AccueilDes criminels nazis peu connus du grand public sous le feu des projecteurs

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Des criminels nazis peu connus du grand public sous le feu des projecteurs

Low profile Nazi war criminals in the spotlight

Chronique judiciaire et mémoire du nazisme en Allemagne, Autriche et France

Legal chronicles and the memory of Nazism in Germany, Austria and France

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Publié le vendredi 15 janvier 2021

Résumé

Ce projet interdisciplinaire s’adresse à des chercheuses et chercheurs en histoire, études germaniques, droit et sciences de l’information et de la communication. Il vise à analyser l’impact des procès de criminels nazis peu connus du grand public sur la transmission de la mémoire du nazisme en France, en Allemagne et en Autriche. Il se penche sur deux moments peu investis par la recherche, les années 1950 et les années 2000-2010 à partir de la chronique judiciaire (comptes rendus dans la presse, la radio, la télévision et sur internet), qui fait le lien entre l’arène du tribunal et l’opinion.

Annonce

Le projet s’articulera en deux journées d’études, qui auront lieu respectivement à la MSHE de Besançon le 3 juin 2021 et à la MSH de Dijon le 24 septembre 2021.

Présentation

Contexte et enjeux

Les procès de criminels nazis ont été des événements charnières dans l’évolution de la mémoire du nazisme. Celle-ci a connu plusieurs phases scandées par des procès médiatisés :

  • Le procès de Nuremberg en 1945/46 fut le moment d’une première confrontation de l’opinion avec le passé proche en Allemagne occupée comme à l’étranger. Il est suivi d’autres procès durant la période de l’occupation (70 % de toutes condamnations pour crimes nazis ayant en Allemagne ayant été prononcées entre 1945 et 1949 comme l’a montré Edith Raim[1]). Puis les enjeux de guerre froide dans les années 1950 et la volonté de « tirer un trait sur le passé » (« Schlussstrichmentalität ») se traduisent par un recul du nombre de procédures judiciaires liées au passé nazi dans les deux États allemands, en Autriche et en France.
  • Le procès d’Eichmann à Jérusalem en 1961, au grand retentissement international, ouvre une nouvelle phase: il met l’accent sur la persécution et l’extermination des Juifs qui, sans avoir été absentes du procès de Nuremberg, n’étaient avec le « crime contre l’humanité » qu’un des différents chefs d’accusation retenus contre les « principaux criminels de guerre ». En RFA, c’est surtout le procès de Francfort/Main en 1963-1965 (dit « procès d’Auschwitz ») qui fut déterminant pour une prise de conscience des responsabilités de la société dans les crimes nazis et pour le passage vers la centralité de la Shoah dans la mémoire collective. Dans les années 1970-1980, d’autres procès confortent ces tendances. Pour l’opinion en France, l’arrestation en 1983 de Klaus Barbie est un jalon important, car ce criminel nazi fait le lien entre la mémoire de la répression de la Résistance et celle de la Shoah.
  • Une troisième phase s’ouvre en 1988 avec le procès de John Demjanjuk en Israël qui, parce qu’il est d’origine ukrainienne, montre l’étendue des compromissions avec le régime nazi chez des groupes de collaborateurs non-allemands ayant œuvré dans les centres de mise à mort comme Sobibor ou Treblinka. Depuis la réunification allemande, les procès de criminels nazis ont été relancés grâce à l’accès aux archives du bloc Est. Dans les années 2010 s’achèvent en Allemagne les derniers procès de criminels encore en vie[2] : Demjanjuk rejugé en 2011 en Allemagne, Oskar Gröning en 2015 surnommé le « comptable d’Auschwitz », ou Bruno Dey, ex-gardien du camp du Stutthof condamné en 2020.

Objectifs

Si cette évolution de la mémoire collective sur le passé nazi au rythme des procès de criminels depuis 1945 est désormais bien connue pour l’Allemagne, reste que l’historiographie a inégalement avancé sur ces différentes phases. Alors que le « moment Nuremberg » a été intensivement analysé[3], ainsi que celui du procès d’Eichmann[4], les années 1950 restent moins investies par la recherche (malgré les travaux importants d’Andreas Eichmüller[5]). Le livre collectif dirigé par Osterloh et Vollnhals sur la réception médiatique des procès nazis montre bien ce déséquilibre[6]. Il en va de même pour les années 2000-2010 (en raison de leur proximité avec notre présent). Un point commun entre ces deux périodes est qu’il s’agit de procès de criminels moins connus du grand public, parce qu’ils font intervenir des criminels de « second rang » et parce qu’ils ont lieu dans des périodes où les débats sur le passé nazi n’ont pas la même intensité.

Les médias étant de fait devenus les principaux garants et acteurs de la publicité de la justice  – en informant les citoyens, au-delà du public nécessairement restreint présent dans le prétoire, sur le déroulement des procès et le contenu des débats – il paraît intéressant d’analyser le rôle qu’a pu jouer la chronique judiciaire sous ses différentes formes (comptes rendus et commentaires dans la presse écrite, à la radio et à la télévision, et pour la période récente sous divers formats numériques) dans la transmission de la mémoire du nazisme dans les sociétés française, allemande et autrichienne. Ce projet entend mener cette analyse à différentes échelles (une ville, une région, un pays, un espace transnational). Dans l’historiographie, ces différences sont souvent écrasées et les échelles réduites à l’espace international ou un espace strictement national dans l’analyse de l’écho médiatique des grands procès (comme le procès de Nuremberg, le procès Eichmann ou le procès de Francfort). Or, la chronique judiciaire présente des caractéristiques différentes (types de médias, de journalistes) et la transmission de la mémoire s’effectue de manière différenciée selon les échelles. La prise en compte de diverses échelles et espaces doit ainsi favoriser une approche plus fine de l’articulation entre procès, couverture médiatique et transmission de la mémoire du nazisme

La publication d’un ou deux dossiers dans une revue scientifique à comité de lecture comme La Revue d’histoire de la Shoah ou Guerres mondiales et conflits contemporains est envisagée.

Journée d’études 1 (Besançon, 3 juin 2021)

Cette première journée d’études sera centrée sur les années 1950, qui n’ont pas été un moment « d’amnistie générale » des criminels nazis, comme l’a montré Andreas Eichmüller. Des procès ont eu lieu dans les deux Allemagne, en Autriche, et en France, mais moins médiatisés. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas eu de retentissement. En variant les échelles et en regardant notamment ce qui se passe à un niveau régional (un Land) voire local (une ville), on s’interrogera sur cette idée d’une faible transmission de la mémoire des crimes du nazisme à cette époque. Quelle image du national-socialisme et de ces criminels fut transmise par les chroniqueurs judiciaires de l’époque ? Trouve-t-on la trace d’une réflexion sur la fonction de ces procès et si oui, comment les journalistes envisageaient-ils cette fonction ? Quel rôle a pu jouer la chronique judiciaire pour les populations vivant à proximité des lieux des crimes ? Des études de cas à l’échelle micro-historique seront ainsi particulièrement appréciées. On peut également envisager des approches croisées étudiant la couverture de procès dans un autre pays (par exemple, la couverture en France de procès ayant eu lieu en RFA).

Journée d’études 2 (Dijon, 24 septembre 2021)

La seconde journée d’études sera consacrée aux années 2000-2010, quand les derniers procès de criminels nazis en Allemagne ont mis sous le feu de projecteurs des individus qui étaient peu gradés dans le système concentrationnaire ou très jeunes au moment des faits. Très peu connus du grand public, ces criminels illustrent l’implication de larges groupes dans les rouages du régime et conduisent à une réflexion sur ce qu’était la « normalité » sous le nazisme. Ces procès ont dès lors une fonction moins punitive (compte tenu de la modicité des peines prononcées à l’encontre de ces nonagénaires) que pédagogique et mémorielle pour les générations actuelles. Comment la chronique judiciaire sert-elle ces différents objectifs dans les pays considérés ? En quoi ce contexte très différent des années 1950, mais aussi l’évolution des formes de chronique judiciaire à l’ère d’internet et du numérique ont-ils un impact sur la couverture des procès et la façon dont est abordée la question de la mémoire du nazisme ? Là encore, il s’agira de confronter des études menées à différentes échelles (régionale, transnationale, etc.)

Organisatrices

  • Marie-Bénédicte Vincent, professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Franche-Comté
  • Nathalie Le Bouëdec, maîtresse de conférences HDR en civilisation allemande à l’Université de Bourgogne

Institutions

  • Centre Lucien Febvre (EA 2273), Université de Franche-Comté 
  • Centre Interlangues,  (EA 4182), Université de Bourgogne
  • Avec le soutien de la Fédération des MSH de Bourgogne et de Franche-Comté

Modalités de candidature

Les chercheuses et chercheurs intéressé(e)s par ce projet peuvent soumettre une proposition de communication en français, en allemand ou en anglais pour l’une ou l’autre des deux journées

d’ici le 15 avril 2021

en envoyant un résumé de leur communication d’une page et un CV aux deux adresses suivantes des organisatrices :

  • marie_benedicte.vincent_daviet@univ-fcomte.fr
  • nathalie.le-bouedec@u-bourgogne.fr

Les propositions de contribution émanant de doctorantes et doctorants sont les bienvenues.

Les frais de transport et d’hébergement seront pris en charge.

Notes

[1] Edith Raim, Justiz zwischen Diktatur und Demokratie. Wiederaufbau und  Ahndung von NS-Verbrechen in Westdeutschland 1945-1949, Berlin, de Gruyter, 2013.

[2] Jans-Christian Jasch, Wolf Kaiser, Der Holocaust vor deutschen Gerichten, Amnestieren, Verdrängen, Bestrafen, Leipzig, Reclam, 2017.

[3] Guillaume Mouralis, Le Moment Nuremberg, Le procès international, les lawyers et la question raciale, Paris, Presses de Sciences Po, 2019.

[4] Sylvie Lindeperg, Annette Wieviorka, Le moment Eichmann, Paris, Albin Michel, 2016.

[5] Andreas Eichmüller, Keine Generalamnestie. Die Strafverfolgung von NS-Verbrechen in der frühen Bundesrepublik, Berlin, De Gruyter, 2012.

[6] Jorg Osterloh, Clemens Vollnhalls, NS-Prozesse und deutsche Öffentlichkeit : Besatzungszeit, frühe Bundesrepublik und DDR, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011.                                                                   

Lieux

  • MSHE Ledoux USR 3124 CNRS/UFC, 32 rue Mégevand
    Besançon, France (25030)
  • MSH Dijon USR CNRS 3616/UB, 6 Esplanade Erasme BP 26611
    Dijon, France (21066)

Dates

  • jeudi 15 avril 2021

Mots-clés

  • nazisme, mémoire, transmission, procès, chronique judiciaire

Contacts

  • Marie-Bénédicte Vincent
    courriel : marie_benedicte [dot] vincent_daviet [at] univ-fcomte [dot] fr
  • Nathalie Le Bouëdec
    courriel : nathalie [dot] le-bouedec [at] u-bourgogne [dot] fr

Source de l'information

  • Marie-Bénédicte Vincent
    courriel : marie_benedicte [dot] vincent_daviet [at] univ-fcomte [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Des criminels nazis peu connus du grand public sous le feu des projecteurs », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 15 janvier 2021, https://doi.org/10.58079/15va

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