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Les formes élémentaires du management en Afrique

À la découverte des situations non-conventionnelles de gestion

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Published on Wednesday, February 02, 2022

Abstract

L’objectif de cet appel à contribution est d’explorer les pratiques sociales et économiques jusqu’ici peu prises en compte dans la recherche sur le management en Afrique. Il s’agit d’identifier et d’analyser les formes élémentaires du management en Afrique. Ces formes élémentaires généralement oubliées, occultées et reléguées au registre de la banalité et de la marginalité sont portant susceptibles d’enrichir le mainstream de la littérature sur le management à travers la découverte et la mise au jour des situations « non-conventionnelles » et « indigènes » de gestion.

Announcement

Argumentaire

La littérature consacrée au management est marquée ces dernières années par l’émergence d’approches critiques et alternatives. Curieusement, à ce jour, c’est principalement dans les sociétés occidentales, biotopes par excellence du management moderne que ces approches fleurissent. Les grilles, les postures et les prismes que ces approches mobilisent pour lire les dynamiques contemporaines du management s’imposent progressivement dans la recherche, tout en suscitant des problématiques à ce jour peu explorées. À cela s’ajoute la récente crise sanitaire dont la persistance et les nouvelles configurations du rapport au travail qu’elle implique révèlent à la fois la fragilité des systèmes de production que l’on croyait inébranlables et, les limites des modèles de gestion des ressources humaines. Ceux-ci sont aujourd’hui confrontés à une complexification croissante du facteur humain (Kalika, 2020 ; 2021). Au regard de ces réalités, la nécessité de lire le management dans ses mutations et transformations actuelles recommande d’aller au-delà des postures conjoncturelles pour redécouvrir à partir d’une posture structurelle, les modalités et les dynamiques de structuration et de fonctionnement du management dans les sociétés humaines.

Le grand intérêt bien souvent accordé aux crises auxquelles les organisations et leur gestion sont confrontées tend généralement à considérer le management comme un ensemble d’opérations techniques qu’il suffirait d’ajuster ou de paramétrer selon les situations. En d’autres termes, il existerait un mode d’emploi du management dont la posologie par exemple varierait selon le type et le niveau de crise économique et sociale à résoudre. Cette vision a d’ailleurs longtemps orienté la perspective de la convergence qui soutient qu’il « existe des prescriptions standard applicables, assimilables et transposables à tous les contextes » (Anasse et al., 2020, p.80). Pourtant, même si la gestion reste « largement perçue, par les praticiens et la grande majorité de ceux qui l’enseignent, comme un ensemble de techniques destinées à rechercher l’organisation de la meilleure utilisation des ressources financières, matérielles et humaines, pour assurer la pérennité de l’entreprise » (de Gaulejac, 2006, p.189), il n’en demeure pas moins quelle est structurée et animée par une vision du monde et un système de croyances étroitement liés à un environnement social donné. D’après Legendre (1988, p. 90), le management a pris la forme d’une religion à prétention universaliste et s’est constitué comme un « corpus normatif, produit typique de la dogmaticité occidentale ». Il s’agit d’une religion de l’industrie fondée sur l’« Évangile de l’Efficacité » et consacrée à un culte à la déesse « Efficacité » (Musso, 2009, p. 4). Cette religion qui a émergé dans le cadre de l’entreprise s’est progressivement imposée dans les sociétés occidentales, si bien qu’elles sont devenues des « sociétés managérialisées » (Le Texier, 2016). Ces dernières soumettent toutes les logiques sociales à la logique de l’efficacité.

L’histoire du management en Afrique illustre parfaitement l’histoire des tentatives de transposition des modèles, des pratiques de gestion et surtout de l’idéologie managériale dans un environnement non-occidental. La recherche sur le management en Afrique a malheureusement accordé à ce jour peu d’attention à la consistance idéologique et donc structurelle du management.  Les travaux se sont plus intéressés à l’identification des obstacles socioculturels à l’implémentation des pratiques modernes de management (Bourgoin, 1984); à la recherche de modèles de management spécifiquement africains (Croce, 2018); à la construction des modèles de management hybrides adaptés à l’Afrique ; ou encore à l’élaboration des modèles de management à partir des pratiques observées dans l’environnement africain (Kolk et Rivera-Santos, 2018).  Cette dernière perspective est de plus en plus valorisée car, elle est susceptible de bénéficier des apports méthodologiques de la Grounded theory (Kamdem et Nekka, 2020 ; Kamdem, Chevalier et Payaud, 2020). Dans tous les cas, la critique de l’idéologie managériale reste marginale dans la recherche sur le management en Afrique. Juste quelques travaux se sont penchés sur les pratiques de management en Afrique, tout en se dépouillant de l’idéologie managériale qui semble subtilement orienter les chercheurs en terrain africain dans l’identification, la désignation et l’analyse des choix, des comportements et des pratiques économiques et sociaux en tant que situations de gestion. Pourtant, l’intérêt de plus en plus croissant porté sur le concept de situation de gestion depuis les travaux de Girin (2011), suggère de s’affranchir à la fois de « la prégnance d’un réel unique dans l’agir cognitif » et, « de l’individualisme méthodologique dans lequel les recherches en gestion se sont largement inscrites » (Schmitt, 2017, p.13). Ces deux erreurs épistémiques restent malheureusement dominantes dans le mainstream de la recherche sur le management en Afrique.

Le paradoxe du nombre croissant des réussites managériales dans un contexte mondial pourtant marqué par de graves crises révèle que la conception de l’Afrique comme champ d’expérimentation des modèles de management importés est révolue et que cette « entreprenante Afrique » (Severino et Hajdenberg, 2010) impose de nos jours des travaux plus audacieux dans la recherche sur le management. Les récents travaux de Biwolé-Fouda et al. (2018) : Théories des organisations africaines, de Nkakleu et al. (2021) : Théories et management des organisations. Une perspective africaine et de Tedongmo Teko et Etogo (2022) : Le pluralisme managérial en Afrique, rendent compte d’une volonté de dépasser les lectures classiques et orthodoxes pour suggérer une nouvelle intelligibilité du management en Afrique. D’ailleurs, la théorisation et la vulgarisation de l’Africapitalisme par le milliardaire africain Tony Elumelu révèle qu’il est possible d’identifier dans des situations jugées « non conventionnelles » du point de vue de l’idéologie managériale, une philosophie africaine bien différente de la philosophie occidentale du management.

L’objectif de cet appel à contribution est d’explorer les pratiques sociales et économiques jusqu’ici peu prises en compte dans la recherche sur le management en Afrique.  Il s’agit d’identifier et d’analyser les formes élémentaires du management en Afrique.  Ces formes élémentaires généralement oubliées, occultées et reléguées au registre de la banalité et de la marginalité sont portant susceptibles d’enrichir le mainstream de la littérature sur le management à travers la découverte et la mise au jour des situations « indigènes » de gestion. Bien que « non conventionnelles », elles rendent compte d’autres manières de penser et de pratiquer la gestion (Amakwah-Amoah, 2014). Celles-ci peuvent se révéler plus efficaces, plus bienveillantes et plus efficientes. Le présent projet éditorial s’inscrit dès lors, à la suite d’un ensemble de travaux émergents qui s’intéressent à la valorisation de ce qu’on pourrait appeler, les approches indigènes du management. Les travaux pionniers d’Ahiauzu (1986), de Jones (1988), d’Ayittey (1991), de Gopinath (1998) et de bien d’autres balisent en effet, des pistes fécondes pour une redécouverte du management en Afrique à partir de ses formes élémentaires et de ses situations « non conventionnelles ».

Il existe en effet un ensemble de pratiques sociales et économiques qui n’ont pas encore suffisamment fait l’objet d’études dans la recherche sur le management. Sans être exhaustif, le fonctionnement d’un foyer polygamique, d’une chefferie, d’une société traditionnelle secrète par exemple constituent autant de réalités dont la complexité peut se révéler égale, voire supérieure à celle des entreprises modernes ; la réussite des opérateurs économiques analphabètes aussi, révèle que la réussite managériale n’est pas forcément liée à la connaissance et à la maîtrise des savoirs académiques ; l’existence des « garanties immatérielles atypiques » dans le processus d’octroi de crédit par les tontines montre que les connaissances sur la gestion du risque développées par la finance classique doivent être complétées par des procédés de gestion du risque qui sont mis en œuvre dans ces associations ; l’observation des formes non-conventionnelles de publicité peuvent révéler des stratégies culturellement ancrées, développées par des commerçants pour fidéliser leur clientèle ; de même, s’intéresser au recours aux forces occultes ou à la sorcellerie dans la conquête et l’exercice du pouvoir dans les organisations peut mettre au jour la réalité des formes « non-conventionnelles » du pouvoir ou des formes insidieuses de violence réelles dans des organisations… Bref, à partir de ces organisations et pratiques non-conventionnelles, il est possible de découvrir des formes élémentaires de structuration et de gestion des organisations.

De ce fait, ces phénomènes et pratiques pourront être observés à partir de différentes disciplines des sciences de gestion et des sciences de l’homme, notamment : l’économie, le management, la finance, la comptabilité, le marketing, la GRH, la sociologie, l’anthropologie, la philosophie, la psychologie, etc. À partir de cas pratiques privilégiant la monographie, la grounded theory, l’ethnométhodologie et autres, les contributeurs pourront s’intéresser à des situations de gestion apparemment anodines, mais qui sont porteuses de sens et susceptibles d’enrichir la connaissance du capitalisme et du management en Afrique. La récente mise en perspective par Leca et Plé (2013) des apports possibles de la thick description dans la recherche en management suggère qu’il est possible de s’affranchir du « mythe du chercheur tout-puissant » et des « méthodes hypothético-déductives », pour « rendre compte des actions et des interprétations que les acteurs ont de ces actions » (p.45). Ainsi, les contributions réalisées dans une approche interdisciplinaire voire transdisciplinaire sont encouragées.

Coordination scientifique

  • Jean Biwole Fouda, FSEG, Université de Ngaoundéré  
  • Henri Tedongmo Teko, Département de sociologie, Université de Yaoundé 1

Modalités de soumission

Les propositions d’article, présentées sous forme de résumé doivent comprendre un titre, le nom du ou des auteurs et leurs affiliations institutionnelles. Le résumé de 500 mots maximum doit bien souligner l’axe de réflexion, les aspects de la problématique, les objectifs, le cadre théorique, l’approche méthodologique et les principaux résultats attendus. Il est recommandé aux auteurs de préciser cinq mots clés et de ne pas mentionner des références bibliographiques. 

Les propositions d’article devront être envoyées simultanément aux adresses suivantes en indiquant dans l’objet « Appel à contribution FEMA » :

avant le 5 avril 2022.

Principales dates à retenir 

  • Publication de l’appel à contributions Janvier 2022
  • Délai d’envoi des résumés 05 avril 2022
  • Décision des coordonnateurs de l’ouvrage 30 avril 2022
  • Envoi du texte complet 30 juillet 2022
  • Publication de l’ouvrage décembre 2022

Références bibliographiques 

Ahiauzu, A. I., 1986, “The African thought-system and the work behavior of de African industrial man”, International Studies of Management & Organisation, vol. 16, pp.37-58.

Amankwa-Amochi, J., 2014, “Coming of age, seeking legitimacy : The historical trajectory of African Management”, Critical Perspectives on International Business, Munich Personal RepEC Archive paper, n°63625.anagement in India”, Management International Review, vol.38, pp.257-275.

Anasse, A., Bidan M., Ouedrago, A., Oruezabala, G. et Plane, J.-M., “Alternatives africaines en management. Entre frugalité et agilité », Revue Française de Gestion, 2020/4, n°289, 77-100.

Biwolé Fouda, J., Causse, G. & Ngantchou, A. (2018), Théories des organisations africaines, Paris, L’Harmattan. 

Bourgoin, H., 1984, L’Afrique malade du management, Paris, Jean Picollec.

Croce, F., 2018, “La recherche du management africain au XXIe siècle : sous l’effet de la globalisation, vers un management africain “métis”?”, Revue africaine de management, vol. 3 (1), pp.1-12.

Gaulejac de, V., 2006, « La part maudite du management : l’idéologie gestionnaire », ERES/ «Empan », 1, n°61, pp.30-35.

Girin, J. 2011, “Empirical analysis of management situations: elements of theory and method”, European Management Review, vol. 8, pp.197-212.

Gopinath, C., 1998, “Alternative approaches to indigenous

Jones, M., 1988, « Management thinking : An African perspective », Journal of International Business Studies, vol.37, pp.453.

Kamdem, E. et Nekka, H., 2020, « La Grounded Theory : un cadre propice pour interroger la pertinence scientifique de la ligne éditoriale de la RISO », Revue internationale des sciences de l’organisation, 1, n°8, pp.9-31.

Kamdem, E., Chevalier, F. et Payaud, M. A. (dir.), 2020, La recherche enracinée en management : contextes nouveaux et perspectives nouvelles en Afrique, Caen, éditions Management et Société (EMS), collection Business Science Institute.

Kolk, A. et Rivera-Santos, M., 2018, « The state of research on Africa in business and management: insights from a systematic review of key international journals », Business & Society, voL 57 (3), pp.425-436.

Leca, B. et Plé, L., 1998, « Une épistémologie à hauteur d’homme : l’anthropologie interprétative de Clifford Geertz et son apport potentiel à la recherche francophone en management », Management & Avenir, 2013/2, n°60, pp.35-52.

Legendre, P., 1988, Dominum Mundi. L’empire du management, Paris, Ed. Mille et une nuits.

Musso, P., 2009, « La barbarie managériale », Les Cahiers européens de l’imaginaire, pp.126-134.

Nkakleu, R., Plane, J.-M., Biboum, A. D. & Onomo, M. B. C. (Éds.) (2021), Théories et management des organisations. Une perspective africaine, Caen, EMS.

Schmitt, Ch., 2017, “Les situations de gestion: entre intentionnalité et problématisation”, Projectics/ Proyéctica/ Projectique, 2, n°17, pp.9-24.

Severino, J.-M. & Hajdenberg, J. (2016), Entreprenante Afrique, Paris, Odile Jacob.

Tedongmo Teko, H. et Etogo, G., 2022, Le pluralisme managérial en Afrique, Paris, EMS, Collection « Business Science Institut ».

Texier le Th., 2016, Le maniement des hommes. Essai sur la rationalité managériale, Paris, La Découverte.


Date(s)

  • Tuesday, April 05, 2022

Keywords

  • Afrique, management, situation non-conventionnelle, gestion, forme élémentaire, idéologie managériale

Contact(s)

  • Henri Tedongmo Teko
    courriel : henriteko [at] gmx [dot] com
  • Jean Fouda Biwole
    courriel : bfoudaj [at] yahoo [dot] fr

Information source

  • Jean Biwole Fouda
    courriel : bfoudaj [at] yahoo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Les formes élémentaires du management en Afrique », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, February 02, 2022, https://doi.org/10.58079/185x

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