La présence graphique de tamazight dans le paysage linguistique urbain en Algérie
Revue Timsal n Tamazight N°13
Published on Tuesday, March 22, 2022
Abstract
Les numéros précédents de la revue Timsal n tamazight ont été consacrés plus particulièrement à différentes problématiques de l’enseignement du tamazight, notamment : la norme à enseigner face à la question fondamentale de la variation / individuation des variétés de tamazight, à la lexicologie, la néologie, les manuels et les textes supports didactiques, les technologies de l’information et de la communication pour l'enseignement (TICE) et leurs apports à l’enseignement-apprentissage des langues. Le numéro en cours s’intéresse à la problématique de la présence graphique du tamazight dans l’environnement ou ce que l’on pourrait appeler « le marquage linguistique de l’espace » ou la signalétique de l’espace.
Announcement
Argumentaire
Les numéros précédents de la revue « Timsal n Tamazight » ont été consacrés plus particulièrement à différentes problématiques de l’enseignement de tamazight, notamment : la norme à enseigner face à la question fondamentale de la variation/individuation des variétés de tamazight, à la lexicologie, la néologie, les manuels et les textes supports didactiques, les TICE et leurs apports à l’enseignement-apprentissage des langues.
Le numéro en cours s’intéresse à la problématique de la présence graphique de tamazight dans l’environnement ou ce qu’on pourrait appeler « le marquage linguistique de l’espace » ou la signalétique de l’espace.
Bourhis R.Y., et Landry R., déduisent de l’analyse de la politique linguistique et graphique au Québec que :
« Le paysage linguistique d’un territoire donné renvoie à la visibilité et au caractère plus au moins prédominant des différentes langues qui figurent sur les panneaux de signalisation des voies publiques, sur les panneaux indicateurs de noms de rues, dans les noms de lieux, l’affichage commercial, les panneaux publicitaires et les véhicules privés »1.
Les langues peuvent également être affichées sur les édifices publics tels les écoles, les hôpitaux, les bâtiments, les cimetières, etc.
Pour le cas de tamazight, elle s’affiche de plus en plus, même si c’est timidement et de manière moins systématique, depuis son accession au statut de langue nationale en 2002. Les pratiques du terrain, permettent de voir que la langue a pu s’approprier, par moments, certains espaces tels que les enseignes des édifices publics, les panneaux d’indication de lieux ou de rues, les véhicules de transport, les divers supports publicitaires, etc.
Cette thématique est en articulation avec la sociolinguistique urbaine traitant des phénomènes langagiers en milieu urbain. Selon Blanchet P., il s’agit :
«d’étudier les pratiques linguistiques dans les villes à partir d’enquêtes dans divers lieux de vie notamment dans les quartiers populaires et/ou identifiés comme caractérisés par des présences de certaines communautés linguistiques, religieuses, ethniques, d’origine immigrée ou non, etc. Des espaces d’interactions comme les marchés ou les transports en commun, des établissements scolaires, des groupes professionnels ou générationnels, ont été observés. Les divers et nombreux affichages officiels ou non, comme affiches spontanées militantes ou culturelles, des noms de bâtiments, de magasins, etc., ont été analysés en détail »2.
Ceci explique que les langues se déploient dans divers espaces et par leurs biais les locuteurs matériellement et symboliquement se les approprier. C’est le cas des langues qui ont émergé récemment dans l’espace algérien telles que le turc, le chinois qui, bénéficiant de la présence de leurs compagnies des travaux publics, s’affichent et viennent côtoyer les langues déjà là.
Les études consacrées à cette thématique, s’accordent à dire que la présence graphique d’une langue dans son milieu contribue à sa visibilité, sa lecture, son écriture et participe ainsi grandement à sa socialisation.
Dans ce cadre, l’existence et la coexistence de plusieurs langues dans un même espace renseigne sur deux types de gestion du marquage linguistique qu’on pourrait qualifier simultanément de différents et de complémentaires :
- Le premier concerne la politique linguistique d’un pays, étant donné que les pouvoirs publics, selon leurs orientations idéologiques et glottopolitiques, peuvent décider du choix et du nombre de langues à afficher et peuvent recourir à une réglementation contraignante. L’espace linguistique, ainsi vu, permet de mieux révéler les choix politiques d’un pays en ce qui concerne l’aménagement linguistique de l’espace et comment les langues sont tolérées, marginalisées ou carrément interdites.
- Le deuxième concerne l’appropriation spontanée ou réfléchie de l’espace par les usagers eux-mêmes. Dans ce cas, il s’agit de savoir comment les locuteurs s’approprient-ils individuellement l’espace en optant pour des choix linguistiques divers. Ce type de marquage linguistique contribue à l’identification des représentations linguistiques des usagers, de leurs choix des langues, de l’inscription identitaire de la communauté ou des communautés qui y habitent et cela permet aussi d’identifier les pratiques linguistiques in vivo.
Concernant le marquage privé, les pratiques sur le terrain indiquent que les usagers réagissent différemment quant aux choix des langues auxquelles ils donnent de la visibilité. Dans ce cas, l’affichage peut être unilingue, bilingue ou plurilingue. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le choix de/ des langues et de leurs exhibition, tels les facteurs de marketing, l’orientation politique, les attitudes, les statuts de ces langues, leurs niveaux de standardisation ainsi que les facilités de communication qu’elles fournissent.
Cette situation montre comment les langues sont mises en avant, sont choisies et sont hiérarchisées dans une société donnée soulignant leur hiérarchisations sociofonctionnelle.
Cette situation renseigne sur le statut des langues dans une société et reflète aussi la réalité linguistique et les représentations des locuteurs sur les langues par rapport aux statuts qu’elles ont dans ladite société, à savoir : langue dominante, langue dominée. Elle nous indique aussi comment la cohabitation des langues est adoptée dans la signalétique.
Le paysage linguistique algérien comme partout ailleurs dans le monde, se caractérise par un marquage linguistique reflétant la situation sociolinguistique du pays qui se caractérise par des pratiques plurilingues. À ce sujet A. Dourari note que :
« Les textes de graffitis que nous présentons expriment quant à eux la réalité des pratiques langagières plurielles des locuteurs tamazightophones : le français côtoie l’arabe algérien, qui côtoie le kabyle et l’arabe scolaire. Les graphies arabe et latine sont convoquées spontanément pour dessiner ces graffitis - forme de l’expression de contenus discursifs d’une grande portée politique et sociale – qui ont égayé les murs de certaines villes de Tizi-Ouzou et Bejaia. »3
Cependant en dépit de l’existence avérée des pratiques plurielles au niveau du marquage de l’espace, on peut aisément reconnaitre que tamazight4 ne jouit pas d’une grande visibilité dans l’environnement et qu’elle n’est que timidement affichée. Pourtant durant les grandes manifestations populaires du hirak tout le monde aura remarqué l’affichage spontané de plusieurs langues et de plusieurs graphies sans heurt y compris tamazight et l’arabe algérien. En effet, depuis l’officialisation de tamazight, on peut remarquer que c’est la signalétique officielle qui porte un intérêt à la langue à travers son affichage sur les édifices publics plutôt que la pratique individuelle ; même si des initiatives associatives et individuelles ont tenté de sensibiliser la société sur l’importance de sa visibilité dans l’espace sociétal.
Par conséquent, il s’agira dans ce numéro de s’interroger sur :
- la présence graphique de tamazight, quelle qu’en soit la variété et quel qu’en soit le type graphique, dans les divers environnements urbains, pour identifier les lieux, les objets, les murs, les affiches publicitaires, les enseignes, les écriteaux, investis par cette langue.
- la polygraphie : pour identifier les graphies usitées et les raisons des choix des usagers.
- les pratiques plurielles : afin d’identifier comment les langues interférent, sont mises en contact et quelles sont les langues utilisées et les raisons de leur choix ;
- les représentations des : commerçants, des commerciaux et des locuteurs quant au choix des langues et des graphies.
- la présence odonymique de tamazight pour savoir si la langue est utilisée pour nommer les espaces publics.
- quelles graphies sont privilégiées pour les fonctions emblématiques ? Lesquelles sont destinées pour des usages de type fonctionnel, dans quelle espace urbain…
Il s’agira bien sûr des espaces urbains des grandes villes algériennes, particulièrement de la capitale Alger et ses environs, et des capitales régionales du nord et du sud ou d’autres espaces urbains en lien avec la thématique. Les études portant sur les villes et régions tamazightophones du Maghreb seront les biens-venues.
Coordination scientifique
Prof. Zahir MEKSEM
Prof. Abderrezak DOURARI
Modalités de soumission
Les résumés des contributions d’une page (TNR 12), d’une courte bibliographie, suivie d’un bref CV, doivent être adressés avant fin mai 2022 aux adresses suivantes :
- centretamazight@yahoo.fr
- rezakdurari@yahoo.fr
- zahirmeksem@yahoo.fr
Calendrier
Les textes complets des articles doivent être adressés, au plus tard fin septembre 2022, aux adresses mentionnées ci-dessus et sur la plateforme ASJP.
Bibliographie à titre indicatif
Bedjaoui W. et al., 2018, La sociolinguiste urbaine en Algérie. Etat des lieux et perspectives En hommage à Thierry Bulot, in Cahiers de linguistique n°441, EME Editions, Alger.
Blanchet P., 2018, « La sociolinguistique urbaine en Algérie/ transposition des concepts de la sociolinguistique urbaine sur le terrain algérien » in La sociolinguiste urbaine en Algérie. Etat des lieux et perspectives. Cahiers de linguistique n°441, pp : 21-35.
Bourhis R.Y., et Landry R., 2002, « La loi 101 et l'aménagement du paysage linguistique au Québec » dans. Revue d'aménagement linguistique. Hors-série, pp. 107-132.
Bulot T., & Veschambre V. 2006, Mots, traces et marques. Dimensions et linguistique de la mémoire urbaine, Paris, L’Harmattan.
Calvet L.-J, 2005, « Les voix de la ville revisitées. Sociolinguistique urbaine ou linguistique de la ville ?», in Revue de l'Université de Moncton, Volume 36, Numéro1, pp : 9–30.
Dourari A., 2002, « Pratiques langagières effectives et pratiques postulées en Kabylie », Insaniyat 17-18 | 2002, 17-35.
Insaniyat / إنسانيات, 85-86, 2019, Les graffiti en Afrique du Nord : les voix de l'underground.
Kahlouche R., 2002, La refrancisation des enseignes à Tizi-Ouzou : qu’en est-il depuis 1996 ?, In Passerelles, n°24, Numéro apparu sous le titre : Peuples, identités et langues berbères. Tamazight face à son avenir », pp.127 -135.
Lecrec J., 1989, La guerre des langues d’affichage, Montréal, VLB Éditeur.
MEKSEM Zahir, 2008, « Tihawt tirant n tmaziɣt » -Présence graphique de tamazight », revue Timuza n° 19, 2008.
Sabri M., 2020, "Le Barbouillage Des Panneaux De Signalisation En Kabylie : Un Moyen De Revendication Linguistique Et Identitaire" dans, Les pratiques langagières, volume 11, numéro 2, pp. 1-40.
Taleb Ibrahimi K., 1997, Les Algériens et leur(s) langue(s) : élément pour une approche sociolinguistique de la société algérienne, Alger, Editions El Hikma. Alger
Tsofack, J. B., 2010, « (Re) produire, marquer et (s’) approprier des «lieux (publics) de ville par les mots ou comment les murs (dé)font les langues à Dschang ». Africa Development, 35(3), 93-117. En ligne : https://www.ajol.info/index.php/ad/article/view/70209
Notes
1� Cité par Bourhis R.Y., et Landry R., 2002, « La loi 101 et l'aménagement du paysage linguistique au Québec » dans. Revue d'aménagement linguistique. Hors-série, pp. 107-132.
2� Blanchet P., 2018, « La sociolinguistique urbaine en Algérie/ transposition des concepts de la sociolinguistique urbaine sur le terrain algérien », La sociolinguiste urbaine en Algérie. Etat des lieux et perspectives En hommage à Thierry Bulot, Wafa Bedjaoui, et al. in Cahiers de linguistique n°441, EME Editions, pp : 21-35.
3� Abderrezak Dourari, 2002, « Pratiques langagières effectives et pratiques postulées en Kabylie », Insaniyat 17-18 | 2002, 17-35.
4� Tamazight est entendu ici comme le nom générique d’un ensemble de variétés linguistiques maternelles réparties sur plusieurs régions algériennes et qui sont autant très apparentées que différenciées.
Subjects
- Language (Main category)
- Mind and language > Language > Linguistics
Places
- Algiers, Algeria
Date(s)
- Tuesday, May 31, 2022
Attached files
Keywords
- tamazight, langue, enseignement, apprentissage
Contact(s)
- Tamazight Centre
courriel : centretamazight [at] yahoo [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Centre Tamazight
courriel : centretamazight [at] yahoo [dot] fr
License
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To cite this announcement
« La présence graphique de tamazight dans le paysage linguistique urbain en Algérie », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, March 22, 2022, https://doi.org/10.58079/18kb