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Images composites

Composite images

Revue « Transbordeur » #7

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Publié le mardi 07 septembre 2021

Résumé

Et si l’histoire de la photographie était finalement moins une histoire des images enregistrées qu’une histoire des images composées à partir d’éléments enregistrés ? Pour le septième numéro de Transbordeur, nous recherchons des contributions qui puissent interroger la pertinence de la notion d’« image composite » pour l’histoire et la théorie de la photographie, ainsi que dans le champ élargi des visual studies et des media studies.

Annonce

Argumentaire

Et si l’histoire de la photographie était finalement moins une histoire des images enregistrées qu’une histoire des images composées à partir d’éléments enregistrés ? L’essor des pratiques d’assemblage et d’hybridation dans les cultures numériques nous incite à nous poser cette question. Elles déploient en effet tout un spectre de techniques. Ce que nous appelons aujourd’hui les « mèmes » juxtaposent des éléments volontiers hétérogènes dont le contraste produit typiquement des effets satiriques. À l’opposé, les logiciels de création automatisée synthétisent et combinent des éléments réels ou fictifs à forte charge photoréaliste, en recourant parfois au deep learning. Entre ces deux pôles se déploie toute une gamme de pratiques qui renversent l’idée de la photographie comme capture du réel.

Celles-ci ne sont toutefois pas imputables au seul passage au numérique. Elles viennent puiser dans une histoire longue de l’image composite que le numéro 7 de la revue Transbordeur entend développer. Comme l’a montré un ouvrage récent de Bernd Stiegler et Felix Thürlemann, la photographie composite est presque aussi ancienne que la photographie elle-même, et ses usages au XIXe siècle couvrent un vaste domaine d’application (sciences, portraits, vues architecturales, compositions artistiques, trucages humoristiques ou encore photographies spirites) . Si l’on se tourne vers la culture numérique actuelle, on constate également une omniprésence d’images dans lesquelles les éléments photographiques sont volontiers recombinés et réagencés, voire associés à d’autres techniques d’imagerie offertes par les logiciels de traitement d’image et les applications pour smartphones.

Parler d’images composites plutôt que de « photomontages » nous permettra de nous détourner d’une histoire très marquée par les avant-gardes du XXe siècle (dadaïsme, constructivisme, surréalisme) et d’élargir notre point de vue au-delà du champ de l’art. Le discours occidental moderne employant la métaphore industrielle de l’assemblage mécanique d’éléments préexistants ne couvre pas, loin s’en faut, toutes les gammes des manipulations photographiques. Devant l’essor de nouvelles pratiques plus fluides de compositions et d’hybridations, Sabine Kriebel et Andrés Mario Zervigón, éditeurs d’un numéro spécial de la revue History of Photography, n’ont-ils pas déjà mis en cause la notion même de photomontage  ?

Si l’on devait donc abandonner la notion de photomontage, trop marquée par son contexte historique d’apparition, au profit de celle d’image composite, quels en seraient les bénéfices ? Premièrement, la notion d’image composite permet de penser ensemble différentes techniques de manipulation photographiques (photocollage, surimpression, double-exposition, retouche) parfois abusivement séparées pour les besoins d’une généalogie avant-gardiste des procédés, permettant à certains artistes d’en revendiquer la paternité . Il s’agira ainsi, au sein de la catégorie d’image composite, d’interroger les limites entre les assemblages mécaniques du montage d’opposition et la synthèse harmonieuse et fluide du montage d’intégration. Deuxièmement, parler d’image composite plutôt que de photomontage, c’est mettre au second plan la référence au montage cinématographique (successif) au profit d’une réflexion sur la composition (simultanée) d’éléments. Composer, c’est mettre ensemble (du latin componere), sur un même plan. Plutôt qu’à la logique narrative du cinéma, l’image composite renverrait alors plus volontiers à la rhétorique visuelle de l’allégorie, dans laquelle les éléments visuels forment l’équivalent de signes linguistiques ou de concepts abstraits. Enfin, la notion d’image composite permet d’envisager non seulement les techniques de production d’images, mais aussi la composition sur le plan figuratif lui-même, c’est-àdire la figuration d’êtres composites, hybrides voire chimériques (homme-animal, homme-artefact, animal-artefact).

Nous souhaitons inciter les autrices et auteurs à articuler questions théoriques et recherches empiriques. En effet, la théorie de la photographie – bien qu’elle ait, depuis plusieurs années, largement remis en cause l’approche dite « indicielle », qui faisait de la photographie un signe produit par empreinte directe de son référent  – n’a en définitive que peu pris en compte l’écrasante masse d’images manipulées, éditées et retouchées. Le débat public s’est généralement concentré sur les problèmes éthiques posés par la retouche, en particulier dans les champs du photojournalisme ou de la photographie de mode, ou bien à travers l’encadrement légal de la publicité . Dans notre appréhension commune, la photographie reste synonyme d’enregistrement brut d’un champ visuel saisi à un instant donné. Or, ce que l’histoire des images composites met en évidence, c’est que la photographie a depuis toujours été manipulée de façon à construire du sens à partir d’images a priori neutres, ou apparemment documentaires.

Pour le 7e numéro de Transbordeur, dirigé par Laura Truxa, Max Bonhomme et Christian Joschke nous recherchons donc des contributions qui puissent interroger la pertinence de la notion d’« image composite » pour l’histoire et la théorie de la photographie, ainsi que dans le champ élargi des visual studies et des media studies. Un accent particulier sera mis sur les outils et les pratiques de l’image, de façon à questionner les limites entre retouche et montage, jusqu’à des logiciels comme Photoshop, qui jouent un rôle central dans notre culture visuelle contemporaine. Trois grands axes pourraient être distingués, sans que cela n’épuise la question. Une proposition qui ne s’inscrirait pas directement dans tel ou tel axe n’est donc pas à exclure.

Gestes, métiers et techniques des images composites

Cet axe s’intéresse aux gestes, métiers et techniques, notamment en rapport avec les pratiques d’editing propres aux métiers de l’imprimé et de la communication visuelle : presse, édition, publicité, graphisme. Déjà dans les années 1920, les praticiens avant-gardistes du photomontage ont régulièrement insisté sur les rapports entre ce procédé et l’imagerie publicitaire. Dans un article fondateur, Sally Stein avait, elle aussi, insisté sur le rôle des publicitaires dans le développement du photomontage moderne, parallèlement à ses usages artistiques . La recherche récente en histoire de la photographie a plutôt mis l’accent sur les métiers de la presse et de l’édition, mettant à jour le rôle des intermédiaires (metteurs en page, éditeurs, graphistes) dans l’élaboration de compositions photographiques, sans lien apparent avec les avant-gardes. Il s’agira donc d’interroger les gestes, métiers et techniques de l’image reproductible, de façon à évaluer le rôle de la culture de l’imprimé dans l’élaboration de nouvelles formes photographiques. 

Les outils numériques de Publication Assistée par Ordinateur (PAO) ont ouvert de nouveaux horizons aux pratiques de l’édition et méritent également notre attention. Le logiciel Photoshop, par exemple, a été analysé par Lev Manovich dans Software Takes Command (2013), dans le cadre d’un questionnement sur la continuité entre les outils analogiques de traitement d’image et les nouvelles pratiques numériques. Des propositions s’inscrivant dans cette réflexion permettraient de tracer un pont entre l’histoire de la photographie et les software studies.

Usages des images composites : production de savoirs et représentations prospectives

Le recours aux images composites vise souvent à compenser un défaut de visibilité, soit parce qu’il s’agit de rendre visible des phénomènes qui échappent à l’enregistrement direct, soit parce qu’il s’agit de prévisualiser quelque chose qui n’existe pas encore, ou qui n’existe que virtuellement. Le premier cas de figure permet notamment de décrire bon nombre des usages scientifiques ou parascientifiques de l’imagerie composite. Un exemple fameux nous en est fourni par les portraits composites de Francis Galton, développés dans les années 1880. Conçus pour rendre manifestes les traits physiques du criminel-type, par fusion d’une multitude de portraits individuels, ces portraits composites outrepassent la logique d’objectivité associée à la photographie pour aboutir, par composition, à la figuration d’un « type » prétendument universel. Comment ces usages de la photographie ont-ils évolué avec le temps et l’invention de nouveaux moyens techniques ? Quelles transformations la gestion informatique des masses d’images scientifiques a-t-elle induites dans les « composition » de l’imagerie scientifique ?

Nous proposons d’appeler « prospectives » les pratiques qui cherchent à prévisualiser un état des choses à venir. Dans ce cas, le recours à la photographie composite permettrait de donner un surcroît de réalisme à une chose qui n’existe encore qu’à l’état virtuel. Ces usages prospectifs de l’image composite pourraient être appréhendés notamment par le biais des techniques de visualisation architecturale, comme l’illustre déjà la pratique du collage photographique à l’école du Bauhaus, dans les années 1920, particulièrement chez Mies van der Rohe . Ces pratiques ont d’ailleurs connu un renouveau certain à l’ère du numérique, grâce aux logiciels de « rendus » qui visent à donner un traitement photoréaliste à l’imagerie de synthèse. Outre le domaine de l’architectural rendering, on pense aussi aux projections scientifiques de l’évolution climatique, où les images générées par algorithmes servent d’anticipation du réel.

Humour et satire à l’origine de compositions photographiques

Un quatrième axe de réflexion porte sur le jeu, l’humour et l’ironie dans le travail de composition photographique. L’historiographie a fait état de la tradition satirique de la caricature présente dans le photomontage politique. L’œuvre de John Heartfield est exemplaire de ce point de vue, par sa façon de transformer les photographies par des effets d’exagérations caricaturaux, de transposer visuellement des jeux de mots, ou encore de convoquer tout un imaginaire tératologique au service de la satire politique.

Ce goût du jeu et de la satire se retrouve aujourd’hui dans la culture du « mème ». Cultivant une ironie mordante, un mode de diffusion viral et une pratique subversive de l’appropriation, les mèmes d’Internet peuvent être considérés comme les dignes descendants du photomontage politique qui se développe dans l’entre-deux-guerres . Mais si la photographie y est très présente, elle n’en est pas non plus une condition nécessaire. Il faudra donc s’interroger sur la fluidité des frontières entre l’image graphique et l’image photographique au sein de ce mode de communication visuelle. Comme a pu le montrer Limor Shifman, la satire et l’ironie des mèmes à composante photographique prend notamment pour cible la théâtralité de la photographie de presse – dont les ficelles sont ainsi dévoilées –, comme celle des images de stock (stock photography) . La culture des mèmes témoignerait ainsi d’une conscience aiguë de l’image comme construction, mettant à mal les prétentions à l’objectivité de la photographie. En même temps, une grande partie de ces images composites tirent parti des « accidents » photographiques, ou du moins de l’enregistrement non-intentionnel de certaines formes expressives (expressions de visages, gestes) qui deviennent la base, le canevas (template) pour de futures réitérations du mème.

La publication du numéro 7 de la revue Transbordeur est précédée par une journée d’étude en février 2022, qui réunira les futures auteur·e·s et permettra de construire un échange entre les participant·e·s et les éditeur·e·s. La démarche associant une rencontre et l’élaboration d’un dossier de revue nécessite un calendrier resserré que les auteur·e·s s’engagent à respecter au moment de la soumission de leur proposition. 

Direction du dossier

  • Max Bonhomme (Université Paris Nanterre),
  • Laura Truxa (EHESS)
  • Christian Joschke (Beaux-Arts de Paris)

Calendrier 

  • 15 septembre 2021  abstracts

  • Fin septembre 2021  réponse aux auteur·e·s
  • 30 janvier 2022 première version des articles
  • Fin février 2022 journée d’étude à l’Université de Lausanne
  • 30 avril 2022 deuxième version des articles 
  • Février 2023  parution

Modalités de contribution

Les textes peuvent être soumis en français, allemand, italien et anglais. L’abstract ne doit pas excéder les 600 mots. Il est accompagné d’un dossier iconographique (6-8 images), d’une brève bibliographie et d’une notice biographique.

Le fait d’adresser un article à la revue suppose que les auteur·e·s ont pris connaissance et acceptent les directives éditoriales ainsi que le protocole de rédaction.

Les propositions d’articles sont à adresser à Laura Truxa

(truxa.laura@gmail.com), Max Bonhomme (maxbonhomme8@gmail.com) et Christian Joschke (christian.joschke@gmail.com)

avant le 15 septembre 2021.

Notes

1. Bernd Stiegler et Felix Thürlemann, Konstruierte Wirklichkeiten. Die fotografische Montage 1839-1899, Berlin, Schwabe Verlag, 2019. Voir la recension de Catriona MacLeod parue dans Transbordeur, n°5 (2021) : https://transbordeur.ch/fr/2021/bernd-stiegler-felix-thurlemann-konstruierte-wirklichkeiten/

2. History of Photography, vol.43, n°2 (2019), « Is Photomontage Over? », sous la direction de Sabine Kriebel et Andrés Mario Zervigón.

3 Clément Chéroux, « Les discours de l’origine. À propos du photogramme et du photomontage », Études photographiques, n°14, janvier 2004.

4 André Gunthert, « Une illusion essentielle. La photographie saisie par la théorie », Études photographiques, n°34, printemps 2016.

5 Depuis 2017, la loi française impose de faire figurer la mention « photographie retouchée » sur les clichés à usage commercial montrant « des mannequins dont l’apparence corporelle a été modifiée » (décret n° 2017-738 du 4 mai 2017).

6 Sally Stein, « The Composite Photographic Image and the Composition of Consumer Ideology », Art Journal, vol.41, n°1, 1981, p. 39-45.

7 Andreas Beitin, Wolf Eiermann, Brigitte Franzen (dir.), Mies van der Rohe: Montage, Collage, Londres, Koenig Books, 2017.

8 Sabine Kriebel, « Sparks of Discomfiture: On the Promise of Photomontage (or Back to Suture) », History of Photography, vol.43, n°2, p. 221-226.

9 Limor Shifman, « The Cultural Logic of Photo-Based Meme Genres », Journal of Visual Culture, vol.13, n°3, décembre 2014, p. 340-358


Dates

  • mercredi 15 septembre 2021

Mots-clés

  • photographie, image, montage, histoire de l'art, visual studies

Contacts

  • Max Bonhomme
    courriel : mbonhomme [at] dfk-paris [dot] org

URLS de référence

Source de l'information

  • Laura Truxa
    courriel : laura [dot] truxa [at] ehess [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Images composites », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 07 septembre 2021, https://doi.org/10.58079/174v

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