HomeThe fall of idols, building and representing political infamy in France, from the Renaissance to the present day

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The fall of idols, building and representing political infamy in France, from the Renaissance to the present day

La chute des idoles, construire et représenter l’infamie politique en France, de la Renaissance à nos jours

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Published on Monday, October 11, 2021

Abstract

« Entre la célébrité et l’infamie il n’y a qu’un pas, et peut-être moins » (Oscar Wilde, De Profundis, 1905). L’« infamie », terme couramment employé par les médias, nous rappelle, ô combien, elle transcende nos sociétés contemporaines, et plus encore la sphère politique. Recouvrant diverses significations et réalités, cette notion a pour étymologie l’ambivalente fama latine, qui est tout à la fois le bruit colporté, l’opinion publique et la renommée. Ce colloque se propose ainsi d’approfondir plusieurs perspectives afin de mieux comprendre les différents processus de construction et modes de représentation de cette notion d’infamie politique en France sur une période suffisamment large - de la Renaissance à nos jours - pour en distinguer les modalités de fonctionnement, les marqueurs et les évolutions.

Announcement

Argumentaire

Comme le disait Oscar Wilde, « entre la célébrité et l’infamie il n’y a qu’un pas, et peut-être moins » (De Profundis, 1905) : qu’elle renvoie à la théâtrale colère d’un ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy, appelé pour la première fois à la barre pour s’expliquer sur les actes de corruption qui lui sont reprochés, ou encore, outre-Atlantique, au Dixie Flag, emblème de l’extrême droite américaine, fièrement arboré dans la Rotonde du Capitole, « l’infamie », terme couramment employé par les médias, nous rappelle, ô combien, elle transcende nos sociétés contemporaines, et plus encore la sphère politique. Recouvrant diverses significations et réalités, cette notion a pour étymologie l’ambivalente fama latine, qui est tout à la fois le bruit colporté, l’opinion publique et la renommée. Figure allégorique monstrueuse, la Fama de Virgile et d’Ovide aurait été enfantée par Gaia, dans le seul but de nuire aux dieux et aux hommes. La “déesse funeste” voit tout, sa demeure, aux confins de l’univers, bruisse de toutes les voix et répand toutes les rumeurs : auteurs et lecteurs antiques seraient, dès lors, pris dans son piège[1]. À ces premières considérations poétiques, s’en greffent bien vite d’autres, législatives et morales.

D’un point de vue pénal, l’infamie, héritée du droit antique, propose en premier lieu un regard du pouvoir sur l’individu concerné, à savoir un criminel reconnu coupable d’un crime par le pouvoir judiciaire. Privé de fama, le condamné, affligé dans sa dignité, entre dans une nouvelle condition : celle d’infâme. Soumis à la vindicte populaire d’une foule à qui l’on permet d’assouvir ses pulsions et son animosité[2], l’individu est, au travers de l’arsenal punitif et répressif déployé, privé de toute existence sociale[3]. D’un point de vue moral, cette définition juridique, assimilant l’infamie à l’indignité, s’appuie sur les usages sociaux en vigueur. Témoin du regard d’une société sur la marginalité, elle désigne, dès lors, les exclus de tous bords (femmes, Juifs, lépreux, pauvres, prostituées, sorcières, vagabonds) et renvoie à maintes appellations (infâmes, exclus, marginaux, « sans-nom », cruels…). Dans cette perspective, l’infamia, au-delà de la catégorie d’indigène »[4], se définit comme une construction qui s’opère conjointement dans les domaines juridique, religieux et économique. La diversité des « Montrés du doigt » reflète de profondes et diverses mutations en relation avec la place grandissante de l’opinion publique depuis le milieu du XVIIIe siècle[5]. De ce point de vue, le XIXe siècle souligne une relative continuité. Définie comme « une flétrissure imprimée à l’honneur, à la réputation, soit par la loi, soit par l’opinion publique », l’infamie serait toujours, d’après l’édition de 1835 du Dictionnaire de l’Académie française « plus à craindre que la mort ». La naissance de la célébrité dès le milieu du XVIIIe siècle lui accorde une place prépondérante auprès d’une opinion publique alors en pleine effervescence. La littérature s’en fait d’ailleurs l’écho : que l’on pense à la fleur de lys inscrite au fer rouge sur l’épaule de Milady à la vengeance orchestrée par Edmond Dantès), les romans d’Alexandre Dumas mettent en scène l’infamie dans ses rapports avec le châtiment et le politique[6]. Les “infâmes” eux-mêmes n’hésitent plus à l’analyser, à l’instar des Mémoires de l’assassin Pierre-François Lacenaire[7].

Toutefois, demeure une autre définition, à proprement politique, intimement liée au régime en place, aux rapports de force qu’il induit et à la dignité qu’il escompte. La pratique de la damnatio memoriae antique[8], ritualisée sous forme d’un culte civique et religieux, traverse ainsi les siècles et démontre, dans les circonstances critiques, que la relation entre morale et droit ne peut se réduire au seul droit privé. Dès lors, l’infamie revêt une dimension spécifiquement politique liée au statut de citoyenneté accordé en France dès 1791. Tout au long du XIXe siècle, corollairement à la dépolitisation du concept de citoyenneté, le « méchant citoyen » moralement se substitue au « mauvais citoyen » civiquement. À ce titre, la Révolution de 1848 définit « l’indignité civique » non comme conséquence de la violation des devoirs, mais de la « probité », entendue comme respect de la propriété et des bonnes mœurs[9]. Les scandales politiques républicains, telles les affaires Dreyfus et Stavisky, laissent entrevoir les germes d’« un régime visuel de l’exclusion »[10]. L’évolution des images photographiques et de la presse illustrée française en atteste en partie, notamment au travers de la presse antisémite et nationaliste, de La Libre Parole d’Édouard Drumont à L’Action française de Charles Maurras.

De même qu’il convient de prendre en compte « les conditions de production de la célébrité »[11], il est nécessaire de questionner celles de son contraire qu’est l’infamie, qui renvoient à une cristallisation d’une multitude de représentations et de significations en fonction des enjeux politiques et idéologiques de la période. Dès lors, le travail de re- ou déconstruction mémorielle révèle un rapport de force dans la qualification morale et politique d’une personnalité et des idées qu’elle incarne à l’image des procédures de damnatio memoriae républicaine(12) ou encore des syndromes de déni(13). Néanmoins, l’infamie peut tout autant être l’objet de savants processus de déconstruction. En témoignent différents exemples comme celui de la « cancel culture » ou « call-out culture », pratique née aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement des individus, groupes ou institutions responsables d'actions, comportements ou propos perçus comme problématiques, ou encore celui récent du déboulonnement des statues de Colbert.

Ce colloque se propose ainsi d’approfondir ces perspectives afin de mieux comprendre les différents processus de construction et modes de représentation de cette notion d’infamie politique en France sur une période suffisamment large - de la Renaissance à nos jours - pour en distinguer les modalités de fonctionnement, les marqueurs et les évolutions. Analyser la manière dont on construit et représente l’infamie politique invite par conséquent à un dialogue interdisciplinaire entre histoire, science politique, littérature, histoire de l’art, culture visuelle et matérielle et sociologie. Les propositions pourront porter sur une étude de cas précise ou s’inscrire dans un ou plusieurs des thèmes suivants, qui n’épuisent pas le champ des possibles :

  • Les processus et conditions de construction de l’infamie politique,
  • Les figures de cette infamie,
  • Les lieux et formes politiques qui lui sont liés,
  • La rhétorique de l’infamie,
  • La mise en forme et en image de l’infâme : discours et représentations,
  • Les modalités de réception.

Modalités de soumission

Les propositions de communication, sous forme d’un court résumé (250-300 mots) accompagné d’un bref CV, devront être envoyées par courriel avant le 31 janvier 2022 à cette adresse : colloqueinfamie@gmail.com.

Le colloque se tiendra se tiendra à l’IRHIS (Université de Lille) et Sciences Po Lille les mercredi 26 octobre 2022 et jeudi 27 octobre 2022.

Comité d’organisation

  • Clarisse Evrard (Université de Lille, ALITHILA - IRHiS),
  • Julien Rycx (Université de Lille, IRHiS).

Comité scientifique

  • Isaure Boitel, MCF histoire moderne (Université de Picardie Jules Verne, CHSSC),
  • Jean-Marc Guislin, PU émérite histoire contemporaine (Université de Lille, IRHiS),
  • Hervé Leuwers, PU histoire moderne (Université de Lille, IRHiS),
  • Fiona McIntosh-Varjabédian, PU littérature comparée (Université de Lille, ALITHILA),
  • Cédric Passard, MCF science politique (Sciences Po Lille, CRAPS),
  • Pierre Wachenheim, MCF histoire de l’art moderne (Université de Lorraine, CRULH).

Notes

[1] MEUNIER (Isabelle), « Le renouvellement du motif épique du catalogue dans le Bellvm Civile de Lucain (1.392-522) : dangers et pouvoirs de la fama » in Lucain en débat : rhétorique, poétique et histoire, Pessac, Ausonius Éditions, 2010, p 63-75.

[2] BASTIEN (Pascal), L’exécution publique à Paris au XVIIIe siècle : Une histoire des rituels judiciaires, Seyssel, Champ Vallon, 2006.

[3] BEAUVIEUX (Fleur), article « Infamie », in FAGGION (Lucien), REGINA (Christophe), Dictionnaire de la méchanceté, Max Milo éditions, p. 162-163, 2013.

[4] TODESCHII (Giacomo), Au pays des sans-nom. Gens de mauvaise vie, personnes suspectes ou ordinaires du Moyen Âge à l’époque moderne, Lagrasse, essai traduit de l’italien par Nathalie Gailius, Verdier, 2015.

[5] LILTI (Antoine), Figures publiques. L’invention de la célébrité, 1750-1850, Paris, Fayard, 2014.

[6] CAPORAL-GRECO (Stéphane), « De l’infamie dans les romans d’Alexandre Dumas. Variations sur le thème de l’indignité », Cahiers Jean Moulin, n° 4, 2018.

[7] DEMARTINI (Anne-Emmanuelle), « L’infamie comme œuvre : L’autobiographie du criminel Pierre-François Lacenaire », Sociétés & Représentations, 2002/1, n° 13, p. 121-136.

[8] BENOIST (Stéphane), DAGUET-GAGEY (Anne), Un discours en images de la condamnation de mémoire, Metz, collection du CRUHL, n° 34, 2008 ; BENOIST (Stéphane), DAGUET-GAGEY (Anne), HOET-VAN CAUWENBERGHE (Christine), LEFEBVRE (Sabine), Mémoires partagées, mémoires disputées. Écriture et réécriture de l’histoire, Metz, collection du CRUHL, n° 39, 2009.

[9] SIMONIN (Anne), Le Déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité 1791-1958, Paris, Grasset, 2008.

[10] LARCHER (Jonathan), « Un siècle d’infamie. Jalons pour une histoire politique du « Romani cinema » », Recherches & Travaux, 93, 2018.

[11] VERHAEGHE (Sidonie), De la Commune de Paris au Panthéon (1871-2013) : célébrité, postérité et mémoires de Louise Michel. Sociologie historique de la circulation d’une figure politique, Thèse menée sous la direction de Michel Hastings, Université Lille II, 2016.

[12] RYCX (Julien), Georges Laguerre ou l’itinéraire d’un oublié de la République (1858-1912), Thèse menée sous la direction conjointe de Jean-Marc Guislin et Bertrand Joly, Université de Lille, 2021.

[13] ROUSSO (Henry), Le Syndrome de Vichy, Paris, Seuil, 1990 (1ère édition 1987).

Places

  • IRHIS (Université de Lille) - Domaine Universitaire du Pont de Bois, 3 Rue du Barreau
    Villeneuve-d'Ascq, France (59650)
  • Sciences Po Lille - 9 rue Auguste Angellier
    Lille, France (59000)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Monday, January 31, 2022

Keywords

  • infamie, politique, représentation

Contact(s)

  • Julien Rycx
    courriel : julien [dot] rycx [at] univ-lille [dot] fr
  • Clarisse Evrard
    courriel : clarisse [dot] evrard [at] univ-lille [dot] fr

Information source

  • Julien Rycx
    courriel : julien [dot] rycx [at] univ-lille [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« The fall of idols, building and representing political infamy in France, from the Renaissance to the present day », Call for papers, Calenda, Published on Monday, October 11, 2021, https://doi.org/10.58079/17ce

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