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Études médiévales anglaises, numéro 100

Études médiévales anglaises journal, no.100

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Publié le mercredi 19 mai 2021

Résumé

À l’occasion de son numéro 100, la revue Études Médiévales Anglaises (ÉMA) vous invite à soumettre un article consacré à la question du temps dans les Îles britanniques au Moyen Âge, à la mesure du temps, mais aussi au « hors-temps » que représentent les célébrations, réjouissances et fêtes ritualisées qui viennent ponctuer le temps ordinaire du quotidien, voire en inverser les hiérarchies, comme dans le carnaval ou le charivari. Les communications pourront aborder les représentations matérielles du temps et les techniques liées à sa mesure, mais aussi le rapport singulier qu’entretiennent dans la littérature médiévale passé, présent et futur. Les ailleurs figés de la romance, par exemple, conjuguent plusieurs temps superposés qui coexistent dans l’esprit des lecteurs.

Annonce

Argumentaire

Au fondement de l’expérience humaine, le temps opère la jonction entre phénomènes naturels et formes culturelles. Au Moyen Âge, « le temps lié aux rythmes naturels, à l’activité agraire, à la pratique religieuse, reste le cadre temporel primordial » écrivait Jacques Le Goff en 1977 (Pour un autre Moyen Âge, 75). En effet, les sociétés médiévales construisent le temps du travail comme celui de la prière et des célébrations liturgiques – temps de l’Église – en lien et parfois en contraste avec les temps naturels et agricoles qui s’imposent aux hommes. Le temps médiéval n’est pas un temps mesuré et compté avec exactitude comme celui de la Première Modernité, mais un temps vécu dans son étalement et la rythmicité des pratiques agricoles, tout autant que par l’articulation de l’ordinaire du quotidien avec l’exceptionnel, sous la forme du rituel et de la fête, qui souvent intègrent la musique et son rapport particulier et complexe à la mesure du temps.

Mais Le Goff souligne que l’avènement du « capitalisme commercial » (Pour un autre Moyen Âge, 47) induit un clivage dans la conception médiévale du temps : d’une part, le temps de l’Église « qui n’appartient qu’à Dieu », fondé sur une linéarité qui ne conduit qu’à Dieu, ce que Gourevitch définit comme « la fusion avec l’éternité » (Catégories de la culture médiévale, 96) ; d’autre part, le temps du marchand qui s’organise selon l’échéance, la durée, la conjoncture, la prévision ou, au contraire, l’aléa économique et l’aléa météorologique. Dans une perspective écocritique, les transformations souhaitées, accomplies ou redoutées des espaces naturels en espaces domestiques constituent autant de jalons temporels marquants dont la littérature médiévale se fait notamment l’écho.

Aaron Gourevitch rappelle la vision mythologique du monde qui structurait la conception du temps et de l’espace centrée sur le passé et le cycle dans les cultures païennes polythéistes, avant l’avènement du christianisme. Le christianisme fonde le temps sur un seul Dieu et introduit la notion d’éternité tout en intégrant certaines formes et certains repères hérités du temps païen. Comme Le Goff, Gourevitch montre que le temps du marchand et de la production résulta de l’essor des villes et du développement d’une nouvelle vision du monde, et donc du temps. Les horloges furent installées au sommet des hôtels de ville ; le temps séculier, fondé sur l’acte et la fabrication, vint à concurrencer le temps théologique rythmé par les clochers. Découpe et mesure distinguent alors de manière claire temps matériel et temps théologique (Schmitt, « Le temps. ‘Impensé’ de l’histoire ou double objet de l’historien ? », 46-7).  L’exacerbation de cette approche du temps avec l’industrialisation grandissante aux 18ème et 19ème siècles a par ailleurs conduit penseurs, artistes et écrivains à réinventer un Moyen Âge d’avant le temps productif.

Gourevitch insiste encore sur le lien qui existe entre le temps et l’espace, perçus de manière à la fois objective et subjective. Il montre que le rapport de l’homme au temps et à l’espace, de l’Antiquité au Moyen Âge, à la Renaissance et aux temps modernes, s’est profondément transformé avec l’accélération du rythme de la vie et le rétrécissement du monde dû à sa découverte progressive (Catégories, 34-5). Paul Ricoeur, lui, identifie une même correspondance entre l’espace (« vécu, géométrique, habité ») et le temps également soumis à une approche dialectique distinguant « le temps vécu », « le temps cosmique » et « le temps historique » – l’objectif de datation rappelant l’objectif de localisation (Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, 191).

Les pratiques et conceptions médiévales du temps ont toujours fait l’objet d’un intérêt critique soutenu tant dans le domaine historique, que théologique, philosophique ou littéraire. L’historiographie récente montre un intérêt pour les pratiques différenciées du temps en fonction du critère du genre, cherchant à documenter le temps spécifiquement féminin à travers par exemple les rites de l’accouchement mais aussi les rythmes du quotidien (E. Cox, L.H. McAvoy & R. Magnani, 2015). Les critiques se sont aussi intéressés à la reconstruction historique du passé dans la période médiévale (Rouse, 2005), à la mémoire du passé dans son rapport singulier au futur (Critten, 2019), et aux conceptions de l’avenir (Boyle, 2015).

À l’occasion de ce numéro anniversaire, Études Médiévales Anglaises invite à réfléchir non seulement à la mesure du temps, mais aussi au « hors-temps » que représentent les célébrations, réjouissances et fêtes ritualisées qui viennent ponctuer le temps ordinaire du quotidien, voire en inverser les hiérarchies, comme dans le carnaval ou le charivari.

Les communications pourront aborder les représentations matérielles du temps et les techniques liées à sa mesure, mais aussi le rapport singulier qu’entretiennent dans la littérature médiévale passé, présent et futur. Les ailleurs figés de la romance, par exemple, conjuguent plusieurs temps superposés qui coexistent dans l’esprit des lecteurs (Rouse, 2019, 163).

Études Médiévales Anglaises vous invite à soumettre des articles sur le temps au Moyen Âge dans les Îles Britanniques, sans exclusivité de champ disciplinaire.

On pourra ainsi s’intéresser à :

Penser le temps médiéval

  • Mesure, techniques et découpages du temps au Moyen Âge.
  • La pensée et la représentation des âges de la vie.
  • Les saisons et la nature.
  • Les divisions académiques du temps médiéval (quand commence ou finit le Moyen Âge), éventuellement en comparant historiographies anglo-saxonne et française.

Dire et retenir le temps

  • Les formules liées au temps.
  • Dire la mémoire, inscrire le temps dans une trace. Par contraste, on pourra s’intéresser aux pratiques éphémères et à l’oubli, ainsi qu’aux conceptions de l’avenir.
  • Penser et raconter le temps.

Vivre le temps

  • Contrastes entre pratiques du temps le jour et la nuit, par exemple dans les contextes monastique ou urbain.
  • Le temps du rituel et la mise entre parenthèses du temps quotidien. Le temps suspendu des célébrations, fêtes, réjouissances.
  • Le contre-temps/temps de la marge (charivari, carnaval…).
  • L’Au-delà et ses temporalités. 

Modalités de contribution

Les articles, en anglais ou en français, seront à envoyer

avant le 10 janvier 2022

à Fanny Moghaddassi f.moghaddassi@unistra.fr et Martine Yvernault martine.yvernault@unilim.fr.  

Ils donneront lieu à une évaluation en double aveugle. La feuille de style est disponible sur le site de l'AMAES.

Comité de sélection

  • Martine Yvernault - Université de Limoges
  • Fanny Moghaddassi - Université de Strasbourg
  • Colette Stévanovitch - Université de Lorraine
  • Elise Louviot - Université de Reims Champagne Ardenne
  • Florence Bourgne - Université Paris Sorbonne
  • Nolwena Monnier - Université Toulouse III
  • Dino Meloni - Université François Rabelais, Tours
  • Claire Vial - Université Sorbonne Nouvelle

Suggestions bibliographiques

Barron, Caroline. “Telling the time in Chaucer’s London.” “A Verray Parfit Praktisour”. Essays Presented to Carole Rawcliffe. Eds. Clark, Linda and Danbury, Elizabeth. Woodbridge, Suffolk: Boydell Press, 2017. 141-151.

Bede and the Future. Ed. by Peter Darby and Faith Wallis, Studies in Early Medieval Britain and Ireland. Farnham: Ashgate, 2014.

Boèce. Traité de la musique. Introduction, traduction et notes par Christian Meyer. Turnhout: Brepols, 2004.

Boyle, Elizabeth. “Forming the future for individuals and institutions in medieval Ireland.” Mittelalterliche Zukunftsgestaltung im Angesicht des Weltendes/ Forming the Future, Facing the End of the World in the Middle Ages. Ed. Schmieder, Felicitas. Beihefte zum Archiv für Kulturgeschichte, 77. Köln: Böhlau, 2015. 17-32.

Critten, Rory G. “Via Rome: medieval medievalisms in the Old English Ruin.” Journal of Medieval and Early Modern Studies, vol. 49, no. 2, 2019. 209-231.

Davies, Morgan Thomas. “Warrior time.” Kings and Warriors in Early North-West Europe. Eds. Rekdal, Jan Erik and Doherty, Charles. Dublin: Four Courts Press, 2016. 237-309.

Godden, Richard H. “Gawain and the nick of time: fame, history and the untimely in Sir Gawain and the Green Knight.” Arthuriana, vol. 26, no. 4, 2016. 152-173.

Gourevitch, Aaron J. Les catégories de la culture médiévale. Paris : Gallimard, 1983. Chapitre I, « Les représentations spatio-temporelles », ‘Qu’est-ce que le temps ?’. 96-154.

Harris, Jonathan Gil. Untimely Matter in the Age of Shakespeare. Philadelphia, PA: Pennsylvania University Press, 2009.

Le Goff, Jacques. Pour un autre Moyen Age, Temps, travail et culture en Occident : 18 essais. Paris: Gallimard, nrf, Bibliothèque des histoires, 1977. 

Langeslag, Paul S. Seasons in the Literatures of the Medieval North. Cambridge: D.S. Brewer, 2015.

Liuzza, Roy Michael. “The future is a foreign country: the legend of the Seven Sleepers and the Anglo-Saxon sense of the past.” Medieval Science Fiction. Eds. Kears, Carl and Paz, James. King's College London Medieval Studies, 24. London: King's College London, Centre for Late Antique and Medieval Studies, 2016. 61-78.

Ricœur, Paul. La mémoire, l’histoire, l’oubli. Paris : Éditions du Seuil, 2000.

Reconsidering Gender, Time and Memory in Medieval Culture, Ed. by Elizabeth Cox, Liz Herbert McAvoy and Roberta Magnani. Gender in the Middle Ages, 10. Woodbridge, Suffolk: D.S. Brewer, 2015.

Romance and History: Imagining Time from the Medieval to the Early Modern Period. Ed. Jon Whitman. Cambridge Studies in Medieval Literature 92. Cambridge: Cambridge University Press, 2015.

Rouse, Robert Allan, The Idea of Anglo-Saxon England in Middle English Romance. Studies in Medieval Romance 3. Cambridge: D. S. Brewer, 2005.  

Rouse, Robert Allan. « ‘Riche pelure and spicerye’: Mercantile Readers and the Imagined World of Medieval Romance ». ÉMA 94, 2019. 149-170.

Rudd, Gillian. Greenery: Ecocritical readings of late medieval English Literature. Manchester University Press, 2007.

Schmitt, Jean-Claude. « Le temps. ‘Impensé’ de l’histoire ou double objet de l’historien ? ». Poitiers, Cahiers de Civilisation Médiévale, 2005. 31-52.

Time in the Medieval World. Ed. Chris Humphrey & W.M. Ormrod. University of York, Centre for Medieval Studies: Boydell & Brewer, 2001.


Dates

  • lundi 10 janvier 2022

Mots-clés

  • temps, moyen âge, Iles Britanniques

Contacts

  • Fanny Moghaddassi
    courriel : f [dot] moghaddassi [at] unistra [dot] fr
  • Martine Yvernaut
    courriel : martine [dot] yvernault [at] unilim [dot] fr

Source de l'information

  • Fanny Moghaddassi
    courriel : f [dot] moghaddassi [at] unistra [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le temps », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 19 mai 2021, https://doi.org/10.58079/16mj

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