Announcement
Revue « Esclavages et post-esclavages / Slaveries and post-slaveries ». Numéro thématique « Imaginer le “mémorial musical”. Musiques et (re)transmissions des mémoires des traites et des esclavages » (no 7, novembre 2022)
Éditeurs scientifiques
- Elina Djebbari, maîtresse de conférences à l’Université Paris Nanterre
- Charlotte Grabli, post-doctorante Marie Skłodowska-Curie au Département d’histoire de UCLA et au CIRESC-CNRS
Argumentaire
L’objectif de ce numéro est de poursuivre la réflexion ouverte par la revue Esclavages & post~esclavages / Slaveries & Post~Slaveries sur le travail des artistes et leur réactualisation par des formes sensibles de l’histoire et de la mémoire des traites et des esclavages, mais en partant plus spécifiquement de la question musicale. Ce dossier s’attachera à rendre compte de la manière complexe dont la musique est devenue source et ressource mémorielle depuis l’époque des traites et des esclavages jusqu’à nos jours.
Comme le montrent de nombreux travaux, la musique et la danse, entre autres, sont susceptibles de porter et d’incarner des formes mémorielles et de devenir des archives vivantes réactualisées par la performance ou l’écoute (voir par exemple Aterianus-Owanga & Santiago 2016 ; Taylor 2003). Depuis les abolitions occidentales, dans l’Atlantique noir (Paul Gilroy), mais aussi dans les sociétés post-esclavagistes de l’océan Indien (Desroches & Samson 2008), du Maghreb et du golfe Persique, la musique n’a cessé d’être invoquée pour faire face à « l’héritage fantomatique de l’esclavage » (Rice et Kardux 2012). Au Maghreb et dans la péninsule Arabique, des communautés lient ainsi explicitement (comme les gnawas au Maroc ; voir Becker 2020) ou non (comme les rites stambali en Tunisie ; voir Jankowsky 2006) leurs pratiques musicales au passé esclavagiste. Aux États-Unis, l’auteure africaine américaine Toni Morrison a plus spécifiquement pensé le jazz, le blues et les spirituals comme des « mémoriaux musicaux » indispensables à la construction d’un espace littéraire de recueillement, alors qu’il n’existait pas encore de « mémorial convenable » (World magazine, 1989).
En interrogeant la mémoire des traites et des esclavages à travers la musique, ce numéro propose de s’éloigner des mémoriaux traditionnels, déjà largement étudiés, pour saisir la diversité des formes de « mémorial musical » qui se sont incarnées, ont été imaginées et explorées à travers des pratiques performatives et littéraires, dans les sociétés post-esclavagistes. D’innombrables styles musicaux, danses, carnavals et autres pratiques performatives impliquant la musique, sont devenus des « mémoriaux musicaux » dans des contextes marqués par l’absence ou les manquements des projets d’institutionnalisation de la mémoire, comme les processions religieuses en Amérique du Sud et les carnavals d’Afrique et de la Caraïbe. Au Bénin, musiciens et danseurs ont ainsi investi la salsa comme un espace mémoriel afro-atlantique (Kabir 2018) en marge du programme de la Route de l’esclave promu par l’Unesco depuis les années 1990.
Dans la période récente, la musique apparaît comme déterminante dans les réponses des artistes aux silences qui persistent dans les institutions et la sphère familiale. En lui apprenant à être plus attentif aux revendications véhiculées par les autres musiques, le hip-hop a par exemple été central dans le parcours de l’artiste guadeloupéen Jay Ramier (2021). Sa recherche de photographies des zouks des années 1970, ces soirées où parents et étudiants de la diaspora antillaise échangeaient, jouaient de la musique et dansaient à Paris, témoigne encore de la centralité de la musique dans son « voyage généalogique ». Dans le contexte de l’émergence de la question des réparations et des luttes contre les discriminations et servitudes contemporaines, les usages des archives porteuses de mémoires dissidentes dans différentes formes artistiques constituent une piste de recherche privilégiée.
En interrogeant les processus de constitution du « mémorial musical » dans des espaces marqués par différents systèmes de traites et d’esclavages dans l’Atlantique et l’océan Indien, en Afrique et dans le golfe Persique, ce numéro entend également mettre l’accent sur la porosité des pratiques musicales et les conflits liés à la mémoire. Dans les sociétés post-esclavagistes, les « mémoriaux musicaux » peuvent en effet mêler les références aux traites et aux esclavages à celles d’autres formes de domination et de déplacements forcés telles que l’engagisme, révélant parfois des dynamiques de concurrence mémorielle (Desroches & Samson 2008). On observe par ailleurs des conflits au niveau national, comme en Arabie orientale où les politiques mémorielles des États-nations tendent à dissocier les rites de possessions du leiwah des descendants d’esclaves originaires des côtes est-africaines qui les ont créés (Sebiane 2015). La spécificité du matériau formant le « mémorial musical », à la fois composite et potentiellement disputé, invite à penser les associations et les dissociations entre dépositaires « légitimes », praticiens et récepteurs, à différentes échelles et au sein de différents circuits culturels, médiatiques et artistiques.
Ce numéro d’Esclavages & post~esclavages / Slaveries & Post~Slaveries invite les chercheur⋅se⋅s de l’ensemble des sciences humaines et sociales à réfléchir aux liens entre mémoire et musique centrés sur la contestation, le recueillement, la transmission, ou encore, la recherche artistique visant à restituer des généalogies longtemps oubliées ou à les imaginer à différentes époques, dans l’Atlantique et l’océan Indien, en Afrique et dans le golfe Persique.
Sans s’y limiter, les contributions pourront aborder les thèmes suivants :
- les processus enchevêtrés de (ré)actualisation, performance et (re)transmission des conceptions du « mémorial musical » dans un contexte historique donné, depuis les abolitions jusqu’à nos jours ;
- la performativité de ces processus mémoriels à l’échelle individuelle et collective, et leurs implications affectives et émotionnelles ;
- les relations entre le « mémorial musical » et le silence des institutions ou, au contraire, la prolifération des initiatives (inter)nationales dédiées à l’histoire des traites et des esclavages ;
- les œuvres, les pratiques et l’imagination des artistes qui, au fil des siècles, ont contribué à façonner et transmettre les liens unissant la musique à la mémoire ;
- le rôle des nouvelles technologies comme le disque, apparu au tournant du xxe siècle, et plus tard des formats numériques et d’internet, dans ces processus ;
- les processus d’intermédialité et d’intertextualité au cœur de la constitution des mémoriaux musicaux ;
- les processus mémoriels alternatifs et les manifestations des dialogues et conflits entre différents types d’acteurs autour du « mémorial musical ».
Modalités de soumission
Les résumés d’articles (entre 500 et 800 mots) sont à envoyer
avant le 31 octobre 2021
à slaveries-musiques@groupes.renater.fr. Les propositions d’articles (45 000 signes maximum, espaces compris, bibliographie incluse) devront être soumises en français, en anglais, en espagnol ou en portugais, avant le 1er mars 2022 impérativement. Elles seront accompagnées d’une synthèse de 3 600 signes maximum. La liste complète des recommandations aux auteur·trice·s est disponible ici.
La décision du comité éditorial sera communiquée le 4 avril 2022. Les articles retenus seront publiés dans la revue Esclavages & post~esclavages en novembre 2022.
Références
Aterianus-Owanga Alice & Santiago Jorge P. (ed.), 2016. Aux sons des mémoires. Musiques, archives et terrain, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
Becker Cynthia J., 2020. Blackness in Morocco: Gnawa Identity Through Music and Visual Culture, University of Minnesota Press.
Desroches, Monique & Guillaume Samson, 2008. « Le maloya comme espace de reconstruction mémorielle », in Christian (dir.), Anthropologies de La Réunion, GHASARIAN, Paris, Édition Archives contemporaines.
Jankowsky Richard C., 2006. « Black Spirits, White Saints: Music, Spirit Possession, and Sub- Saharans in Tunisia », Ethnomusicology, Vol. 50, No. 3, pp. 373-410.
Kabir, Ananya Jahanara, 2018. “Afro-Latin-Africa: Movement and Memory in Benin », in May Hawas (ed.), The Routledge Companion to World Literature and World History: Circulation, Movement, Encounters, New York, Routledge, pp. 234–245.
Ramier, Jay & Elvan Zabunyan, 2021. « L’art contemporain pour penser la mémoire antillaise post-esclavagiste et coloniale », Esclavages & Post-esclavages, No. 4. Disponible en ligne : journals.openedition.org/slaveries/4219.
Rice Alan & Johanna C. Kardux, 2012. « Confronting the ghostly legacies of slavery: the politics of black bodies, embodied memories and memorial landscapes », Atlantic Studies.
Sebiane, Maho, 2015. L’invisible : Esclavage, swahili et possession dans le complexe rituel leiwah d’Arabie orientale (Sultanat d’Oman – Emirats Arabes Unis), thèse de doctorat en ethnologie spécialité ethnomusicologie, université Paris Ouest Nanterre.
Taylor, Diana, 2003. The Archive and the Repertoire: Performing Cultural Memory in the Americas, Durham, Duke University Press.
« Esclavages et post-esclavages / Slaveries and post-slaveries » Journal. Special issue ‘Imagining the “musical memorial”. Music and (re)transmission of memories of slave trades and slaveries’ (No. 7, November 2022)
Editors
- Elina Djebbari, lecturer at Paris Nanterre University
- Charlotte Grabli, postdoctoral Marie Skłodowska-Curie fellow at History Department, UCLA and CIRESC-CNRS
Argument
The aim of this special issue is to pursue the reflection initiated by the journal Esclavages & post~esclavages/Slaveries & Post~Slaveries on the work of artists and their re-actualization through sensitive forms of the history and memories of the slave trades and slaveries, this time with a focus on the question of music. This dossier will attempt to unfold the complex ways in which music has become a source and a resource for memories, from the time of the slave trades and slaveries to the present day.
As many scholarly works have shown, music and dance, among others, are capable of conveying and embodying memorial forms and becoming living archives reactualized through performance or listening (see for instance, Aterianus-Owanga & Santiago 2016; Taylor 2003). Since the western abolitions, in the Black Atlantic (Paul Gilroy), but also in post-slavery societies in the Indian Ocean (Desroches & Samson 2008), the Maghreb, and the Persian Gulf, music continues to be invoked to confront the “ghostly legacy of slavery” (Rice and Kardux 2012). In the Maghreb and Arabic Peninsula, communities link their musical practices to the past of slavery, in explicit (see Becker 2020 on the Gnawas in Morocco) or more ambiguous ways (see Jankowsky 2006 on the Stambali rites in Tunisia). In the United States, the African American author Toni Morrison has specifically thought of jazz, blues, and spirituals as essential “musical memorials” to the construction of a literary space of recollection, when a “proper memorial” did not exist yet (World magazine 1989).
In questioning the memory of slaveries and slave trades through music, this special issue proposes to move away from traditional memorials, already widely studied, to grasp the diversity of “musical memorials” that have been embodied, imagined and explored through performative and literary practices in post-slavery societies. Countless musical styles, dances, carnivals, and other performative practices involving music such as religious processions in South America and carnivals in Africa and the Caribbean, have become “musical memorials” in contexts marked by the absence or failure of institutional projects of memorialization. In Benin, musicians and dancers have, for instance, invested salsa as a space for Afro-Atlantic memory (Kabir 2018) on the margins of the Slave Route project launched by UNESCO in the early 1990s.
In recent times, music plays a central role in artists’ responses to the silences that persist within institutions and family spheres. By teaching Guadeloupean artist Jay Ramier to be more attentive to the claims conveyed by other musics, hip-hop has, for instance, been crucial in the development of his career (2021). His search for photographs of the zouks of the 1970s, those evenings where parents and students from the Caribbean diaspora gathered, played music and danced in Paris, further testifies to the centrality of music in his “genealogical journey.” In the context of the emergence of the issues around reparations and the struggle against contemporary discriminations and servitudes, the use of archives carrying dissident memories in different artistic forms constitute therefore a privileged line of enquiry.
By questioning the constituting processes of the “musical memorial” in spaces marked by different systems of slave trades and slaveries in the Atlantic and Indian Oceans, in Africa and in the Persian Gulf, this special issue also intends to focus on the porosity of musical practices as well as on the potential conflicts linked to memory. In post-slavery societies, “musical memorials” can indeed mix references to slave trades and slaveries with those of other forms of domination and forced displacement such as indentured labor, sometimes revealing dynamics of memorial competition (Desroches & Samson 2008). Some conflicts may also appear at the national level, such as in eastern Arabia where the memory policies of nation-states tend to dissociate the rites of possession leiwah from the slave descendants from the East African coasts who created them (Sebiane 2015). The specificity of the material forming the “musical memorial,” both composite and potentially disputed, invites us to think about the associations and dissociations between “legitimate” depositaries, practitioners and receivers, at different scales and within different cultural, artistic and media channels.
This thematic issue of the journal Esclavages & post~esclavages/Slaveries & Post~Slaveries invites researchers from all human and social sciences to reflect on the links between memory and music to question ways of dispute, recollection, transmission, or artistic research aimed at reconstructing long-forgotten genealogies or imagining them at different times, in the Atlantic and Indian Oceans, in Africa and in the Persian Gulf.
Contributions may address the following themes (but are not limited to):
- the entangled processes of (re)actualization, performance and (re)transmission in the conceptions of the “musical memorial” in a given historical context, from the abolitions to the present day;
- the performativity of these memory processes at individual and collective scales, and their affective and emotional implications;
- the relationship between the “musical memorial” and the silence of institutions or, on the contrary, the proliferation of (inter)national initiatives dedicated to the history of the slave trades and slaveries;
- the works, practices and imaginations of artists who, over the centuries, have helped shape and pass on the links between music and memory;
- the role of new technologies such as records, which appeared at the turn of the 20th century, and later of digital and internet formats, in these processes;
- the processes of intermediality and intertextuality at the heart of the constitution of musical memorials;
- alternative memory processes and manifestations of dialogues and conflicts between different types of actors around the “musical memorial.”
Guidelines for submissions
Short summaries of proposed articles (500-800 words) must be sent
by October 31, 2021
to slaveries-musiques@groupes.renater.fr. The articles themselves (45,000 characters maximum, inclusive of spaces and bibliography), which may be written in French, English, Spanish or Portuguese, must be submitted by March 1st, 2022. They should be accompanied by an abstract of no more than 3,600 characters. Comprehensive guidance for authors is accessible here.
The editorial committee will announce its decisions on April 4, 2022. The selected articles will be published in the journal Esclavages & post~esclavages/Slaveries & Post~Slaveries in November 2022.
References
Aterianus-Owanga, Alice & Jorge P. Santiago (eds.), 2016. Aux sons des mémoires. Musiques, archives et terrain. Lyon, Presses universitaires de Lyon.
Becker, Cynthia J., 2020. Blackness in Morocco: Gnawa Identity Through Music and Visual Culture, University of Minnesota Press.
Desroches, Monique & Guillaume Samson, 2008. « Le maloya comme espace de reconstruction mémorielle », in Anthropologies de La Réunion, GHASARIAN, Christian (dir.), Paris: Édition Archives contemporaines.
Jankowsky, Richard C., 2006. “Black Spirits, White Saints: Music, Spirit Possession, and Sub- Saharans in Tunisia”, Ethnomusicology, Vol. 50, No. 3, pp. 373–410.
Kabir, Ananya Jahanara, 2018. “Afro-Latin-Africa: Movement and Memory in Benin,” in May Hawas, The Routledge Companion to World Literature and World History: Circulation, Movement, Encounters, New York, Routledge, pp. 234–45.
Ramier, Jay & Elvan Zabunyan, 2021. « L’art contemporain pour penser la mémoire antillaise post-esclavagiste et coloniale », Esclavages & Post-esclavages, No. 4. Available online: journals.openedition.org/slaveries/4219
Rice, Alan & Johanna C. Kardux, 2012. « Confronting the ghostly legacies of slavery: the politics of black bodies, embodied memories and memorial landscapes », Atlantic Studies.
Sebiane, Maho, 2015. L’invisible : Esclavage, swahili et possession dans le complexe rituel leiwah d’Arabie orientale (Sultanat d’Oman – Emirats Arabes Unis), thèse de doctorat en ethnologie spécialité ethnomusicologie, université Paris Ouest Nanterre.
Taylor, Diana, 2003. The Archive and the Repertoire: Performing Cultural Memory in the Americas, Durham, Duke University Press.
Revista « Esclavages et post-esclavages / Slaveries and post-slaveries ». Número temático « Imaginar el “memorial musical”. Músicas y (re)transmisiones de las memorias de las tratas y de las esclavitudes » (no 7, noviembre 2022)
Editores científicos
- Elina Djebbari, profesora titular de la universidad Paris Nanterre
- Charlotte Grabli, becaria postdoctoral Marie Skłodowska-Curie, investigadora del Departamento de historia de UCLA y del CIRESC (CNRS)
Presentación
El objetivo de este número es prolongar la reflexión iniciada por la revista Esclavages & post~esclavages / Slaveries & Post~Slaveries sobre el trabajo de artistas y su reactualización a través de formas sensibles de la historia y la memoria de las tratas y de las esclavitudes, pero partiendo más específicamente de la cuestión musical. Este dossier se centrará en la manera compleja en que la música se ha convertido en fuente y recurso memorial, desde la época de las tratas y las esclavitudes hasta nuestros días.
Tal como lo muestran gran cantidad de trabajos, la música y la danza, entre otros, pueden sostener y encarnar formas memoriales y convertirse en archivos vivientes reactualizados por la performance o la escucha (ver por ejemplo Aterianus-Owanga & Santiago 2016; Taylor 2003). Desde las aboliciones occidentales, en el Atlántico negro (Paul Gilroy), pero también en las sociedades post-esclavistas del océano Índico (Desroches & Samson 2008), del Magreb y del golfo Pérsico, la música ha sido recurrentemente invocada para hacer frente a la “herencia fantasmagórica de la esclavitud” (Rice & Kardux 2012). En el Magreb y en la península arábiga, las comunidades vinculan explícitamente (caso de los gnawa en Marruecos; ver Becker 2020) o no (caso de los rituales stambali en Túnez; ver Jankowsky 2006) sus prácticas musicales con el pasado esclavista. En Estados Unidos, la escritora afroamericana Toni Morrison ha pensado más específicamente el jazz, el blues y el espiritual como “memoriales musicales” indispensables para la construcción de un espacio literario de recogimiento, cuando todavía no existía un “memorial adecuado” (World magazine, 1989).
Al interrogar la memoria de las tratas y de las esclavitudes a través de la música, este número se propone alejarse de los memoriales tradicionales, ya ampliamente estudiados, para captar la diversidad de las formas del “memorial musical”, tal como se han encarnado, han sido imaginadas y exploradas a través de prácticas performativas y literarias en las sociedades post-esclavistas. Innumerables estilos musicales, danzas, carnavales y otras prácticas perfomativas que implican música, se han convertido en “memoriales musicales” en contextos marcados por la ausencia o los incumplimientos de proyectos de institucionalización de la memoria, como las procesiones religiosas en Sudamérica y los carnavales de África y del Caribe. En Benín, músicos y bailarines han recurrido a la salsa como a un espacio memorial afro-atlántico (Kabir 2018) al margen del programa de la Ruta del esclavo promovido por la UNESCO desde los años 1990.
Más recientemente, la música se ha presentado como un elemento determinante de las respuestas de los artistas ante los silencios que persisten en las instituciones y en el ámbito familiar. En tanto invitación a prestar atención a las reivindicaciones vehiculadas por otras músicas, el hip hop, por ejemplo, fue central en el recorrido del artista guadalupeño Jay Ramier (2021). Su búsqueda de fotografías de los zouks de los años 1970, esas veladas en las que padres y estudiantes de la diáspora antillana se encontraban, hacían música y bailaban en París, da cuenta todavía de la centralidad de la música en su “viaje genealógico”. En un contexto donde emerge la cuestión de las reparaciones y de las luchas contra las discriminaciones y servidumbres contemporáneas, los usos de los archivos portadores de memorias disidentes, desde distintas formas artísticas, constituyen una pista de investigación privilegiada.
Al centrar su atención sobre los procesos de constitución del “memorial musical” en espacios marcados por diferentes sistemas de tratas y esclavitudes en el Atlántico y en el océano Índico, en África y en el golfo Pérsico, este número pretende también visualizar la porosidad de las prácticas musicales y de los conflictos vinculados con la memoria. En efecto, en las sociedades post-esclavistas, los “memoriales musicales” pueden mezclar las referencias a las tratas y a las esclavitudes con las de otras formas de dominación y de desplazamientos forzados (tales como el “engagisme”) que a veces revelan dinámicas de disputa memorial (Desroches & Samson 2008). Por otro lado, se observan conflictos a nivel nacional, como en Arabia oriental donde las políticas memoriales de los Estados-nación tienden a disociar los ritos de posesión del leiwah de los descendientes de esclavos originarios de las costas del este africano que los crearon (Sebiane 2015). La especificidad del material que conforma el “memorial musical”, a la vez heterogéneo y potencialmente en disputa, invita a pensar las asociaciones y las disociaciones entre depositarios “legítimos”, practicantes y receptores, en diferentes escalas y dentro de distintos circuitos culturales, mediáticos y artísticos.
Este número de Esclavages & post~esclavages / Slaveries & Post~Slaveries invita a investigadoras e investigadores del conjunto de las ciencias humanas y sociales a pensar los vínculos entre memoria y música centrados en la impugnación, el recogimiento, la transmisión, dando también lugar a la investigación artística que intenta restituir genealogías por mucho tiempo olvidadas o imaginarlas en distintas épocas, en el Atlántico y el océano Índico, en África y el golfo Pérsico.
Las contribuciones podrán abordar los temas siguientes sin limitarse a ellos:
- procesos y tramas de (re)actualización, performance y (re)transmisión de las concepciones del “memorial musical” en un contexto histórico dado, de las aboliciones a nuestros días;
- la performatividad de estos procesos memoriales a escala individual y colectiva, y sus implicaciones afectivas y emocionales;
- las relaciones entre el “memorial musical” y el silencio de las instituciones o, al contrario, la proliferación de las iniciativas (inter)nacionales abocadas a la historia de las tratas y las esclavitudes;
- las obras, las prácticas y la imaginación de los artistas que, a lo largo de los siglos, contribuyeron a moldear y transmitir vínculos entre música y memoria;
- rol de las nuevas tecnologías tales como la aparición del disco, durante el siglo XX, y luego los soportes digitales y de internet, en estos procesos;
- procesos de intermedialidad e intertextualidad centrales en la constitución de los memoriales musicales;
- procesos memoriales alternativos y manifestaciones de diálogos y conflictos entre diferentes tipos de actores en torno al “memorial musical”.
Modalidades de presentación
Los resúmenes de artículos (entre 500 y 800 palabras) deben enviarse
antes del 31 de octubre de 2021
a slaveries-musiques@groupes.renater.fr. Las propuestas de artículos (un máximo de 45.000 signos incluyendo los espacios y la bibliografía) deberán presentarse en francés, en inglés, en castellano o en portugués antes del 1° de marzo de 2022 sin excepción. Estarán acompañadas de una síntesis de un máximo de 3.600 signos. La lista completa de las recomendaciones para los autores se encuentra disponible aquí.
La decisión del comité editorial será comunicada el 4 de abril de 2022. Los artículos seleccionados se publicarán en la revista Esclavages & post-esclavages en noviembre de 2022.
Referencias
Aterianus-Owanga Alice & Santiago Jorge P. (ed.), 2016. Aux sons des mémoires. Musiques, archives et terrain, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
Becker Cynthia J., 2020. Blackness in Morocco: Gnawa Identity Through Music and Visual Culture, University of Minnesota Press.
Desroches, Monique & Guillaume Samson, 2008. « Le maloya comme espace de reconstruction mémorielle », en Anthropologies de La Réunion, GHASARIAN, Christian (dir.), Paris, Édition Archives contemporaines.
Jankowsky Richard C., 2006. « Black Spirits, White Saints: Music, Spirit Possession, and Sub- Saharans in Tunisia », Ethnomusicology, Vol. 50, No. 3, pp. 373-410.
Kabir, Ananya Jahanara, 2018. “Afro-Latin-Africa: Movement and Memory in Benin », en May Hawas (ed.), The Routledge Companion to World Literature and World History: Circulation, Movement, Encounters, New York, Routledge, pp. 234–245.
Ramier, Jay & Elvan Zabunyan, 2021. « L’art contemporain pour penser la mémoire antillaise post-esclavagiste et coloniale », Esclavages & Post-esclavages, No. 4. Disponible en línea : journals.openedition.org/slaveries/4219.
Rice Alan & Johanna C. Kardux, 2012. « Confronting the ghostly legacies of slavery: the politics of black bodies, embodied memories and memorial landscapes », Atlantic Studies.
Sebiane, Maho, 2015. L’invisible : Esclavage, swahili et possession dans le complexe rituel leiwah d’Arabie orientale (Sultanat d’Oman – Emirats Arabes Unis), thèse de doctorat en ethnologie spécialité ethnomusicologie, université Paris Ouest Nanterre.
Taylor, Diana, 2003. The Archive and the Repertoire: Performing Cultural Memory in the Americas, Durham, Duke University Press.
Revista « Esclavages et post-esclavages / Slaveries and post-slaveries ». Número temático “Imaginar o « memorial musical ». Músicas e (re)transmissões das memórias dos tratos e das escravidões” (no 7, noviembre 2022)
Editores científicos
- Elina Djebbari, professora associada da Universidade Paris Nanterre
- Charlotte Grabli, pós-doutoranda Marie Skłodowska-Curie no Departamento de História da UCLA e no CIRESC (CNRS)
Argumentação
O objetivo deste número é continuar a reflexão iniciada pela revista Esclavages & post~esclavages / Slaveries & Post~Slaveries sobre o trabalho dos artistas e sua atualização por formas sensíveis da história e da memória dos tratos e das escravidões, enfocando principalmente a questão musical. Este dossiê pretende dar conta da maneira complexa como a música se tornou fonte e recurso de memória desde a época dos tratos e das escravidões até hoje.
Muitos estudos têm mostrado como a música e a dança, em particular, podem veicular e incorporar formas memoriais e se tornar arquivos vivos re-atualizados pela performance ou a escuta (ver por exemplo Aterianus-Owanga & Santiago 2016 ; Taylor 2003). Depois das abolições ocidentais, no Atlântico negro (Paul Gilroy), mas também nas sociedades pós-escravistas do Oceano Índico (Desroches & Samson 2008), do Magreb e do Golfo Pérsico, a música nunca deixou de ser invocada para enfrentar a « herança espectral da escravidão » (Rice & Kardux 2012). No Magreb e na península Arábica, algumas comunidades relacionaram de modo explícito (como os gnawas em Marrocos; ver Becker 2020) ou não (como os ritos stambali na Tunísia; ver Jankowsky 2006) suas práticas musicais com o passado escravista. Nos Estados-Unidos, a autora africana americana Toni Morrison considerou mais especificamente o jazz, o blues e os spirituals como « memoriais musicais » indispensáveis para a construção de um espaço literário de recolhimento, enquanto não existia ainda « memorial conveniente » (World magazine, 1989).
Ao questionar a memória dos tratos e das escravidões através da música, este número pretende afastar-se dos memoriais tradicionais, já muito estudados, para considerar a diversidade das formas de « memorial musical » que se incorporaram, foram imaginadas e exploradas através de práticas performativas e literárias nas sociedades pós-escravistas. Muitos estilos musicais, danças, carnavais e outras práticas performativas envolvendo a música, tornaram-se « memoriais musicais » em contextos marcados pela ausência ou as faltas dos projetos de institucionalização da memória, como as procissões religiosas na América do Sul e os carnavais de África e do Caribe. Assim, no Benim, músicos e bailarinos investiram a salsa como um espaço memorial afro-atlântico (Kabir 2018) nas margens do programa da Rota do escravo promovido pela Unesco desde os anos 1990.
No período recente, a música aparece crucial nas respostas dos artistas aos silêncios persistentes nas instituições e na esfera familiar. O hip-hop foi, por exemplo, central no percurso do artista de Guadalupe Jay Ramier (2021), ensinando-o a ser mais atento às reivindicações veiculadas por outras músicas. Sua pesquisa de fotografias dos zouks dos anos 1970, essas festas onde pais e estudantes da diáspora antilhana conversavam, tocavam música e dançavam em Paris, também revela a centralidade da música na sua « viagem genealógica ». No contexto do surgimento da questão das reparações pela escravidão e das lutas contra as discriminações e as servidões contemporâneas, os usos dos arquivos contendo memórias dissidentes em diferentes formas artísticas constituem uma pista de investigação privilegiada.
Investigando os processos de constituição do « memorial musical » em espaços marcados por diferentes sistemas de tráfico e de escravidão no Atlântico e no Oceano Índico, em África e no Golfo Pérsico, este número pretende igualmente realçar a porosidade das práticas musicais e dos conflitos ligados à memória. Nas sociedades pós-escravistas, os « memoriais musicais » podem assim entrelaçar as referências aos tratos e às escravidões com outras formas de dominação e de deslocamentos forçados como o engagisme, revelando por vezes dinâmicas memoriais concorrentes (Desroches & Samson 2008). Por outro lado, podemos observar conflitos ao nível nacional, como na Arábia oriental onde as políticas memoriais dos Estados-nações tendem a dissociar os ritos de possessão do leiwah dos descendentes de escravos oriundos da costa leste da África que os criaram (Sebiane 2015). A especificidade do material formando o « memorial musical », ao mesmo tempo compósito e potencialmente disputado, convida a pensar as associações e as disjunções entre depositários « legítimos », praticantes e receptores, em diferentes escalas e no seio de diferentes circuitos culturais, midiáticos e artísticos.
Este número de Esclavages & post~esclavages / Slaveries & Post~Slaveries convida o/as investigadores/as do conjunto das ciências humanas e sociais a refletir sobre as relações entre memória e música centradas na contestação, o recolhimento, a transmissão, ou ainda a pesquisa artística visando restituir genealogias durante muito tempo esquecidas ou imaginá-las em épocas diferentes, no Atlântico e no Oceano Índico, em África e no Golfo Pérsico.
Não sendo restritivo, as contribuições poderão abordar os temas seguintes:
- os processos entrelaçados de (re)atualização, performance e (re)transmissão das concepções do « memorial musical » num contexto histórico determinado, desde as abolições até hoje;
- a performatividade desses processos memoriais em escala individual e coletiva, e suas implicações afetivas e emocionais;
- as relações entre o « memorial musical » e o silêncio das instituições ou, pelo contrário, a proliferação das iniciativas (inter)nacionais dedicadas a história dos tratos e das escravidões;
- as obras, as práticas e a imaginação dos artistas que, ao longo dos séculos, têm contribuído para moldar e transmitir os elos unindo a música e a memória;
- o papel das novas tecnologias como o disco, na virada do século XX, e mais tarde dos formatos numéricos e da internet, nesses processos ;
- os processos de intermedialidade e de intertextualidade no cerne da constituição dos memoriais musicais ;
- os processos memoriais alternativos e as manifestações dos diálogos e dos conflitos entre diferentes tipos de atores em torno do « memorial musical ».
Modalidades de submissão
Os resumos de artigos (entre 500 e 800 palavras) devem ser enviados
antes de 31 de outubro de 2021
para slaveries-musiques@groupes.renater.fr. As propostas de artigos (45 000 caracteres no máximo, espaços incluídos, com a bibliografia) deverão ser submetidas em francês, em inglês, em espanhol ou em português, antes de 1 de março de 2022 sem falta. Devem ser acompanhadas de uma síntese de 3 600 caracteres no máximo. A lista completa das recomendações ás/aos autores encontra-se disponível aqui.
A decisão do comitê editorial será comunicada dia 4 de abril de 2022. Os artigos escolhidos serão publicados na revista Esclavages & post~esclavages em novembro de 2022.
Referências
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Kabir, Ananya Jahanara, 2018. “Afro-Latin-Africa: Movement and Memory in Benin », in May Hawas (ed.), The Routledge Companion to World Literature and World History: Circulation, Movement, Encounters, New York, Routledge, pp. 234–245.
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