Página inicialLes enjeux de la vulgarisation de la recherche en sciences sociales

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Les enjeux de la vulgarisation de la recherche en sciences sociales

Issues surrounding simplification of research into the social sciences

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Publicado quarta, 24 de março de 2021

Resumo

En France, la mission de l’Université est double : il s’agit d’une part de faire progresser la connaissance grâce à la recherche, et d’autre part de diffuser ces connaissances à travers l’enseignement. La recherche scientifique implique donc obligatoirement une diffusion des savoirs, ce qui pose la question de l’étendue et des modalités de cette diffusion. Au-delà d’une transmission intra-universitaire, de nombreux supports et interventions se basant sur des travaux scientifiques sont pensés pour atteindre le grand public. Ces démarches s’inscrivent dans un contexte favorisant l’ouverture et la gratuité de l’accès à la science, comme l’illustre le Plan national pour la science ouverte, instauré en 2018 par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. À l’occasion d’une journée d’étude, nous aimerions ainsi interroger les enjeux de la vulgarisation en sciences sociales

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Journée d’étude proposée par les étudiants du Master 2 EAPP, Université Lumière Lyon 2

Argumentaire

En France, la mission de l’Université est double : il s’agit d’une part de faire progresser la connaissance grâce à la recherche, et d’autre part de diffuser ces connaissances à travers l’enseignement. La recherche scientifique implique donc obligatoirement une diffusion des savoirs, ce qui pose la question de l’étendue et des modalités de cette diffusion. Au-delà d’une transmission intra-universitaire, de nombreux supports et interventions se basant sur des travaux scientifiques sont pensés pour atteindre le grand public. Ces démarches s’inscrivent dans un contexte favorisant l’ouverture et la gratuité de l’accès à la science, comme l’illustre le Plan national pour la science ouverte, instauré en 2018 par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Ces tentatives visant à une plus large diffusion des connaissances sont communément désignées par le terme de “vulgarisation”. Les ouvrages, revues, magazines, conférences, émissions télévisées, podcasts et autres formats proposant un contenu vulgarisé, impliquent généralement la “reformulation d'un discours spécialisé qui consiste à le débarrasser de ses difficultés spécifiques, de ses caractères techniques”, et ce afin de le rendre accessible[1]. Mais comment les acteurs de cette vulgarisation donnent-ils sens à leur démarche ?

Les efforts de vulgarisation scientifique les plus répandus et les plus populaires, des magazines aux plus récentes chaînes Youtube, sont le plus souvent associés aux sciences dites “dures”. Les sciences sociales, en revanche, demeurent souvent moquées, comme le prouve l’existence persistante du cliché de l’étudiant en sociologie peu assidu et voué à l’échec professionnel faute d’utilité, voire décriées, au vu des récentes polémiques à propos d’obscurs travaux “islamo-gauchistes”[2].

Les sciences sociales semblent ainsi faire l’objet d’une certaine défiance. Cela pourrait-il s’expliquer, du moins en partie, par une méconnaissance des savoirs qu’elles produisent ?

A l’occasion d’une journée d’étude, nous aimerions ainsi interroger les enjeux de la vulgarisation en sciences sociales en suivant plusieurs axes de réflexion :

Pourquoi vulgariser ? Pour quels publics ? (axe 1)

Qui sont les acteurs de la vulgarisation ? Quels supports utilisent-ils ? (axe 2)

Les opérations de vulgarisation impliquent-elles une porosité des frontières entre recherche, expertise et militantisme ? (axe 3)

Au fur et à mesure de cette réflexion, nous nous demanderons également quels peuvent être les effets de la vulgarisation sur la production des savoirs et en quoi cela représente un enjeu de légitimation pour les sciences sociales (axe 4).

La vulgarisation des sciences : quelques repères historiques

On peut situer les débuts de la vulgarisation scientifique à l’aune du XIXème siècle. À cette époque, on lui donnait plutôt le nom de « science populaire ». C’est à partir des années 1830 que la science et ses découvertes se retrouvent dans la presse locale et nationale. Les avancées scientifiques deviennent ainsi plus accessibles, ce qui permet à la fois de développer la presse et en même temps de tenir la population informée des avancées de la science. Le XIXème siècle est marqué par l’industrialisation et les progrès techniques. La tâche des « vulgarisateurs » est alors perçue à cette époque comme nécessaire, voire quasi essentielle dans le “processus de civilisation”, en montrant aux individus ce que la société à laquelle ils appartiennent est en capacité de faire (Bensaude-Vincent, 1993).

La « science populaire » ou « vulgarisation » est, de plus, un enjeu de la lutte des classes dès son commencement. À la fois commandée par la classe dirigeante pour limiter le désordre social au sein de la classe ouvrière, et promue par les penseurs du socialisme tel que Proudhon pour permettre à la population de s’élever intellectuellement, la vulgarisation prend un intérêt politique. Notamment lorsqu’elle se fait via les Expositions Universelles, adoptant ainsi une échelle internationale inscrite dans des rapports de domination coloniaux de l’époque. C'est au cours du XIXème siècle que la figure du vulgarisateur va s'autonomiser et se doter de ses propres outils. Il va trouver son public, toujours parmi une élite sociale et culturelle similaire au public de la science mondaine. Progressivement le vulgarisateur fonde sa propre légitimité basée sur une nécessaire médiation entre le peuple et les scientifiques perçus comme enfermés dans des discours ésotériques.

Plusieurs « mouvements » de vulgarisation ont vu le jour en France à partir du milieu du XIXème siècle. Ces courants ont en commun une vision de la science comme étant une, signifiant qu’elle ne peut être produite que par des chercheurs professionnels. Ce qui amène à l’abandon du terme de « science populaire ». Tout ce qui ne provient pas du monde scientifique sera nommé « pseudo-science ». Sémantiquement parlant, il est intéressant de constater la conservation du terme de « vulgarisation », connoté péjorativement, plutôt que celui de « science populaire » ou « popularisation », signe d’une volonté du monde académique de se distinguer de la production de savoirs « vulgaires ». Ce n’est que dans les années 1950 que Jean Rostand plaide pour « la vulgarisation », venant du mot latin « vulgus » et signifiant « peuple » au sens large.

La vulgarisation des savoirs scientifiques constitue donc un enjeu social et politique et peut être appréhendée comme un outil d’émancipation pour certains publics. S'interroger sur ces enjeux et plus particulièrement pour les sciences sociales, c'est d'abord se demander qui sont les destinataires de tels travaux scientifiques. Toute production scientifique se fait systématiquement par rapport à un public plus ou moins large. Questionner le profil social des publics visés par les scientifiques permet de mieux cerner les enjeux de vulgarisation à l'œuvre au cours des siècles, en donnant à voir les changements historiques dans les motivations à la vulgarisation et les moyens de légitimation des chercheurs en sciences sociales.

Axes thématiques

Premier axe : Pourquoi vulgariser ? Pour quels publics ?

Les sciences sociales aspirent à rendre intelligible le fonctionnement de nos sociétés. Cette compréhension du monde ne devrait-elle pas profiter au plus grand nombre ? Avec la publication en 1993 de la Misère du monde, Pierre Bourdieu et son équipe ont trouvé un mode d’expression susceptible d’apporter à un public très large des clés de compréhension du monde social et d’aider ainsi, non pas directement les responsables politiques, mais les gens ordinaires à prendre conscience des logiques de domination. C’est aussi à partir de cette époque que P. Bourdieu a exprimé ouvertement son soutien à des mouvements sociaux comme celui des cheminots en grève en 1995. La vulgarisation peut ainsi contenir des enjeux de progrès social.

Néanmoins, dans le milieu de la recherche, le monopole du prestige réside dans la production de savoirs académiques, laissant une place peu valorisante à la diffusion populaire de cette connaissance et aux savoirs profanes. Au sein de notre société, une nette opposition est en effet observable entre ce qui est de l’ordre du scientifique et ce qui relève du non-scientifique : les “savoirs”, pour être considérés comme “scientifiques”, doivent être collectivement produits et validés par des équipes de chercheurs professionnels, tandis que les savoirs d’expérience et les connaissances profanes sont relégués au second plan. Olivier Las Vergnas souligne le rôle joué par l’école dans la segmentation et la hiérarchisation des savoirs et dans la sacralisation des “sciences dures”[3].

Au-delà du peu de reconnaissance accordée à la vulgarisation, les difficultés rencontrées par les sciences sociales pour se faire reconnaître comme science légitime ont pu décourager certains chercheurs à vulgariser leurs travaux. La plupart des travaux produits puis vulgarisés, le sont par des journalistes, des réalisateurs, des écrivains puis adaptés en langage “courant”. Cela pose la question, pour les chercheurs de ce qui est effectivement transmis au public. Il est en effet plus facile pour les individus de s’approprier des concepts sociétaux que des notions de sciences exactes. Cependant, quelle légitimité reste-t-il aux chercheurs vis-à-vis de leurs connaissances si le public profane parvient à se l’approprier rapidement avec plus ou moins d’exactitude ? On comprend alors la réticence de certains chercheurs à vulgariser eux-mêmes leurs travaux. Faut-il pour autant s’y résigner ? Une autre vulgarisation, plus complète et précise que celle des médias de masse n’est-elle pas possible si produite par les chercheurs eux-mêmes ? En consacrant une partie de son temps, de sa carrière à cette tâche, ne serait-ce pas là l’évolution du métier de sociologue en agent, acteur, médiateur scientifique d’utilité public ? La question des acteurs de la vulgarisation doit ainsi être abordée.

Enfin, si l’on peut s’entendre sur l’intérêt d’une ouverture et d’une diffusion plus large du savoir en sciences sociales, alors se pose la question du public à qui l’on s’adresse. Raymond Boudon repère trois types distincts de « marchés » auxquels peuvent s’adresser les intellectuels. Un premier marché se compose de la communauté scientifique, « instance prioritaire d’évaluation des travaux scientifiques ». Le second concerne un public plus large « susceptible d’être concerné directement par les travaux » comme les spécialistes et les journalistes. Enfin, un troisième marché concerne l’ensemble des citoyens. C'est surtout celui-ci qui pose question aux chercheurs en sciences sociales ces dernières années et auquel se rattache davantage le terme de “vulgarisation”. Quels moyens mettre en œuvre pour atteindre ce public ?

Deuxième axe : Qui sont les acteurs de la vulgarisation ? Quels supports utilisent-ils ?

La vulgarisation est souvent résumée à l’accessibilité et à la transparence de l’écriture. Mais s’intéresser à celle-ci, c’est également réfléchir aux supports au-delà du format de l’article scientifique, ainsi qu’aux partenariats qui peuvent s’établir entre les scientifiques et d’autres acteurs comme les journalistes, les réalisateurs ou encore les artistes.

En effet, les efforts de diffusion des connaissances sont caractérisés par une grande variété : la collection Sociorama signe ainsi la rencontre entre bande dessinée et sociologie, tandis que le jeu de société “Kapital” créé en 2019 par les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot vulgarise leurs travaux sur les inégalités sociales. Réputés inaccessibles, les écrits de Pierre Bourdieu comme La Misère du Monde sont transposés au théâtre avec la pièce En réalités d’Alice Vannier.

Ces supports peuvent néanmoins se voir opposer leur faible diffusion, voire accessibilité, par rapport à la radio, à Internet (YouTube, articles diffusés sur les réseaux sociaux...), ou au populaire petit écran notamment, accessible à la majorité des foyers (92 % des foyers en France disposent d’un téléviseur). La vulgarisation peut d’ailleurs y émerger sous des formes surprenantes, comme dans la série télévisée des années 2000 The Wire, qui dépeint la réalité sociale de la ville de Baltimore en révélant par exemple des mécanismes issus de la sociologie de la déviance d’Howard Becker[4].

Par ailleurs, la présence des historiens, des sociologues et des politistes dans les médias s’est accrue ces dernières années. Cette ouverture à la sphère médiatique relève à la fois d’un désir de diffusion élargie des savoirs, mais aussi d’une réponse à un appel croissant d’« experts ». Dès lors, plusieurs enjeux apparaissent, questionnant à la fois la posture à tenir du chercheur et le format dans lequel il intervient. Par exemple, journaliste et sociologue sont deux métiers de l’écrit qui partagent un rapport au temps presque opposé : quand le premier doit sans cesse prendre le pouls de l’actualité, le second travaille à créer une analyse scientifique et nuancée sur un temps long.

Dès lors, l’intervention du sociologue à la télévision est-il uniquement une « manipulation légitime de la vision du monde » comme le pensait P. Bourdieu, (référence Sur la télévision, Bourdieu) ou bien le sociologue est-il en mesure de s’approprier ce média en y imposant certaines conditions de production et de diffusion de son savoir ?

Récemment, des « médias émergents » ont vu le jour et certains d’entre eux ont permis aux chercheurs de s’affranchir du relais journalistique. Des pages et des blogs personnels se sont ainsi multipliés sur la toile pour tenter, par exemple, d’apporter un éclairage à chaud de l’actualité, tout en préférant un format plus adapté à l’analyse des sciences sociales. Mais en créant ses propres outils de diffusion, le chercheur ne se renferme-t-il pas à nouveau dans une diffusion plus confidentielle de ses savoirs ?

Tous ces enjeux de diffusion sont complexes et méritent d’être abordés par les chercheurs eux-mêmes : comment les sciences sociales peuvent-elles être utiles lorsqu’elles sont portées sur la place publique et sous quelle forme peuvent-elles le faire ?

Troisième axe : la porosité des frontières : sociologues experts et sociologues militants

Si dès ses débuts la sociologie a motivé des générations de chercheurs sensibles aux questions sociales, la discipline universitaire a pu en désenchanter certains, réalisant que le rôle du sociologue se cantonne majoritairement à la production intellectuelle conditionnée par les exigences et la méthode académique. Selon M. Burawoy, c’est comme si la formation universitaire en sociologie était pensée pour que les engagements moraux, pourtant à l’origine de l’intérêt pour la discipline, disparaissent suite à cette formation (Burawoy, 2009). La « sociologie publique » telle qu'il la défend, considère que la discipline et les chercheurs doivent investir les milieux extra-universitaires. Aux États-Unis comme en France, les sociologues sont souvent très éloignés des sphères de pouvoir politique et les canaux qu’ils ont pour « parler aux publics » sont investis par les journalistes et par ceux qui se présentent et sont adoubés comme des “experts”. Quelques interstices existent pour des points de vue critiques. On peut reprendre ici l'exemple des Pinçon-Charlot, notamment Monique Pinçon-Charlot qui très présente dans les médias depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, ne cache pas ses opinions vis-à-vis d’un système qu’elle juge élitiste et méritocratique, se présentant même en soutien au mouvement des Gilets Jaunes. La question est de savoir à quel degré investir sphère publique sans risquer la perte de légitimité ?

Une des voies de la vulgarisation réside dans l’établissement de coopérations horizontales et durables entre chercheurs et différents types d’acteurs engagés dans la société. En effet, au lieu d’être fondées sur des relations verticales, où seuls les savoirs reconnus comme scientifiques sont vecteurs de progrès, des interactions (nouvelles) peuvent prendre la forme de recherches participatives qui font place aux savoirs expérientiels. D’après J. P. Billaud, B. Hubert Bernard et F.D. Vivien, l’expression “recherches participatives” désignerait un courant de pensée et d’activités scientifiques se réclamant explicitement de la participation de la société à des protocoles de recherche, depuis les travaux de la psychosociologie dans les années 1940 aux États-Unis, en passant par ceux prônant des démarches de recherche-action ou, en sociologie, de recherche-intervention, jusqu’aux recherches partenariales expérimentées au Québec et, aujourd’hui, en France[5]. Plus largement, ces pratiques témoignent d’un réaménagement de ce qui relève de l’ordre des sciences et de l’ordre démocratique. La recherche participative interpelle nombre de nos préjugés sur ce que recouvre l’activité scientifique.

La recherche appliquée, se traduisant par une création d'outils techniques et de pratiques applicables dans le champ non scientifique, apparaît comme évidente pour les sciences dites "dures". Pour autant, il existe aujourd'hui une multitude d'instituts de recherche indépendants, rattachés à l'univers des sciences sociales, qui produisent des savoirs dans l'optique de créer des outils et des pratiques à destination de professionnels du monde social. Plus communément appelée la "recherche-action", cette manière de faire de la recherche se situe souvent à la charnière entre demandes de structures du social ou pouvoirs publics et milieu universitaire. Il existe des recherches-action collaboratives, qui consistent à permettre aux professionnels de terrain d'être partie prenante de tout un processus de recherche. Se pose néanmoins la question de l'indépendance et de l'objectivité de la recherche, puisque ce sont des structures ayant un intérêt à ces recherches qui apportent les financements. Alors que la recherche dans le monde universitaire peut prendre plusieurs années, les logiques financières auxquelles sont parfois confrontés les instituts indépendants de la recherche peuvent remettre en question les critères de sa qualité, comme nous le verrons plus loin.

Quatrième axe : Valorisation et légitimité accordées aux sciences sociales

Enfin, la vulgarisation peut constituer un enjeu important dans le renforcement de la légitimité des sciences sociales, car la démarche utilisée semble bien souvent mal comprise par le reste de la société et son utilité concrète peu visible. Les sorties de Manuel Valls sur la « culture de l’excuse » qui serait encouragée par la sociologie, ou plus récemment de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme à l’université » montrent d’ailleurs que les pouvoirs publics ne sont pas en reste et alimentent le manque de crédit accordé aux sciences sociales.

Ces prises de positions, qui trouvent parfois un écho dans le reste de la société, semblent dénoter une méconnaissance profonde des approches développées en sciences sociales. Elles posent aussi la question de la place de ces dernières dans la société française, et de leur capacité à construire des ponts en dehors de l’Université afin d’expliquer leurs démarches, leurs méthodes et leurs buts. Expliquer que chercher à comprendre ce n’est pas « excuser », montrer que les résultats de ces recherches ne sont pas le fruit d’opinions individuelles, plaident pour la vulgarisation de cette discipline. Prendre le temps d’expliquer les méthodes, les démarches et les enjeux des sciences sociales, qui contrairement à d’autres disciplines recoupent parfois des sujets triviaux, polémiques et actuels et offrent des résultats venant questionner notre existence, nos croyances et nos pratiques, serait un premier pas vers la valorisation et la compréhension de cette science et par conséquent vers la légitimité qu’on lui accorderait.

La question du crédit accordé par la société aux sciences sociales rejoint plus concrètement celle des ressources matérielles qui y sont allouées, qui peuvent également être un indicateur de la valeur accordée à une discipline. Par ailleurs, la recherche scientifique est largement soutenue par des fonds publics, ce qui pose la question de l’intérêt qu’a la société à contribuer à ce financement. Toutefois, la recherche en sciences sociales doit-elle avoir une visée utilitariste ? Mène-t-on une recherche afin de comprendre des fonctionnements, des pratiques et/ou afin de trouver des solutions pour améliorer ceux-ci ?

 Les modalités de financement et l’éventuelle nécessité d’un “retour sur investissement” interrogent en tout cas l’autonomie des chercheurs ainsi que les conditions de production et de diffusion du savoir scientifique. Dans quelle mesure ce “retour sur investissement” peut-il prendre la forme d'un accès du contribuable aux savoirs produits ?

 La législation attribue déjà à l’enseignement supérieur et aux différents organismes de recherche une mission de diffusion des savoirs. La récente loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR) a pour ambition d’encourager à “diffuser la recherche dans l’économie et la société”[6]. Toutefois, un réel pas dans cette direction ne semble guère être engagé, d’autant plus que la LPR renforce le poids des appels à projets et le lien avec le secteur privé. Ces orientations laissent transparaître une injonction de la part des pouvoirs publics à l’utilité des travaux scientifiques entrepris et financés avec une volonté d’applicabilité directe et concrète.

Ainsi, les objections à cette loi sont nombreuses. En ce qui concerne la vulgarisation, c’est-à-dire la diffusion de savoirs accessibles au plus grand nombre, l'on peut se demander si l’augmentation du poids du secteur privé dans la recherche n’entre pas directement en conflit avec l’idée d’une large diffusion des savoirs produits.

Par ailleurs, le processus de financiarisation de la presse semble mettre en danger certains médias qui avaient opté pour la vulgarisation scientifique. L’augmentation de contenus commerciaux conduit bien souvent à l’écartement des journalistes scientifiques, acteurs pourtant centraux de la vulgarisation.

On pourrait ainsi se demander quelle forme pourrait prendre une politique ambitieuse de soutien à la vulgarisation scientifique ?

Modalités pratiques d'envoi de propositions

Toutes ces questions seront abordées dans le cadre d’une journée d’étude pluridisciplinaire organisée les 29 et 30 avril 2021 à Lyon par la promotion des étudiants du Master 2 de sociologie politique (EAPP) de l’Université Lumière Lyon 2. Les propositions de communication (3000 signes), qui seront examinées par les étudiant.e.s du Master EAPP, sont à envoyer pour

le 2 avril 2021

à l’adresse jeeapp2021@gmail.com, en indiquant l’axe ou les axes dans lesquels vous vous inscrivez, éventuellement des retours d’expérience concrets. Les propositions d’étudiant.e.s en Master et de doctorant.e.s seront particulièrement bienvenues.

Bibliographie

Articles de revues

BENSAUDE-VINCENT, Bernadette. « Un public pour la science : l'essor de la vulgarisation au XIXe siècle ». Réseaux, vol. 58, no. 2, 1993, pp. 47-66.

BENSAUDE-VINCENT, Bernadette. « Splendeur et décadence de la vulgarisation scientifique ». Questions de communication, vol. 17, no. 1, 2010, pp. 19-32.

BILLAUD, Jean-Paul, HUBERT, Bernard et Franck-Dominique VIVIEN.« Les recherches participatives : plus de science ou une autre science ? ». Natures Sciences Sociétés, vol. 25, 2017/4, p. 325-326. URL : https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2017-4-page-325.htm.

BOURDIEU, Pierre. Sur la télévision. Liber-Raisons d'agir, Paris, 1996.

BURAWOY, Michael. « Pour la sociologie publique [1] ». Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 176-177, no. 1-2, 2009, pp. 121-144

LAS VERGNAS, Olivier. « Des freins à une coopération fructueuse entre professionnels de la recherche et acteurs de la société civile ». Cahiers de l’action, no. 55, 2020, pp. 25-29. URL : https://www-cairn-int-info.bibelec.univ-lyon2.fr/revue-cahiers-de-l-action-2020-1-page-25.htm.

Articles presse en ligne

AESCHIMANN, Eric, DE LA PORTE, Xavier et Rémi NOYON. « “Thèses intersectionnelles” : Blanquer vous explique tout, mais n’a rien compris ». L’Obs, 26 octobre 2020 [en ligne]. URL https://www.nouvelobs.com/idees/20201026.OBS35242/theses-intersectionnelles-blanquer-vous-explique-tout-mais-n-a-rien-compris.html ?fbclid =IwAR2rvJcNfHmWiNkEfcwo7_VtOheN-7GxhQGtgWpUDCZEcAKX-tpimEaAd30

HARTZURI, Paul. « The Wire ou la sociologie en action ». Medium.com, 21 janvier 2020 [plateforme en ligne de blog]. URL : The Wire ou la sociologie en action | by Paul Hartzuri | Bardd. | Medium

LE NEVE, Soazig. « “Demander une sorte d’enquête parlementaire sur ce qu’écrivent les universitaires est inédit” : les sciences sociales dans le viseur du politique ». Le Monde, 2 décembre 2020 [en ligne]. URL : https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/12/02/demander-une-sorte-d-enquete-parlementaire-sur-ce-qu-ecrivent-les-universitaires-est-inedit-les-sciences-sociales-dans-le-viseur-du-politique_6061944_3224.html ?fbclid =IwAR3YogwJ0Fmjt_HGY5Zeo-W-ydd3XPsfex9pMfTofRQ4pzjUB9Tcn4Csbcg

Références dans le texte

[1] Définition du CNRTL : https://www.cnrtl.fr/definition/vulgarisation

[2] AESCHIMANN, Eric, DE LA PORTE, Xavier et Rémi NOYON. « “Thèses intersectionnelles” : Blanquer vous explique tout, mais n’a rien compris ». L’Obs, 26 octobre 2020 [en ligne]

[3] Las Vergnas Olivier, « Des freins à une coopération fructueuse entre professionnels de la recherche et acteurs de la société civile », Cahiers de l’action, 2020/1 (N° 55), p. 25-29.

[4] HARTZURI, Paul. « The Wire ou la sociologie en action ». Medium.com, 21 janvier 2020 [plateforme en ligne de blog]

[5] BILLAUD, Jean-Paul, HUBERT, Bernard et Franck-Dominique VIVIEN.« Les recherches participatives : plus de science ou une autre science ? ». Natures Sciences Sociétés, vol. 25, 2017/4, p. 325-326

[6] Loi n°2020 - 1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Disponible sur www.legifrance.gouv.fr

Locais

  • Lyon, França (69)

Datas

  • sexta, 02 de abril de 2021

Ficheiros anexos

Contactos

  • Sophie Béroud
    courriel : sophie [dot] beroud [at] univ-lyon2 [dot] fr

Fonte da informação

  • Céline Revel
    courriel : celine2098 [at] orange [dot] fr

Licença

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Para citar este anúncio

« Les enjeux de la vulgarisation de la recherche en sciences sociales », Chamada de trabalhos, Calenda, Publicado quarta, 24 de março de 2021, https://doi.org/10.58079/16a4

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