HomeAlsace ou Alsaces ? Ligne de partage, histoire partagée
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Published on Monday, November 22, 2021

Abstract

L’objet de ces journées d’étude est de revenir, d’une part, sur ce qui fait l’unité et le morcellement de l’Alsace dans son passé et, d’autre part, sur la construction d’une vision unifiée ou morcelée de l’Alsace chez les historiens d’aujourd’hui. Souhaitant dépasser tout manichéisme, elles proposent de s’interroger sur la complexité de l’histoire de l’Alsace et la complexité à écrire l’histoire de l’Alsace en adoptant une approche à la fois historique et « ego-historique ».

Announcement

Argumentaire

Alsace ou Alsaces ? Le 7 avril 2013, les électeurs alsaciens étaient invités à se prononcer par voie de référendum sur un projet de réforme territoriale devant aboutir à la création d’une Collectivité territoriale d’Alsace par fusion du Conseil régional d’Alsace, du Conseil général du Bas-Rhin et du Conseil général du Haut-Rhin. Aux yeux des observateurs, l’approbation de cette réforme, portée par la majorité des élus des trois assemblées concernées, ne devait pas poser de difficultés particulières dans une région réputée pour sa cohésion ; un sondage avait d’ailleurs prédit une large victoire du « oui » quelques semaines avant le scrutin. Le « oui » l’emporta bien avec 57,7 % des voix à l’échelle de l’Alsace, mais les conditions requises par la loi pour que le projet soit validé n’étaient pas réunies, à savoir une majorité de « oui » et une participation supérieure au quart des inscrits dans chacun des deux départements. Si le « oui » obtint 67,5 % des suffrages exprimés dans le Bas-Rhin, le « non » recueillit 55,7 % des voix dans le Haut-Rhin, et la participation fut inférieure à 25 % des inscrits dans les deux départements alsaciens. L’échec retentissant de ce référendum révéla au grand jour une fracture géographique entre le Nord et le Sud de la région[1] et, de ce fait, l’existence d’au moins deux Alsace.

Les réformes territoriales qui ont suivi ce référendum ont entraîné la disparition de la Région Alsace, fusionnée avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne dans le Grand Est. Cette dissolution a provoqué de nombreuses protestations et manifestations institutionnelles et populaires, ainsi qu’un regain des mouvements régionalistes et autonomistes alsaciens[2]. L’expression d’un « désir d’Alsace » a finalement conduit à la création d’une Collectivité européenne d’Alsace par la fusion des Conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à l’intérieur de la grande région, les deux départements continuant cependant à exister en tant que circonscriptions administratives de l’État.

Ces réformes territoriales successives ont amené un certain nombre d’historiens engagés politiquement à prendre position sur la question de l’unité et de l’identité de l’Alsace, laissant apparaître un véritable clivage entre des historiens qualifiés de « jacobins » et d’autres de « régionalistes » sans que les uns et les autres se définissent nécessairement comme tels. Les premiers considèrent que l’unité de l’Alsace est un mythe et que l’Alsace est d’abord une expression géographique sans identité commune prononcée. Ils insistent sur l’émiettement de l’Alsace, véritable puzzle de territoires, seigneuries et cités sous le Saint-Empire Romain Germanique, et sur la dualité entre Sundgau et Nordgau, Haute-Alsace et Basse-Alsace, puis Haut-Rhin et Bas-Rhin au cours de l’Histoire. Pour eux, l’Alsace est une invention française qui procède des guerres de conquête de Louis XIV et de la Révolution française tandis que l’unité de l’Alsace est une fiction développée par les Alsaciens installés à Paris après l’annexion de 1871. Les seconds pensent, au contraire, que l’Alsace est une vraie région bien avant le XVIIe siècle et qu’il existe un peuple alsacien et une identité alsacienne. Ils soulignent que la langue ancestrale de l’Alsace est l’allemand et que sa culture est germanique. Ils militent pour que le drapeau Rot un Wiss soit reconnu comme le symbole de la région. Sur le plan politique, ils insistent tout particulièrement sur la période du Reichsland et la constitution de 1911 qui accorda une large autonomie à l’Alsace-Lorraine au sein de l’Empire allemand.

Les tenants de ces deux courants s’accusent mutuellement de sortir de la posture de l’historien et d’écrire une histoire partisane pour mieux revendiquer le monopole de la vérité historique, voire contester la légitimité de l’autre à faire de l’histoire de l’Alsace. Les premiers critiquent l’histoire instrumentalisée et militante des « régionalistes », tandis que ces derniers dénoncent, à grand renfort de points d’exclamation, l’histoire « frelatée » ou « falsifiée » par le roman national français ainsi que l’histoire « officielle » produite par des acteurs aussi divers que l’Université, l’Éducation nationale, les collectivités territoriales, les sociétés patriotiques et la presse quotidienne régionale. Si l’on compte au moins deux Alsace, il en existe aussi des visions antagonistes : l’histoire de la région ne serait-elle alors qu’une guerre d’étiquettes ?

Dans ce contexte politique et historiographique, l’objet de ces journées d’étude est de revenir, d’une part, sur ce qui fait l’unité et le morcellement de l’Alsace dans son passé et, d’autre part, sur la construction d’une vision unifiée ou morcelée de l’Alsace chez les historiens d’aujourd’hui. Souhaitant dépasser tout manichéisme, elles proposent de s’interroger sur la complexité de l’histoire de l’Alsace et la complexité à écrire l’histoire de l’Alsace en adoptant une approche à la fois historique et « ego-historique ». Les communications pourront concerner toutes les périodes de l’Histoire et porter notamment sur les questionnements suivants :

  • Quelles sont les origines historiques de la division entre le Nord et le Sud de l’Alsace révélée par le référendum de 2013 ?
  • Les études sur l’un des deux départements, une localité ou un espace particulier permettent-elles de tirer des conclusions à l’échelle de la région ?
  • Le sentiment d’appartenance à la région est-il plus prononcé que le sentiment d’appartenance à la nation, au département, à la commune, à la communauté ? Quel sentiment d’appartenance domine selon les lieux et les époques ?
  • Comment se développent les visions unifiées ou morcelées de l’Alsace à travers le temps dans la région et à l’extérieur de celle-ci (depuis le reste de la France, du monde germanique ou d’ailleurs) ? 
  • Les visions de l’Alsace forgées par ses habitants sont-elles les mêmes selon qu’ils soient ou non d’ascendance alsacienne ? selon qu’ils s’expriment en français, en allemand ou en dialecte ? selon qu’ils appartiennent à telle ou telle communauté ?
  • Quels points de convergence et quelles différences peut-on constater entre ces visions ? 
  • Quelle est l’influence de l’engagement politique des historiens sur leur façon d’écrire, d’expliquer et d’interpréter le passé de la région ? L’historien de l’Alsace peut-il être un citoyen engagé ?
  • Enfin, dans quelle mesure le parcours individuel et l’histoire familiale des historiens influencent-t-ils leur vision de l’histoire de l’Alsace ?

Modalités de soumission

Les propositions de communication devront parvenir aux adresses suivantes :

  • claude.muller@unistra.fr
  • nicolas.lefort68@orange.fr
  • christine.esch@creditmutuel.fr

avant le 15 janvier 2022.

Elles contiendront :

  • Le titre provisoire de la communication.
  • Un résumé français de moins d’une page.
  • Une brève présentation de l’auteur (fonctions actuelles, titres universitaires, rattachement institutionnel, principales publications).

Calendrier

  • Date limite d’envoi des propositions : 15 janvier 2022.
  • Réponse du comité d’organisation : 1er février 2022.
  • Journées d’étude à la Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel à Strasbourg : jeudi 16 et vendredi 17 juin 2022.
  • Rendu des textes pour publication : 31 décembre 2022 (modalités précisées ultérieurement).

Organisation et sélection des propositions

  • Claude Muller, professeur et directeur de l’institut d’histoire d’Alsace à l’université de Strasbourg, UR 3400 ARCHE.
  • Nicolas Lefort, docteur en histoire de l’université de Strasbourg, associé UR 3400 ARCHE.
  • Christine Esch, conservatrice de la Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel.

 Notes

[1] Richard Kleinschmager, « Le référendum sur la Collectivité territoriale d’Alsace du 7 avril 2013 », Revue d’Alsace, no 139, 2013, p. 401-420.

[2] Richard Kleinschmager, « Les élections départementales et régionales de 2015 en Alsace », Revue d’Alsace, no 142, 2016, p. 359-388.

Subjects

Places

  • Strasbourg, France (67)

Date(s)

  • Saturday, January 15, 2022

Keywords

  • histoire régionale, Alsace, région

Contact(s)

  • Nicolas Lefort
    courriel : nicolas [dot] lefort68 [at] orange [dot] fr

Information source

  • Nicolas Lefort
    courriel : nicolas [dot] lefort68 [at] orange [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Alsace ou Alsaces ? Ligne de partage, histoire partagée », Call for papers, Calenda, Published on Monday, November 22, 2021, https://doi.org/10.58079/17p4

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