Le droit d’asile est aujourd’hui défini comme une protection juridique offerte aux exilés qui en font la demande.  Cette notion de protection s’inscrit dans une longue histoire de l’asile. Aussi bien symbolique, juridique et religieuse, la protection constitue une des formes majeures des relations sociales. Elle permet de penser et de légitimer les rapports de domination sociale et politique, tant dans un cadre informel qu’au sein de juridictions précises. Interroger cette notion sous l’angle des migrations européennes, à travers une chronologie longue constitue le projet de ce numéro thématique qui pourra faire appel à des historiens spécialistes de plusieurs périodes avec un accent mis sur la période moderne, mais aussi à des juristes, à des sociologues et à des historiens du droit.

Argumentaire

Le droit d’asile est aujourd’hui défini comme une protection juridique offerte aux exilés qui en font la demande. Cette notion est convoquée tout particulièrement dans le cas de la « protection subsidiaire » accordée à « toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié, mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel » de subir une atteinte grave, selon le site du ministère de l’Intérieur. Cette notion de protection s’inscrit dans une longue histoire de l’asile. Principautés et villes de refuge ont recours à ce mot dès la fin du XVIIe siècle, quand se multiplient les vagues de migrations religieuses (juifs séfarades, luthériens de Bohême, huguenots…). En proposant terres et maisons, la protection des édits d’accueil, comme celui de Potsdam de 1685 réservé aux exilés français, offre d’abord un abri matériel contenu dans l’étymologie même du mot « protection », protectio dérivant de protectum, « toit, toiture ». La mise à l’abri des persécutions est assortie de droits civiques précis, des droits de la conscience et du droit de propriété. Elle est indissociable d’un serment d’obéissance et de sujétion volontaire au prince.

La « protection » à l’époque moderne est un concept et une pratique juridique difficiles à définir et pourtant essentiels pour embrasser un ensemble de relations sociales asymétriques. Elle reste encore peu étudiée. Issue de la féodalité, elle désigne une relation à la fois juridique et symbolique, qu’elle soit entre les hommes ou entre les pécheurs et les figures divines d’intercession. En 1741, sa définition voit son champ se rétrécir dans le dictionnaire de Zedler : « protegere signifie dans les droits, couvrir, abriter, protéger, défendre, préserver quelque chose ; défendre et prendre sous sa protection son vassal ou ses habitants [« Schutz- Verwandten », mot-à-mot parents protégés] contre un pouvoir étranger ».3 Dans les mêmes années, le Dictionnaire de Trévoux retient ce terme pour décrire les relations de patronage et de clientèle : « un bon protecteur à la Cour. Chaque Nation, chaque Ordre de Religieux a un cardinal Protecteur à Rome ».

Aussi bien symbolique, juridique et religieuse, la protection constitue une des formes majeures des relations sociales. Elle permet de penser et de légitimer les rapports de domination sociale et politique, tant dans un cadre informel qu’au sein de juridictions précises. La protection constitue la forme même de l’exercice du pouvoir politique selon une double dynamique où les liens de dépendance confortent la puissance du protecteur et son « crédit ». On retrouve cette relation à l’oeuvre dans les pratiques de charité à l’égard des pauperes et dans les suppliques des exilés. Quelle est la nature de cette protection qu’offre le droit d’asile aux exilés ? Quelles contreparties symboliques ou matérielles suppose-t-elle ? Comment cette protection s’est-elle progressivement construite comme un droit et sur quel modèle ce dernier se fonde-t-il ? La protection offre-t-elle un accès privilégié à la citoyenneté ou maintient-elle au contraire les exilés sur un seuil ? Interroger cette notion sous l’angle des migrations européennes, à travers une chronologie longue constitue le projet de ce numéro thématique qui pourra faire appel à des historiens spécialistes de plusieurs périodes avec un accent mis sur la période moderne, mais aussi à des juristes, à des sociologues et à des historiens du droit.

Modalités pratiques d'envoi de propositions

Envoyer un résumé de l’article proposé d’une page (environ 3500 caractères)

Les propositions d’article sont à adresser

avant le 30 mars 2021

à naima.ghermani@univ-grenoble-alpes

Les textes devront être rendus en janvier 2022.

Modalités de sélection et coordination du numéro

La proposition sera examinée par la coordinatrice du dossier thématique (Naïma Ghermani, Université Grenoble-Alpes / LUHCIE) et par les membres du Comité de Rédaction de la revue (https://journals.openedition.org/diasporas/190).