HomeEau et extractivisme. Des savoirs pour l’avenir des jeunes et de la planète
Published on Monday, March 21, 2022
Summary
Dans un esprit de partage et de convivialité, la journée d’étude entend documenter les pratiques et les problèmes relatifs à l’eau autour des activités extractives, donner la parole aux jeunes et surtout sensibiliser les dirigeants régionaux et l’opinion publique aux causes et aux conséquences sociales et économiques des industries extractives. Mais les problèmes sont complexes : comment les populations peuvent-elles s’outiller et s’organiser pour que ces prédations soient plus justement compensées ? À l’inverse, ces compensations, en légitimant de fait ces prédations, n’entretiennent-elles pas un système économique à l’origine des difficultés de vie des jeunes du territoire et du changement climatique qui affecte tous les habitants de la planète ?
Announcement
Présentation
Dans le cadre d’une journée d’étude qui se tiendra à l’automne 2022, les associations CORENS et EDA, avec l’appui de Lianes Coopération, souhaitent développer une réflexion interdisciplinaire autour des enjeux liés à l’extractivisme afin de les inscrire dans un contexte géographique, géopolitique et temporel élargi. Les atteintes environnementales et sociales des activités extractives, loin d’être des problématiques locales, nous concernent toutes et tous en ce qu’elles questionnent en profondeur notre mode de développement. Partant de ce constat, l’organisation d’une rencontre entre acteurs de terrain et monde de la recherche est apparue nécessaire.
Le déploiement de technologies, dites vertes, pour permettre une transition écologique et énergétique en adéquation avec les objectifs de réduction des gaz à effets de serre fixés par l’Accord de Paris reposent largement sur une demande mondiale accrue en minerais. Cette demande en hausse a pour conséquence une intensification des activités extractives (cobalt, lithium, graphite, etc.), notamment en Afrique et en Amérique latine, délocalisant ainsi les pollutions et la consommation des ressources. La journée d’étude consacrera un focus particulier sur l’eau, ressource déterminante dans la trajectoire sociale et économique des territoires. La consommation démesurée et la pollution de l’eau par les industries extractives constituent un exemple symptomatique du rapport entre dégradation de l‘environnement et précarisation des populations. Si la sauvegarde de cette ressource est évidemment nécessaire, il s’agit de penser cette corrélation entre perspectives de développement pour les jeunes générations sur les territoires où s’installent les activités extractives et préservation de l’eau en tant que bien public mondial.
Trois objectifs ont été définis pour ce temps de réflexion :
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Partager, dans un esprit convivialiste, expériences et analyses entre acteurs de terrain, militants ou professionnels et monde de la recherche.
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Proposer une réflexion interdisciplinaire pour faire émerger de nouveaux savoirs plus à même d’analyser la relation entre préservation de la ressource en eau et développement local, et d’outiller les communautés impactées.
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Sensibiliser le grand public aux causes et aux conséquences sociales et économiques des industries extractives. L’extractivisme, sur lequel repose une partie de notre propre développement, lie nos destins à celui des jeunes des régions riches en ressources minières ou fossiles que nous prélevons massivement au détriment de leur propre développement.
Argumentaire
La délocalisation des prédations et des pollutions : focus sur la ressource en eau
Le système actuel de production alimentant le marché mondial repose sur une exploitation des ressources non-renouvelables. Les activités extractives nécessaires au fonctionnement de cette économie engendrent une pollution des terres et une captation des ressources qui fragilisent les populations locales. Les politiques de transition écologique basées sur le développement de nouvelles technologies intensifient la pression sur les ressources minières et représentent un coût environnemental et social considérable pour les territoires hébergeant ces industries.
Si les atteintes environnementales résultant de cette économie sont multiples, l’exemple de l’eau est particulièrement symptomatique des rapports de pouvoir qui s’articulent autour des ressources naturelles et des enjeux socio-économiques qui en découlent. Partout, l’eau est au cœur des conflits. Localement, les industries extractives contribuent à la dégradation des rivières, en principe artères de vie, et s’approprient l’eau des nappes phréatiques, réputée abondante et inépuisable. La journée d’étude s’attardera donc sur les logiques de prédation et de pollution des ressources en eau, comme un des signes majeurs de l’impact dévastateur de cette économie sur les écosystèmes et les sociétés.
Activités extractives et développement local
La captation massive, car gratuite, de l’eau par les industries et la pollution des eaux de surface affectent durablement les trajectoires et les stratégies locales de développement économique. Les populations sur les territoires où s’installent les grandes sociétés extractives sont confrontées à des problèmes environnementaux et économiques tels que beaucoup de jeunes décident d’abandonner les activités d’agriculture, de pêche ou d’élevage qui permettaient à leurs parents de vivre jusqu’ici. De cette situation résultent de multiples parcours de transitions. Migrations, orpaillage moderne ou engagement dans les mouvements djihadistes peuvent se trouver renforcés par l’abandon d’activités liées au secteur primaire. Ces évolutions sociales concomitantes aux activités extractives trouvent leurs racines dans les bouleversements environnementaux qu’elles provoquent.
Mesure des externalités et négociations des compensations : un rapport de force asymétrique
Notre expérience et nos observations de terrain, en Afrique de l’Ouest et en Amérique latine notamment, nous conduisent à penser que les rapports de forces entre les représentants des entreprises extractives et les communautés villageoises, sont totalement déséquilibrées au désavantage évident des autochtones, fussent-ils engagés dans un orpaillage, beaucoup plus modeste, mais également polluant.
Les négociations fixant les montants des compensations conduisent selon les cas soit à des accords qui se révèlent rapidement très défavorables aux populations autochtones (Afrique de l’Ouest), soit à des tensions qui peuvent aller jusqu’à l’abandon momentané des projets extractifs (Amérique andine). Les sociétés extractives, transnationales, pour la plupart, bénéficient de l’appui des États avec parfois une législation très favorable. Elles s’appuient sur les études de faisabilité et d’impact menées par des experts (géologues, économistes, avocats, politistes, juristes, etc.) qui documentent et guident les négociations. De leur côté, les communautés villageoises ont à leur disposition leurs savoirs ancestraux infiniment précieux et l’appui de chercheurs ou d’organisations de la société civile leur donnant accès à des ressources juridiques. Néanmoins, elles ne bénéficient ni d’un accompagnement scientifique semblable, ni d’informations sur les stratégies des sociétés ailleurs dans le monde.
Ainsi, la mesure des externalités n’est pas neutre et relève, dans le cadre des négociations pour les compensations, d’un enjeu crucial pour les populations concernées. Actuellement la mesure des externalités sur les populations et leur environnement – (accaparement des terres, déplacements forcés, usages conflictuels de l’eau, pollution des sols et des rivières, stérilisation des terres, réduction des possibles agricoles, écosystèmes dégradés, etc.) – mobilisent des protocoles d’évaluation largement inadaptés à l’économie des communautés. Ces dernières manquent cruellement de soutiens logistiques et financiers pour évaluer les réelles dégradations à long terme de leurs milieux de vie et obtenir des compensations légitimes.
De nouveaux savoir à élaborer
Le savoir technique et les outils théoriques des experts pour fixer les clauses financières proposées aux communautés locales, ne sont adaptés ni à leur réalité socio-économique, ni à la nécessaire transition écologique. Ainsi, ces profondes asymétries posent une double problématique : comment les populations peuvent-elles s’outiller et s’organiser pour imposer le versement de compensationsplus justes ? A l’inverse, les compensations, en accréditant l’exploitation, n’entretiennent-elles pas, de fait, une asymétrie du rapport de force ?
La journée d’étude permettra de mettre en échos deux positionnements. D'un côté, localement il y a une urgence à réduire cette asymétrie flagrante lors des négociations entre les sociétés transnationales et les communautés autochtones. De l'autre, cette asymétrie des rapports de pouvoir entre exploitants et habitants est dénoncée comme inhérente aux activités extractives. C’est alors l’ensemble du dispositif économique mondial reposant sur l’accaparement des ressources qu’il s’agit de réprouver au regard de l’épuisement des ressources et de l'irréversibilité des dommages subis par les écosystèmes.
Cette journée d’étude vise donc à créer un espace d’émergence de nouveaux savoirs, toutes disciplines confondues, en faveur des populations lésées et d’une redéfinition des termes d’échanges. De manière opérationnelle, l’objectif est de permettre aux acteurs de s’outiller en produisant, compilant et en diffusant des données capables de mobiliser les opinions publiques et les autorités locales dans le monde. De plus, les enjeux liés à l’eau ne sont considérés le plus souvent que du seul point de vue de la consommation humaine omettant sa dimension écosystémique. La journée d’étude sera donc l’occasion de mettre en débat et d’explorer les possibles transitions juridiques permettant un droit de l’eau en plus d’un droit à l’eau. Enfin, les conséquences écologiques irréversibles des activités extractives impliquent une réflexion transgénérationnelle et des mutations juridiques pour prendre en compte les possibilités pour les jeunes générations d’habiter ces territoires et d’y vivre décemment.
Axes d’études proposés
Cette journée d’études souhaite s’inscrire dans une double démarche : pluri-acteurs et interdisciplinaire. L’appel à contribution vise à recueillir une diversité de propositions d’acteurs associatifs, économiques, institutionnels et de la recherche. Les contributions sont invitées à informer, à documenter et à questionner le sujet sur quatre axes :
1/ La géopolitique des minerais : demandes globales, conséquences locales
De l’extraction à la consommation, qui sont les acteurs des filières minières ? Quels sont les mécanismes économiques qui les sous-tendent ? Quels sont les impacts attendus à moyen terme des politiques de transitions écologiques et d’innovations technologiques sur les ressources en minerais ? Quelles sont les pratiques et les procédures d’implantation actuelle des activités extractives ? Comment les jeunes générations répondent aux perspectives d’emploi et de développement socio-économique des territoires concernés par les activités extractives ?
2/ Les pratiques actuelles de négociations de compensations et les rapports de force asymétriques qui les sous-tendent
Dans l’état des connaissances disponibles, est-il possible de retenir des exemples et des recommandations, de nature à renforcer les arguments des communautés villageoises dans leurs négociations ou actions en direction des entreprises extractives ? Comment réduire l’asymétrie actuelle des pratiques de compensation? Quels rôles pourraient jouer les pouvoirs publics, locaux et nationaux ? Plus généralement quels enseignements nous apporte l’histoire des expériences de compensation ?
3/ Les modalités d’études environnementales de l’impact des activités extractives
La construction des politiques publiques nécessite l’accès à une information fiable et analysable tant par les pouvoirs publics que par les communautés locales ou la société civile. De quelle manière est-il envisageable d’évaluer à la fois quantitativement et qualitativement l’impact des différentes activités extractives sur la ressource en eau ? Dans quelles mesures des solutions basées sur la nature pourraient- elles jouer un rôle d’atténuation de cet impact ? Quelle typologie d’impacts peut-on observer à court, moyen et long terme sur l’ensemble d’un bassin versant ?
La notion même de valeur, utilisée par les économistes orthodoxes (et discutée par d’autres) est réputée être associée à la rareté d’un bien ; que dire dans ce cas des ressources minières non renouvelables et de l'eau bien commun vital ? Dans quelles mesures penser l’eau avant tout comme une valeur instrumentale permet sa marchandisation autant qu’elle limite les pratiques de compensation ? Enfin, cette notion de valeur, telle qu’elle est définie par l’économie néolibérale – où la monnaie est l’équivalent de toute chose –, est-elle compatible avec l’économie villageoise où l’on veille à ne pas compromettre l’avenir ?
4/ Les mutations juridiques et conceptuelles nécessaires pour penser une transition écologique plus équitable
La transition écologique n’impose-t-elle pas que l’on reconnaisse, à côté du droit à l’eau, un droit de l’eau ? Dès lors que l’on renonce à considérer l’eau, les rivières et les écosystèmes comme de simples ressources – refusant ainsi de leur attribuer un équivalent monétaire – n’assiste-t-on pas à un véritable écocide ? Quelles mutations juridiques pourraient accompagner ces changements de perspective ?
Modalités de soumission
Les contributions peuvent prendre une pluralité de formes : témoignages, présentation d’études et d’objet de recherche, retour d’expérience de missions de terrain.
Une présentation de votre domaine d’action ou de recherche ainsi que du cas d’étude envisagé (500 mots environ) sont à envoyer avant le 15 avril à :
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Anita Villers (EDA-Lille, anita.villers@free.fr),
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Michèle Leclerc-Olive (CORENS-CIBELE, mleclerc@ehess.fr),
- Cyrielle Choblet (Lianes Coopération, scienceetsociete@lianescooperation.org)
Calendrier
- Jeudi 17 février : lancement de l’appel à contribution
- Vendredi 15 avril : clôture de l’appel à contribution
- Mardi 24 mai (demi-journée) : Webinaire préparatoire entre intervenants
- Samedi 24 septembre : Journée d’étude
Format La journée d’étude se tiendra en hybride : en visioconférence et en présentiel à la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités de Lille.
Lieu Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités 5 rue Jules de Vicq, 59800 LILLE
Comité scientifique
- Sylvie Capitant (IEDES-Université Paris 1) scapitant@univ-paris1.fr
- Françoise Carrasse (CNAM) francoise.carrasse@yahoo.com
- Cyrielle Choblet (Lianes-Coopération)scienceetsociete@lianescooperation.org
- Luc Descroix (IRD Dakar) luc.descroix@ird.fr
- Michèle Leclerc-Olive (IRIS-CNRS-EHESS) mleclerc@ehess.fr
- Jérôme Lombard (PRODIG) jerome.lombard@ird.fr
- Anzoumane Sissoko (DIEL) sissokoanzoumane@yahoo.fr
- Laurent Vidal (IRD Bamako) laurent.vidal@ird.fr
- Anita Villers (EDA-Lille) anita.villers@free.fr
- Nizar Yaiche (Liane-Coopération) n.yaiche@lianescooperation.org
Subjects
- Modern (Main subject)
- Society > History > Economic history
- Society > Economics > Political economics
- Periods > Modern > Twentieth century
- Society > Ethnology, anthropology > Political anthropology
- Society > Political studies > International relations
- Periods > Modern > Prospective
- Society > Law
Places
- Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités 5 rue Jules de Vicq
Lille, France (59800)
Event format
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Friday, April 15, 2022
Attached files
Keywords
- extractivisme, eau, jeune, planète, environnement
Contact(s)
- Michèle Leclerc-Olive
courriel : mleclerc [at] ehess [dot] fr - Anita Villers
courriel : anita [dot] villers [at] free [dot] fr - Cyrielle Choblet
courriel : c [dot] choblet [at] lianescooperation [dot] org
Information source
- Michèle Leclerc-Olive
courriel : mleclerc [at] ehess [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Eau et extractivisme. Des savoirs pour l’avenir des jeunes et de la planète », Call for papers, Calenda, Published on Monday, March 21, 2022, https://calenda.org/979203