Le projet de dossier thématique de ce numéro des Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagères consiste à recueillir des contributions qui permettent d’identifier et de mieux connaître lieux, politiques et acteurs impliqués dans les processus de production, de transformation et dans les usages des espaces d’apprentissage. Les projets et les programmes centrés sur les espaces d’apprentissage peuvent faire référence à trois dimensions, envisagées selon les cas de manière intégrée ou séparée. Les contributions proposées peuvent ainsi se positionner par rapport à une ou plusieurs de ces dimensions.

Coordination

Dossier coordonné par Cristina Renzoni et Paola Savoldi

Argumentaire

Les lieux ordinaires des services et des équipements collectifs ont été largement conçus et réalisés au cours du siècle dernier, pendant l’âge d’or des politiques de l’Etat providence en Europe, et ont contribué à façonner et à structurer les espaces quotidiens dans différents contextes : dans les zones urbaines et métropolitaines par des opérations d’extension, d’initiatives publiques et privées, ou par des interventions diffuses dans des zones d’habitat dispersé, ou encore par des interventions ponctuelles dans des zones de faible densité résidentielle. Ces infrastructures matérielles de la vie quotidienne  sont constituées d’espaces relevant surtout du domaine public, mais aussi du domaine privé, un patrimoine étendu et articulé, composé d’espaces bâtis et non bâtis dont la valeur d’usage se conjugue encore avec les droits de la citoyenneté et l’égalité sociale  : c’est le cas des écoles, des équipements sportifs, des centres civiques, des bibliothèques, des terrains de jeux, des centres médico-sociaux, des marchés, des lieux de culte .

Les politiques publiques et les cultures de projet à leur fondement présentent des traits récurrents dans le contexte européen : des principes d’organisation selon la logique de proximité, la ressemblance avec les modèles de référence, la sérialité des solutions typologiques, l’utilisation généralisée des mêmes techniques de construction . Cependant, au fil du temps, ces espaces ont été utilisés de façon différente. Certains ont connu des transformations : de la reconversion à l’adaptation, de l’abandon à l’utilisation temporaire, en relation avec des changements structurels, tel que crises économiques et financières, contraction démographique, ou spécifiques, liés à des caractéristiques socio-territoriales particulières. Le rôle réel et potentiel de ces équipements reste important, également en raison des situations d’urgence sanitaire survenues en Europe depuis le début des années 2020.

Certaines tendances actuelles se sont confirmées suscitant un regain d’intérêt. C’est le cas des espaces d’apprentissage qui ont leur pierre d’angle dans les espaces des établissements scolaires, mais qui peuvent aussi s’élargir et s’intégrer dans d’autres espaces urbains : de l’espace traditionnel des salles de classe ou des couloirs aux cours d’école et aux espaces ouverts, des espaces publics correspondant aux entrées des établissements scolaires aux équipements (sportifs, culturels) situés à proximité, partagés à l’échelle du quartier ou de la ville entière. Dans cette perspective, les espaces d’apprentissage ne sont pas uniquement les espaces dédiés à l’enseignement mais aussi des espaces urbains tout court puisque les écoles et les villes ont, dans leur ensemble, sans discontinuité, un rôle éducatif et constituent des lieux d’expériences d’apprentissage, culturel, collectif, social, civique, environnemental .

Le projet de dossier thématique consiste à recueillir des contributions qui permettent d’identifier et de mieux connaître lieux, politiques et acteurs impliqués dans les processus de production, de transformation et dans les usages des espaces d’apprentissage, observés dans leur contexte, sur une période assez longue qui peut comprendre des expériences plus ou moins récentes. Les projets et les programmes centrés sur les espaces d’apprentissage peuvent faire référence à trois dimensions, envisagées selon les cas de manière intégrée ou séparée, sectorielle. Les contributions proposées peuvent ainsi se positionner par rapport à une ou plusieurs de ces dimensions.

La première dimension concerne l’éducation, c’est-à-dire les initiatives en termes de formation, d’activités et de projets qui impliquent ce que l’on appelle la « communauté éducative » et qui rassemblent des ressources et des acteurs, impliquant souvent le contexte urbain (spatial et social), des écoles, des bibliothèques ou des centres civiques. Il s’agit d’activités auxquelles participent les élèves, les familles, les enseignants, les quartiers/municipalités, les associations, souvent ancrées dans les établissements scolaires. Par exemple, à travers des modèles éducatifs non traditionnels, une école peut s’ouvrir à des expériences d’exploration, d’apprentissage et de connaissance de zones thématiques et géographiques proches : découverte et reconstruction collectives de l’histoire et du patrimoine culturel d’un quartier ou de la ville, formes d’entraide entre générations, entre jeunes élèves et personnes âgées, échanges entre écoles de niveau et de quartiers différents. En s’appuyant sur des références relevant du domaine de la pédagogie , ces initiatives peuvent avoir des effets importants et impliquer d’autres usages de l’espace, d’autres formes possibles de coexistence civile et de connaissance de la ville .

La deuxième dimension concerne la matérialité de ces espaces et les possibles façons de les concevoir, de les gérer et de les entretenir. Au cours du XXe siècle, de vastes programmes ont été lancés pour la création d’équipements publics, selon des logiques sectorielles (par exemple, pour la création d’espaces éducatifs) ou selon des logiques plus contextuelles, en relation avec une conception intégrée de nouveaux quartiers d’habitation . Plus récemment, des programmes ont été lancés et soutenus dans divers contextes européens pour réaliser des mesures nécessaires d’adaptation, d’amélioration de l’efficacité énergétique et de mise en sécurité du parc immobilier . Souvent, prévalent les raisons de l’urgence avec des interventions techniques qui portent uniquement sur des espaces ou des bâtiments mais aussi, existent des expériences et des programmes qui adoptent parallèlement, une approche systémique, entre urgences particulières et stratégies à moyen ou long terme.

La troisième dimension concerne la planification et les politiques urbaines. Un programme de projets et de réaménagement des espaces d’apprentissage est intrinsèquement urbain, puisque ces espaces font partie intégrante des services urbains, qui sont également étudiés en relation avec les plans d’urbanisme et les politiques publiques dont le plan d’urbanisme est un instrument. Ainsi, les écoles définissent une géographie urbaine pour répondre aux besoins d’éducation mais le nombre et la composition de la population scolaire tend à changer et, dans les villes occidentales, la polarisation sociale s’est accentuée au sein des espaces urbains et l’on observe souvent des formes sévères de ségrégation scolaire. Les phénomènes démographiques et les processus de réorganisation des villes interpellent donc les administrateurs et les planificateurs ; ils invitent à repenser la gouvernance et la conception des espaces d’apprentissage comme un levier pour agir sur les formes d’inégalités sociales et spatiales .

L’action sur les espaces d’apprentissage et les jeunes populations constitue un pilier des politiques publiques de long terme qui peuvent renforcer les liens entre les actions et les objectifs dans les domaines de la formation, de la construction d’équipements scolaires et des stratégies urbaines. Ce dossier thématique veut dresser un état de l’art et nourrir le débat sur ces thèmes, tant en Europe qu’ailleurs. Il accueille donc des contributions de chercheurs, d’administrateurs ou de professionnels qui contribuent à reconstruire des politiques, des programmes et des projets importants (matériels ou non) en relation avec une (ou plusieurs) des trois dimensions citées.

Les contributions attendues peuvent appartenir à différents champs de recherche disciplinaires : l’histoire de la ville et de l’architecture du XXe siècle, les processus et outils de la planification urbaine, la construction des politiques urbaines, l’organisation dans l’espace de la ville des services liés aux politiques sociales et éducatives, la conception des espaces ouverts et des espaces bâtis, le projet de transformation du patrimoine existant.

Les articles peuvent présenter des études de cas portant sur les formes, les usages et la gestion des espaces d’apprentissage ; sur les politiques, les projets et les processus décisionnels en mesure de réunir différents acteurs (communauté éducative) autour d’objectifs éducatifs, dans une logique de réseau de lieux et d’acteurs. Ils peuvent aussi consister en des études ou recherches transversales sur des cycles politiques, des programmes et outils ayant des effets directs ou indirects sur les relations entre les expériences d’apprentissage et les espaces urbains. Sont bienvenues tout autant les contributions qui reconstruisent l’histoire des espaces et de leurs usages, pendant la période de croissance des Trente Glorieuses, et en relation avec la production de nouveaux quartiers, que celles qui traitent des processus plus récents de transformation, d’adaptation ou de reconversion issus de projets temporaires ou permanents.

Par ailleurs, les contributions qui abordent des espaces circonscrits, tels que des écoles où ont été lancés des projets expérimentaux portant sur les conditions et les processus d’apprentissage ayant des implications dans et hors des limites de l’école, seront les bienvenues, tout comme celles relatant des interventions plus larges, à l’échelle du quartier ou du voisinage, jusqu’aux programmes à échelle municipale ou nationale.

Modalités de transmission des propositions d’articles

Les propositions d’articles complets seront envoyées par mail au secrétariat de rédaction des Cahiers de la recherche architecturale, urbaine et paysagère : craup.secretariat@gmail.com

avant le 10 juin 2022.

Pour plus d’informations, contacter Aude Clavel au 06 10 55 11 36

Les articles ne doivent pas excéder 50 000 caractères, espaces compris.

Langues acceptées : français, anglais.

Les articles doivent être accompagnés de :

• 1 notice biobibliographique entre 5 à 10 lignes (nom et prénom du ou des auteur(s), statut professionnel et/ou titres, rattachement institutionnel éventuel, thèmes de recherche, dernières publications, adresse électronique).
• 2 résumés en français et en anglais.
• 5 mots clefs en français et en anglais.
• Le titre doit figurer en français et en anglais.

Ligne éditoriale

Inscrits dans les champs de la recherche architecturale, urbaine et paysagère, les Cahiers se sont développés à l’origine dans les laboratoires des écoles d’architecture à partir des années 1970. La revue initie aujourd’hui une nouvelle formule en ligne : revue scientifique internationale, elle s’adresse aux communautés de recherche concernées par les transformations spatiales intentionnelles, quelles que soient les échelles. Les Cahiers visent à répondre aux intérêts et questionnements actuels, mais aussi à les renouveler, et ainsi ouvrir de nouvelles voies de recherche. Trois pôles de questionnement sont plus directement visés : l’un concerne spécifiquement le registre des théories, de manière à développer les échanges et les controverses entre théories du design, du planning, de l’architecture et du paysage. Un second pôle renvoie à la matérialité de la ville, aux savoir-faire constructifs impliqués dans la transformation spatiale, mais aussi à la dimension matérielle des phénomènes de transfert et de mobilisation, régulièrement analysés dans d’autres revues sous des angles a-spatiaux. Enfin, le troisième pôle interroge le projet et sa conception, qui occupe une place toute particulière dans les sciences et pratiques de l’espace (rôles performatifs des projets, théories de la pratique). Ces trois pôles appellent à des travaux pluridisciplinaires, préoccupés de tracer des explications approfondies des transformations des environnements construits à l’âge de l’anthropocène. La production scientifique attendue renvoie aux critères usuels d’évaluation en double aveugle par les pairs. Elle sera particulièrement attentive à l’enjeu des images et du visuel dans un domaine où l’iconique peut tenir lieu de discours.

Leur évaluation se fait en double aveugle.

Comité de rédaction

Rédacteur en chef: Frederic Pousin

• Manuel Bello Marcano
• Franck Besançon
• Gauthier Bolle
• Enrico Chapel
• Benjamin Chavardes
• Laurent Devisme
• Yankel Fijalkow
• Sandra Fiori
• Xavier Guillot
• Caroline Maniaque
• Valerie Negre
• Helene Vacher
• Andrea Urlberger

Secrétaire de rédaction : Aude Clavel

Notes

1. Foundational Economy Collective, Foundational Economy: The Infrastructure of Everyday Life, Manchester, Manchester University Press, 2018.

2. Donzelot, Vers une citoyenneté urbaine ? La ville et l’égalité des chances, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2009

3. Klinenberg, Palaces for the people. How infrastructure can help fight inequality, polarization, and the decline of civic life, New York, Crown, 2018.

4. Swenarton, T. Avermaete, D. van den Heuvel (eds.), Architecture and the Welfare State, Routledge, London. 2014.

5. Million, A.J. Heinrich, T. Coelen (eds.), Education, Space and Urban Planning. Education as a Component of the City, Cham, Springer, 2017 ; C. Renzoni, P. Savoldi, « Scuole : spazi urbani di transizione e apprendimento », Urbanistica, n° 163, 2019, pp. 140-147 ; Association internationale villes éducatrices/Ajuntament de Barcelona, Charte des villes éducatrices, AIVE éditions, 2020.

6. Dewey, The School and Society, Chicago, University of Chicago Press, 1899 ; M. Montessori, « Il cittadino dimenticato », Vita dell’infanzia, n° 1, 1952, pp. 3-6 ; C. Ward, The Child in the City, New York, Pantheon Books, 1978 ; C. Ward, A. Fyson, Streetwork: The Exploding School, London, Routledge & K. Paul, 1973.

7. L.P. Symaco, C. Brock, C. (eds.), Space, place and scale in the study of education, Routledge, London, 2016 ; K. Darian-Smith, J. Willis (eds.), Designing Schools. Space, place and pedagogy, London/New York, Routledge, 2017 ; P. Vangrunderbeeck, « Les espaces physiques d’apprentissage. Mettre en relation espaces et méthodes pédagogiques pour optimiser l’apprentissage », Les Cahiers du Lovain Learning Lab, n° 9, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2020.

8. M.D. Lassiter (ed.), « Schools and housing in Metropolitan History », Journal of Urban History, n° 2, 2012, pp. 195-270 ; A. Châtelet, M. Le Cœur, « L’architecture scolaire : essai d’historiographie internationale », Histoire de l’éducation, n° 102, mai 2004.

9. Della Torre, M. Bocciarelli, L. Daglio, R. Neri (eds.), Buildings for Education. A multidisciplinary overview of the design of school buildings, Springer Open, 2019 ; M. Fianchini, Renewing Middle School Facilities, Cham, Switzerland, Springer, 2020.

10. D.R. Ford, Education and the Production of Space. Political Pedagogy, Geography, and Urban Revolution, New York, Routledge, 2017 ; C. Pacchi, C. Ranci Ortigosa, W. Boterman, S. Musterd, « School segregation in contemporary cities : Socio-spatial dynamics, institutional context and urban outcomes », Urban Studies, Special Issue, vol. 56, n° 15, 2019, pp. 3055-3073 ; M. R. Lamacchia, D. Luisi, C. Mattioli, R. Pastore, C. Renzoni, P. Savoldi, « Contratti di scuola : uno spazio per rafforzare le relazioni tra scuola, società e territorio », in A. Coppola, M. Del Fabbro, A. Lanzan , G. Pessina, F. Zanfi, Ricomporre i divari. Politiche e progetti territoriali contro le disuguaglianze e per la transizione ecologica, Bologna, il Mulino, 2021, pp. 239-249.