AccueilHistoire et épistémologie des savoirs et des idées aux origines de l’écologie (HESIODE)

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Histoire et épistémologie des savoirs et des idées aux origines de l’écologie (HESIODE)

Réflexion sur la réception et l’influence de la pensée grecque ancienne dans les sciences contemporaines

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Publié le mercredi 08 décembre 2021

Résumé

Ce séminaire permettra de constituer un groupe de travail pluridisciplinaire sur les représentations grecques des rapports de l’homme à la nature et leur réception de l’Antiquité à nos jours. Il s’agira d’intégrer au sein du projet, dans une perspective fédératrice et complémentaire, des chercheurs de disciplines différentes, en tenant compte des travaux déjà effectués par chacun d’eux dans le champ d’étude envisagé, et d’établir des liens aux niveaux national, européen et international avec des chercheurs, des laboratoires de recherche ou des instituts travaillant sur la même thématique. Il permettra de nourrir la réflexion sur les représentations et les pratiques anciennes, et en particulier grecques, du rapport de l’homme à la nature dans toutes leurs nuances et leur complexité.

Annonce

Présentation du projet

En 1967, l’éminent médiéviste américain Lynn White publiait dans la prestigieuse revue Science un article qui fit grand bruit, dans lequel il entendait démontrer l’origine judéo-chrétienne de la crise environnementale contemporaine (White, 1967). Parmi la vague de réfutation qui s’en suivit, le livre de J. Baird Callicott s’est imposé par sa démonstration largement reprise ensuite par de nombreux auteurs (Callicott, 1991). Le philosophe de l’éthique environnementale, reprenant les travaux des spécialistes de l’exégèse vétéro-testamentaire (Speiser, 1964 ; Friedman, 1987), adopte les lunettes du philologue pour préciser l’établissement du texte de la Genèse au cœur de la polémique. Pour Callicott, il s’agit d’abord de démontrer que le récit de la Genèse sur lequel se fonde White relève en fait de deux traditions divergentes. La première dans l’ordre de lecture, la Genèse P, est celle qui est responsable selon Callicott de l’anthropocentrisme judéo-chrétien pointé par White. La seconde, plus ancienne, est la Genèse J, dont la tradition restituée permet de défendre une lecture moins anthropocentrée des relations entre l’homme et la nature. L’anthropocentrisme de la Genèse serait donc imputable non à une tradition proprement hébraïque, telle qu’elle s’exprime dans la Genèse J, mais à l’influence de la pensée grecque sur le texte de la Genèse P. L’invention de l’anthropocentrisme et, in fine, la responsabilité de la crise environnementale contemporaine, seraient donc, en dernière analyse, imputables à la pensée grecque et non à la tradition judéo-chrétienne. C’est précisément cette dernière assertion que nous entendons discuter dans le cadre du projet HESIODE comme point de départ d’une réflexion plus large sur les représentations grecques des relations entre l’homme et la nature et leur réception, de l’Antiquité à nos jours, au travers d’une approche pluridisciplinaire.

Les hellénistes ne se sont guère exprimés sur la question des origines de la rupture entre nature et culture, considérée comme une spécificité occidentale (Calame, 2015). Cet enjeu fondamental à l’ère de l’Anthropocène mérite réflexion dans la mesure où sa compréhension peut être considérée comme le prélude intellectuel nécessaire à la modification des modes de vie contemporains permettant de sortir de la crise écologique actuelle. Pour préciser les liens que ce thème entretient avec nos disciplines (histoire, en particulier du monde grec, littérature comparée, en particulier éco-, épistémo- et mytho- critique), il faut souligner le rôle médiateur dans la cité des humanités et des sciences humaines et sociales, en partant du constat selon lequel une part décisive de l’avenir environnemental se joue dans les récits qui nous mènent (Chapelle, Servigne 2019). Or c’est bien une déesse grecque qui a été choisie par plusieurs penseurs contemporains comme figure de référence pour interroger l’évolution des relations entre l’homme et la nature dans le contexte de la crise climatique actuelle : L’hypothèse Gaïa (Lovelock, 1979), Face à Gaïa (Latour, 2015). Les nombreux problèmes soulevés par la fiction d’une Terre unifiée et divinisée méritent qu’on y prête attention : implication d’un certain mysticisme, problèmes de toute représentation unitaire, holiste, englobante du monde, problème de l’identification des responsabilités et de la culpabilisation, question des points de vue que suppose le mythe de Gaïa, notamment le point de vue surplombant. Ce dernier, en tant que point de vue scientifique extérieur, ou « extraterrestre » (Latour, 2017), celui de la Terre vue du ciel, entre en contradiction avec les différentes traditions antiques transmises par le monde grec, dont l’Occident et les Modernes se présentent pourtant volontiers comme les héritiers directs et uniques. La pensée grecque invite paradoxalement à un tout autre point de vue, résolument terrien, dans lequel l’humain est inextricablement lié au reste du vivant dans un monde clos, dont Gaïa forme l’une des personnifications mythiques les plus fameuses.

Aristote est le premier à qualifier ce monde terrien de « sublunaire » pour l’opposer à l’univers, ou kosmos, qui n’est justement pas la Nature (phusis). D’où la pertinence, à l’heure d’évolutions rapides et globales, d’un éclairage par le temps long. Un éclairage pluriculturel et historicisé, des multiples façons dont les humains se sont rapportés, scientifiquement comme mythiquement, à la Terre qu’ils habitent, des multiples récits par lesquels ils ont pu rendre compte de relations de domestication, de connaissance, d’aménagement mais aussi d’émerveillement, de mystère, de mythification.

Sous quelles formes la Terre émerge-t-elle comme objet de pensée ? Comment se sont articulés sa dimension sacrée et celle, pratique, de son aménagement par les hommes, entre ce que Pierre Hadot a distingué respectivement comme attitudes orphique et attitude prométhéenne (Le voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de nature, 2004) ? Notre proposition consiste à éclairer un fil proprement lié à la pensée occidentale, des Grecs anciens à nos jours.

Dans le cadre du projet HESIODE, nous nous attacherons donc à restituer la variété des représentations grecques, en particulier des pensées et des penseurs regroupés sous le terme trompeur de « présocratiques » et à montrer que les Grecs ont aussi développé dans leurs représentations comme dans leurs pratiques d’autres rapports à la nature que ceux exprimés ou théorisés par les philosophes. On s’intéressera par exemple au pythagorisme et à l’orphisme, deux courants de pensées (et genres de vie) dont on peut contester la dimension anthropocentrée. À rebours de la vision anthropocentrique, nous examinerons l’importance de la présence d’une nature immanente et sacrée, vivante et dynamique, non pas un « environnement » passif d’arrière-plan mais une force agissante, ce qu’exprime le terme grec de phusis. Nous porterons une attention particulière à la richesse sémantique et conceptuelle des termes grecs dont l’acception remarquablement souple a évolué au gré des diverses réceptions et interprétations dans le domaine de la pensée des liens entre hommes et nature.

Ce projet s’inscrit dans la continuité de deux manifestations scientifiques organisées dans le cadre de l’édition 2020 de la Fête de la science et de la Nuit européenne des chercheurs en partenariat avec le Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) Terre des Sciences. En ce qui concerne le positionnement du projet par rapport aux axes thématiques de la MSH Ange Guépin, il est tout à fait cohérent : d’abord parce qu’il s’inscrit pleinement dans le champ de recherche « SHS et représentation(s) du monde », ensuite parce qu’il permettra de participer à la réflexion épistémologique sur la question de l’interdisciplinarité (« Repenser l’interdisciplinarité aujourd’hui »).

Porteurs du projet

  • William Pillot, Maître de Conférences en Histoire grecque antique à l’Université d’Angers, membre du Laboratoire TEMOS UMR 9016.
  • Bertrand Guest, Maître de Conférences en Littérature comparée à l’Université d’Angers, membre du laboratoire 3.LAM EA 4335.
  • Amarande Laffon, post-doctorante au laboratoire CRHIA EA 1163, Université de Nantes.
  • Laure Brossin-Pillot, professeur-documentaliste au Lycée Renaudot (Cholet), formatrice à l’INSPE de Nantes.

Axes et programme de travail

Durant l’année 2021-2022, les activités de recherche prendront la forme d’un cycle de séminaires. Celui-ci visera à interroger les notions centrales de la philosophie environnementale dans un dialogue entre Antiquité grecque et monde contemporain et à approfondir les problématiques de recherche autour de trois grands axes transversaux dans une approche pluridisciplinaire :

▪ Examiner la variété des représentations et des pratiques grecques dans le champ du rapport de l’homme à la nature, la question du rapport au territoire civique et aux terres sacrées des sanctuaires civiques et fédéraux, la gestion des communs de la nature dans le monde grec antique.

▪ Analyser les représentations de la nature et du rapport de l’homme à la nature en lien avec les notions de pouvoir et d’ordre, entre verticalité et horizontalité, rupture et continuité, à l’aune des trois paradigmes identifiés dans la tradition judéo-chrétienne : le modèle despotique, celui de l’intendance et celui de la citoyenneté.

▪ Mener une réflexion épistémologique sur la méthodologie transpériode, la démarche interdisciplinaire et la mise à disposition des acquis de ce travail pour un public non initié (enseignants du secondaire).

D’autres activités seront organisées en partenariat avec le Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) Terre des Sciences et les Ateliers d’écologie politique (Ecopol) d’Armorique (https://epolar.hypotheses.org) , d’Occitanie (https://atecopol.hypotheses.org) et d’Ile de France (https://ecopolien.hypotheses.org) , afin à la fois d’enrichir notre connaissance sur les sociétés anciennes et de produire un savoir susceptible de contribuer à une réflexion d’ensemble sur les questions environnementales.

Certaines actions seront organisées en cours d’année en lien avec la formation des élèves éco-délégués et de leurs référents dans les lycées de la région et de leurs enseignants en partenariat avec le Rectorat et l’INSPE de Nantes.

Ce cycle de séminaire permettra de constituer un groupe de travail pluridisciplinaire sur « Les représentations grecques des rapports de l’homme à la nature et leur réception de l’Antiquité à nos jours ». Il s’agira d’intégrer au sein du projet dans une perspective fédératrice et complémentaire des chercheurs de disciplines différentes en tenant compte des travaux déjà effectués par chacun d’eux dans le champ d’étude envisagé et d’établir des liens aux niveaux national, européen et international avec des chercheurs, des laboratoires de recherche ou des instituts travaillant sur la même thématique en vue d’explorer de possibles collaborations. Il permettra de nourrir la réflexion sur les représentations et les pratiques anciennes – et en particulier grecques – du rapport de l’homme à la nature dans toutes leurs nuances et leur complexité et la part de l’héritage grec antique dans le terreau commun de nos représentations actuelles de l’homme et son environnement.

Programme des séances

Le séminaire du projet de recherche Hésiode (Histoire et épistémologie des sciences et des idées aux origines de l’écologie) se déroule selon le calendrier suivant, pour les séances déjà prévues :

Mardi 5 Octobre 2021, 14h-16h

MRGT, salle Kahlo

  • Introduction générale: définition et objectifs du séminaire (Bertrand Guest, Amarande Laffon, Laure Pillot, William Pillot).
  • Conférence: invité : Frédéric Le Blay, « Quels savoirs sur la nature ? Repenser les rapports entre mythe et science »

Jeudi 2 Décembre 2021, 14h-16h

MRGT, salle Kahlo.

Table-ronde : Ordre (kosmos) et mesure (métron). Réceptions et influences de la pensée scientifique grecque dans les sciences modernes

Intervenants :

  • Pacôme Delva, Maître de Conférences en astrophysique à l’Université Paris Sorbonne (Laboratoire SYRTE, Observatoire de Paris-PSL, Sorbonne Université, CNRS, LNE).
  • Sébastien Bassu, Docteur en philosophie, Agrégé de philosophie, Post-doctorant à l’Institut d’histoire de la philosophie (Aix-Marseille Université), enseignant dans le secondaire.

Cette séance pourra être suivie à distance via Teams.

Cette séance sera l’occasion, sous la forme d’une table-ronde, d’ouvrir un dialogue interdisciplinaire sur la question des liens éventuels entre la vision de l’univers et les concepts scientifiques issus du monde grec ancien (métron, kosmos, etc.) et les pratiques scientifiques contemporaines dans les domaines de l’astrophysique et de la métrologie. Nous interrogerons notamment la question de la mesure du temps et de l’espace, à travers une réflexion sur les constantes fondamentales et les unités physiques.

Mardi 8 février 2022, 14h-16h

MRGT, amphi Germaine Tillion,

Conférence : invités :

Claude Calame, « De Gaia à la phusis : pour une critique anthropologique des relations techniques de l’homme avec la “ nature ” »

Fabrice Flipo, « De la nature, une approche conceptuelle. Tentatives de définition »

Jeudi 14 Avril 2022, 14h-16h

MRGT, salle Kahlo.

Table-ronde : Gaïa, des planches du théâtre aux bancs de l’école. Réflexions sur les dispositifs de médiation artistique et de vulgarisation scientifique autour de la question écologique.

Intervenants :

  • Laure Pillot, Sébastien Wagnon, MCF/PU Sciences de l’Education, Univ. Montpellier
  • Gilles Delesque, Docteur de l’Univ. De Rouen (thèse: « L’Ecole Jardin ; Anthropologie, histoire et pédagogie des jardins collectifs et familiaux », sous la dir. de Marie-Louise Martinez Verdier).

Mardi 24 Mai 2022, 14h-16h

MSH Ange Guépin, salle de conférence B (RDC)

Conférence, invités :

  • Sébastien Dutreuil, « Gaïa : hypothèse, programme de recherche pour le système terre, ou philosophie de la nature ?»
  • Baptiste Morizot (à confirmer)

Bibliographie sélective

Ballabriga 1986 : Ballabriga Alain, Le Soleil et le Tartare. L’image mythique du monde en Grèce archaïque, Paris, EHESS, 1986.

Berque 2014 : Berque Augustin, Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essais de mésologie, Paris, Belin, 2014.

Blay 2013 : Blay Michel, Dieu, la nature et l’homme. L’originalité occidentale, Paris, Armand Colin, coll. « Le temps des idées », 2013.

Bosak-Schroeder 2020 : Bosak-Schroeder Clara, Other Natures : Environmental Encounters with Ancient Greek Ethnography, Oakland, University of California Press, 2020.

Calame 2015 : Calame Claude, Avenir de la planète et urgence climatique. Au-delà de l’opposition nature / culture, 2015.

Callicott 1991 : Callicott John Baird, Genèse. Dieu nous a-t-il placés au-dessus de la nature ?, 2009.

Cassin 1992 : Cassin Barbara (éd.), Nos Grecs et leurs modernes. Les stratégies contemporaines d’appropriation de l’Antiquité, Paris, Seuil, 1992.

Chapelle, Servigne 2019 : Chapelle Gauthier et Servigne Pablo, L’entraide. L’autre loi de la jungle, 2019.

Descola 2015 : Descola Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2015.

Fedeli 2005 : Fedeli Paolo, Écologie antique : milieux et modes de vie dans le monde romain, Gollion, Infolio, 2005.

Hadot 2004 : Hadot Pierre, Le voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de nature, 2004.

Latour 2015 : Latour Bruno, Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, 2015.

Lloyd 2004 : Lloyd Geoffrey Ernest Richard, Ancient Worlds, Modern Reflections : Philosophical Perspectives on Greek and Chinese Science and Culture, New York, Oxford

University Press, 2004.

Lovelock 1979 : Lovelock James, La Terre est un être vivant. L’hypothèse Gaïa, 1999.

Macé 2012 : Macé Arnaud, « La naissance de la nature en Grèce ancienne », in Haber Stéphane et Macé Arnaud (éds.), Anciens et Modernes par-delà nature et société, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2012, p. 47-84.

Morizot 2020 : Morizot Baptiste, Manières d’être vivants : enquêtes sur la vie à travers nous, Arles, Actes Sud, 2020.

White 1967 : White Lynn, « The Historical Roots of Our Ecologic Crisis », Science, 1967, p. 1203-1207.

Lieux

  • salle Frida Kahlo - Maison de la Recherche Germaine Tillion, Faculté LLSH, Bd Lavoisier
    Angers, France (49)

Format de l'événement

Événement hybride sur site et en ligne


Dates

  • jeudi 02 décembre 2021
  • mardi 05 octobre 2021
  • mardi 08 février 2022
  • jeudi 14 avril 2022
  • mardi 24 mai 2022

Mots-clés

  • cosmos, antiquité grecque, astronomie, phusis, nature, écologie, pensée

Contacts

  • Bertrand Guest
    courriel : bertrand [dot] guest [at] univ-angers [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Bertrand Guest
    courriel : bertrand [dot] guest [at] univ-angers [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Histoire et épistémologie des savoirs et des idées aux origines de l’écologie (HESIODE) », Séminaire, Calenda, Publié le mercredi 08 décembre 2021, https://doi.org/10.58079/17rs

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