Página inicialTémoignage et auto-éveil. Pour une autre philosophie de la religion

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Publicado terça, 22 de fevereiro de 2022

Resumo

Six conférences par Yasuhiko Sugimura, professeur à l’université de Kyoto, sont données dans le cadre de la chaire de métaphysique Étienne Gilson de l’Institut catholique de Paris. Ces six leçons auront pour but d’entrecroiser par différents biais le post-philosophique des penseurs français postheideggériens et le quasi-philosophique des penseurs de l’école de Kyoto. Cette tentative ne se limite pas à la comparaison des contenus conceptuels des deux côtés, mais vise à les rapprocher l’un de l’autre au niveau de leur manière de reformuler l’acte de philosopher autrement : le témoignage du côté français et l’auto-éveil du côté japonais.

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Présentation générale

Penser la religion en assumant cette tâche comme un geste fondamental de la philosophie, non pas comme une simple application de la pensée philosophique à un sujet particulier qui s’appelle la « religion », c’est ce que j’entends par le terme japonais shûkyô-tetsugaku, terme qui est une traduction approximative de « philosophie de la religion », mais qui peut signifier, à la lettre, la « philosophie-religion ». Comme nom d’une discipline philosophique, la philosophie de la religion apparut à la fin du XVIIIeme siècle dans la mouvance des Lumières pour signifier l’explication rationnelle de l’essence de la religion à partir des faits religieux. Cependant, en traversant le XXeme siècle, où une mise en question radicale s’est imposée tant à la philosophie qu’à la religion, la philosophie de la religion ainsi comprise comme une production de la modernité ne peut plus se maintenir comme telle. Après la « fin de la philosophie » déclarée par le dernier Heidegger, la philosophie ne peut survivre qu’au prix d’une transformation profonde : elle se trouve « affaiblie », à moins qu’elle ne se confonde avec la simple production des savoirs scientifiques, en assumant pour ainsi dire sa propre « mort » au sein d’elle-même. D’autre part, la factualité de la religion est ébranlée au point que la religion se distingue de moins en moins, non seulement de ce qui n’est pas la religion, mais aussi de ce qui s’y oppose. Le fameux « retour du religieux » à l’échelle mondiale ne peut probablement pas s’exempter de cette tendance générale. Face à cette double mise en cause philosophique et religieuse, comment pouvons-nous inventer une autre manière de penser qui se nourrit des ressources philosophiques et religieuses tout en prenant au sérieux ce qui les menace profondément ? C’est la tâche que nous devons assumer au nom d’une philosophie de la religion aujourd’hui.

Ayant commencé mon itinéraire par l’étude de la philosophie française contemporaine, la pensée de Paul Ricœur en particulier, je me suis appliqué à cette tâche sous la double inspiration : la philosophie contemporaine française dite post-heideggérienne (Ricoeur, Lévinas, Derrida, Henry, etc.), d’une part, et la philosophie de l'Ecole de Kyoto, représentée par le fondateur NISHIDA Kitarô et le co-fondateur TANABE Hajime, dont je suis héritier d’une certiane manière, d’autre part. Dans la première, les pensées post-philosophiques, en ce sens qu’elles prennent au sérieux l’idée heideggérienne de la fin de la philosophie, ont été inventées, chacune de manière fort originale, en mobilisant les ressources religieuses – juives et chrétiennes en l’occurrence – en leur faisant subir une singulière transformation. Dans la dernière, l’Ecole de Kyoto, courant de pensée qui s’est épanoui pendant la première moitié du XXeme siècle au Japon en cours de la « modernisation » au nom de l’« occidentalisation », des pensées fort singulières ont été tentées, d’une manière que je proposerais de qualifier de quasi-philosophique, en ce sens que, tout en essayant d’organiser un système philosophique dans la lignée de la « philosophie », au sens occidental du terme, elles parviennent à mobiliser comme leur arkhé des idées apparemment étrangères à la tradition philosophique occidentale, celle du « néant absolu » entre autres. Elles se réfèrent alors, implicitement dans la plupart des cas, aux ressources religieuses qui les nourrissent, celles du bouddhisme – bouddhisme Zen et bouddhisme de la Terre pure – en particulier. Il est en outre à noter que les philosophes de l’École de Kyoto se sentaient très proches de la pensée de Heidegger. C’était en l’accueillant profondément mais toujours avec une critique essentielle qu’ils ont élaboré leur propre pensée philosophique. 

Compte tenu de tout cela, entrecroiser par différents biais le post-philosophique des penseurs français postheideggériens et le quasi-philosophique des penseurs de l’École de Kyoto sera la tâche que j’aborde dans mes six leçons. Cette tentative ne se limite pas à la comparaison des contenus conceptuels des deux côtés, mais vise à les rapprocher l’un de l’autre au niveau de leur manière de reformuler l’acte de philosopher autrement : le témoignage du côté français et l’auto-éveil du côté japonais. Entrecroiser le témoignage post-philosophique et l’auto-éveil quasi-philosophique, c’est ce que mes leçons proposent d’effectuer afin de préparer pour une autre philosophie de la religion.

Programme des conférences

Lundi 7 mars

Témoignage et Auto-éveil. Deux approches entrecroisées

Le fait ne me semble pas suffisamment reconnu que parmi les philosophes français postheideggériens énumérés ci-dessus, l’usage du terme « témoignage » ou « témoin » est l’un des dénominateurs communs, malgré la différence du contexte auquel il est chaque fois relié. Avant de faire partie de l’univers conceptuel de leur pensée, l’idée de témoignage désigne l’approche même qu’ils ont inventée, approche singulière qui mène à un certain non-pouvoir en deçà du « pouvoir-être-soi-même » du Dasein dont l’« attestation (Bezeugung) » est d’importance cruciale dans l’ontologie fondamentale de Heidegger. Quant à l’École de Kyoto, la percée en deçà de l’Être heideggérien s’effectue sous le signe du néant absolu. Celui-ci n’est pas une simple traduction philosophique de la vacuité bouddhique. C’est au nom de l’auto-éveil que Nishida et Tanabe ont essayé d’élaborer une approche qui y mène. Nous examinerons ce que peuvent être l’approche témoignante et l’approche auto-éveillante, en précisant le potentiel religieux qui les nourrit l’une et l’autre, afin de mesurer d’avance la portée de notre tentative d’entrecroisement.

Mardi 8 mars

Herméneutique radicale du témoignage. Enjeux de la philosophie française post-heideggérienne

À la lumière des acquis de la première leçon, nous essayons d’esquisser, sous le signe d’une herméneutique radicale du témoignage, un schéma constitutif qui puisse intégrer les différentes approches témoignantes que les penseurs français postheideggériens ont développées. Après avoir présenté l’arrière-plan historique où la problématique du témoignage s’est imposée dans la pensée contemporaine en général, nous abordons cette tâche en prenant pour axe de référence « l’analyse essentielle du témoignage » que Ricoeur présente dans La mémoire, l’histoire, l’oubli. L’analyse ricoeurienne divise l’acte de témoigner dans les trois étapes consécutives auxquelles correspondent les formules suivantes : (1) « J’y étais » (l’auto-déclaration du témoin), (2) « Croyez-moi » (la transmission fiduciaire du témoin au témoin du témoin), (3) « Si vous ne me croyez pas, demandez à quelqu’un d’autre » (l’ouverture de l’espace public comme l’espace de controverse des témoins). Nous nous proposerons de transformer ces trois jalons d’origine ricœurienne en superposant à chaque étape des réflexions analogues tirées de Lévinas et Derrida, celles qui sont en apparence plus démesurées et hyperboliques. Nous réorganiserons ainsi ces trois penseurs du témoignage en vue de dégager pour notre propre compte ce qui peut constituer l’approche témoignante post-philosophique.

Mercredi 9 mars et lundi 14 mars

Reformulation auto-éveillante de la philosophie. Enjeux de la philosophie de l’« École de Kyoto » : (1) NISHIDA Kitarô ; (2) TANABE Hajime

Dans ces deux séances, nous nous tournons du côté japonais de nos leçons. Après avoir présenté l’arrière-plan historique qui a préparé la naissance de la philosophie de l’« École de Kyoto » que nous proposons de caractériser comme une « première expression non-occidentale de la philosophie occidentale », nous retracerons les itinéraires du fondateur de cette École (Nishida) et de son successeur qui, lui, a lancé sur le chemin une critique frontale (Tanabe). Nous poursuivrons leur parcours depuis le commencement jusqu’à l’élaboration de leurs propres conceptions du néant absolu, le « lieu du néant absolu » chez Nishida et la « dialectique agissante du néant absolu » chez Tanabe. Nous préciserons, par là, comment leur approche auto-éveillante, qui a rendu possible cette percée vers le néant absolu, s’est construite à travers leur dialogue, virtuel ou réel, avec les mouvements les plus neufs de la philosophie occidentale, représentés par W. James, Bergson, Husserl, Dilthey, Rickert, Cohen, et le jeune Heidegger, mais en même temps comment, au moment ultime de leur démarche, ils se décalent insensiblement du standard de la philosophie occidentale en doublant leur voie philosophique d’une inspiration issue de ressources non-occidentales. Ainsi nous présenterons les grandes lignes de la pensée de ces deux représentants de l’École de Kyoto en explicitant ce que signifie l’approche auto-éveillante quasi-philosophique qui oriente leur cheminement.

Mardi 15 mars

Descente en deçà de l’être. Entrecroiser l’hylétique a-phénoménologique (Lévinas, Henry) et l’auto-éveil à l’envers du monde (Nishida, Tanabe)

Les deux dernières leçons seront consacrées aux problématiques plus précises que nous choisissons pour mesurer la portée de notre tentative d’entrecroiser le témoignage post-philosophique et l’auto-éveil quasi-philosophique. Les réflexions qui constituent la cinquième séance seront conduites sous le titre de la « Descente en deçà de l’être ». Plus concrètement, il s’agit de la descente qui nous mène à l’hylétique primordiale et à la corporéité qui en fait partie. Comme le montrent l’idée d’« il y a » ou « l’existence sans existant » de Lévinas et la « phénoménologie matérielle » de Henry, l’approche témoignante de la pensée française pos-heideggérienne touche délibérément cette zone « en deçà de l’être » où l’auto-attestation ontologique du Dasein heideggérien s’avère im-possible. Cette descente vers l’hylétique absolue, les approches auto-éveillantes du néant absolu chez Nishida et Tanabe la partagent à bien des égards. Nous tenterons de rapprocher Nishida avec Henry et Lévinas avec Tanabe autour de cette problématique.  

Mercredi 16 mars

Des morts aux (sur-)vivants. Transmission de « ce qui reste » (Ricœur, Derrida, Tanabe)

Nous finirons le cycle de nos leçons par aborder l’autre problématique autour de laquelle peut s’entrecroiser l’approche témoignante et l’approche auto-éveillante. Du côté de la pensée française post-philosophique, la lecture critique de Heidegger concernant l’idée du pouvoir-mourir-sa-propre-mort conduit ceux qui représentent ce courant au déplacement d’accent de la mort propre à la mort d’autrui, voire aux morts. À travers l’examen croisé des œuvres de Ricœur et Derrida, nous constaterons que les réflexions qu’ils développent autour de la question de la mort s’intéressent de plus en plus au lien qui relie les morts aux (sur)vivants qu’ils identifient avec une sorte de transmission testimoniale. Un déroulement semblable se trouve dans l’approche auto-éveillante de la philosophie tanabéenne du néant absolu. Celle-ci parvient, juste avant la mort du philosophe, à l’idée singulière de la « communauté existentielle entre les morts et les vivants ». Ce dernier rapprochement entre le post-philosophique français et le quasi-philosophique japonais entraînera une superposition inattendue entre les ressources religieuses qui les nourrissent.

Informations pratiques

Chaque soir de 18h à 20h, une leçon de Yasuhiko Sugimura. Les conférences seront données en français et en distantiel.

Inscription indispendable à l'adresse suivante : chairegilson2022.eventbrite.fr

Locais

  • 74 rue de Vaugirard
    Paris, França (75006)

Formato do evento

Evento apenas online


Datas

  • segunda, 07 de março de 2022
  • terça, 08 de março de 2022
  • quarta, 09 de março de 2022
  • segunda, 14 de março de 2022
  • terça, 15 de março de 2022
  • quarta, 16 de março de 2022

Ficheiros anexos

Palavras-chave

  • philosophie, métaphysique

Contactos

  • Vice-Rectorat à la Recherche Institut Catholique de Paris
    courriel : recherche [at] icp [dot] fr

Urls de referência

Fonte da informação

  • Vice-Rectorat Recherche
    courriel : recherche [at] icp [dot] fr

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Para citar este anúncio

« Témoignage et auto-éveil. Pour une autre philosophie de la religion », Ciclo de conferências, Calenda, Publicado terça, 22 de fevereiro de 2022, https://calenda.org/968564

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