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Traduire l’expérience

Traducir la experiencia

Translating experience

Écritures de la violence extrême après 1945

Escrituras de la extrema violencia después de 1945

Writing extreme violence after 1945

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Publié le mercredi 30 juin 2021

Résumé

La parole est impossible mais l’oubli est intolérable, écrit Nicole Lapierre dans Le silence de la mémoire. C’est dans cette tension que se joue le témoignage d’une expérience particulière, celle de la violence extrême. Portant son regard sur les récits des victimes de violence extrême (génocides, massacres de masse, guerres civiles, domination coloniale…), ce colloque s’intéresse « au témoin qui écrit », que celui-ci ait écrit pour survivre ou que l’écriture fasse elle-même partie d’un projet global de vie. Il aborde à la fois les écrits autobiographiques et fictionnels (romans, poésie, contes, récits de voyage, scénarios…) et invite à explorer la façon dont ces différentes corporalités textuelles expriment leur matérialité selon leurs particularités esthétiques, temporelles et contextuelles.

Annonce

Colloque international – Université Paris-Est Créteil, 3-4 décembre 2021

Argumentaire

La parole est impossible mais l’oubli est intolérable, écrit Nicole Lapierre dans Le silence de la mémoire. C’est dans cette tension que se joue le témoignage d’une expérience particulière, celle de la violence extrême. Raconter cette expérience, mettre en mots la fragilité de la survie, rendre compte, à partir de sa singularité propre, de la dimension collective de la souffrance innommable, est une tâche difficile à laquelle, pourtant, se sont attelés un grand nombre de témoins. Mais pour pouvoir écrire il a fallu que le témoin se dote de principes organisateurs des pratiques vécues et qu’il aborde sans concession les représentations que la société en véhicule. Il a fallu donc traduire pour transmettre, traduire pour être compris, traduire pour trouver sa place dans une société qui a besoin de dépasser l’horreur pour avancer et sortir de la violence. 

Portant son regard sur les récits des victimes de violence extrême (génocides, massacres de masse, guerres civiles, domination coloniale…), ce colloque s’intéresse « au témoin qui écrit », que celui-ci ait écrit pour survivre ou que l’écriture fasse elle-même partie d’un projet global de vie. Il aborde à la fois les écrits autobiographiques et fictionnels (romans, poésie, contes, récits de voyage, scénarios…) et invite à explorer la façon dont ces différentes corporalités textuelles expriment leur matérialité selon leurs particularités esthétiques, temporelles et contextuelles. Ce colloque appelle également à réfléchir sur la manière dont les déplacements de l’expérience directe vers l’expérience comme interprétation subjective du vécu trouvent des voies expressives qui rendent compte du lien inextricable qui relie la production de la parole du témoin et sa réception locale, régionale, nationale et parfois internationale. 

Axes thématiques

Dans cette perspective, nous proposons plusieurs axes d’approches non exhaustifs :

Décrire, écrire, traduire, interpréter, déformer… Quel récit est possible après la barbarie ? Comment les témoins qui écrivent se situent-ils par rapport à leur expérience et à celle des absents ? Le devoir de mémoire se traduit-il par une narration des faits qui se sont produits dans le passé ? Quelles sont les frontières entre la réalité factuelle et la réalité énoncée dans ce type de récit ? Faut-il « tout » raconter ? Le témoignage de l’urgence et de la dénonciation peut-il devenir « littérature » ? Si l’on pense notamment à des témoins comme Primo Levi et David Rousset se pose la question de l’articulation entre la modalité littéraire et celle du témoignage – deux modalités qui ne s’excluent pas a priori. La différence se trouve-t-elle dans le texte ou dans celui qui raconte ?

Quand je traduis et quand j’écris, j’entends encore les voix un peu spectrales – j’entends les voix spectralisées, les miennes ou celles des autres. C’est une désessentialisation [...] des rôles de traducteur et d’écrivain. C’est une expérience de la mort de l’auteur et une expérience des limites de cette « mort de l’auteur », écrit Vincent Broqua en parlant de la mort du témoin/acteur devenu auteur. Où se situent les limites de la traduction de l’expérience entre interprétation, création, transformation ou encore adaptation pour les écrivains-témoins ? L’écrivain-témoin écrit-il en premier lieu en tant qu’écrivain, témoin ou en tant que traducteur de ses expériences personnelles ou encore disparaît-il derrière une troisième voix ? De quelle façon se constitue l’identité narrative d’un écrivain-témoin ? 

L’expérience dans le camp est une expérience physique sans mesure. Il sera question de savoir de quelle façon elle est traduite ou non dans le texte. On peut songer par exemple au motif du souffle et de la suffocation, tel qu’il se présente chez Robert Antelme ou Paul Celan. La suffocation peut être lue comme une synecdoque exprimant une crise de la représentation langagière qui serait propre au XXe siècle. Une synecdoque qui donne un souffle, un rythme particulier au texte. 

De la même façon, les œuvres des écrivains-témoins sont très riches en descriptions sensorielles. L’odeur, le son, les images sont décrites comme si le témoin voulait revivre son expérience dans le camp pour arriver à se réapproprier son histoire. Il sera question de savoir si les souvenirs-images sont des traces composées de ce que Paul Ricoeur appelle référence croisée, qui se situe entre l’histoire et la fiction. Ces images sont-elles une manière de traduire une expérience extrême, désignée comme non traduisible ? Quelle fonction revêt l’imaginaire dans la traduction du vécu historique ?

Les textes des témoins sont écrits dans la langue de l’assimilation de l’expérience, celle qui permet de trouver les mots pour parler de soi. Souvent il s’agit de la langue maternelle mais il n’est pas rare de trouver des exemples où la langue choisie est celle du pays d’adoption, autrement dit « le pays de l’après ». Parfois le récit trouve une certaine reconnaissance et en conséquence s’intègre dans le patrimoine mémoriel et culturel européen, voire universel. 

Il suffit par exemple de penser aux exemples de la Deuxième Guerre mondiale pour constater que les images porteuses de l’histoire, véhiculées par les souvenirs provenant de France et d’Allemagne, désignent par leur écart et par leur non-appartenance aux deux pays, un « paysage dépossédé » où se trouve justement le lieu de la traduction et de son savoir-faire avec les différences. Dans ce « troisième lieu » (Homi Bhabha) toute la richesse poétique des néologismes construit parfois un lieu d’hospitalité et un lieu de secours de soi et un sentiment retrouvé de « Heimat », de patrie, autour d’une communauté de voix de la mémoire européenne, représentée par des témoins « qui écrivent » et les témoins écrivains comme Ruth Klüger, Paul Celan, Oskar Pastior, Jorge Semprun, Primo Levi.

Si la traduction peut être vue comme un lieu d’hospitalité pour l’expérience commune européenne et pour les mémoires postcoloniales, la traduction de l’expérience pour un « étranger », pour celui qui est éloigné des faits, constitue un autre aspect non négligeable de la transmission de la parole du témoin. Elle est possible si cet étranger est un acteur de la mémoire collective, car cet acte de traduction se déplace du registre expérientiel vers le registre de la transmission du passé vers le présent. Ceci ouvre un éventail de questions portant sur les rapports de domination ou de ressemblance qui existent entre la langue d’origine et la langue étrangère – sans oublier le moment dans lequel se produit la traduction. Le passage de langues presque disparues ou de langues moins parlées vers des langues de circulation massive comme c’est le cas de Terminus Auschwitz d’Eddy de Wind et des témoignages de victimes de la Shoah, mais aussi des massacres au Rwanda et dans les Balkans, constitue également un élément de réflexion important.

Dans un monde globalisé et chaque jour de plus en plus connecté, la territorialité prend un autre sens et il n’est pas insensé de penser que les récits des expériences européennes et de ses anciennes colonies, s’entrelacent, s’entrecroisent et finissent par sédimenter un cadre d’interprétation universel pour la narration de la violence extrême.

Comité organisateur

Myrna Insua, Aleksandra Lendzinska et Daniel Meyer

Comité scientifique

  • Florence Baillet (PR – Université Paris 3)
  • Daniel Feierstein (PR-Université de Buenos Aires et UNTREF Argentine)
  • Myrna Insua (PR adj. IUNMA/ doctorante Imager-Upec/ USAL)
  • Aleksandra Lendzinska (docteur – Imager – Upec)
  • Michel Mallet (PR adj. – Université de Moncton)
  • Daniel Meyer (PR – Imager – Upec)
  • Francisca Noguerol Jimenez (PR – Université de Salamanque)

Modalités pratiques d'envoi de propositions

Langues de communication : français, allemand, anglais, espagnol.

Une publication des communications est prévue.  

Les propositions de 1500 signes environ, accompagnées de brèves indications biographiques, sont à envoyer

pour le 15 juillet 2021

à l’adresse suivante :   traduirelexperience@gmail.com

Lieux

  • 60 Av du Géneral De Gaulle
    Créteil, France (94)

Dates

  • jeudi 15 juillet 2021

Mots-clés

  • Violence extrême, Témoignages, Traduction

Contacts

  • Myrna Insua
    courriel : myrna [dot] insua [at] gmail [dot] com
  • Colloque international Colloque international
    courriel : traduirelexperience [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Myrna Insua
    courriel : myrna [dot] insua [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Traduire l’expérience », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 30 juin 2021, https://doi.org/10.58079/16w2

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