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Perspectives anarchisantes dans les arts et sciences sociales

Questions et débats sur l’imaginaire de « l’ingouvernabilité »

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Publié le mardi 08 mars 2022

Résumé

Ce colloque entend réfléchir à ce que supposent, manifestent et ambitionnent les « perspectives anarchisantes » qui se reflètent dans les pensées et pratiques (occupations des places, mouvements contestataires, Gilets Jaunes, Nuit Debout) que dans les théorisations (Graeber, Scott, Rancière, etc.) situées implicitement ou explicitement dans l’horizon démocratique contemporain. Cela implique notamment de penser cet « imaginaire de l'ingouvernabilité » illustré par la méfiance envers les institutions, voire le recours à une certaine violence (tout du moins au conflit), ainsi que de discuter les soubassements ontologiques (la composition de la réalité sociale), les présupposés épistémologiques (les méthodes réflexives et critiques à l'oeuvre chez les acteurs) et les orientations normatives (les principes d’égalité, de liberté ou de justice censées gouverner la transformation du réel) qui structurent ces « perspectives anarchisantes ».

Annonce

Argumentaire

Dans les pays occidentaux comme au-delà, les mouvements sociaux des dix dernières années ont notamment mis au goût du jour une certain nombre de pratiques qui rompent avec celles de la tradition contestataire institutionnalisée: mouvements issus directement des populations et non de corps constitués (à l'écart des corporations, partis ou syndicats), occupations des places et des rues, actions coup-de-poing (pour Extinction Rébellion par exemple), organisation en marge des institutions et des leaders (Gilets Jaunes), mouvements sans revendications précises (Nuit Debout: "Nous ne demandons rien") ou demande de démocratie participative (RIC), etc. Le point commun de ces formes extrêmement diverses est sans doute le rejet des formes de la "politique" classique, soit de l'organisation dominante de la démocratie représentative (État, partis, élections), pour les contester dans ce que nous pourrions rassembler sous le terme de "pratiques pirates". Assisterait-on alors, en ce premier quart du XXe siècle, à un moment "anarchiste" (d'après un concept qui reste à définir), après le moment "marxiste", dans la lutte contre la gestion néo-libérale du monde et les méfaits du capitalisme?

De fait, alors que l'effritement du marxisme et de ses diverses déclinaisons dans les sphères intellectuelles depuis plusieurs dizaines d'années semble libérer un espace propice au développement d'une pensée anarchiste, peu se réclament encore de cette étiquette. La raison en est sans doute due à un malentendu sur ce que recouvre le terme et ce qu'il désigne exactement. Si "anarchisme" (comme "communisme") fait peur, c'est notamment parce que le terme semble, pour certains, renvoyer à un passé et un imaginaire de violence. Alors qu'ils ont abandonné peu ou prou l'idée de révolution, il fait peu de doute que beaucoup se retrouvent en revamche aujourd'hui autour de valeurs, de pensées et de pratiques anarchisantes. Mais quelles sont-elles ? Selon le regretté anthropologue David Graeber (Pour une anthropologie anarchiste, Lux, 2006), une "approche anarchiste" n'existerait pas encore, ce qui le conduisait à s'interroger sur les raisons d'une telle absence, à l'université et dans les sciences humaines et sociales. L'esprit anarchiste d'un Graeber repose d'ailleurs moins, si l'on y réfléchit, à un ensemble unifié et cohérent de préceptes, mais plutôt sur une façon - que l'on peut juger salutaire - de remettre en question les évidences les moins questionnées à propos des piliers de notre organisation sociale, et souvent à renverser les points de vue admis: ainsi les sociétés démocratiques seraient infiniment plus bureaucratiques que les dictatures, l'inégalité sociale serait une invention relativement récente et reliée à un type de structure socio-politique, la juxtaposition des libertés individuelles considérées comme "naturelles" (à commencer par le droit de propriété) se traduirait par une servitude volontaire à l'égard d'un pouvoir managérial à grande échelle, le "réalisme" serait du côté des révolutionnaires plutôt que dans le discours servant à discréditer par avance les expérimentations d'autonomie, etc.

Ce colloque vise donc à prendre au mot le constat de Graeber pour essayer de réfléchir, avec d'autres, à ce que supposent, manifestent et ambitionnent les "perspectives anarchisantes" qui se reflètent dans dans les pensées et pratiques que dans les théorisations situées implicitement ou explicitement dans cet horizon de réflexion interdisciplinaire. Cela implique notamment de penser, dans les arts et les études littéraires, mais aussi dans les sciences sociales et la philosophie, cet "imaginaire de l'ingouvernabilité" illustré par: la méfiance envers les institutions; la coopération plutôt que la compétition; le refus de l'autorité surplombante; les tentations et tentatives de désertion, de guérilla, de sabotage, de désobéissance voire de trahison; l'accent mis sur le collectif plutôt que l'auteur-génie; le recours à une certaine violence (ou tout du moins au conflit et à l'antagonisme) plutôt que le consensus; la communauté avec ou contre l'individu; le "vivre sans" (police, travail, argent) comme utopie; la dynamique autonomie / hétéronomie, etc. Cela engage également à méditer et discuter les soubassements ontologiques (la composition de la réalité sociale), les présupposés épistémologiques (les méthodes réflexives et critiques à l'oeuvre chez les acteurs) et les orientations normatives (les principes d'égalité, de liberté ou de justice censées gouverner la transformation du réel) qui structurent ces "perspectives anarchisantes" à titre de condition de possibilité et de manifestations concrètes.

Les points d'entrées dans ce colloque pourront donc s'effectuer à partir de multiples et complémentaires interrogations et disciplines, toutes reliées à la compréhension des tendances contemporaines: mouvements sociaux, courants de pensée, oeuvres et auteurs, exprimant à divers degrés des "perspectives anarchisantes" sur la démocratie, le politique, les institutions, l'égalité, la liberté, la communauté, l'association, l'individu, etc.

Modalités de contribution

Le colloque se tiendra les 20 et 21 octobre 2022 à Charenton-le-Pont

Les résumés des contributions (une quinzaine de lignes, avec références et statuts des personnes) devraient être envoyés par les candidats à Stéphane Vibert (svibert@uottawa.ca) ou Rémi Astruc (remi.astruc@cyu.fr)

avant le 1er juin 2022.

Organisateurs 

  • Rémi Astruc, Professeur de Lettres, Directeur d'études, Département de Lettres modernes CY Cergy Paris Université, CNRS Héritage
  • Stéphane Vibert, Professeur titulaire, École d’Études Sociologiques et Anthropologiques, Université d’Ottawa, CIRCEM

Comité scientifique 

  • Philippe Chanial, professeur de sociologie, Université de Caen, co-directeur du Centre de Recherche Risques & Vulnérabilités (CERREV)
  • Jacques-David Ebguy, Maitre de conférences en littérature française, Université de Paris Diderot-Paris 7, CERILAC
  • Gilles Labelle, professeur titulaire, École d’études politiques, Université d’Ottawa, Collectif Société
  • Thierry Tremblay, Professeur associé, Département de Français, Université de Malte
  • Patrick Valéau, professeur des universités, Gestion des Ressources Humaines IGR-IAE Rennes 1, directeur délégué à la recherche - directeur adjoint du CREM UMR 6211

Lieux

  • Métro Liberté - 11 rue du Séminaire de Conflans
    Charenton-le-Pont, France (94220)

Format de l'événement

Événement uniquement sur site


Dates

  • mercredi 01 juin 2022

Mots-clés

  • anarchisme, politique, art, contestation, institution, conflit, démocratie, égalité, ingouvernabilité, imaginaire

Contacts

  • Stéphane Vibert
    courriel : svibert [at] uottawa [dot] ca
  • Rémi Astruc
    courriel : astruc [dot] remi [at] orange [dot] fr

Source de l'information

  • Stéphane Vibert
    courriel : svibert [at] uottawa [dot] ca

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Perspectives anarchisantes dans les arts et sciences sociales », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 08 mars 2022, https://doi.org/10.58079/18el

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