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Les sites religieux de l’Orient romain

The religious sites of the Roman East

Un partage compétitif dans l’Antiquité tardive ?

Competitive sharing in late Antiquity?

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Publié le mardi 25 mai 2021

Résumé

Cette journée d’études se propose de tester, pour les provinces orientales de l’empire romain, la pertinence du modèle du « partage compétitif » élaboré par Robert M. Hayden à partir de terrains d’études contemporains. Les communications porteront sur des sites fréquentés ou simultanément revendiqués par des groupes ou des individus qui se définissent comme appartenant à des traditions cultuelles différentes afin d’y accomplir des rituels. On cherchera à définir les critères qui conduisent au partage ainsi que les dynamiques d’occupation spatiale qui caractérisent ces sites, tout en évaluant la manière dont ils ont pu contribuer à la définition des identités religieuses.

Annonce

Argumentaire

Au début des années 2000, l’anthropologue américain Robert M. Hayden a élaboré la notion de competitive sharing à propos des sites fréquentés ou revendiqués par plus d’un groupe religieux[1]. À partir d’observations menées dans le centre de l’Inde ainsi que dans les Balkans –une région qui a connu une série de conflits armés depuis des années 1990 – l’anthropologue a cherché à identifier les dynamiques d’occupation des sites religieux en lien avec les changements de domination politique et religieuse sur un territoire afin de proposer une modélisation applicable à toutes les époques et tous les milieux[2]. Ses recherches ont largement contribué à la popularisation de la catégorie des « lieux saints partagés » comme en attestent non seulement le nombre grandissant de publications scientifiques reprenant cette formule mais aussi la création d’une exposition consacrée à ce thème[3]. Toutefois, rares sont les analyses qui ont essayé de mettre cette notion à l’épreuve de la documentation antique. À quelques exceptions près, les références à l’Antiquité viennent simplement contextualiser des exemples plus tardifs, sans faire l’objet d’études systématiques.

Pourtant, des lieux bien identifiés sont à cette époque fréquentés par des visiteurs qui revendiquent des appartenances religieuses différentes, afin d’y accomplir de manière simultanée ou successive des rituels variés. Il suffit de penser, à Daphnè, faubourg d’Antioche, où au cours du IVe siècle des individus se rendaient pour pratiquer le rite de l’incubation, sans que les diverses identités ne soient affichées[4] ; ou à Gadara dans la Palaestina secunda où les cohabitations religieuses des bains et du sanctuaire de guérison sont témoignées par une série d’inscriptions publiques et familiales[5] ; ou encore à Mambré près d’Hébron où se tenait une panégyrie lors de laquelle des individus aux appartenances variées accomplissaient des rituels diversifiés en mémoire d’une apparition divine[6].

La journée d’étude de l’Université de Fribourg se propose de tester la pertinence de la notion élaborée par R. M. Hayden dans le contexte multiculturel et multireligieux de l’empire romain tardif. Afin de faciliter la comparaison mais aussi de proposer des modèles de dynamiques d’occupation des sites, les interventions se concentreront sur un contexte géographique circonscrit, à savoir les provinces orientales à partir du IVe siècle, dans un moment charnière des transformations religieuses de l’empire[7]. Les études pourront parcourir l’histoire d’un seul et unique site, en couvrant des périodes plus ou moins longues, ou bien proposer un panorama plus général à l’échelle d’une région, d’une province ou d’un diocèse. Dans tous les cas, on cherchera à déterminer les modalités de fréquentation des sites religieux partagés, leur topographie, le statut légal des bâtiments et leurs évolutions architecturales en tant qu’ils engendrent ou révèlent des interactions communautaires.

Dans cette perspective, la rencontre vise à mettre l’accent sur trois facteurs distincts mais entrelacés :

  1. D’abord, les visiteurs: la notion de compétition est-elle utile pour définir la présence et les interactions sur un même espace religieux d’individus provenant de divers horizons religieux ? La fréquentation des sites partagés se fait-elle sur une base individuelle, familiale ou communautaire ? La présence de visiteurs revendiquant une appartenance religieuse inédite sur un site, ainsi que l’évolution des modalités et des circonstances de sa fréquentation, sont-elles à relier avec l’évolution relations intercommunautaires ?
  2. Ensuite, les autorités politiques et religieuses: à l’époque où se mettent en place les mécanismes qui aboutiront progressivement à la christianisation institutionnelle de l’empire romain, dans quelle mesure le changement d’identité religieuse du pouvoir politique a-t-il engendré des modifications de l’emprise spatiale des différentes communautés ? Les autorités chrétiennes (politiques et ecclésiastiques) ont-elles été en mesure de s’imposer comme instance organisatrice de la fréquentation des sites religieux préexistants et d’en contrôler l’accès ?
  3. Enfin, les pratiques rituelles et la façon dont celles-ci sont affectées ou non par le partage compétitif ; dans quelle mesure l’« hybridisation » des pratiques religieuses freine-t-elle (ou à l’inverse renforce-t-elle) les processus de construction d’identités religieuses différenciées au sein d’un même espace ?

L’exploration de ces différentes thématiques implique une réflexion sur la définition des espaces – que nous nommons par commodité « sites religieux » – et sur leur statut juridique. La mise en commun des différentes contributions pourra ainsi aboutir à l’élaboration d’une typologie.

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de se fonder sur les indices laissés par les visiteurs quant à leur appartenance communautaire et non pas de postuler d’emblée une tripartition théorique entre païens, juifs et chrétiens, conséquence d’un discours théorique et surtout polémique qui se met progressivement en place à la même époque. Les interventions mobiliseront la totalité des sources disponibles. Il conviendra de confronter les discours polémiques non seulement aux textes juridiques, mais aussi aux traces épigraphiques, aux représentations iconographiques ainsi qu’à l’archéologie (matériel et bâti) des sites.

Ces journées d'études est organisée dans le cadre du projet FNS : « La compétition religieuse dans l’Antiquité tardive »

Références

[1] R. M. Hayden, « Antagonistic Tolerance: Competitive Sharing of Religious Sites in South Asia and the Balkans », Current Anthropology 43/2, 2002, p. 205-231.

[2] R. M. Hayden, T. D. Walker, « Intersecting Religioscapes: A Comparative Approach to Trajectories of Change, Scale, and Competitive Sharing of Religious Spaces », Journal of the American Academy of Religion 81/2, 2013, p. 399-426 ; R. M. Hayden et al., Antagonistic Tolerance: Competitive Sharing of Religious Sites and Spaces, Londres, 2016.

[3] Parmi les principaux ouvrages collectifs publiés sur ce thème on peut citer : D. Albera, M. Couroucli (dir.), Religions traversées. Lieux saints partagés entre chrétiens, musulmans et juifs en Méditerranée, Arles, 2009 ; G. Bowman (éd.), Sharing the Sacra: The Politics and Pragmatics of Intercommunal Relations around Holy Places, Oxford, 2012 ; E. Barkan, K. Barkey (éd.), Choreographies of shared sacred sites: religion and conflict resolution, New York, 2014. L’exposition « Lieux Saints partagés » a été présentée au MuCEM de Marseille en 2015 puis au Musée national d’histoire de l’immigration à Paris en 2017.

[4] E. Soler, Le sacré et le salut à Antioche au IVe siècle après J.-C. Pratiques festives et comportements religieux dans le processus de christianisation de la cité, Beyrouth, 2006, p. 59-60 ; M. Attali, F. Massa, « Sharing Divine Powers in Late Antiquity: The Case of Daphne in Antioch », in M. Burchardt, M. Giorda (éd.), Geographies of Encounter: The Rise and Fall of Multi-Religious Spaces, Malden, MA, à paraître.

[5] N. Belayche, « Épigraphie et expériences religieuses : le cas des ‘bains’ de Gadara (Palaestina IIa) », in A. van den Kerchove, L. G. Soares Santoprete (éd.), Gnose et manichéisme. Entre les oasis d’Égypte et la route de la soie. Hommage à Jean-Daniel Dubois, Turnhout, 2017, p. 669-692.

[6] A. Kofsky, G. Stroumsa (éd.), Sharing the Sacred: Religious Contacts and Conflicts in the Holy Land: First₋Fifteenth Centuries CE, Jérusalem, 1998 ; E. Fowden, « Sharing Holy Places », Common Knowledge, 8/1, 2002, p. 124-146.

[7] C’est-à-dire, suivant la nomenclature de l’Antiquité tardive, les provinces rattachées aux diocèses d’Égypte, d’Orient, d’Asie, du Pont, de Thrace, de Macédoine, de Dacie ainsi que la province d’Achaïe.

Programme

9h10-9h30 Francesco Massa & Maureen Attali (Univ. Fribourg) Introduction

  •  9h30-10h20 Capucine Nemo-Pekelman (Univ. Paris-Nanterre), L’habillage juridique des appropriations violentes des lieux de culte

Discutant : Jean-Jacques Aubert (Univ. Neuchâtel) 

  • 10h20-11h10 Katharina Heyden (Univ. Bern) Hierapolis/Mabbug in Late Antiquity – A Place of Competition between Atargatis, the Syrian Goddess and Mary, the Mother of God?

Discutant : Philippe Borgeaud (Univ. Genève)

  • 11h40-12h30 Rubina Raja (Univ. Aahrus) Competitive Sharing or non-Sharing of Sacred Spaces and their Urban Locations: Churches and Temples in Late Antique Gerasa

Discutant : Michel Fuchs (Univ. Lausanne)

  • 14h-14h50 Peter Talloen (Univ. Süleyman Demirel, Isparta) Competitive Sharing in Late Antique Asia Minor: Religious Sites or a Different Arena?

Discutante : Marie-Françoise Baslez (Sorbonne Univ., Paris) 

  • 14h50-15h40 Gaetano Spampinato (Univ. Fribourg) “Heretical places” in Ancient Heresiology. Two Cases of “Competitive Sharing” in the Panarion of Epiphanius of Salamis?

Discutant : Gregor Emmenegger (Univ. Fribourg) 

  • 16h10-17h Georgios Deligiannakis (Univ. Nicosia) Competitive Religious Sharing: A View from Late Roman Cyprus

Discutant : Lorenz Baumer (Univ. Genève)

  • 17h-17h50 Mariachiara Giorda (Univ. Rome III) Sharing Monasteries: Mapping Late Antique Religious Competition at Alexandria

Discutant :  Mattias Brand (Univ. Zürich)

17h50 Nicole Belayche (EPHE, PSL Paris) Conclusions

Modalités pratiques de participation

En ligne. Inscriptions: francesco.massa@unifr.ch - maureen.attali@unifr.ch

Lieux

  • Fribourg, Confédération Suisse (1700)

Dates

  • vendredi 04 juin 2021

Mots-clés

  • Orient romain, Antiquité tardive, espace public, interactions religieuses, compétition, cultes

Contacts

  • Francesco Massa
    courriel : francesco [dot] massa [at] unifr [dot] ch
  • Maureen Attali
    courriel : maureen [dot] attali [at] unifr [dot] ch

Source de l'information

  • Maureen Attali
    courriel : maureen [dot] attali [at] unifr [dot] ch

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les sites religieux de l’Orient romain », Journée d'étude, Calenda, Publié le mardi 25 mai 2021, https://doi.org/10.58079/16nt

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