’adresse électronique et l’institution).

Vous pouvez faire parvenir vos propositions par voie électronique aux deux adresses courriel suivantes,

avant le 20 février 2021

valentina.pancaldi@umontreal.ca et mira.missirian@umontreal.ca

Toutes les demandes soumises seront évaluées par le comité scientifique qui en évaluera la pertinence. La priorité sera donnée aux sujets soulevant des questionnements pluridisciplinaires autour de la problématique de la femme en prison.

Comité scientifique et d’organisation

  • Simon HarelProfesseur titulaire en Littérature comparéeDépartement de littératures et de langues du monde, Université de Montréal

Directeur du Laboratoire sur les récits du soi mobile (LRSM)

Membre de la Société royale du Canada, Académie des arts, des Lettres et des sciences humaines 

Lauréat de la Fondation TrudeauChaire McConnell-Université de Montréal en recherche-création sur les récits de don et de vie en contexte de soins

  • Valentina Pancaldi Doctorante en cotutelle en Littérature comparée

Département de littératures et de langues du monde, Université de Montréal

Département de littérature générale et comparée, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 

  • Mira MissirianÉtudiante de deuxième cycle en Littérature comparéeDépartement de littératures et de langues du monde, Université de Montréal

Bibliographie

Cette bibliographie est suggérée à titre indicatif.

Anthologies

BURKE, Carol A. 1992. Visions Narratives of Women in Prison, Knoxville: University of Tennessee

 Press.

FRIGON, Sylvie. 2014. De l’enfermement à l’envol : rencontres littéraires, Montréal : Remue-Ménage.

SCHEFFLER, J. A. 1986. Wall Tappings: An Anthology of Writings by Women Prisoners, Boston:

 Northeastern University Press.

Corpus théorique et critique

ENGLEBERT, Jérôme. 2019. « Enfermement carcéral, imaginaire et pathologie de l’adaptation »,

 Empan, 114 (2), p. 22-30.

FOUCAULT, Michel. 2009. Le Corps utopique, Les Hétérotopies, Paris : Lignes.

SALADO Régis & Carine TREVISAN (dir.), 2019, Écrits, images et pensées de prison, Paris : Hermann.

SIBLEY, David & Bettina VAN HOVEN. 2009. The Contamination of Personal Space: Boundary

 Construction in a Prison Environment, Area, 41, 2, 198-206.

Ouvrages littéraires et autobiographiques

LUXEMBOURG, Rosa. 2012. Lettres de prison, Paris : Berg.

LYTTON, Constance. 1914. Prison and prisoners: Experiences of a suffragette, Londres: William

 Heinemann.

NEMAT, Marina. 2007. Prisonnière à Téhéran, Paris : Pocket.

SAPIENZA, Goliarda. 2013. L’université de Rebibbia, Paris : Le Tripode.

SARRAZINE, Albertine. 1972. Le Times, journal de la prison, Paris : éditions Sarrazin.

Notes

[1] « Le nombre de femmes détenues dans le monde augmente plus vite que celui des hommes », ONU Info, 16 juillet 2020, https://news.un.org/fr/story/2020/07/1073161

[2] Fiche pratique sur la réforme pénale, no. 3, Penal Reform International, 2008, https://cdn.penalreform.org/wp-content/uploads/2013/06/brf-03-2008-women-in-prison-fr.pdf

[3] Corinne Rostaing, « L’invisibilisation des femmes dans les recherches sur la prison », Les Cahiers de Framespa, 17 mai 2018, https://journals.openedition.org/framespa/4480

Lieux

  • En ligne
    Montréal, Canada

Dates

  • samedi 20 février 2021

Fichiers attachés

Mots-clés

  • prison, création, incarcération, femmes, agentivité

Contacts

  • Mira Missirian
    courriel : mira [dot] missirian [at] umontreal [dot] ca
  • Valentina Pancaldi
    courriel : valentina [dot] pancaldi [at] umontreal [dot] ca

Source de l'information

  • Mira Missirian
    courriel : mira [dot] missirian [at] umontreal [dot] ca

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Récits de femmes en milieu carcéral : entre survie et création », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 20 janvier 2021, https://doi.org/10.58079/15tu

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