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Les autobiographies militantes et politiques aux États-Unis

Activist and Political Autobiographies in the United States

Stratégies de légitimation et postures d’autorité

Legitimation Strategies and Postures of Authority

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Publié le mardi 30 novembre 2021

Résumé

Intitulé « Les autobiographies militantes et politiques aux États-Unis. Stratégies de légitimation et postures d’autorité », cet atelier interroge la façon dont les récits autobiographiques, qu’il s’agisse d’ouvrages publiés sous la forme d’autobiographies à proprement parler, de mémoires, de témoignages, de journaux, ou de textes mis en ligne, permettent à leur auteur·rice d’asseoir ou de consolider une légitimité, voire de rétablir une autorité mise à mal, que cela soit dans l’espace des mouvements sociaux ou dans la sphère politique institutionnalisée, aux États-Unis.

Annonce

Argumentaire

Les récits autobiographiques, qu’il s’agisse d’ouvrages publiés sous la forme d’autobiographies à proprement parler, de mémoires, de témoignages, de journaux, ou de textes mis en ligne sur un blog, une plateforme de réseau social ou un site internet personnel, sont fréquemment employés par des militant·es et acteur∙rices de mouvements sociaux, par des élu·es et responsables politiques comme des outils permettant de se construire ou de reconstruire une « identité stratégique » (Collovald 1988). À ce titre, ces autobiographies militantes et politiques (terme recouvrant ici l’éventail des formes précédemment citées) peuvent être analysées comme des stratégies littéraires et scripturales « de présentation ou de production de soi » (Le Bart 2012), qui permettent par exemple à leur auteur·rice d’asseoir ou de consolider une légitimité, voire de rétablir une autorité mise à mal. Dans le contexte étatsunien, la publication d’un ouvrage à caractère autobiographique est ainsi aujourd’hui devenue un passage presque obligé pour tout·e présidentiable cherchant à obtenir l’investiture de son parti (Lepore 2019). Cet atelier interroge la façon dont ces formes narratives reflètent ou, au contraire, mettent en cause ces processus de légitimation, que ce soit dans l’espace des mouvements sociaux ou dans la sphère politique institutionnalisée, aux États-Unis.

Dès l’époque coloniale – où des récits comme l’histoire de la Virginie de John Smith racontent aussi une expérience individuelle vécue de la colonisation –, puis pendant la période révolutionnaire – où l’autobiographie de Benjamin Franklin place l’histoire de sa propre vie sous le sceau de la conquête de l’indépendance – et au-delà, des récits autobiographiques ont servi d’outils de légitimation pour des dirigeant∙es politiques et leaders d’organisations militantes. Peut-on considérer que ces textes ont constitué des canons du genre de l’autobiographie militante et politique, en vertu par exemple du statut de « père fondateur » conféré à Benjamin Franklin ? Quels ont précisément été leur influence et leur héritage sur les ouvrages qui leur ont succédé ? De manière générale, relève-t-on des formes plus ou moins directes d’intertextualité entre ces autobiographies militantes et politiques d’une époque à une autre ?

Le genre de l’autobiographie militante et politique pose centralement la question du rapport de l’individu au collectif : récit à la première personne et centré sur un individu dans ses rapports au corps social, l’autobiographie militante et politique peut être vectrice d’affirmation de l’autorité – tel∙le chef∙fe de file se posera ainsi en référence de son mouvement, de son parti – comme de contestation – on se posera à rebours, en franc-tireur∙se ou en frondeur·se. La narrativité et la littérarité de l’écriture autobiographique, la singularité, mais aussi l’exemplarité d’une expérience qu’elles mettent en exergue sont-elles des outils particulièrement efficaces ou des ressources particulièrement précieuses pour ce faire ? L’auctorialité que confère l’écriture autobiographique est-elle en elle-même vectrice ou productrice d’autorité, de légitimité ou de canonicité ?

Ce genre peut aussi être une forme investie par des prétendant∙es frappant à la porte du cénacle de la légitimité, ou par des outsiders, traditionnellement exclu·es du jeu politique en raison de leur sexe, de leur appartenance raciale ou ethnique, de leur confession religieuse, de leur orientation sexuelle, ou encore de caractéristiques construites comme handicaps. Comment l’appartenance minoritaire est-elle alors mise en récit, accentuée ou euphémisée ? S’agit-il de contester les formes traditionnelles du récit politique autobiographique, voire de proposer un contre-récit ? L’appartenance simultanée à plusieurs groupes minoritaires fait-elle l’objet d’un discours que l’on pourrait qualifier d’intersectionnel, ou bien la priorité est-elle donnée, dans le récit, à telle ou telle identité ? Les auteurs·rices prétendent-ils et elles y porter la parole de leur(s) groupe(s) d’appartenance ? En particulier, comment sont mis en scène les liens avec les mouvements sociaux fondés autour de cette appartenance minoritaire – les mouvements féministes, pour les droits civils et civiques des personnes en situation de handicap, contre la stigmatisation des musulman·es, etc. ? Le registre de l’exemplarité est-il alors dominant dans ces ouvrages, ou est-il concurrencé par d’autres registres (l’authenticité, l’universalité, etc.) ? Et, qu’il s’agisse de légitimation des outsiders, d’affirmation ou de contestation de l’autorité, dans quelle mesure ces récits autobiographiques se plient-ils ou, au contraire, résistent-ils à des scripts standardisés ou préétablis, comme celui du coming out, de l’héroïsme, de la résilience, du retournement du stigmate, etc. ?

Du point de vue de leur production, on sait que l’écriture des autobiographies politiques est souvent déléguée, en partie ou en totalité, à une tierce personne (Le Bart 2012) : qu’est-ce que l’identité de ces prête-plumes, quand elle est connue, peut nous enseigner sur les liens entre journalistes politiques, essayistes, et professionnel·les de la politique ? On pourra également s’intéresser aux enjeux de publication, mais aussi de non publication de ces récits autobiographiques : quelles dynamiques éditoriales et économiques sont à l’œuvre dans la légitimation ou le discrédit de ces voix ? Dans quelle mesure la publication, mais aussi son support et la diffusion qu’il favorise ou non, est-elle factrice de légitimation ? Faut-il accorder un statut distinct aux récits publiés et non publiés – et, le cas échéant, comment traiter des seconds ?

Du point de vue de la réception, quel public ces récits visent-ils ? Comment sont-ils reçus par celui-ci ? Quelles luttes se déploient autour de la formulation de verdict quant au succès ou à l’échec (commercial, littéraire, politique) de ces ouvrages, et donc de ces stratégies de légitimation ? On peut également se demander dans quelle mesure l’écriture, ou peut-être surtout la publication, la diffusion et la promotion d’une autobiographie militante ou politique peut contribuer à combattre les préjugés et discriminations (antisémites, islamophobes, racistes, xénophobes, validistes, homophobes, sexistes, transphobes…). On pourra aussi, dans une perspective interdisciplinaire, se demander si, dans leur réception, la valeur, la légitimité et la crédibilité de ces récits se mesure aussi à l’aune de critères de littérarité. Autrement dit, les canons de l’écriture littéraire sont-ils invoqués comme étalons de légitimité des voix autobiographiques militantes ou politiques – qui ne manifestent pas forcément d’ambition littéraire – et les littératures dites minoritaires – Native American, African American, Italian American, Arab American, women’s literature – leur fournissent-elles des cadres, des schèmes, voire des canons auxquels se référer ou, au contraire, se mesurer ou s’affronter ?

Se pose enfin la question du statut à accorder à ces autobiographies militantes et politiques, si l’on souhaite s’en servir comme sources pour écrire l’histoire des mouvements sociaux et de la vie politique. Comment résoudre la question de leur fiabilité ? Une autobiographie militante ou politique vaut-elle pour elle-même ou n’a-t-elle de sens que mise en série, comparée avec d’autres ? La valeur heuristique de ces récits tient-elle au fait qu’ils donnent à entendre des voix qui sont par ailleurs réduites au silence ou insuffisamment audibles ? Proposent-ils des contre-récits dont l’étude et la prise en compte permettent d’enrichir et d’approfondir, voire de renouveler la compréhension des mutations sociopolitiques qu’ils relatent ? On prêtera aussi bien attention au texte, à ses matrices narratives et à ses topiques qu’au métadiscours (le titre, les première et quatrième pages de couverture, les remerciements, les préface et postface, les photographies ou vidéos qui accompagnent le texte, etc.), tout en faisant preuve de réflexivité quant aux implications méthodologiques et épistémologiques spécifiquement liées à l’analyse de ce genre (voir notamment Marche 2015).

Nous attendons vos propositions de communications pour l’atelier que nous organisons dans le cadre du congrès 2022 de l’Association française d’études américaines, qui aura lieu du 31 mai au 3 juin 2022 à l’université Bordeaux Montaigne.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (entre 300 et 500 mots), précisant la méthode employée et les matériaux mobilisés, et accompagnées d’une brève notice biographique, sont à envoyer d’ici au 17 janvier 2022 à Hugo Bouvard (hugo.bouvard@u-pec.fr) et à Guillaume Marche (gmarche@u-pec.fr).

Comité de sélection

  • Hugo Bouvard, postodoctorant au laboratoire IMAGER (Université Paris-Est Créteil)
  • Guillaume Marche, professeur de civilisation américaine, directeur du laboratoire IMAGER (Université Paris-Est Créteil)

Références citées

Collovald, Annie. 1988. « Identité(s) stratégique(s) ». Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 73 (1) : 29‑40.

Le Bart, Christian. 2012. La politique en librairie. Les stratégies de publication des professionnels de la politique. Paris : Armand Colin.

Lepore, Jill. 2019. « Confessions of a Presidential Candidate ». The New Yorker, 13 mai 2019. https://www.newyorker.com/magazine/2019/05/20/confessions-of-a-presidential-candidate (consulté le 4 octobre 2021).

Marche, Guillaume. 2015. « Memoirs of Gay Militancy: A Methodological Challenge ». Social Movement Studies 14 (3) : 270‑290.

Lieux

  • Université Bordeaux Montaigne
    Bordeaux, France (33)

Format de l'événement

Événement uniquement sur site


Dates

  • lundi 17 janvier 2022

Mots-clés

  • autobiographie, légitimation, autorité, stratégie, présentation de soi, États-Unis

Contacts

  • Hugo Bouvard
    courriel : bouvard [dot] hugo [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Hugo Bouvard
    courriel : bouvard [dot] hugo [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les autobiographies militantes et politiques aux États-Unis », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 30 novembre 2021, https://doi.org/10.58079/17rx

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