AccueilSociétés savantes, pratiques naturalistes et nature en ville (XIXe-XXIe siècle)

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Sociétés savantes, pratiques naturalistes et nature en ville (XIXe-XXIe siècle)

Scholarly societies, naturalist practices and nature in the city (19th-21st century)

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Publié le mardi 13 avril 2021

Résumé

Plus d’un millier de sociétés savantes sont créées en France au cours du XIXe siècle. Environ un tiers pratiquent l’histoire naturelle, souvent dans un cadre pluridisciplinaire (sciences, lettres, histoire, archéologie, arts, etc.). Des sociétés spécialisées dans différents domaines de l’histoire naturelle sont fondées, surtout à partir de la seconde moitié du siècle. Elles sont animées par des « amateurs », une catégorie dont les contours sont difficiles à saisir. Jusqu’à aujourd’hui, « amateurs » ou « profanes » pratiquent des sciences de « plein air », nécessitant du temps mais peu de matériel et de prérequis. Ces journées d’étude ont pour objectif d’interroger la production, la diffusion et la médiation des savoirs par les réseaux savants, d’aborder le rôle des sociabilités savantes à partir du XIXe siècle, les transformations opérées aux XXe et XXIe siècles, les nouveaux enjeux relatifs aux savoirs naturalistes, à l’écologie et à la biodiversité urbaine, à la diversité des formes de demande sociale et culturelle de nature en ville.

Annonce

21 et 22 octobre 2021, Fondation Maison des Sciences de l’Homme, 54 Boulevard Raspail, 75006 Paris

Argumentaire

Plus d’un millier de sociétés savantes sont créées en France au cours du XIXe siècle (Chaline, 1995 ; Fox, Weisz, 1980). Environ un tiers pratiquent l’histoire naturelle, souvent dans un cadre pluridisciplinaire (sciences, lettres, histoire, archéologie, arts, etc.). Des sociétés spécialisées dans différents domaines de l’histoire naturelle sont fondées, surtout à partir de la seconde moitié du siècle (entomologie, mycologie, malacologie, géologie, botanique, zoologie, minéralogie, etc.). Leurs publications répondent aux attentes d’un lectorat hétérogène. Elles sont animées par des « amateurs », une catégorie dont les contours sont difficiles à saisir. Jusqu’à aujourd’hui, « amateurs » ou « profanes » pratiquent des sciences de « plein air », nécessitant du temps mais peu de matériel et de prérequis. On peut alors se demander comment se négocient les rapports entre profanes et scientifiques, avec la montée en puissance des professionnels (Charvolin, Micoud, Nyhard, 2007).

Au XIXe siècle, les naturalistes arpentent leur « petite patrie locale », ceux des plaines découvrent la montagne (Pont, Lacki, 2000). Les excursions laissent une place importante à la collecte et la collection, à l’observation et à l’érudition. Les données s’accumulent, publiées dans des bulletins périodiques, des catalogues, des monographies, des guides, des Flores et des Faunes. Des travaux sont impulsés et diffusés par le Comité des Travaux Historiques et scientifiques (fondé en 1834), circulent au sein du réseau des sociétés locales, nationales et des colonies, parfois des sociétés étrangères.

Les comptes rendus d’activités, les séances publiques, les célébrations et autres rituels académiques assurent aussi la promotion d’une forme de sociabilité à dominante masculine, d’un certain mode de vie français (gastronomie, convivialité, humour, exploits sportifs, etc.). Les querelles à propos de découvertes locales, la valorisation excessive du singulier, l’accumulation et la confiscation de données, la culture de l’entre soi, seraient symptomatiques d’une forme d’idiosyncrasie propre à ces groupes constitués, tantôt courtisés, tantôt dévalorisés par des savants professionnels (Claude Bernard par exemple) et par les institutions centralisées. Ces représentations ont longtemps fait considérer leurs productions comme indigentes, sur le plan scientifique.

La prise en compte de la diversité des productions et des activités des sociétés savantes : littérature naturaliste, participations à des manifestations scientifiques, gestion et création de jardins botaniques, musées, bibliothèques, conduit à interroger leur caractère savant, leur visibilité dans l’espace public, leur ancrage culturel local. Si leurs productions sont importantes, les institutions centralisées les ont longtemps considérées comme indigentes, sur le plan scientifique. Elles suscitent pourtant l’intérêt d’écrivains, plus ou moins célèbres, comme Hector Malot, Ernest Cotty ou encore Maurice Maindron.

Dans les sciences du vivant, des sociétés savantes manifestent l’appropriation de concepts scientifiques : fixisme de Cuvier, transformisme de Lamarck, évolutionnisme de Darwin, concepts taxinomiques, phytogéographiques, zoogéographiques et écologiques, etc. En phytogéographie, elles construisent des programmes qui développent des problématiques écologiques ancrées dans des territoires (Matagne, 1999).

Au XIXe siècle, les données relatives à la faune et la flore rurale et sylvestre sont abondantes. À la fin du siècle naît une tradition naturaliste qui s’intéresse à la nature en ville. Il semblerait que pour la France les recherches les plus nombreuses concernent la capitale. En Province, des sociétés savantes contribuent à introduire ou à maintenir la nature en ville par le biais de jardins botaniques, qui présentent des espèces indigènes, exotiques, cultivées. Ce sont des terrains d’expérimentations (acclimatation, sélection, hybridation), qui rendent visible les références des concepteurs dans les domaines de la systématique (système de Linné, méthode de Jussieu, etc.), de la géographie botanique et de l’écologie (Fischer, 1999). Ouverts au public, les jardins de ville ont un rôle scientifique, culturel, pédagogique (visites-conférences, leçons pour les enfants des écoles, pour les étudiants en médecine et pharmacie), économique (pour les agriculteurs, agronomes et industriels). Ils s’inscrivent dans un plan d’urbanisme marqué par le courant hygiéniste, par le modèle des cités jardins à l’anglaise pensées en réaction à une forte urbanisation et industrialisation.

En zoologie, un essor des publications est relevé dans les années 1930-1950, notamment sur les mammifères de Paris et de sa banlieue. Jusqu’à aujourd’hui, les Rencontres naturalistes d’Île-de-France mobilisent le réseau associatif aux côtés d’institutions et de laboratoires (CNRS, MNHN, universités). À la fin du siècle, Paris Espace Nature passe commande de travaux sur des classes de vertébrés (oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles).

Le succès des publications ornithologiques peut être corrélé avec la multiplication des associations fédérées par la Ligue pour la protection des oiseaux (fondée en 1912) et la Société d’études ornithologiques de France (fondée en 1993). Une partie des études concernent l’avifaune urbaine. Pour les invertébrés, les travaux sont plus rares (notons ceux de l’Association des Coléoptéristes de la Région Parisienne, fondée en 1923) (Maurin, Henry, 1997).

Le congrès international de botanique (Paris, 1954) valorise les amateurs et les contributions des sociétés savantes. Les actes recensent des publications de l’après-guerre qui s’inscrivent dans une tradition des « herborisations parisiennes », qui remonterait à la fin du XIXe siècle. L’herbier parisien de Paul Jovet, actif dans plusieurs sociétés savantes, contient des espèces banales – des mauvaises herbes – et exotiques collectées pendant des décennies dans les friches, décharges, terrains de construction, rues, voies de chemin de fer et du métro aérien, ruines de la dernière guerre. Ses observations sur la flore urbaine de Paris et sur l’anthropisation des milieux interrogent la validité de certains concepts écologiques dans des milieux particulièrement sélectifs (Jovet, 1954 et Lizet, Wolf, Celecia, 1999).

Dans le dernier tiers du XXe siècle, une impulsion est donnée à l’étude de la nature dans des capitales (Paris, Chicago, Londres, Berlin, Bruxelles), dans le contexte d’émergence d’une nouvelle demande sociale en matière d’écologie, de structuration de la biologie de la conservation et du concept de biodiversité. En France se met en place le réseau des villes durables.

Des citoyens sont initiés, voire formés à des pratiques naturalistes. Excursions, séances de détermination et stages sont régulièrement proposés par des associations, parfois par des universités à destination des étudiants. Les amateurs d’aujourd’hui, profanes, bénévoles, investissent des terrains délaissés par les professionnels. Comme leurs prédécesseurs du XIXe siècle, leurs découvertes visent à combler un défaut de connaissance de la biodiversité. Ils réalisent des inventaires, mettent à l’épreuve les hypothèses scientifiques des chercheurs (sciences participatives). À la connaissance s’ajoute la vigilance collective, citoyenne, permettant d’appréhender la dynamique complexe de la biodiversité urbaine, de documenter la recherche, de médiatiser des demandes sociales et culturelles en matière de santé (maladies vectorielles, allergies dues aux pollens), d’influer sur les choix opérés (espèces patrimoniales, invasives, notions controversées d’espèces utiles ou nuisibles etc.). Des décisions en matière d’aménagement urbain intègrent des données naturalistes et écologiques : trames vertes et bleues passant par des zones urbaines pensées dans le cadre de l’écologie du paysage, éco-quartiers et éco-villes, jardins en mouvement, jardins publics et privés qui valorisent un patrimoine naturel urbain et périurbain. On assisterait à un renouveau des pratiques naturalistes et de la systématique, utilisatrice des derniers développements de la génomique et des technologies informatiques, à un renouvellement de l’expertise des amateurs (Bonneuil, Joly, 2013 ; Mauz, 2011 et Péty, 2020).

Des publications de vulgarisation destinées à un public familial sont consacrées à la faune urbaine – sauvage et domestique – aux petites bêtes de la maison, à la fabrication de nichoir, à l’implantation de ruches, etc.

La nature en ville dispense des aménités aux citadins, elle fait l’objet de multiples usages, rend des services écologiques (Mathis, Pépy, 2017). La ville met à l’épreuve des concepts scientifiques, renouvelle les savoirs et les pratiques naturalistes, qui dépassent les domaines de la biologie et de l’écologie scientifique. L’écologie urbaine associée à l’école de Chicago du début du XXe siècle, la ville écologique (années 1960), la ville durable (années 1990) interrogent les évolutions des relations ville-nature et des dynamiques des systèmes urbains, avec leurs composantes sociales, culturelles, biologiques (Blanc, 1998 ; Rudolf, 2008).

Les termes : sociétés savantes, pratiques naturalistes, nature en ville, ont été retenus comme éléments d’articulation de communications qui s’inscriront dans un cadre chronologique commençant au XIXe siècle.

Ces journées d’étude ont pour objectif d’interroger la production, la diffusion et la médiation des savoirs par les réseaux savants, d’aborder le rôle des sociabilités savantes à partir du XIXe siècle, les transformations opérées aux XXe et XXIe siècles, les nouveaux enjeux relatifs aux savoirs naturalistes, à l’écologie et à la biodiversité urbaine, à la diversité des formes de demande sociale et culturelle de nature en ville.

Axes thématiques

Les questionnements pourront s’organiser autour de plusieurs thématiques :

  • L’évolution de la figure de l’amateur, de ses terrains et pratiques naturalistes, en lien avec les transformations du modèle historique de sociabilité construit autour des sociétés savantes. La négociation des rapports entre amateurs/profanes et scientifiques, avec la montée en puissance des professionnels. La présence des femmes et leurs catégories socio-professionnelles.
  • L’émergence de nouveaux centres d’intérêt et de nouveaux territoires pour l’étude de la nature. La naissance et l’évolution d’une tradition des excursions naturalistes urbaines. L’introduction, la conservation et la gestion de la nature en ville. Les naturalistes à l’épreuve de la ville : enjeux scientifiques, culturels, démocratiques, sociétaux.
  • La nouvelle image de modernité, le renouveau des inventaires de la biodiversité lié à l’utilisation de technologies numériques et à l’implication des amateurs ou profanes dans des programmes de recherche collaborative ou participative. Légitimité, expertise.
  • Les acteurs de la médiation scientifique, pédagogique et culturelle. Pratiques et discours, inclusion sociale et culturelle. Les relations entre les réseaux associatifs, les pouvoirs politiques, les décideurs, les professionnels et les profanes. Interactions avec le monde littéraire ; participation aux travaux des sociétés ; réception de l’action des sociétés savantes.

Modalités pratiques d'envoi de propositions

Les réponses à l’appel prendront la forme de propositions (titre, 20 lignes, mots-clés) adressées

avant le 7 juin 2021

à patrick.matagne@univ-poitiers.fr pour une annonce du programme début juillet et la tenue de journées d’étude l’après-midi du 21 et le 22 octobre 2021.

Responsable scientifique

  • Patrick Matagne

Comité scientifique

  • Pascal Duris (Université de Bordeaux),
  • Patrick Matagne (Université de Poitiers),
  • Bénédicte Percheron (Université Gustave Eiffel),
  • Gisèle Séginger (Université Gustave Eiffel)
  • Julien Vincent (Université Patris 1 Panthéon-Sorbonne).

Bibliographie

BLANC Nathalie, « 1925-1990 : l’écologie urbaine et le rapport ville-nature », in Espace géographique, tome 27, n°4, 1998.p. 289-299.

BONNEUIL Christophe, JOLY Pierre-Benoît, Sciences, techniques et société, La Découverte, coll. « Repères Sociologie », 2013.

CHALINE Jean-Pierre, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France, Éditions du CTHS, 1995.

CHARVOLIN Florian, MICOUD André, NYHART Lynn K., Des sciences citoyennes ? La question de l’amateur dans les sciences naturalistes, Éditions De L’aube Aube Essai, 2007.

FISCHER Jean-Louis (dir.), Le jardin entre science et représentation, Éditions du CTHS, 1999.

FOX Robert, WEISZ George, The organization of Science and Technology in France, 1808-1914, Cambridge University Press, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1980.

JOVET Paul, « Flore et phytogéographie de la France », Histoire de la botanique en France, 8e congrès international de botanique, Paris-Nice, 1954, p. 243-268.

LIZET Bernadette, WOLF Anne-Elisabeth, CELECIA John, Sauvages dans la ville : de l’inventaire naturaliste à l’écologie urbaine : hommage à Paul Jovet (1896-1991), Muséum national d’histoire naturelle, 1999.

MATAGNE Patrick, Aux origines de l’écologie. Les naturalistes en France de 1800 à 1914, Paris, éditions du CTHS, 1999.

MATHIS Charles-François, PEPY Emilie-Anne, La ville végétale. Une histoire de la nature en milieu urbain (France, XVIIe – XXIe siècle), Champ Vallon, 2017.

MAURIN Hervé, HENRY Jean-Pierre, « Les inventaires du patrimoine naturel en milieu urbain », in Sauvages dans la ville. De l’inventaire naturaliste à l’écologie urbaine, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 39ᵉ année, bulletin n°2, 1997, p. 333-355.

MAUZ Isabelle, « Le renouveau des inventaires naturalistes au début du XXIe siècle », Quaderni [En ligne], Automne 2011.

PÉTY Dominique, « Le rôle de l’amateur dans la construction des savoirs (XIXe-XXIe siècles) : du collectionneur à l’internaute », in MEYNARD Cécile, LEBARBÉ Thomas, COSTA Sandra (dir.) (2020), Patrimoine et Humanités numériques, Éditions des archives contemporaines, 2020, p. 29-38.

PONT Jean-Claude, LACKI, Jan, Une cordée originale. Histoire des relations entre science et montagne, Georg éditeur, 2000.

RUDOLF Florence, Les glissements de sens de l’écologie dans ses associations avec la ville : écologie urbaine, ville écologique et ville durable. Penser le développement durable urbain : Regards croisés, 2008.

Lieux

  • Fondation Maison des Sciences de l’Homme - 54 Boulevard Raspail
    Paris 06 Luxembourg, France (75006)

Dates

  • lundi 07 juin 2021

Mots-clés

  • sociétés savantes, pratiques naturalistes, nature en ville, biodiversité urbaine, pré-écologie

Contacts

  • Patrick Matagne
    courriel : patrick [dot] matagne [at] univ-poitiers [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Bénédicte Percheron
    courriel : colloque [dot] pasteur [dot] rouen [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Sociétés savantes, pratiques naturalistes et nature en ville (XIXe-XXIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 13 avril 2021, https://doi.org/10.58079/16el

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