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Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

Les nouveaux territoires de la ligne

The new territories of lines

Journée d’étude sur le dessin contemporain

Study day on contemporary drawing

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Publié le lundi 11 octobre 2021

Résumé

Quels sont les « nouveaux territoires » des pratiques contemporaines du dessin ? Il s’agira, au long de cette journée, d’en éprouver la pluralité : sculpture, vidéo, danse, installation. La journée souhaite insister sur les dialogismes que l’intermédialité actuelle de cette pratique implique, avec les autres arts comme avec d’autres domaines (techniques, scientifiques). Sans présupposer que ces hybridations soient nécessairement nouvelles, le dessin contemporain sera un point de départ fécond pour mettre en lumière les interactions possibles entre pratique artistique et, par exemple, ingénierie, urbanisme, ou encore informatique. Constatant que ces hybridations prennent parfois des formes monumentales, qu’elles quittent même les murs des musées, nous attacherons une importance particulière à discuter l’investissement par le dessin de l’espace public à partir de cas pratiques.

Annonce

Argumentaire

Dans les années 1990-2000 se construisent les premières carrières internationales exclusivement bâties sur le papier - ce sont celles de Raymond Pettibon, William Kentridge, Paul Noble ou encore de Silvia Bächli. Il s’agit d’une rupture dans l’histoire d’un médium qui a jusque-là plutôt été appréhendé comme une « esquisse » en vue d’une autre production (peinture, sculpture, cinéma, arts vivants), au point où Françoise Jaunin propose de parler, après des « années vidéo » et des « années photo » (1980-90) des « années dessin ». Plusieurs expositions sont la caisse de résonance de cette nouvelle autonomie du médium graphique, notamment au MOMA en 2002 et en 2011, au Louvre et au Centre Pompidou en 2005, au Musée Rath de Genève en 2010 et au Musée des Beaux-Arts de Nancy en 2020. Les Hauts-de-France ont été en 2011 et en 2012 la scène d’un vaste programme d’expositions autour du dessin intitulé Dessiner-Tracer, le dessin dans tous ses états, sous la coordination de l’ancienne Association des conservateurs des musées du Nord/Pas-de-Calais.

Mais qu’appelle-t-on le « dessin » contemporain ? Certaines productions récentes affirment volontiers la spécificité de leur rapport au papier, par exemple en convoquant un cousinage étroit avec l’écriture. Or, cette qualité ne semble pas suffire. Figure d’un « acte de résistance à la numérisation » - dans les termes de Karine Tissot - le dessin s’allie pourtant aujourd’hui avec succès à l’informatique avec le dessin assisté par ordinateur. Outil privilégié d’une réflexion sur l’éphémère (Manon Bellet, Sans Titre, 2010, 2012 ; Latifa Echakhch, A chaque stencil sa révolution, 2010), il se prend aussi à s’imprimer dans les mémoires d’internet grâce à l’art vidéo (Koka Ramishvili, Black Sea (Change in a Drawing Orchestra), 2009 ; William Kentridge, Drawings for Projections, 1989-2003). Loin d’être monolithique, l’ensemble des pratiques contemporaines du dessin apparaissent donc, pour le non-spécialiste, difficiles à circonscrire. Et pour cause, s’il ne perd pas toujours son rapport initial à la main et au tracé, le dessin quitte fréquemment le support du mur ou de la feuille, et ce depuis au moins les années soixante. Julie Enckell Julliard place même la double origine du dessin contemporain en 1953, dans deux œuvres de de Kooning, qui consacrent à la fois la matérialité (Erased de Kooning Drawing, 1953) et la dissolution du médium vers une dimension performative (Automobile Tire Print, 1953). Transmis à la ligne dansée (Trisha Brown, It’s a draw, 2018) ou marchée (Richard Long, A line made by walking, 1967 ; Francis Alÿs, The leak (Sao Paolo and Gent), 1995), le dessin semble s’affranchir de sa dimension strictement « manuelle » pour procéder plus largement du corps de l’artiste ; dénotant, au-delà du signe, une « substance », une « mécanique vitale », comme l’écrit l’artiste Michelangelo Pistoletto dans son poème Vivere nel disegno (1983). La ligne en mouvement préfigurée par Paul Klee, Wassily Kandinsky ou Henri Michaud devient de plus en plus tangible lorsque le dessin contemporain s’hybride avec le cinéma ou l’animation chez des artistes comme Vincent Glowinsky ou Catherine Rebet et retrouve ainsi, si l’on croit le mythe de Pline, son ancienne complicité avec l’image projetée. 

Pour expliquer l’émergence de pratiques au sein desquelles le résultat graphique n’est guère plus lié à ce qu’implique historiquement de « dessiner » en termes d’outils et de supports, Thierry Davila utilise certains aspects d’un concept employé par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Milles Plateaux, la « déterritorialisation ». Le médium se serait transformé suivant une logique qui ne serait ni celle de la filiation, ni celle du départ à zéro, mais en procédant par ouverture de nouveaux territoires graphiques. Le sens et l’efficacité de cette activité proviendrait alors d’une « relance non nostalgique du trait et de sa mémoire ». Ces « nouveaux territoires » du dessin peuvent être considérés comme objet d’étude à part entière, comme le propose par exemple Virginie Peyramayou dans son étude doctorale centrée sur les approches intermédiales du dessin. 

À partir de ces observations, se pose pour nous la question de la définition actuelle de ce médium. Car en effet, comme le soulignent les auteurs cités, ce que l’on qualifie aujourd’hui de « graphique » est souvent perçu au sein de pratiques qui cessent tout à fait de mobiliser la main et la feuille de papier. L’épithète qualifie plutôt un ensemble de formes qui convoquent le trait pour évoquer l’émergence d’une immédiateté gestuelle, par exemple sur le mode de l’esquisse ou du griffonnage. Elles se reconnaissent dans des productions sculpturale ou installatives, parfois monumentales, faites de métal (Sandrine Pelletier, Goodbye Horses, 2009), de laine (Eva Hesse, Chiharu Shiota) ou même de bandes magnétiques (Fred Sandback), ces matériaux suspendus ou entremêlés produisant des « graphiques atmosphériques », selon le terme de Thierry Davila. Pour ce dernier, ces formes sont alors probablement plus héritières de la Sculpture de Voyage de Duchamp (1918) que de « dessins » à proprement parler. Également proches du médium sculptural, les productions en 3D des œuvres de Jeffrey Shaw, Maurice Benayoun ou encore Char Davies laissent voir des objets qui, quoi qu’on les dise « dessinés », ont la possibilité d’être expérimentés par une découverte progressive et interactive. 

Si le dessin contemporain nous questionne, c’est aussi dans la visée d’instruire la relation de ces nouvelles pratiques, d’une part, à un art de grand format investissant l’espace public, d’autre part aux pratiques collaboratives et finalement aux techniques de dessins plus industrielles et scientifiques. Car en effet, se jouant de l’assignation au seul geste d’un dessinateur, le dessin contemporain a les moyens de présenter une interactivité originale : on pense par exemple aux dessins tracés par le vent de Bernard Moninot (La mémoire du vent, 1999) ou par les spectateurs des œuvres de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau. Cet environnement déborde désormais les seuls murs du musée pour investir l’espace public - suscitant peut-être, en retour, son artification - dans une intention purement esthétique comme chez Christo et Jeanne-Claude ou avec une portée plus politique, par exemple chez Thomas Hirschhorn. Ces nouvelles configurations suscitant des besoins pratiques particuliers, le dessin se fait aussi le support d’un dialogue extra-artistique, jusqu’à atteindre des champs dits techniques et scientifiques. Chez Christo et Jeanne-Claude, une valeur artistique est produite par adjonction à partir des données techniques de dessins dont les auteurs sont ingénieurs, rendant mixte le résultat final. Dans l’interaction interdisciplinaire, le dessin constitue en effet à la fois un vocabulaire commun et l’outil d’un dialogue performé. Ce phénomène s’incarne tout à fait dans le contexte plus récent où les résidences d’artistes ont investi les laboratoires scientifiques. L’installation Plus ou moins l’estran conçue dans le cadre du projet Airlab par les artistes Sébastien Cabour et Pauline Delwaulle, en collaboration avec les enseignants-chercheurs Alain Trentesaux et Olivier Cohen, atteste par exemple des tendances collaboratives et interdisciplinaires du dessin artistique. Donnant lieu à une œuvre constituée à partir des données GPS fournies par les passants d’une plage de Dunkerque, ces lignes plus pérennes que des marques réelles interrogent le rapport à la trace que le dessin peut alors partager avec la photographie ou le film, notamment lorsqu’il bénéficie d’un dialogue avec la science. 

Toutes ces hybridations possibles du dessin depuis les années 60 semblent confirmer l’intérêt scientifique des discussions que nous vous invitons à engager lors de cette rencontre en vous suggérant les quelques pistes de réflexion ci-dessous. 

Axes d’étude

La présente journée est ouverte aux contributions qui permettront de poursuivre une réflexion sur les spécificités du dessin contemporain. Deux directions attirent particulièrement notre intérêt pour les pratiques contemporaines du dessin : 

  • L’investissement de l’espace public par le dessin contemporain 
  • Les dialogismes à l’œuvre dans le dessin contemporain (collaboration, interdisciplinarité, intermédialité) 

Modalités pratiques

  • La journée d’étude aura lieu en présentiel à l’université de Lille le mardi 7 décembre 2021
  • Les communications prendront la forme d'un exposé de 30 minutes, suivi de 15 minutes de discussion. Les présentations à plusieurs (collaborations entre chercheurs et artistes) sont encouragées, ainsi que celles discutant des recherches-création.
  • Des collations seront offertes aux participants.
  • Les frais de déplacements et d’hébergement ne pourront pas être pris en charge.
  • Pour les événements de ce type, la présentation d’un « passe sanitaire » est actuellement requise en France.

Modalités de participation

Les propositions de communication doivent être rédigées en français. Les propositions de communication, de 3500 signes (espaces compris), doivent contenir :

  • un titre
  • un résumé de la présentation
  • une courte présentation bio-bibliographique comprenant les coordonnées personnelles et le laboratoire de rattachement des intervenants

Les propositions doivent être envoyées à l'adresse mail suivante : carla-mariana.da-costa@univ-lille.fr 

Calendrier

La date limite de réception des propositions de communication est fixée au 31 octobre 2021.

La communication de l’acceptation des propositions sera faite uniquement par mail, à l’adresse informée par les candidats, avant le 15 novembre 2021. 

Informations supplémentaires

Cette journée est hébergée par le Centre d’étude des arts contemporains (CEAC ULR 3587), à l’université de Lille. Elle s’inscrit dans le sillage des manifestations scientifiques autour du dessin organisées par le CEAC notamment en 2009 (JE intitulée Les pratiques actuelles du dessin) et en 2011 (JE intitulée La ligne parcourt les arts), lors desquelles une première discussion sur la ligne et les pratiques actuelles du dessin avait été entamée, non seulement en arts plastiques, mais s’ouvrant aussi à d’autres champs artistiques. La journée est soutenue financièrement grâce à un projet labellisé par la Maison des sciences de l’homme Paris Nord (MSH PN) intitulé « La signature artistique, oblitération de la collaboration technique ? Les tensions auctoriales à l’œuvre dans The Gates de Christo et Jeanne-Claude », co-porté par Carla Mariana da Costa, doctorante en philosophie esthétique à l’université de Lille, rattachée au Centre d’étude des arts contemporains (CEAC ULR 3587) et Léa Jusseau, doctorante en philosophie esthétique à l’université de Lausanne. La journée d’étude est co-organisée avec Renata Andrade, doctorante en arts rattachée à l’équipe TEAMeD (Théorie Expérimentation Arts Médias et Design) de l’unité de recherche Arts des images et Art contemporain (AIAC EA 4010) de l’Université Paris 8. 

Comité de sélection

  • Carla Mariana da Costa, doctorante en philosophie esthétique à l’université de Lille, rattachée au Centre d’étude des arts contemporains (CEAC ULR 3587)
  • Léa Jusseau, doctorante en philosophie esthétique à l’université de Lausanne
  • Renata Da Silva Andrade, doctorante en arts rattachée à l’équipe TEAMeD (Théorie Expérimentation Arts Médias et Design) de l’unité de recherche Arts des images et Art contemporain (AIAC EA 4010) de l’université Paris 8.

Partenaires scientifiques 

  • Centre d’étude des arts contemporains (CEAC ULR 3587)
  • Maison des sciences de l’homme Paris Nord (MSH PN) 
  • Université de Lille

Contacts

  • Carla Da Costa : carla-mariana.da-costa@univ-lille.fr
  • Léa Jusseau : lea.jusseau@unil.ch 
  • Renata Andrade : Renata.andrade@univ-lille.fr

Bibliographie indicative

Besson, Rémy, « Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité à l’époque contemporaine », rapport de recherche, 2014 [En ligne]. 

Dexter, Emma, Vitamin D : New Perspectives in Drawing, New York, Phaidon Press, 2005.

Focillon, Henri, Éloge de la main, dans Vie des formes suivi de Éloge de la main, PUF, Coll. « Quadrige » 2013 [1943].

Holin, Alexandre ; Poisson-Cogez, Nathalie (dir.), Espaces dessinés, espaces du dessin [actes du symposium tenu à Villeneuve d'Ascq, au LAM, Lille métropole, musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, en décembre 2011], Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion,  Coll. « Histoire de l’art », 2014.

Kovats, Tania, The Drawing Book : A survey of Drawing : the Primary Means of Expression, Londres, Black Dog publishing, 2005.

Peyramayou,Virginie, « Dessin contemporain : vers une approche intermédiale. », Litter@ Incognita, Toulouse : Université Toulouse Jean Jaurès, n°7 « Territoire et intermédialité », automne 2016, [En ligne].

Pistoletto, Michelangelo, Vivere nel disegno (1983) in Il grande disegno, Catalogue de la Biennale de Florence, Alinari, Florence, 1983.

Rajewsky Irina, « Intermediality, Intertextuality, and Remediation : A Literary Perspective on Intermediality », Intermediality: History and Theory of the Arts, Literature and Technologies, n° 6 : Remediation, 2005, p. 51-52. [En ligne]

Revue Rouge Gorge, Paris, Hartpon éditions, 2003-aujourd’hui.

Schmidlin, Laurence, « L’évènement du dessin », Roven n°10, Paris, éditions Roven, 2013. 

Schmidlin, Laurence, La spatialisation du dessin dans l’art américain des années 1960 et 1970, Dijon, Les presses du réel, 2019. 

Soulier, Françoise - catalogue Invention et transgression, le dessin au XXe siècle, Paris, Centre Pompidou, 2007.

Tissot, Karine, Jaunin, Françoise, Davila, Thierry, Enckell Julliard, Julie, Frédéric Magazine, Trait papier – Un essai sur le dessin contemporain, Genève, L’apage – Atrabile, 2012. 

Tormey, Jane ; Selby, Andrew, Sawdon, Phil (eds), Drawing Now : Between the lines of Contemporary Art, Londres, Bloomsbury publishing, 2007. 

Lieux

  • Lille, France (59)

Format de l'événement

Événement uniquement sur site


Dates

  • dimanche 31 octobre 2021

Contacts

  • Carla Da Costa
    courriel : carla-mariana [dot] da-costa [at] univ-lille [dot] fr

Source de l'information

  • Renata Andrade
    courriel : renata [dot] andrade02 [at] etud [dot] univ-paris8 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les nouveaux territoires de la ligne », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 11 octobre 2021, https://doi.org/10.58079/17ci

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