AccueilQuand le soin est facteur d’inégalités. L’accès aux soins entre universalisme et particularisme

Calenda - Le calendrier des lettres et sciences humaines et sociales

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Publié le mardi 23 novembre 2021

Résumé

Le système de soin au sens large (préventif et curatif) est souvent perçu comme un facteur d’égalisation entre individus. Il l’est au sens où il assure, dans la plupart des pays européens, un égal accès de tous aux soins. Toutefois, les soins prodigués ne sont pas identiques d’un patient à un autre et sans doute ne peuvent-ils pas l’être. Un fossé existe entre l’accès aux ressources et l’usage réel de ces dernières de sorte que, paradoxalement, en même temps qu’il contribue à égaliser les conditions de vie, le système de soin nourrit les inégalités. Pour chacune de ces sessions, nous choisirons des terrains d’étude ciblés. À chaque fois, il s’agira de se demander ce qu’il en est de cette promesse universaliste d’égalité inscrite au fondement de notre système de santé, dans un contexte où l’offre de soins semble se tarir ou se fragmenter.

Annonce

Présentation

Le système de soin au sens large (préventif et curatif) est souvent perçu comme un facteur d’égalisation entre individus. Il l’est certes en partie au sens où il assure, dans la plupart des pays européens, un égal accès de tous aux soins. La visée universaliste suppose bien de garantir, par la mutualisation des risques, que - riches ou pauvres, malades ou bien-portants - les citoyens puissent accéder aux dispositifs préventifs et curatifs que requièrent leurs besoins tout au long de leur vie. Toutefois, comme on le sait, les soins prodigués ne sont pas identiques d’un patient à un autre et sans doute ne peuvent-ils pas l’être. Par ailleurs, comme on le sait aussi, un fossé existe entre l’accès aux ressources et l’usage réel de ces dernières de sorte que, paradoxalement, en même temps qu’il contribue à égaliser les conditions de vie, le système de soin nourrit les inégalités.

Le soin, facteur d’inégalités : tel est donc le constat paradoxal que cette journée d’étude prendra pour point de départ. Plus précisément, nous distinguerons deux modalités d’aggravation des inégalités qui seront les objets de la matinée et de l’après-midi :

  1. Le traitement indifférencié de situations qui pourtant nécessiteraient des traitements distincts, ce que nous traduisons par le titre « ignorer les différences ».
  2. Le traitement différencié de situations qui pourtant nécessiteraient des traitements identiques, ce que nous traduisons par le titre « créer des différences ».

Pour chacune de ces sessions, nous choisirons des terrains d’étude ciblés. À chaque fois, il s’agira au fond de se demander ce qu’il en est de cette promesse universaliste d’égalité inscrite au fondement de notre système de santé, dans un contexte où l’offre de soins semble se tarir ou se fragmenter. Peut-on encore la tenir ?

Programme

9h30 : Accueil et présentation de la journée

  • Emmanuel Hirsch, Directeur de l’Espace éthique Ile-de-France, Professeur en éthique médicale, Université Paris-Saclay, CESP/Inserm/Paris-Saclay
  • Alexia Jolivet, Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, UR 1610 Etudes sur les Sciences et les Techniques, Université Paris-Saclay

Matinée : Ignorer les différences

  • 9h45-11h15 : Une stratégie vaccinale aveugle aux inégalités ? L’exemple de la Covid-19 (table ronde)

Cette session partira de plusieurs constats : non seulement certains territoires parmi les plus pauvres et les plus touchés par le virus de la Covid-19 n’ont pas été priorisés dans le cadre de la stratégie vaccinale mais ces mêmes territoires se sont en plus avérés être les moins couverts par la vaccination. Aurait-il fallu et faudra-t-il à l’avenir moduler la stratégie vaccinale en fonction des inégalités sociales ? Plus généralement, d’autres critères de priorisation auraient pu être établies que ceux qui ont été choisis sur la recommandation de la HAS (2020). Lesquels ? C’est ici la question d’Amartya Sen - égalité de quoi ? - qui s’est posée et se posera à nouveau (1979). Au-delà du choix des critères de priorisation, c’est aussi la question de la mise en œuvre des critères à l’échelle locale car, à ce niveau aussi, la campagne vaccinale a pu contribuer à accroître les inégalités sociales et territoriales de santé.

Modération : Paul-Loup Weil-Dubuc, Docteur en philosophie, Responsable de la recherche, Espace éthique de la région Ile-de-France, INSERM/Paris-Saclay/CESP U1018

Intervenants :

  • Luc Ginot, Directeur de la Santé Publique, Agence Régionale de Santé Ile-de-France
  • Sylvain Emy, Médecin généraliste, Président de la Communauté Professionnelle de Territoire de Santé du 14è arrondissement de Paris
  • Florence Jusot, Professeure en économie de la santé, Paris-Dauphine-PSL, membre du Comité Consultatif National d’Éthique

11h15-11h30 : Pause

  • 11h30-12h30 : Ne pas concevoir les inégalités. Le cas d’un dispositif de e-santé

Les technologies, notamment numériques, bénéficient d’un paysage sanitaire qui se transforme durablement à la faveur d’un soin dématérialisé (big data et intelligence artificielle, systèmes informatisés), personnalisé (santé connectée et auto-mesure), à distance (télémédecine, virage ambulatoire) ou d’assistance (robotique). Si les technologies réinterrogent les territoires de la santé, sont-elles, pour autant, porteuses pour autant d’un nouvel « aller vers », rendu plus prédictif par les technologies et gouvernance informationnelles (Pierron, 2016), plus capacitant par les promesses d’autonomisation et d’accessibilité (Wisnia-Weill, 2020), plus spatialisé par le développement d’équipements généralisés (Kesteman, 2020) ? Nous interrogerons les conditions sous lesquelles des technologies de la santé pourraient « concevoir » les inégalités, c’est-à-dire les appréhender, les comprendre, les admettre.

Sur la base de l’étude d’un cas d’un dispositif de e-santé, nous serons amenés à questionner plusieurs pans d’une conciliation d’un « design des singularités », anthropocentré et d’un design universel, technocentré (Grosjean, Bonneville, 2007).

Modération : Alexia Jolivet

Intervenants :

  • Anne Mayère, Professeure émérite en Sciences de l’Information et de la Communication, CERTOP, IFERISS, Université de Toulouse
  • Nawal Bakouri (à confirmer), Directrice de l’École de design de Valenciennes

Après-midi : créer des différences

  • 14h-15h30 : Soigner en pratique, faire une différence ? (table ronde)

De nombreuses études tentent aujourd’hui d’établir l’existence de « soins différenciés » (RFEA, 2019), autrement dit de différences dans la prise en charge, qu’aucune raison médicale ne justifie et qui s’expliquent essentiellement par les préjugés des soignants. La mise en évidence de ces différences, et en particulier la traque des biais cognitifs des soignants, pour légitimes qu’elles soient et essentielles dans la lutte contre les inégalités sociales de santé, n’en posent pas moins des questions épistémologiques et éthiques importantes. Dans la mesure où tout soin est toujours particulier par définition, un soin sans biais, impartial en quelque sorte, est-il possible ? Ce que nous pourrions gagner en impartialité ou en neutralité du soin, ne le perdrions-nous pas en capacité d’adaptation ou d’écoute ? Enfin de quoi témoignent ces différences dans les soins ? Révèlent-elles une hiérarchie implicite des valeurs attribuées aux existences ?

Modération : Fabrice Gzil, Directeur adjoint de l’Espace éthique Ile-de-France, Université Paris-Saclay, CESP/Inserm/Paris-Saclay

Intervenants :

  • Elie Azria, Chef de Service Maternité Notre Dame de Bon Secours, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier, Université de Paris, Equipe de recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé)
  • Cyrielle Claverie, Présidente de la commission Santé, bien-être, bientraitance du CNCPH, Cheffe de projet accompagnement des personnes en situation de handicap à la Croix-Rouge Française et Noémie Naulleau, Conseillère Autonomie à l’ARS Pays-de-la-Loire
  • Sylvie Morel (à confirmer), Maîtresse de conférences en sociologie, Université de Nantes, Centre Nantais de Sociologie

15h30-15h45 : Pause

  • 15h45-16h45 : Accessibilité, équité et continuité des soins psychiatriques en milieu carcéral : un enjeu majeur de santé publique (étude de cas)

Dans les prisons françaises, la prévalence des troubles psychiatriques est élevée et le taux de suicide, sept fois supérieur à celui observé en population générale, est parmi les plus hauts retrouvés en Europe. Par ailleurs, un accès insuffisant aux soins psychiatriques dans cette population a été plusieurs fois dénoncé (Human Rights Watch, 2016). Ce phénomène est-il essentiellement dû à un manque de moyens alloués à la psychiatrie ? Pourquoi, depuis de nombreuses années, avoir privilégié le développement d’une filière de soins psychiatriques spécifiquement dédiées aux personnes incarcérées, plutôt que le renforcement des structures hospitalières sécurisées de psychiatrie générale ?

Il s’agira, à partir d’un cas clinique, d’interroger la tension à l’œuvre entre, d’une part, une logique de réduction des inégalités d’accès aux soins en prison basée sur le respect d’un principe d’équivalence entre les soins accessibles aux populations carcérale et générale et, d’autre part, la nécessité de prendre en considération certaines spécificités propres aux troubles psychiatriques en prison afin de proposer des prises en charge adaptées.

Modération : Anne-Caroline Clause-Verdreau, Médecin de santé publique, Observatoire des pratiques éthiques, Espace éthique de la région Ile-de-France

Intervenants :

  • Thomas Fovet, psychiatre, Unité d’Hospitalisation Spécialement Aménagée (UHSA), Lille Seclin
  • Caroline Protais, docteure en sociologie, chercheure associée au CERMES3, chargée d’études à l’Observatoire des drogues et des toxicomanies
  • Observatoire International des Prisons - section française (à confirmer)

16h45 : Conclusions

  • Anne-Caroline Clause-Verdreau
  • Alexia Jolivet
  • Paul-Loup Weil-Dubuc

Coordination scientifique

  • Anne-Caroline Clause-Verdreau, Médecin de santé publique, Observatoire des pratiques éthiques, Espace éthique de la région Ile-de-France
  • Alexia Jolivet, Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, UR 1610 Etudes sur les Sciences et les Techniques, Université Paris-Saclay
  • Paul-Loup Weil-Dubuc, Docteur en philosophie, Responsable de la recherche, Espace éthique de la région Ile-de-France, INSERM/Paris-Saclay/CESP U1018

Modalités pratiques

Inscription : https://site.evenium.net/utp8cdzp/

Bibliographie

Grosjean Sylvie et Bonneville Luc, 2007, « Logiques d’implantation des TIC dans le secteur de la santé », Revue française de gestion, 2007/3, n° 172, p. 145-157.

Haute Autorité de Santé, 2020, Stratégie de vaccination contre le Sars-Cov-2, Recommandations préliminaires sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner, Version du 27 novembre 2020, consulté le 14 octobre sur has-sante.fr

Human Rights Watch, 2016, « France : des soins de santé mentale inadaptés dans les prisons », https://www.hrw.org/fr/news/2016/04/05/france-des-soins-de-sante-mentale-inadaptes-dans-les-prisons

Kesteman Nadia ,2020, « Entre illettrisme et illectronisme. Les nouveaux publics à faible autonomie administrative » Revue des politiques sociales et familiales, n° 135, 2020. pp. 65-73.

Pierron Jean-Philippe, 2016, « L’anticipation entre la prospective et la perspective », 2016/2, Revue française d’éthique appliquée, p. 99-108

Sen Amartya, 1980 « Equality of What ? ». In : McMurrin S Tanner, Lectures on Human Values, Volume 1. Cambridge : Cambridge University Press ; 1980.

Weil-Dubuc Paul-Loup, « Un soin indifférencié est-il possible ? », Revue française d’éthique appliquée, 2019 /2, p. 5-7

Wisnia-Weill Vanessa, 2020, Le rôle de la technologie dans le soutien à l’autonomie, enseignements du séminaire du HCFEA, septembre 2020. URL : www.hcfea.fr

Lieux

  • Salle Jaune, Hôpital Saint-Louis - 1 avenue Claude Vellefaux
    Paris, France (75)

Format de l'événement

Événement hybride sur site et en ligne


Dates

  • lundi 10 janvier 2022

Mots-clés

  • inégalités, santé publique, universalisme, vaccin, soins différenciés, prison

Contacts

  • Alexia Jolivet
    courriel : alexia [dot] jolivet [at] universite-paris-saclay [dot] fr

Source de l'information

  • Alexia Jolivet
    courriel : alexia [dot] jolivet [at] universite-paris-saclay [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Quand le soin est facteur d’inégalités. L’accès aux soins entre universalisme et particularisme », Journée d'étude, Calenda, Publié le mardi 23 novembre 2021, https://doi.org/10.58079/17ps

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