AccueilVilles durables au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ?

AccueilVilles durables au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ?

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Publié le mercredi 18 mai 2022

Résumé

La journée d’étude cherche à croiser des analyses venant des champs des development studies, des science and technology studies, de la critical political ecology et de la géographie urbaine autour de la notion du développement urbain durable dans l’aire géographique du Maghreb et du Moyen‑Orient. Nous reviendrons sur l’élasticité du concept de développement urbain durable (DUD). Nous évoquerons également les acteurs impliqués dans les projets de DUD, ainsi que la viabilité des initiatives locales et citoyennes dans les villes du monde arabe qui proposent des voies alternatives. Enfin, nous nous intéresserons également à la prolifération des villes dites « intelligentes » auxquelles on accole souvent l’étiquette de la durabilité. Mais qu’en est-il réellement ?

Annonce

Argumentaire

Du fait de la prégnance de la question écologique partout dans le monde aujourd’hui et des enjeux de développement dans le monde arabe, l’on assiste depuis les années 2000 à l’émergence d’un urbanisme dit “durable” ainsi qu’à l’institutionnalisation du développement urbain durable (DUD) au Maghreb et au Moyen‑Orient.

L’idée selon laquelle la ville devrait être “produite là où elle est nécessaire” connaît une longue histoire dans la pensée occidentale et a conduit à l’émergence du concept hégémonique de développement urbain. La littérature en géographie et en études urbaines est aujourd’hui pleine d’exemples de villes construites dans des zones arides, jugées naturellement inhabitables.

Depuis que le concept du développement urbain durable a été inventé par le rapport Brundtland rédigé par les Nations unies en 1987, il s’est peu à peu imposé comme un concept hégémonique dans le sens gramscien du terme. Autrement dit, le DUD a généré le “sens commun”, c’est-à-dire la manière non critique et partiellement inconsciente dont les professionnels de la ville durable ont désormais perçu celle-ci. 

Comme pour tout concept hégémonique, cette vision a été portée au-delà des institutions étatiques par certains acteurs de la société civile, comme par les entreprises privées. Ces derniers jouent en effet un rôle important dans la propagation d’idées et d’idéologies qui structurent le sens donné au DUD, comme les “villes vertes” et les “éco‑quartiers” par exemple. 

Toutefois, cette conception et représentation de la “ville durable” a favorisé certains acteurs plutôt que d’autres. Très portée par des architectes paysagistes, des entreprises de construction voire, les États eux‑mêmes qui y voyaient un moyen pour attirer les investisseurs étrangers ou encore pour affirmer leur autorité politique, le DUD a perdu son “encastrement écologique” (Makhzoumi, 2020 ; Klinger, 2022). Autrement dit, la conception dominante du DUD n’a que peu favorisé les approches locales et les savoir-faire existants en matière d’urbanisme écologique.

Si ce constat se veut général, il se vérifie avec acuité dans le monde arabe. La littérature scientifique a en effet au moins pointé trois obstacles au DUD dans les pays de la région : la monopolisation de ce développement par les États dans le but de relégitimer les régimes en place, la quasi‑absence d’une “diplomatie des villes” dans la région susceptible d’inscrire plus fortement les enjeux environnementaux à l’agenda politique, et un éco-activisme éclaté qui ne débouche pas sur des réseaux de pressions forts (Barthel, 2020).

Malgré le caractère innovant de certains projets, les politiques de développement durable des villes arabes semblent demeurer largement centralisées et dépendantes des organisations non gouvernementales ainsi que de l’aide internationale, un fait qui n’a pas échappé aux critiques qui dénoncent un “impérialisme vert”. En effet, depuis les travaux pionniers de Gilbert Rist sur le “développement” comme croyance occidentale (Rist, 1996), il n’est plus possible d’omettre le caractère performatif de ces concepts et leurs divers présupposés, comme l’évolutionnisme social, l’individualisme, l’économicisme, etc. Autrement dit, le développement urbain durable – tel qu’il est porté par les organisations internationales et les grands bureaux d’études ou cabinets en conseil et stratégie, tels que McKinsey, connu pour avoir rédigé l’ensemble des “visions plans” des pays du Golfe – traduit une certaine acception du développement qui répond plus souvent à des valeurs occidentales qu’aux valeurs et ambitions des sociétés locales. 

Dans l’architecture, cela peut également se traduire par les choix architecturaux et technologiques opérés dans les villes du monde arabe. Comme l’observait déjà le théoricien politique américain, Langdon Winner, dans les années 1980, les artefacts ont aussi une politique (Winner, 1999). Cette observation, qui nous vient du champ des STS (Science and Technology Studies), nous semble aussi applicable à celui de la géographie urbaine et à l’urbanisme en particulier. Car les choix des technologies et techniques employées dans la construction des villes dites “durables” incarnent, eux aussi, des relations sociales et des relations de pouvoir qu’il s’agit de mettre en évidence. 

Dans ce contexte, notre journée d’étude cherche à croiser des analyses venant des champs des development studies, des science and technology studies, de la critical political ecology et de la géographie urbaine autour de la notion du développement urbain durable dans l’aire géographique du Maghreb et du Moyen‑Orient. Nous reviendrons sur l’élasticité du concept de développement urbain durable, son appropriation et son impact sur l’action publique dans les pays de la région. Nous évoquerons également les acteurs impliqués dans les projets de DUD – notamment les stratégies communicationnelles de légitimation des acteurs politiques – ainsi que la viabilité des initiatives locales et citoyennes dans les villes du monde arabe qui proposent des voies alternatives. Enfin, nous nous intéresserons également à la prolifération des villes dites “intelligentes” auxquelles on accole souvent l’étiquette de la durabilité. Mais qu’en est-il réellement ? 

Programme de la journée

9h00 Accueil des participants et du public

9h15 Présentation des objectifs de la Journée d’étude par Isabel Ruck (CAREP Paris) et Roman Stadnicki (Université de Tours / CITERES – EMAM)

9h30 – 11h00 Premier panel : Qu’est-ce qu’une ville durable ? Réflexions théoriques et critiques appliquées au cas du monde arabe 

Modération : Myriam Ababsa, CAREP Paris

  • Pierre-Arnaud Barthel, AFD : Peut-on parler de “ville durable” dans le monde arabe ?
  • Lana Salman, Université de Harvard: Contesting the post-revolution city: sustainability and durability of politics in Tunisia
  • Jala Makhzoumi, American University of Beirut: Nature in/of cities: A landscape framing of Urban Sustainability

11h – 12h30 Deuxième panel : Vers un urbanisme durable dans le monde arabe ?

Modération : Romeo Carabelli, Université de Tours / CITERES – EMAM

  • Thibaut Klinger, Chercheur associé au CITERES – EMAM : Des villes durables à Oman ? Une question géopolitique.
  • Myriam Ababsa, Chercheuse associée au CAREP Paris : Les paris de la stratégie du climat d’Amman (Zéro Émission 2050) 
  • Éric Verdeil et Alix Chaplain, Sciences Po Paris / CERI : Diversification et hybridation des configurations électriques au Moyen-Orient en contexte de crise
  • Abderrahim Kassou, École d’Architecture et de Paysage de Casablanca : Urbanisme et durabilité à Casablanca

12h30 – 14h00 Pause déjeuner

14h00 – 15h30 Troisième panel : Initiatives citoyennes et durabilité urbaine dans le monde arabe

Modération : Roman Stadnicki, Université de Tours/ CITERES-EMAM

  • Bénédicte Florin, Université de Tours / CITERES – EMAM : Ces recycleurs exemplaires : ambiguïté des discours et inclusion perverse des récupérateurs de déchets (Le Caire, Casablanca) 
  • Mohamed Ayoub, Directeur exécutif de l’association NAHNOO (Liban): Mobilizing local communities to free public spaces in Lebanon 
  • Jalel Bouslah, Co-fondateur de l’association Tounes Clean Up : Protection de l’environnement en Tunisie et le rôle de la société civile 

15h30 – 17h00 Quatrième panel : Villes intelligentes, villes durables ?

Modération : Isabel Ruck, CAREP Paris

  • Emmanuel Eveno, Université de Toulouse : Entre ville durable et ville intelligente
  • Laure Assaf, New York University Abu Dhabi : Vocabulaires du développement urbain à Abu Dhabi : Discours et pratiques de la ville
  • Gökçe Günel, Rice University, Masdar City : un ovni dans le désert ?

17h00 Conclusions

Informations pratiques

Comité d'organisation

  • Isabel Ruck (CAREP Paris)
  • Roman Stadnicki (CNRS/ Université de Tours)
  • Romeo Carabelli (Université de Tours).

Lieux

  • 12, rue Raymond Aron
    Paris, France (75013)

Format de l'événement

Événement hybride sur site et en ligne


Dates

  • jeudi 30 juin 2022

Mots-clés

  • ville, durabilité, Moyen-Orient, Afrique du Nord, écologie politique

Contacts

  • Isabel Ruck
    courriel : isabel [dot] ruck [at] carep-paris [dot] org

URLS de référence

Source de l'information

  • Isabel Ruck
    courriel : isabel [dot] ruck [at] carep-paris [dot] org

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Villes durables au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ? », Journée d'étude, Calenda, Publié le mercredi 18 mai 2022, https://doi.org/10.58079/18xc

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