AccueilLa cour se met au vert. Mises en valeur et usages politiques des campagnes entre Moyen Âge et pré-modernité

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La cour se met au vert. Mises en valeur et usages politiques des campagnes entre Moyen Âge et pré-modernité

The Court escapes from Town. The countryside as political asset from the Middle Ages to the early Modern Period

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Publié le lundi 03 janvier 2022

Résumé

« Se mettre au vert ». Issue du langage courant, cette expression renvoie aujourd’hui à l’envie de s’éloigner d’un milieu urbain stressant, bruyant, parfois oppressant, voire rempli de miasmes, pour aller se reposer à la campagne, au plus près d’une nature paisible, profuse et saine, à proximité d’animaux évoluant dans leur milieu « naturel ». Éloigné de toute tentation anachronique, l’usage de cette locution dans le cadre des études curiales, a pour vocation d’inviter les chercheurs et chercheuses à se pencher, par le biais de l’interdisciplinarité, sur les multiples relations et interactions entretenues par le milieu aristocratique avec son environnement rural.

Annonce

Argumentaire

« Se mettre au vert ». Issue du langage courant, cette expression renvoie aujourd’hui à l’envie de s’éloigner d’un milieu urbain stressant, bruyant, parfois oppressant, voire rempli de miasmes, pour aller se reposer à la campagne, au plus près d’une nature paisible, profuse et saine, à proximité d’animaux évoluant dans leur milieu « naturel ». Eloigné de toute tentation anachronique, l’usage de cette locution dans le cadre des études curiales, a pour vocation d’inviter les chercheurs et chercheuses à se pencher, par le biais de l’interdisciplinarité, sur les multiples relations et interactions entretenues par le milieu aristocratique avec son environnement rural.

L’idée de ce colloque est née d’une volonté de synthétiser des informations éparses que nous souhaitons réinterroger sous l’angle de l’interdisciplinarité. Bien que les questions environnementales et écologiques fassent à l’heure actuelle l’objet d’une attention particulière en sciences humaines et sociales - au point de voir naître des humanités environnementales -, elles ne sont que très rarement mises en rapport avec l’histoire des cours et leur intégration dans les milieux naturels à la fin du Moyen Âge et durant la première modernité.

Un rapide examen historiographique montre en effet que les recherches menées sur les sociétés curiales européennes se sont attachées à une très grande diversité de sujets parmi lesquels, les études d’individus, les représentations, les pratiques et même le château et son cadre de vie ont souvent laissé de côté, pour le moment, la question de l’environnement. Les cours sont pourtant productrices de transformations environnementales, si l’on veut bien songer aux activités cynégétiques constitutives de l’idéal nobiliaire, à l’élevage et aux multiples familiarités animalières propres aux jardins et aux divertissements de plein air. Les nombreuses constructions et leur approvisionnement en matières premières sont d’ailleurs autant de témoignages pour les chercheurs d’horizons divers d’une adaptation des Hommes à la nature, mais aussi de sa transformation. Si la présence curiale à la campagne varie d’une région à l’autre dans le cadre d’une Europe plus ou moins urbanisée, la relation au terroir se révèle riche d’enseignements tant sous l’angle strictement matériel de l’appropriation et de l’apprivoisement d’une nature de moins en moins hostile, que sous celui, plus culturel de la connaissance scientifique et des usages politiques du lieu.   

Première approche d’une vaste question qui n’entend pas séparer la nature de la culture, ce colloque invite les participants à comprendre les motivations des micro-sociétés dans ce contexte de « mise au vert ». Il conviendra ainsi de mesurer spatialement et chronologiquement l’impact des activités aristocratiques sur l’environnement et pour cela d’envisager les thématiques des innovations, des adaptations, des techniques, des moyens logistiques, économiques et financiers, sans manquer d’aborder l’environnement par la problématique du pouvoir et de sa représentation.

Lorsqu’une cour se met au vert, elle peut se déplacer, certes sur un trajet plus ou moins long, certes d’un endroit à un autre mais, pour ce groupe en constante itinérance, toujours avec ses codes et ses rites. Surgissent alors une série de questions. En changeant d’air et de décor, la cour modifie-t-elle pour autant ses pratiques et ses habitudes ? Concrètement, la vie quotidienne se trouve-t-elle transformée en termes de nourriture, de divertissement, d’habillement, etc.? Pour les aristocrates détenteurs d’une autorité et d’un pouvoir, la mise au vert est-elle synonyme de pause dans l’administration et la gestion d’un territoire et des Hommes qui y vivent ? Le milieu aristocratique n’est-il - par sa création et son utilisation de la nature -, qu’un agent perturbateur d’écosystèmes en marge de l’agrosystème ? Et comment évolue cette relation de la fin du Moyen Âge à l’époque moderne ?

Les questions sont légion et ce colloque envisage de les aborder par le biais de bilans (régionaux, locaux, princiers, chronologiques, etc.), mais aussi en saisissant les émergences, les évolutions et donc les innovations. Il appelle également à une large interdisciplinarité puisqu’il convie tout à la fois des chercheuses et chercheurs formés à l’Histoire, l’Histoire de l’Art, la Littérature et aux Sciences archéologiques.

Trois axes d’étude ont été retenus :

  • Axe 1 : Champs, jardins et animaux : les paysages de l’artifice curial
  • Axe 2. La campagne au rythme des technicités nouvelles
  • Axe 3. Le vert : la couleur du pouvoir

Axe 1 : Champs, jardins et animaux : les paysages de l’artifice curial

Ce premier axe questionne les différents visages du milieu rural dans lequel s’implante la cour lorsqu’elle sort de la ville. Si l’expression « se mettre au vert » traduit une volonté d’échapper au monde urbain et d’éviter les espaces saturés, elle amène surtout à s’interroger sur les paysages recherchés par le monde curial, tout autant que sur leurs transformations et leurs représentations. Trois pistes d’investigation peuvent être ici retenues :

  • Celle de paysages ruraux, éloignés de la résidence castrale, dont l’entretien relève de la gestion domaniale usuelle, comme les forêts, les eaux courantes et stagnantes, les espaces non labourés, etc. Ces éléments invitent à discuter l’empreinte environnementale. On pensera également aux pâturages, aux terres de fenaison nécessaires aux chevaux et aux animaux sauvages en captivité ou en semi-liberté, ou encore aux parcs à gibier.
  • Celle de paysages créés pour satisfaire les loisirs de la cour et les exigences de la sociabilité aristocratique. C’est ainsi que l’ars topiaria (art topiaire) se développe et produit des paysages harmonieux naturels et/ou organisés (jardins d’agrément, labyrinthes végétaux, cours d’eau, grottes, etc.) dans lesquels sont mis en scène des ouvrages à portée culturelle et allégorique (statues, éléments héraldiques, etc.). Dans cette optique, les sélections végétales deviennent importantes (fleurs, arbustes, fruitiers) et, aujourd’hui, les choix des plantes, leur disposition et leur rythme de floraison/germination peuvent être étudiés grâce aux sources didactiques et économiques, aux documents iconographiques et aux vestiges matériels (carporestes, palynorestes, etc.).
  • Celle des relations entre les personnes de cour et l’animal, qu’il soit à plumes ou à poils. Le loisir cynégétique (parcours équestres, calendriers, faune sauvage, etc.), les volières et autres ménageries font ainsi apparaître toute une dialectique sur les aménagements matériels, les traitements et les soins prodigués. Les plaisirs de bouche peuvent également être insérés dans cette thématique : même « au vert », la cour est friande de banquets et de mets pour lesquels l’animal est mis à contribution de diverses manières. Il faut donc investir les défens, les élevages, la pisciculture, les prélèvements seigneuriaux et les chasses utilitaires pour en comprendre le fonctionnement tout autant que les impacts sur les écosystèmes médiévaux.

Axe 2 : La campagne au rythme des technicités nouvelles

Il s’agit ici d’interroger le degré technique et l’aspect novateur des constructions et des aménagements curiaux à la campagne. L’objectif est de comprendre, entre autres, comment sont satisfaits les désirs d’esbattemens d’une cour qui se met au vert. Chasses, danses, tournois, jeux de paume, réceptions fastueuses, spectacles d’automates ou tout simplement retraites reposantes, autant d’exigences qui impliquent des aménagements spécifiques. Au gré des édifications et des adaptations, l’intérieur et l’extérieur des résidences rurales des élites se dévoilent, sous la pierre, le métal, le bois, le verre et la terre cuite, comme des lieux d’expérimentation technique.

La construction et la décoration des pièces privées et d’apparat voient luxe et technique se côtoyer dans les arts figuratifs, le mobilier, la sculpture, les cheminées, le fenestrage, les huisseries, etc. Les résidences de détente sont aussi touchées par une vague horlogère qui, de fait, ne les laisse jamais hors du temps. Les gayoles et mesnageries offrent également à ces sites curiaux un côté naturel et quelque peu merveilleux. Leurs travaux de construction et d’entretien, ainsi que les offices créés pour s’en occuper, apparaissent dans les sources d’archives (lettres, comptabilités, etc.). Cette documentation textuelle et les documents iconographiques mettent également en lumière des constructions étonnantes liées aux plaisirs d’une cour qui s’évade : “palafittes”, galeries variées dont certaines sont mobiles, héronnières, garde-robes à deux étages, engins de levage de tonneaux de vins, etc.

Interroger la capacité d’une cour à innover implique également d’orienter la dialectique, d’une part, vers les savoir-faire portés par des artisans, des artistes et des ouvriers expérimentés et, de l’autre, vers les ressources financières et naturelles. De l’analyse des chantiers et des travaux d’édification, la réflexion peut alors se porter sur celle des aménagements et utilisations du paysage et du territoire. Apparaissent alors de nombreuses questions liées à la microtopographie, questions dans lesquelles prennent tout autant place les thématiques de l’acheminement de l’eau et de matières premières, que celles de la culture d’espèces végétales à des fins alimentaires et décoratives. C’est ici tout un écosystème qui doit donc être interrogé, tant dans la manipulation de plantes domestiquées (introductions, sélections, greffes, marcottages, etc.) que d’une nature plus sauvage.

L’étude des technicités nouvelles ne doit pour autant pas masquer les multiples contraintes que sous-entendent les préoccupations curiales en matière de résidence, de défense et de paraître. Si la recherche de confort peut être démontrée par de multiples adaptations, par exemple dans le domaine du chauffage, le ressenti quotidien et saisonnier montre des limites récurrentes. Il en est de même pour les siècles d’épidémie pesteuse et de guerres qui obèrent – mais jusqu’à quel point et de quelle manière ? –, les désirs d’évasion de la société de cour.

Axe 3 : Le vert, la couleur du pouvoir

Des grands tournois du XIIe siècle que se livraient d’un bois à l’autre les meilleurs chevaliers du temps dans le but de s’exercer et de se faire remarquer, jusqu’à l’étalage d’un luxe tapageur à l’occasion du Camp du Drap d’Or en 1520, les actions politiques et diplomatiques n’ont pas manqué de profiter d’un cadre « moins officiel » pour faire aboutir de grands projets. Que la forêt, le jardin aménagé, le parc à gibiers deviennent le temps d’une entrevue les lieux d’importantes négociations n’a rien d’étonnant. Et pourtant, les quelques mentions qui sont réservées à l’expression de ces rencontres au sommet ou de ces échanges secrets ne sont abordées que pour la précision de localisation qu’elles apportent et non pour le contexte plus ou moins favorable qu’ils offrent au bon déroulement des projets discutés. En d’autres mots, une partie de chasse réussie contribuerait-elle à placer dans de meilleures dispositions les décideurs conviés ? Une fête de campagne serait-elle une occasion de détente appréciée pour favoriser les engagements et les promesses ? Sans aucun doute, mais alors que les études sur l’alimentation et le banquet ont par exemple largement exploité cette interaction des sens et de la raison, peu de travaux s’attachent aux lieux des discussions, envisagés dans leurs caractéristiques propres, et au vecteur d’influence que peut constituer un espace « naturel » intégré dans le jeu des civilités. Les mentions ne manquent pourtant pas et il conviendra de retenir celles-ci pour ce qu’elles disent de ces échanges, et non plus seulement pour le repère géographique qu’elles constituent.

Par ailleurs, dans cet art du spectacle qu’est aussi l’art du pouvoir, la mise en scène de l’espace naturel in situ ou via le filtre de la pérennisation mémorielle qu’offrent la littérature et les images, ouvre la porte aux interrogations liées aux comportements, à la communication symbolique, aux rituels qui nourrissent la compétition politique et façonnent des réputations. Paraître c’est bien sûr afficher un rang, une dignité, une supériorité qu’elle soit d’ordre quantitatif, qualitatif ou éthique. Les codes existent, sont parfaitement connus, mais le rituel doit aussi sa richesse à son équivocité. Dans ce cas, la « nature » peut-elle également apparaître comme le cadre d’une dérive ? d’un changement de ton ? un espace dont l’ambigüité des signes et la sauvagerie des éléments fait renouer avec les légendes arthuriennes de « chasses au blanc cerf », et de rencontres avec les être « faés » ?  Un lieu de tous les possibles qu’il s’agisse de pression politique ou de jeux de séduction, comme en 1515 lorsqu’Henri VIII, à proximité de la forêt de Greenwich, cerné par les « hommes de Robin des Bois » demande à la reine et à ses dames si elles veulent bien le suivre au cœur des bois, dans ce repère de hors-la-loi ? Cette lecture d’anthropologie culturelle offrira un dernier point d’observation pour ce colloque dédié à un espace saisi dans ses plus concrètes matérialités comme dans sa symbolique la plus disparate.

Informations diverses

  • Période : XIIIe-XVIe siècles
  • Espace : Europe occidentale
  • Langue du colloque : français et anglais
  • Où ? Lille et l'Abbaye de Vaucelles
  • Quand ? 15-16-17 Septembre 2022

Comité scientifique

  • Elodie Lecuppre-Desjardin (ULille-IRHis, IUF),
  • Mathieu Vivas (ULille, IRHiS, IUF),
  • François Duceppe-Lamarre (IRHiS),
  • Thomas Byhet (DRAC Hauts-de-France, SRA, IRHiS),
  • Marjorie Meiss (ULille, IRHiS),
  • Bertrand Schnerb (ULille, IRHiS)

Modalités de soumission

Les propositions de communication d’environ une demie page sont à envoyer avant le 1er février 2022 par mail aux organisateur·ices :

  • Elodie Lecuppre-Desjardin (U Lille, IRHiS, IUF) elodie.lecuppre@univ-lille.fr
  • Mathieu Vivas (U Lille, IRHiS, IUF) mathieu.vivas@univ-lille.fr
  • François Duceppe-Lamarre (IRHiS) François.duceppe-lamarre@univ-lille.fr

Lieux

  • Université de Lille, site du Pont de Bois
    Villeneuve-d'Ascq, France (59)
  • Abbaye de Notre-Dame de Vaucelles
    Les Rues-des-Vignes, France (59)

Format de l'événement

Événement hybride sur site et en ligne


Dates

  • mardi 01 février 2022

Mots-clés

  • cour, campagne, Moyen Âge, résidence, parc, jardin, diplomatie, innovation, pouvoir

Contacts

  • Elodie Lecuppre-Desjardin
    courriel : elodie [dot] lecuppre [at] univ-lille [dot] fr
  • Mathieu Vivas
    courriel : mathieu [dot] vivas [at] univ-lille [dot] fr

Source de l'information

  • Élodie Lecuppre-Desjardins
    courriel : elodie [dot] lecuppre [at] univ-lille [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La cour se met au vert. Mises en valeur et usages politiques des campagnes entre Moyen Âge et pré-modernité », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 03 janvier 2022, https://doi.org/10.58079/17we

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