AccueilVive le feu ! Berurier noir, analyse culturelle et littéraire

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Vive le feu ! Berurier noir, analyse culturelle et littéraire

On fire! Berurier Noir, the punk group, cultural and literary analysis

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Publié le jeudi 15 avril 2021

Résumé

Ce qui s’est joué à travers « Bérurier noir » dans ses quelques années d’existence, ce qui s’est exprimé dans ses chansons, est ce qu’il nous faut éclairer aujourd’hui pour en comprendre l’importance et la portée. C’est pourquoi nous appelons toutes les personnes intéressées à participer à ce travail d’anamnèse collective visant à rappeler ce que fut ce groupe, cette période, cette liberté et cette folie.

Annonce

Journée d’étude puis publication, en partenariat avec le projet PIND (Punk Is Not Dead), « Une histoire de la scène punk en France ».

Argumentaire

Ça a existé, ici, en France…

Ça n’est pas encore assez su mais il s’est passé quelque chose de puissant et de profond au sein de la société française des années 80. Une agitation, plus qu’une révolte à proprement parler, qui a secoué ces années Mitterrand pendant lesquelles fut enterré l’espoir d’une révolution socialiste et même d’un simple changement qui transformerait la vie de tous. L’expression fut musicale, rageuse et festive, mais plus fondamentalement elle fut l’expression d’une immense envie de vivre et de vivre libre, c’est-à-dire libéré des carcans imposés par une société vieille, vieille de ses sempiternelles considérations « bourgeoises ». Sans doute y avait-il encore un écho lointain de 68, mais sans le soulèvement et avec une génération toute fraîche qui n’avait pas connu l’effervescence de mai, parce qu’elle était précisément sortie du ventre maternel à peu près à ce moment là, ou juste après. Une réplique, éloignée donc, du même cri de la jeunesse, contre la pesanteur étouffante de la société.

Apparu dans les squats puis sur les petites scènes de MJC avec des groupes chantant presque exclusivement en français, ce souffle naît aussi des derniers soubresauts importés du punk anglais de la décennie précédente. Même si l’énergie est sensiblement la même, le phénomène est bien différent dans le sens où l’esprit et les formes du mouvement sont nourris de conditions socioculturelles bien d’ici, en faisant un bouillonnement de culture tout à fait hexagonal. Il s’agissait d’insuffler un peu de jus et de décibels dans cette société française un peu terne et timorée, de vivre à nouveau au contact cru de la liberté, de crier, de créer, de vivre comme on voulait, entre « nous » les jeunes, à notre sauce (tomato Ketchup bien sûr), avec nos haines, nos joies et nos peines.

Le phénomène n’a pas duré, à peine une décennie, et fut d’ailleurs baptisé «  alternatif », comme si le retour inexorable du continu devait dès le départ l’emporter sur cette fièvre trop forte pour être autre chose que passagère. Mais dans cette parenthèse, que d’aventures et de rages existentielles se sont jouées ! C’est pour cela que trente cinq ans plus tard, dans la jeunesse à son tour renouvelée, beaucoup les connaissent et les écoutent encore, y retrouvent quelque chose de sismique et d’authentiquement jouissif.

Ce cri de la jeunesse, même s’il a été porté par beaucoup de groupes dans cette décennie (Oberkampf, La souris déglinguée, Ludwig von 88, Les Endimanchés, Les Wampas, etc.), s’est surtout incarné dans Bérurier Noir. « Les Bérus » sont, et de loin, le groupe phare de la scène underground française de l’époque, du « rock alternatif » comme on l’a appelé. À l’occasion d’une poignée d’albums et d’un peu plus de concerts, ils ont marqué profondément de leur rage contagieuse le paysage affectif de leur génération, des squats parisiens aux cours de lycée de province. Peu médiatisés évidemment, ils ont cependant massivement investi les radiocassettes et les conversations d’une frange de la jeunesse qui a étrenné avec eux sa sensibilité révoltée et une forme encore tâtonnante de radicalité. 

Pas d’esthétique (héritage punk)

Beaucoup d’énergie brute et fraîche s’est en effet soudain déployée sans trop se soucier des formes dans lesquelles elle se déversait, mais la maîtrise n’était précisément pas la préoccupation majeure. De fait, ce n’est pas la qualité esthétique qui a assuré la puissance et le succès de cette création. « L’alternatif », comme le punk, ne s’est pas joué sur la valeur littéraire des textes ni sur celle, musicale, des morceaux de rock. Le mouvement alternatif en général s’est d’ailleurs construit radicalement contre l’élitisme esthétique qui passe par la qualité d’écriture, une composition bien léchée ou la maîtrise des instruments. Loin de toute noblesse musicale, les Bérus jouent à hauteur d’homme, se fichant bien des codes esthétiques, préférant la liberté d’inventer, de se moquer et de s’amuser. 

Anarchiste anti-institution

Fort de son rejet de toutes normes, « alternatif » en est venu à signifier aussi de ce point de vue alternative à la société en place. Qu’un autre monde, une autre vie, était possible. Les drapeaux noirs et les drapeaux rouges accompagnent ainsi le mouvement alternatif et contribuent à polariser fortement pour cette génération la perception politique du monde, séparant « fachos » d’un côté et anarchistes de l’autre, soit extrême droite contre extrême-gauche. Prenant fait et cause pour cette dernière, contre le racisme rampant d’une société française en voie de trouver sa reconnaissance électorale (le Front National de Jean-Marie Le Pen), les Bérus sont radicalement antiracistes et internationalistes. « La société », dans son ensemble certes un peu flou, est vécue comme un vaste système carcéral et oppressif. La prison, la police, l’école, l’hôpital psychiatrique sont ainsi les ennemis tout désignés. Toutes les institutions sont vues en fait comme des institutions carcérales.  C’est contre elles, que s’expriment dans les chansons des Bérus les revendications de la jeunesse, qui leur oppose sa puissance de vie et son désir de liberté. 

Loufoque et sombre à la fois

Mais cet anarcho-communisme revendiqué ne saurait être pesant sans se contredire et une dimension foutraque, largement festive, accompagne la veine très sombre et militante des chansons du groupe. Le nom même de la formation est de fait un clin d’œil à la truculence des polars de Frédéric Dard, dont le célèbre inspecteur San Antonio est flanqué d’un lieutenant précisément nommé Bérurier. Mais pour le groupe du même nom, celui-ci est noir, renvoyant à l’anarchie et plus largement au caractère désespéré ou violent de beaucoup de chansons. La veine carnavalesque ira cependant en s’accentuant avec les albums et les années, la charge critique portant plus directement sur l’esprit de sérieux de cette société, en général. Le rire et le comique sont ainsi présents très tôt (dès le deuxième album, « Concerto pour détraqués ») et s’exprimeront largement dans les déguisements et pantomimes sur scène, exaltant la volonté de faire la fête et de se moquer de tout. Il y a une pure ivresse de la jeunesse à se retrouver ensemble, à chahuter ensemble et se bousculer (le pogo), à reprendre en cœur des refrains mobilisateurs ou simplement entraînants (« polop polop », « la, lalala-la, … »). Car si le fond des chansons remue et malaxe une matière extrêmement noire et sombre, c’est pour en extraire quelque chose d’incroyablement lumineux et de puissant : une énergie brute qui en soi est solaire. La grande négativité des paroles, la violence de celles-ci, traduisent certes l’accablement et la révolte face à une société désespérante, mais la rage les a transmué en pulsion de vie, révolte et jouissance. C’est en ce sens que les chants des Bérus sont un grand pied-de-nez à la société et au « système ». 

De quoi « les Bérus » sont-ils le nom ?

Ce qui s’est joué à travers « Bérurier noir » dans ses quelques années d’existence, ce qui s’est exprimé dans ses chansons, est ce qu’il nous faut éclairer aujourd’hui pour en comprendre l’importance et la portée. C’est pourquoi nous appelons toutes les personnes intéressées à participer à ce travail d’anamnèse collective visant à rappeler ce que fut ce groupe, cette période, cette liberté et cette folie. 

On pourra s’intéresser aux différents volets de la création (musicale, verbale, militante, festive) du groupe, mais aussi à l’élan de communauté au sein de la jeunesse qu’il a suscité et accompagné, à ses conditions d’émergence socio-culturelles, économique et politique et à son environnement proche et lointain (comparaisons historiques par exemple); on cherchera plus généralement  à éclairer cette aspiration générale à la fête, à la vie, et à s’exprimer qui s’est emparée de la jeunesse française des années 80 et qui a conduit au renouvellement de ses modes expressions et de ses modes de vie, dont le groupe a été l’incarnation majeure.

Il n’est pas question ici de sacraliser, de sanctifier, encore moins d’embaumer Bérurier Noir dans un linceul d’analyses académiques. Les Bérus ont incarné une telle puissance de vie, une telle dynamique (nietzschéenne), que toute tentative de les institutionnaliser irait à l’encontre de l’énergie primale qu’ils ont dégagé et qui fait qu’on s’intéresse encore à eux aujourd’hui. Il s’agit au contraire de rappeler et de raviver ce souffle qu’ils ont porté et qui ne s’est que superficiellement étouffé, mais dont nous croyons que les émanations puissantes demeurent en tout temps et en tout lieu intactes, y compris jusque dans la société française contemporaine. Nous pensons qu’il est vital de souffler sur ces braises, de s’y réchauffer, de s’y revivifier. Car si elle a tendance à s’éteindre naturellement avec la jeunesse, la rage des Bérus continue cependant à couver dans le cœur de beaucoup, quel que soit l’âge. En déplaçant la fureur juvénile vers l’analyse mature du phénomène « Béru », l’objectif est ainsi pour nous d’entretenir à notre manière ce feu.

Les analyses  seront présentées lors d’une ou deux journées de rencontre, fin 2021, dans des conditions qui restent encore à déterminer. Les textes qui en résulteront, seront publiés par la suite, chez un éditeur complice.

Calendrier

  • jusqu’au 1er juillet 2021 envoi des propositions d’intervention (nom, petite bio et résumé du propos en une page) 

  • 15 juillet  : avis du comité scientifique
  • fin  septembre : Journée d’étude (si possible, cadre à définir, région parisienne) rencontre et présentation des contributions 
  • fin Décembre remise prévue des textes pour publication

Propositions à envoyer à l’adresse : astruc(point)remi(arobase)orange(point)fr

Équipe organisatrice

  • Alexandre Georgandas, philosophe, Dr. de l’Université de Cergy
  • Rémi Astruc, théoricien de la littérature, CNRS THALIM, Héritages et CY Université 

Comité scientifique

  • Rémi Astruc, Thalim & CY Cergy Paris Université
  • Jacques-David Ebguy, Université Paris-Diderot
  • Alexandre Georgandas, CY Cergy Paris Université
  • Fabienne Martin, CNRS Toulouse
  • Luc Robène, Université de Bordeaux & Thalim
  • Solveig Serre, CNRS, Thalim 
  • Patrick Valéau, Université de la Réunion
  • Stéphane Vibert, Université d’Ottawa

Lieux

  • Sorbonne Nouvelle - 15 rue Censier
    Paris, France (75)

Dates

  • jeudi 01 juillet 2021

Mots-clés

  • punk, musique, alternatif

Contacts

  • Rémi Astruc
    courriel : astruc [dot] remi [at] orange [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Rémi Astruc
    courriel : astruc [dot] remi [at] orange [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Vive le feu ! Berurier noir, analyse culturelle et littéraire », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 15 avril 2021, https://doi.org/10.58079/16f5

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