HomePrévision, anticipation et projection : et si les géographes avaient des super-pouvoirs ?

HomePrévision, anticipation et projection : et si les géographes avaient des super-pouvoirs ?

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Published on Wednesday, March 23, 2022

Abstract

Imaginé, appréhendé et anticipé, le futur est au cœur des débats et des enjeux tant politiques, que sociaux et économiques. Que leurs travaux soient invisibilisés ou médiatisés, les géographes semblent être en capacité d’apporter des éléments importants à la réflexion collective sur le futur à construire, mais doivent-ils réellement sortir du cadre académique pour être voyant et se faire voyant ? Nous souhaitons donc par cet appel interroger la place de la géographie, et de ses acteurs, dans les dynamiques de prédiction.

Announcement

Argumentaire

Imaginé, appréhendé et anticipé, le futur est au cœur des débats et des enjeux tant politiques, que sociaux et économiques. Dans l’arène médiatique de la prédiction de l’avenir et de l’injonction aux responsables politiques, le chercheur-expert tient une place de choix. C’est à qui saura le premier annoncer les mouvements sociaux, les crises économiques, ou encore la prochaine catastrophe environnementale. Les géographes, par leurs approches méthodologiques tant quantitatives que qualitatives, s’appuient sur des outils largement utilisés dans les démarches d’anticipation du futur. S’il semble clair que la prévision des risques et les changements climatiques reposent en partie sur des techniques et des méthodologies de la géographie - notamment à travers la modélisation ou encore l’analyse des changements sur le temps long- l’apport de la discipline dans la prospective des usages et des mobilités est moins connu. Que leurs travaux soient invisibilisés ou médiatisés, les géographes semblent être en capacité d’apporter des éléments importants à la réflexion collective sur le futur à construire, mais doivent-ils réellement sortir du cadre académique pour être voyant et se faire voyant [1] ? Nous souhaitons donc par cet appel interroger la place de la géographie, et de ses acteurs, dans les dynamiques de prédiction.

Axes de réflexions

Axe 1 : Anticiper les risques pour éviter les catastrophes physiques et sociales

Comme le rappelle D. Pumain en 2001, la recherche scientifique s’est organisée pour répondre à un besoin d’analyse, et d’évaluation des risques voire de pronostic des catastrophes probables. Les géographes, à travers leur approche spatiale répondent donc à un besoin de gestion territorialisée de ces risques, au point de participer au transfert d’apprentissage pour mieux appréhender et prévenir les catastrophes naturelles (appel à communication Georisque 2022). Si le modèle, notamment très utilisé en économie, est une méthodologie valorisée pour la prévision, de nombreux auteurs en évoquent les limites, voire la difficulté de son application dans les disciplines de sciences sociales (Box et al., 2005 ; Oreskes, 2003 ; Pumain, 2001 ; Vacchiani-Marcuzzo, 2021). En s’appuyant sur des données issues de différentes temporalités, le modèle repose sur une sélection de critères et répond à une multitude d’enjeux méthodologiques. Est-il possible d’appréhender les risques autrement ? Quelles méthodologies en géographie permettent de répondre aux besoins d’anticipation ? Jusqu’où le géographe peut-il s’engager en tant qu’expert, voire de “voyant” ?

Axe 2 : Prévoir les usages, une nécessité pour aménager et gérer les territoires ?

L’aménagement vise à orienter, dans le temps et l’espace, l’urbanisation, la répartition des objets spatiaux, à proposer un partage et une articulation entre espaces publics et privés, et entre fonctions urbaines (Devisme, 2015). La prospective prend un poids de plus en plus conséquent au sein de cette démarche de construction des territoires ; en atteste la démultiplication des outils et des méthodologies de diagnostics et anticipation des usages et pratiques largement mobilisés par les géographes et les urbanistes, tels que les sondages en ligne, les questionnaires, les entretiens, les groupes de discussion, ou encore la modélisation. Outil désormais majeur, voire incontournable, pour les acteurs du territoire, et pour certains auteurs/acteurs comme G. Amar qui nous enjoint à « Aimer le Futur » (2013), l’anticiper, pour mieux adapter le territoire et les services aux usages (Amar, 2016). Le succès de la prospective en aménagement est tel que de nouvelles approches comme le jeu sérieux se développent pour la mise en place d’une étude prospective ou de la concertation (Banos et Debrie, 2019 ; Klein, Henry et Morhain, 2021). Si ce dernier aborde le futur avec optimisme, L. Devisme (2015) montre comment la prospective peut aussi être un outil de légitimation de certains projets urbains. Quels sont les apports des différentes méthodologies d’appui à la décision ? Comment ces outils sont-ils utilisés par les acteurs ? Les géographes font-ils partie des acteurs-experts qui participent de l’aménagement des territoires ?

Axe 3 : Prédire le passé : quel apport pour le futur ?

Si la modélisation et les systèmes d’informations géographiques sont utilisés dans l’analyse des risques, elle permet aussi de compléter un certain nombre de connaissances (Banos, 2013), voire de permettre un changement de perspective (Sanders, 2011) pour formaliser des hypothèses sur la dynamique des systèmes géographiques. Alors que le futur ne peut pas être prédit, mais en partie modélisé, le passé est quant à lui mal connu, soit parce qu’il est trop lointain, soit parce que les sources sont manquantes. Il s’agit ici de se questionner sur les méthodologies utilisées pour analyser et comprendre les évolutions géographiques et sociales sur le temps long. Si ces méthodologies sont variées, tels que des modèles informatiques de simulation à base d’agents (Cura, 2020) ou des modèles schématiques (Nahassia, 2019), et ne répondent pas aux mêmes enjeux, à savoir créer des modèles pour combler une absence de données ou pour comprendre les conditions d’émergence de structures spatiales, J. Gravier dans sa thèse de 2018 évoque quant à elle l’intérêt de ces méthodologies comme outil d’accompagnement de la société et des acteurs de décision dans leur gestion des enjeux futurs. Par ailleurs, outre ces approches par modélisation, les méthodologies qualitatives - centrées sur l’analyse des discours et des représentations sur le temps long - en mettant en lumière des tensions entre acteurs gestionnaires d’enjeux futurs, peuvent aussi permettre d’éviter les écueils du passé pour des politiques publiques plus efficaces (A. Sierra, 2009). Y a-t-il des passerelles méthodologiques, réflexives et conceptuelles entre l’étude du futur, du présent et celle du passé ?

Axe 4 : Représenter le futur, un acte neutre ?

Comme le rappelle A.-S. Bailly (1989), mener une réflexion qui assimile temps et espace, c’est accepter que celle-ci doit prendre en compte la logique du réel et de l’imaginaire, ce qui est d’autant plus vrai selon nous, lorsqu’il s’agit de projeter les futurs possibles. E. Soja rappelle par ailleurs que, pour ce qui concerne l’imaginaire urbain, celui-ci constitue « nos cartographies mentales ou cognitives des réalités urbaines et les grilles d’interprétation à travers lesquelles nous pensons les lieux et les communautés (…) », ce qui guide notamment nos actions (Soja, 2005, p. 323). Les géographies culturelles et des représentations peuvent donc nous permettre de comprendre ce que les imaginaires produisent et disent de nos sociétés mais aussi d’expliciter des choix qui ont été faits ou qui sont en cours : H. Desbois (2007) et A. Musset (2019), montrent notamment l’imbrication entre science-fiction et perception des espaces et des sociétés, et comment la science‑fiction met en lumière des enjeux actuels et futurs, mais aussi orientent des travaux tant académiques qu’opérationnels. J.-F. Staszak (2000) montre par ailleurs comment les représentations et les projections qui orientent les prises de décisions deviennent des prophéties auto-réalisatrices, et ce tout particulièrement dans le domaine de l’aménagement. Jusqu’où les représentations qui dominent l’espace médiatique mais aussi culturel influent-elles la gestion du futur ? Les géographes, en construisant des images du futur, peuvent-ils l’orienter ? Et si oui, doivent-ils le faire ?

Calendrier

  • Ouverture de l’appel à communication : 14 mars 2022
  • Afin de valoriser la participation de chacun·e·s nous proposons divers types de modes de participation : communication orale ou poster.
  • Réception des propositions de communication (2500 signes espaces compris) jusqu’au 2 mai 2022 à : representantsdoctorants.ed434@gmail.com
  • Réception des propositions de poster (1500 signes espaces compris) jusqu’au 2 mai 2022 à : representantsdoctorants.ed434@gmail.com
  • Retour aux participant·e·s à la mi-juin 2022.
  • Tenue de la journée d’études : 28 septembre 2022 à l’Institut de Géographie.

Nous espérons évidemment tenir cette journée en présentiel mais nous nous adapterons à la situation sanitaire.

Comité scientifique

  • Arnaud Banos, Directeur de Recherche au laboratoire IDEES
  • Stéphanie Defossez, Maîtresse de Conférences à l’Université Paul Valéry
  • Laurent Devisme, Enseignant-chercheur à l’Ensa Nantes
  • Julie Gravier, Post-doctorante au CAMS
  • Florence Huguenin-Richard, Maîtresse de conférences à Sorbonne-Université
  • Jean-François Staszak, Professeur ordinaire à l’Université de Genève

Bibliographie

Amar G., 2013, Aimer le Futur, éd. Fyp, collection Présence

Amar G., 2016, Homo Mobilis, éd. Fyp, collection Présence

Bailly A.-S., 1989, « L’imaginaire spatial. Plaidoyer pour la géographie des représentations. », Espaces Temps, 40-41, Géographie, état des lieux. Débat transatlantique. pp. 53-58

Banos A., 2013, Pour des pratiques de modélisation et de simulation libérées en géographie et en SHS, HDR, Paris 1

Banos A, Debrie J., 2019, « Jouer la mobilité urbaine ? Retour d’expérience sur un modèle et un jeu de fabrique d’un territoire sans voiture ». Xterm 2019, Le Havre, France. hal02173544

Box G., Hunter Js, Hunter Wg., 2005. – Statistics for experimenters. Design, innovation, and discovery. Hoboken, New Jersey. Wiley-Interscience, John Wiley & Sons.

Cura R., 2020, Modéliser des systèmes de peuplement en interdisciplinarité. Co-construction et exploration visuelle d’un modèle de simulation, Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Desbois H., 2007, « Présence du futur », Géographie et cultures, URL : http://journals.openedition.org/gc/2684 ; DOI : 10.4000/gc.2684

Devisme L., 2015, “Figures urbanistiques en régime prospectif. Pour une critique des pouvoirs de l’évocation”, Articulo - Journal of Urban Research, Special issue, URL : http://journals.openedition.org/articulo/2731

Gravier J., 2018, Deux mille ans d’une ville en système : proposition d’une démarche appliquée au cas de Noyon, Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Klein O., Henry P. and Morhain C., 2020, “L’usage du jeu sérieux comme outil de prospective des usages du véhicule autonome : méthodologie et enjeux à partir de l’expérience du jeu de plateau RoboSpectif”, Netcom, 34-3/4, URL : http://journals.openedition.org/netcom/5629

Vacchiani-Marcuzzo C., 2021, « Modèles et Modélisation en géographie », in Perrine Michon, Jean-Robert Pitte, 2021, A quoi sert la géographie, éd. PUF

Nahassia L., 2019, Formes spatiales et temporelles du changement urbain : analyser la localisation des activités à Tours sur 2 000 ans, Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Oreskes N., 2003. “The role of quantitative models in science”. In Canham CD, Cole JJ, Lauenroth WK, eds. Models in ecosystem science. Princeton : Princeton University Press, pp. 13-31.

Pumain D., 2001, « Prévoir et gérer le risque », Cybergeo : European Journal of Geography, URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/601

Sanders L., 2011, « Géographie quantitative et analyse spatiale : quelles formes de scientificités ? », in Th. Martin (ed.), Les sciences humaines sont-elles des sciences, Paris, Vuibert.

Sierra A., 2009, « Espaces à risque et marges : méthodes d’approche des vulnérabilités urbaines à Lima et Quito », Cybergeo : European Journal of Geography, Dossiers, document 456, URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/22232

Soja E. W., 2005, Postmetropolis, Malden Massachussetts, Blackwell.

Staszak J.-F. 2000, « Prophéties autoréalisatrices et géographie », Espace géographique, tome 29, n° 2, pp. 105-119

Yoccoz N. G., Delestrade A. et Loison A., 2010, « Impact des changements climatiques sur les écosystèmes alpins : comment les mettre en évidence et les prévoir ? », Revue de Géographie Alpine | Journal of Alpine Research, 98-4, URL : http://journals.openedition.org/rga/1279 ; DOI : 10.4000/rga.1279

Note

[1] Arthur Rimbaud, Lettre du Voyant, à Paul Demeny, 15 mai 1871

Places

  • Institut de Géographie de Paris - 191, rue Saint-Jacques
    Paris, France (75)

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Monday, May 02, 2022

Keywords

  • projection, anticipation, prévision, modélisation

Contact(s)

  • Mathilde Jourdam-Boutin
    courriel : m [dot] jourdamboutin [at] gmail [dot] com
  • Marion Albertelli
    courriel : albertelli [dot] m [at] gamil [dot] com
  • Mathilde Pedro
    courriel : mpedro [dot] pro [at] gmail [dot] com

Information source

  • Mathilde Jourdam-Boutin
    courriel : m [dot] jourdamboutin [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Prévision, anticipation et projection : et si les géographes avaient des super-pouvoirs ? », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, March 23, 2022, https://doi.org/10.58079/18ih

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