AccueilDes projets collaboratifs pour renouveler la citoyenneté culturelle ?

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Des projets collaboratifs pour renouveler la citoyenneté culturelle ?

Revue « Lien social et politiques » - LSP91, automne 2023

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Publié le mardi 10 mai 2022

Résumé

Le numéro propose un examen de diverses initiatives locales et collaboratives qui mettent à l’épreuve et réinventent l’exercice de la citoyenneté culturelle. La notion de citoyenneté culturelle désigne aujourd’hui un vaste ensemble de pratiques et de discours qui débordent largement le domaine des arts et de l’offre culturelle traditionnelle. Des droits fondamentaux afférents à l’identité individuelle et collective, à l’éducation, à la liberté d’expression ou à la participation aux institutions culturelles, on passerait à des considérations tout aussi fondamentales sur la participation à la vie démocratique, l’inclusion sociale et la possibilité de se constituer en sujet politique. C’est ainsi que des lieux, créés par des collectifs citoyens sur un mode autogestionnaire, s’ouvrent à la fois aux expressions artistiques, à l’accueil de migrant·e·s et des sans-papiers, à des pratiques de jardin collectif et à des initiatives favorisant les liens sociaux de proximité. 

Annonce

Direction scientifique

  • Louis Jacob (Université du Québec à Montréal)
  • Christine Schaut (Université Libre de Bruxelles)

Argumentaire

Le numéro propose un examen de diverses initiatives locales et collaboratives qui mettent à l’épreuve et réinventent l’exercice de la citoyenneté culturelle.

La notion de citoyenneté culturelle désigne aujourd’hui un vaste ensemble de pratiques et de discours qui débordent largement le domaine des arts et de l’offre culturelle traditionnelle. Des droits fondamentaux afférents à l’identité individuelle et collective, à l’éducation, à la liberté d’expression ou à la participation aux institutions culturelles, on passerait à des considérations tout aussi fondamentales sur la participation à la vie démocratique, l’inclusion sociale et la possibilité de se constituer en sujet politique. C’est ainsi que des lieux, créés par des collectifs citoyens sur un mode autogestionnaire, s’ouvrent à la fois aux expressions artistiques, à l’accueil de migrant·e·s et des sans-papiers, à des pratiques de jardin collectif et à des initiatives favorisant les liens sociaux de proximité. 

Les identifications, les interdépendances, les aménagements, et donc aussi les lignes de fractures et les conflits varient évidemment d’un État à l’autre, et tous les concepts susceptibles d’orienter nos interrogations ne sont pas uniformes ― on n’a qu’à penser aux destins pour le moins disparates des notions de « territoire », de « communauté » ou de « collectivité » de part et d’autre de l’Atlantique (Brubaker, 2001 ; Fraser, 2005 ; Meyer-Bisch, 2008 ; Wieviorka, 1996). Ces transformations des pratiques et des droits culturels n’ont évidemment pas échappé à la réflexion et à l’analyse critique dans les champs connexes de la critique et de l’histoire de l’art, de l’analyse des politiques culturelles et des écosystèmes professionnels, ou de la sociologie des pratiques culturelles (Bishop, 2012 ; Casemajor, 2017 ; Kelley et Krant, 2011 ; Martel, 2015 ; Miglioretti, 2016 ; Roy-Valex et Bellavance, 2015). Au-delà des clivages disciplinaires, nous invitons à poursuivre l’examen de ces transformations dans l’ensemble de leurs dimensions politiques, sociales, territoriales et culturelles.

Les projets collaboratifs qui nous intéressent ici mettent à l’épreuve et réinventent donc, à la fois, les nouvelles formes de mobilisation et de participation citoyennes à la marge des institutions, ainsi que les politiques et les droits culturels en les élargissant aux enjeux sociaux et politiques (Arnaud, 2020 ; Kaine, 2016 ; Kruzynski, 2017 ; Pignot, 2019 ; Polletta, 2013 ; Sholette, 2018 ; Zamora, 2014). Ces projets très variés sont désignés par des termes génériques maintenant largement répandus : friches culturelles, communs, zones à défendre, tiers lieux, laboratoires de création, fablabs, occupations temporaires, incubateurs, centres autogérés, regroupements interdisciplinaires, etc. Ils constituent des collectifs citoyens qui prennent place dans des lieux spécifiques et opèrent selon des modalités organisationnelles elles aussi spécifiques, souvent  basées sur l’autogestion et la sociocratie (Lallement, 2019). Ces collectifs questionnent également les logiques de développement urbain ou territorial intégré en dépassant les modes habituels de fabrication et d’appropriation des espaces, en floutant la frontière entre espace privé et espace public, entre usage et propriété, et en favorisant l’économie circulaire. Ils réinventent aussi les collaborations interdisciplinaires entre équipes de recherche, militants et regroupements citoyens et, par l’attention qu’ils portent à la nature et aux matériaux utilisés, ils proposent d’autres modes de relation avec l’environnement humain et non humain. Ce sera le cas des laboratoires de création ou projets multidisciplinaires, des réseaux de solidarité alimentaire ou des projets éco-artistiques, tous étroitement insérés dans leurs milieux (Babin, 2022 ; Miessen et Basar, 2006 ; Moulaert, 2009 ; Petcou, 2007 ; Sermon, 2019 ; Taylor, 2017 ; Zhong Mengual, 2019). Une attention particulière est portée aux processus d’idéation et de production, aux pratiques collectives et aux stratégies s’inscrivant dans tous les domaines de l’expression et de la création culturelles : arts, design, architecture, patrimoine, communication, éducation, science…

Enfin ce numéro sera également l’occasion d’interroger les enjeux méthodologiques et épistémologiques que l’étude de ces initiatives porte en elle. Les initiatives elles-mêmes innovent sur le plan des pédagogies, de l’apprentissage et de l’acquisition des compétences, du transfert et du partage des connaissances ou des savoirs, de la conception créative, de la recherche et de l’expérimentation (Berrebi-Hoffman, Bureau et Lallement, 2018 ; Besson, 2018 ; Findeli et Coste, 2007 ; Hatch, 2014). Comment les sciences du social à leur tour mènent-elles leurs enquêtes, leurs analyses, leurs réflexions critiques, quelles sont les relations entre les milieux académiques et non académiques dans ces espaces de collaboration, à quelles nouvelles questions éthiques la recherche est-elle alors confrontée ?    

Ainsi, au-delà des questions classiques d’accessibilité aux arts et à la culture, ce numéro entend traiter les problématiques plus larges qui touchent la redéfinition de la démocratie locale et les espaces dans lesquels elle s’exerce, la lutte contre les inégalités, l’exclusion et la discrimination, cela dans le prisme particulier des dynamiques culturelles et artistiques qui se nichent dans les initiatives citoyennes.

Trois axes structurent ce numéro thématique, et les personnes intéressées sont invitées à en tenir compte :

  1. Les politiques et les contextes

Il s’agira d’étudier les manières dont ces initiatives citoyennes se mesurent aux politiques culturelles existantes et à leur gouvernance aux échelles locale et régionale, ainsi qu’aux politiques transversales (par exemple en matière d’aménagement du territoire ou d’emploi). Comment leur action contribue à l’évolution des politiques et des droits culturels, mais aussi comment elle s’y oppose, comment elle met en jeu leur logique politique et leurs modes de fonctionnement. Cet axe entend aussi étudier comment ces initiatives s’emparent des outils de la démocratie participative et en inventent de nouveaux, leurs rapports avec les dispositifs participatifs institutionnalisés et les formes d’engagement qu’elles favorisent au travers entre autres la création de collectifs citoyens.

  1. Les dispositifs

Le deuxième axe sera quant à lui attentif à donner chair aux initiatives elles-mêmes, à leurs réalisations, à la place qu’y prennent les expressions culturelles et artistiques et aux éventuels frottements qui peuvent exister entre elles et d’autres activités, aux méthodologies qu’elles utilisent pour embarquer des citoyen·ne·s dans leurs activités, aux profils sociologiques des personnes qui s’y engagent à différents degrés et à leur trajectoire militante et professionnelle, aux alliances qu’elles réalisent et aux obstacles auxquelles elles sont confrontées. Une attention particulière sera accordée à la dimension spatiale et matérielle des projets étudiés : obéissent-ils à des logiques de localisation particulières ? Comment font-ils pour s’inscrire dans le voisinage ? Quels sont les lieux et les matérialités qui les accueillent ? Comment les détournent-ils et les font-ils siennes ? Comment dépassent-ils les manières traditionnelles de produire et de s’approprier les espaces, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux ?

  1. Les axiologies et les référentiels

Le dernier axe portera un regard critique et réflexif sur les enjeux de la recherche-création et de la recherche-action dans les communautés universitaires et non universitaires : les initiatives étudiées s’arriment souvent à des méthodologies revendiquant l’égalisation des savoirs et mettant en œuvre leur co-production. Par effet miroir et de mise en abyme, leur étude scientifique suggère elle aussi de repenser les frontières entre chercheur·e·s et sujets d’étude et leurs modalités d’engagement. Cet axe s’intéressera à présenter les ouvertures épistémologiques ainsi soulevées mais aussi les impensés et difficultés, par exemple lorsque la recherche et l’expérimentation confinent aux changements globaux affectant la transmission culturelle, la santé ou l’environnement.

Modalités de soumission

Les auteurs et autrices sont invité·e·s à envoyer une proposition de contribution (1 à 2 pages, ou environ 6000 signes) à l’intention des responsables du numéro : Louis Jacob, jacob.louis@uqam.ca et Christine Schaut, christine.schaut@ulb.be, en précisant leur affiliation universitaire.

Avant le 1er juillet

Les auteurs et autrices dont la proposition aura été retenue par le comité de rédaction seront invité·e·s à soumettre un article complet le 1er décembre.

La revue ne publie que des textes inédits. Les auteurs et autrices sont tenu·e·s d’aviser la rédaction de tout projet de publication concurrent.

Repères bibliographiques

Arnaud, Lionel. 2018. Agir par la culture: Acteurs, enjeux et mutations des mouvements culturels. Toulouse, Éditions de l’Attribut.

Arnaud, Lionel. 2020. « Une conscientisation “pratique” : Les mobilisations culturelles des habitants d’un quartier populaire de Fort-de-France entre autonomisation et politisation », Sociétés contemporaines, 118 : 25-49.

Babin, Sylvette (dir.). 2022. « Collectifs », Esse arts + opinions, 104.

Berrebi-Hoffman, Isabelle, Marie-Christine Bureau et Michel Lallement. 2018. Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social, Paris, Seuil.

Besson, Raphaël. 2018. « Fab Labs. Pour aller plus loin », La Lettre de l’OCIM. Musées, Patrimoine et Culture scientifiques et techniques, 177 : 36-41.

Bishop, Claire. 2012. Artificial Hells. Participatory Art and the Politics of Spectatorship. Londres et New York, Verso.

Brossaud, Claire, Fiori, Sandra et Philippe Simay (dir.). 2019. « Les communs urbains : nouveau droit de cité ? », Métropolitiques. <https://metropolitiques.eu/Les-communs-urbains-nouveau-droit-de-cite.html>.

Brubaker, Rogers. 2001. « Au-delà de l’identité ». Actes de la recherche en sciences sociales, 139 : 66-85.

Casemajor, Nathalie, Marcelle Dubé, Jean-Marie Lafortune et Ève Lamoureux (dir.). 2017. Expériences critiques de la médiation culturelle. Québec, Les Presses de l’Université Laval.

Colmellère, Cynthia, Delphine Corteel, Volny Fagès et Stéphanie Lacour (dir.). 2019. Tiers lieux : une émancipation en actes ? Sociologies pratiques, 38.

Durand Folco, Jonathan, L’Allier, Marie-Soleil, Audet, René, et al. 2019. Les communs urbains : regards croisés sur Montréal et Barcelone. Montréal, Centre international de transfert d’innovations et de connaissances en économie sociale et solidaire.

Findeli, Alain et Anne Coste. 2007. « De la recherche-création à la recherche-projet : un cadre théorique et méthodologique pour la recherche architecturale », Lieux communs, 10 : 139-161.

Fraser, Nancy. 2005. Qu’est-ce que la justice sociale ? : reconnaissance et redistribution. Paris, La Découverte.

Gourgues, Guillaume. 2013. Les politiques de démocratie participative. Grenoble, Presses universitaires de Grenoble.

Hall, Stuart. 2007, 2013. Identités et Cultures. Paris, Éditions Amsterdam.

Hatch, Mark. 2014. The Maker Movement Manifesto: Rules for Innovation in the New World of Crafters, Hackers, and Tinkerers. New York, McGraw-Hill Education.

Helguera, Pablo. 2011. Education for Socially Engaged Art. A Materials and Techniques Handbook. New York, Jorge Pinto Books.

Kaine, Élisabeth (dir.). 2016. Le petit guide de la grande concertation : création et transmission culturelle par et avec les communautés. Québec, Presses de l’Université Laval.

Kelley, Bill et Grant H. Kester. 2011. Collective Situations. Readings in Contemporary Latin American Art, 1995-2010. Durham et Londres, Duke University Press.

Kester, Grant H. 2011. The One and the Many: Contemporary Collaborative Art in a Global Context. Durham, Duke University Press.

Kruzynski, Anna. 2017. « L’autonomie collective en action : du Centre social autogéré de Pointe-Saint-Charles au Bâtiment 7 », Nouvelles pratiques sociales, 29, 1 : 139-158.

Kymlicka, Will. 2001. La citoyenneté multiculturelle : une théorie libérale du droit des minorités. Paris, Éditions La Découverte.

Lallement, Michel, 2019. Un désir d’égalité. Vivre et travailler dans des communautés utopiques. Paris, Seuil.

Lamoureux, Ève, Danièle Racine et Marie-Odile Melançon. 2022. Quartiers culturels à Montréal et gouvernance. La participation culturelle et l’engagement citoyen à Verdun. Recherche partenariale Ville de Montréal, Arrondissement de Verdun/Université du Québec à Montréal. Montréal, Observatoire des médiations culturelles.

Mahoney, Tara. 2017. « Art, Politics and Systemic Change: an Interview with Astra Taylor ». Public, 28, 55 : 40-46.

Martel, Richard. 2015. « Organisations artistiques: d’ici et d’ailleurs », Inter, 119 : 3-3.

Meyer-Bisch, Patrice. 2008. « La valorisation de la diversité et des droits culturels ». Hermès, 51 : 59-64.

Miessen, Markus et Shumon Basar (dir.). 2006. Did Someone Say Participate ? An

Atlas of Spatial Practice. Cambridge, MIT Press.

Miglioretti, Pierre. 2016. « La démocratie participative dans les politiques culturelles métropolitaines : quels changements dans la conduite des politiques publiques ? ». Métropoles, 19. <https://doi.org/10.4000/metropoles.5346>.

Moulaert, Frank. 2009. « Le développement territorial intégré : le rôle des rapports sociaux ». Revue canadienne des sciences régionales32, 1 : 43-57.

Nez, Héloïse et Yves Sintomer. 2013. « Qualifier les savoirs citoyens dans l’urbanisme participatif : un enjeu scientifique et politique »,dans Agnès Deboulet et Héloïse Nez (dir.). Savoirs citoyens et démocratie urbaine. Rennes, Presses universitaires de Rennes : 29-37.

Petcou, Constantin (dir.). 2007. Urban Act: Practices, Data and Texts. Paris, Atelier d’Architecture autogérée.

Pignot, Lisa et Jean-Pierre Saez (dir.). 2019. « Tiers-lieux : un modèle à suivre ? », L’Observatoire. La revue des politiques culturelles, 52.

Polletta, Francesca. 2013.  « Participatory Democracy in the New Millenium »,

Contemporary Sociology, 42, 1 : 40-50.

Roy-Valex, Myrtille et Guy Bellavance (dir.). 2015. Arts et territoires à l’ère du développement durable. Vers une nouvelle économie culturelle? Québec, Presses de l’Université Laval.

Sermon, Julie. 2019. « Théâtre et paradigme écologique », Les Cahiers de la Justice, 3 : 525-536.

Sholette, Gregory, Chloë Bass et Social Practice Queens (dir.). 2018. Art as Social Action : An Introduction to the Principles and Practices of Teaching Social Practice Art. New York, Allworth Press.

Wieviorka, Michel (dir.). 1996. Une société fragmentée? : le multiculturalisme en débat. Paris, La Découverte.

Zamora, Daniel (dir.). 2014. « Saul Alinsky : organiser et armer la communauté », Revue de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles.

Zhong Mengual, Estelle. 2019. L’art en commun : réinventer les formes du collectif en contexte démocratique. Dijon, Les Presses du réel.


Dates

  • vendredi 01 juillet 2022

Mots-clés

  • sociologie, culture, tiers-lieu, citoyenneté

Contacts

  • Balia Fainstein
    courriel : baliaf [at] gmail [dot] com

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Source de l'information

  • Balia Fainstein
    courriel : baliaf [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Des projets collaboratifs pour renouveler la citoyenneté culturelle ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 10 mai 2022, https://doi.org/10.58079/18vh

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