InicioEsthétiques, émotions, guerres

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Esthétiques, émotions, guerres

Aesthetics, Emotions, Wars

Nouvelles approches du fait guerrier

New approaches to warfare

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Publicado el lunes 03 de mayo de 2021

Resumen

Ce colloque international sera consacré à l’étude des rapports de co-dépendances entre esthétiques, émotions et guerres. Il s’agira avant tout de fédérer des débats, étayés par la revalorisation de l’image souvent reléguée aux seuls champs de l’art, entre diverses disciplines disjointes par les spécialisations universitaires et pourtant toutes concernées par ces trois notions clés des sciences humaines et sociales.

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Argumentaire

La guerre représente une épreuve extrême et radicalement transformative qui bouleverse les perceptions ordinaires : elle est un conflit violent qui perturbe le quotidien et ébranle le sujet et son groupe d'appartenance. Elle transforme notre perception du monde environnant ainsi que les relations intersubjectives. À cet égard, la guerre produit de nouvelles esthétiques (aïsthesis) entendues à la fois comme étude des artefacts artistiques mais aussi comme étude de la connaissance sensible mobilisant la corporéité et ses productions affectées. Des formes matérielles et expressives rejaillissent des conflits : l’esthétique modélise un espace entre geste et regard qui met à distance (Boltanski, 1993), révèle et offusque, à la fois lectio (lecture) et delectatio (contemplation) (Didi-Huberman, 2009). Et si la guerre produit de nouvelles aïsthesis, celles-ci transfigurent à leur tour la guerre en générant des images extérieures et concrètes aux prises avec les représentations mentales qui concourent à sa formation (Belting, 2004). De plus, elle génère des émotions fortes, les sociétés en guerre étant marquées par la perte, l’humiliation, la haine et la culpabilité. De l’altération du jugement moral face à la terreur de mourir (Solomon, Greenberg & Pyszczynski, 2002) à l’expression sans retenue d’émotions viriles telle que l’agressivité (Sasson-Levy, 2008) en passant par le partage social des émotions (Rimé, 2005), la vie émotionnelle, intimement liée aux valeurs, aux croyances et aux représentations de soi et d’autrui, s’en trouve changée.

Le corps en guerre s’étudie déjà dans sa matérialité (Körper) comme corps abimé (Delaporte, 2017), corps violé (Branche, 2011), corps discipliné (Teboul, 2017). D’autres travaux, moins nombreux, pensent également la guerre au seul prisme de l'esthétique ou de l'émotion. Des études comme celle de Scott Hughes Myerly (1996) qui dessine une histoire socio-esthétique de la guerre à partir du spectacle militaire pourront nous être utiles. Relevons aussi l'ouvrage de Reichel (1993) paru trois ans plus tôt et réfléchissant la stratégie esthétique du parti hitlérien ; ou celui d'Annette Becker, Les cicatrices rouges (2010), qui révèle les émotions subies par les occupés français de 1914-1918, à l’instar de l’investigation proposée par Dominique Roynette et Tomasz Kizny qui montre la puissance et la singularité des émotions provoquées par la Grande Terreur en URSS en mettant en exergue leurs formes même : témoignages, archives et photographies réalisées par Kizny lui-même (2013). Pensons encore et pour finir au manuel à l’usage des femmes soldates de l’artiste contemporaine Coco Fusco (2008) dans lequel elle interroge la façon dont l’hypersexualisation peut devenir une arme de torture à part entière. Le colloque Esthétiques, Émotions, Guerres vise donc à souligner la nécessité de l'association de ces trois termes et, à cette fin, nous y considèrerons le corps comme vecteur et / ou réceptacle d’esthétiques et d’émotions.

L’objectif premier de cette rencontre scientifique sera d'explorer de nouvelles approches du fait guerrier à l'intersection d'un large éventail de disciplines permettant l'étude des esthétiques et des émotions en temps de guerre – notamment l'histoire, la sociologie, la psychologie sociale, la philosophie, la littérature, les études esthétiques, l'anthropologie visuelle, les sciences cognitives, les études coloniales et les études de genre, pour n'en citer que quelques-unes. Sa question centrale sera la suivante : en quoi le fait guerrier est-il le berceau d’esthétiques, de configurations affectives et de croyances partagées et qu’ont-elles produit sur ces événements eux-mêmes, aussi bien dans leurs manifestations immédiates que dans leurs perceptions futures ? Ainsi, sans restrictions disciplinaires ou spatio-temporelles – les relations d’influences entre esthétiques, émotions et guerres n’étant spécifiques ni d’un pays ni d’une époque ni d’un champ épistémologique – les propositions de communication pourront emprunter les pistes suivantes :

  • Penser les institutions – militaire ou scolaire en particulier – comme génératrices d’esthétiques et d’émotions, la guerre en horizon d’attente. Comment ces institutions, avec en perspective les conflits passés, présents ou anticipés, transforment-elles les corps – et avec quels objectifs et résultats sur le champ de bataille ? Quels sont les enjeux militaires auxquels répondent ces esthétiques et ces émotions ? Par exemple, comment favorisent-elles, ou au contraire détruisent-elles, la cohésion du “groupe primaire” (Shils et Janowitz, 1948), du corps de métier ou encore de l’armée entière ?
  • Interroger la façon dont l’individu en guerre produit, à son échelle, de nouvelles normes esthétiques. Ainsi, les propositions ayant trait aux questions de transgression de ces normes, notamment genrées, sont les bienvenues. Nous pensons notamment aux questions de mise en scène du soi guerrier et de ses émotions, dans ses dimensions sensibles – à la fois concrètes et matérielles.
  • Étudier comment les expériences de violence extrême, de mort massive et de terreur en viennent à transformer nos relations inter-subjectives et plus précisément notre rapport à l'altérité, à la réputation et à l'identité. Que nous apprend le renversement, voire l’annihilation des inférences sociales et valeurs morales jusqu’alors collectivement partagées ? Voisins d’hier devenus ennemis, héros domestiques désignés comme assassins sur d’autres territoires, comment la guerre produit-elle des communautés d’affects si puissantes qu’elles en viennent à altérer notre perception d’autrui ?
  • Examiner les manières qu’a le sujet de renverser l’expérience affectée de la guerre par sa mise en forme esthétique aux prises avec la mémoire – sans exhaustivité, nous pouvons ici penser au roman, à la constitution d’albums photographiques ou à l’élaboration d'œuvres picturales comme celles du courant expressionniste allemand. C’est donc principalement du sujet individuel dont il sera question et de la forme (Gestalt) qu’il produit à partir des émotions suscitées par l’expérience-guerre. Quelles sont les caractéristiques de ces productions esthétiques ? Modifient-elles, et si oui comment, l’expérience- guerre telle qu’elle a été vécue sur le plan des affects ? Et que concourent-elles à produire sur le long terme pour le collectif ?

Modalités de soumission

Le colloque, organisé avec le soutien conjoint du Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron (CESPRA) de l’EHESS et du Campus Condorcet, se veut interdisciplinaire et ouvert à la jeune recherche des cycles supérieurs (maîtrise, doctorat et post-doctorat). Il s’adresse à toutes recherches (du champ des sciences humaines et sociales) en lien avec l’étude des esthétiques et des émotions en situation de guerre, de l’Antiquité à nos jours.

Les propositions de communication devront inclure une brève présentation du corpus étudié (sources, cadre de l’enquête, méthodologie) suivie d’une courte bio-bibliographie. Les nom, prénom, niveau d’études (maîtrise, doctorat, post-doctorat) et affiliations institutionnelles doivent y être indiqués. Elles peuvent être rédigées en anglais ou en français et ne devront pas excéder 2 500 caractères, espaces compris. Les propositions seront accompagnées de deux images représentatives de l’objet, situation, événement ou phénomène étudié dans le cadre de la présentation.

Les propositions et les deux images (insérées dans le fichier .pdf ou .doc) sont attendues

au plus tard le 15 juin 2021

et sont à envoyer à l'adresse suivante : recherches.eeg@gmail.com

Nous vous invitons à contacter votre université ou votre centre de recherche afin de connaître les modalités de financement de votre déplacement et de votre hébergement à Paris. En cas de refus de votre institution, nous vous prions de bien vouloir nous indiquer les éventuels besoins de soutien financier.

Calendrier

  • 15 juin 2021 : date butoir de reception des communications ;

  • Juillet 2021 : sélection des communicants ;
  • 15 septembre 2021 : date limite de réception d’une première version des communications ;
  • Novembre : tenue du colloque (la date sera ultérieurement communiquée au regard de l’évolution de la situation sanitaire).

Comité scientifique

  • Stéphane Audoin-Rouzeau (EHESS, CESPRA)
  • Barbara Carnevali (EHESS, CESPRA)
  • Christian Ingrao (CNRS, CESPRA)
  • Manon Pignot (UPJV)
  • Richard Rechtman (EHESS, CESPRA)

Comité organisateur

  • Juliette Bour (EHESS, CESPRA)
  • Parand Danesh (EHESS, CESPRA)
  • Jean-Philippe Miller-Tremblay (EHESS, CESPRA)
  • Doriane Molay (EHESS, CESPRA)

Références

BECKER Annette, Les cicatrices rouges, 14-18, France et Belgique occupées, Paris, Fayard, 2010.

BELTING Hans, Pour une anthropologie des images, trad. par J. Torrent, Paris, Gallimard, coll. Le Temps des images, 2004.

BOLTANSKI Luc, La souffrance à distance, Paris, Éditions Métailié, coll. Leçons de choses, 1993.

BRANCHE Raphaëlle (dir.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011.

DIDI-HUBERMAN Georges, Quand les images prennent position, L’œil de l’histoire, 1, Paris, Éditions de Minuit, coll. Paradoxe, 2009.

FUSCO Coco et CUSSET François, Petit manuel de torture à l’usage des femmes-soldats, Paris, Les Prairies Ordinaires, 2008.

HUGHES MYERLY Scott, British Military Spectacle: From the Napoleonic Wars through the Crimea, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1996.

HUTCHISON Emma, Affective Communities in World Politics: Collective Emotions after Trauma, Cambridge, Cambridge University Press, 2016.

KIZNY Tomasz et ROYNETTE Dominique, La Grande Terreur en URSS 1937-1938, trad. par V. Patte et A. Wisniewski, Paris, Noir sur Blanc, coll. Essais Docs, 2013.

PYSZCZYNSKI Thomas A., SOLOMON Sheldon, GREENBERG Jeff, In the Wake of 9/11, The Psychology of Terror, USA, American Psychological Association, 2002.

REICHEL Peter, La Fascination du nazisme, trad. par O. Mannoni, Paris, Odile Jacob, 1993.

RIMÉ Bernard, Le partage social des émotions, Paris, Puf, 2005.

SASSON-LEVY Orna, « Individual Bodies, Collective State Interests », Men and Masculinities, 2008, vol. 10, p. 296-321.

SHILS Edward A. et JANOWITZ Morris, « Cohesion and Disintegration in the Wehrmacht in World War II », Public Opinion Quarterly, 1948, vol. 12, no 2, p. 280-315.

TEBOUL Jeanne, Corps combattant : la production du soldat, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2017.

Lugares

  • Campus Condorcet, École des Hautes Études en Sciences Sociales
    París, Francia (75)

Fecha(s)

  • martes 15 de junio de 2021

Palabras claves

  • Esthétiques, Émotions, Guerres

Contactos

  • Comité organisateur
    courriel : representant [dot] doctorant_ed556 [at] listes [dot] univ-rouen [dot] fr

Fuente de la información

  • Doriane Molay
    courriel : recherches [dot] eeg [at] gmail [dot] com

Licencia

CC0-1.0 Este anuncio está sujeto a la licencia Creative Commons CC0 1.0 Universal.

Para citar este anuncio

« Esthétiques, émotions, guerres », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el lunes 03 de mayo de 2021, https://doi.org/10.58079/16id

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