Comprendre la mise en dispositif institutionnel dans le médico-social
Controverses autour des nouvelles modalités d'accompagnement
Published on Thursday, June 02, 2022
Abstract
Presque dix ans après ses premières expérimentations, le dispositif institutionnel s’est généralisé à l’ensemble des établissements ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique), avec des intégrations dans des réseaux partenariaux plus ou moins développés selon les établissements. Depuis, cet accompagnement, présenté comme adapté aux troubles de l’enfant, est la méthode d’accompagnement privilégiée par les Dispositifs intégrés des Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (DITEP). Présenté aux institutions spécialisées, jugées trop ségrégatives, comme une manière de s’engager dans le virage inclusif, le dispositif a profondément redéfini des pans entiers de l’accompagnement. Cette journée d’étude ambitionne de faire un point d’étape sur la compréhension par les sciences humaines et sociales de la nature de ce dispositif, ainsi que des nouvelles réalités vécues par les différents acteurs.
Announcement
Présentation
Le 28 juin 2022, de 9h à 18h, une journée d’étude réunira chercheuses et chercheurs en sociologie, sciences de l’éducation, psychologie, associations et professionnel.le.s du médico-social afin mettre en discussion notre compréhension du dispositif institutionnel dans le médico-social.
Presque 10 ans après ses premières expérimentations, le dispositif institutionnel s’est généralisé à l’ensemble des établissements ITEP, avec des intégrations dans des réseaux partenariaux plus ou moins développés selon les établissements. Depuis, cet accompagnement qui se veut global, multimodal, plus ambulatoire (avec le développement des SESSAD) et présenté comme adapté aux troubles de l’enfant, est la méthode d’accompagnement privilégiée par les DITEP.
Présenté aux institutions spécialisées, jugées trop ségrégatives, comme une manière de s’engager dans le virage inclusif, le dispositif a profondément redéfini des pans entiers de l’accompagnement. Cette journée d’étude ambitionne de faire un point d’étape sur la compréhension par les sciences humaines et sociales de la nature de ce dispositif, ainsi que des nouvelles réalités vécues par les acteurs : effectivité de l’inclusion scolaire, adhésion des familles, articulation d’équipes pluri-disciplinaires, évolution des pratiques professionnelles, élargissement des réseaux partenariaux, etc.
Argumentaire
Afin de répondre à un objectif d’inclusion des enfants et adolescents en situation de handicap par l’école, les établissements et services médico-sociaux sont tenus par la loi du 26 Janvier 2016 à intégrer les évolutions déjà visibles d’un changement de paradigme : à la prise en charge en institut fermé, ségrégatif voire totalisant, se succède un accompagnement dit “en dispositif”. Ce nouveau fonctionnement est décrit par les pouvoirs publics comme « une organisation des établissements et des services [...] destinés à favoriser un parcours fluide et des modalités d’accompagnement diversifiées, modulables et évolutives en fonction des besoins des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qu’ils accueillent. ».
Le choix du terme “dispositif” et son usage désarçonne le.la chercheur.e en sciences sociales : en sociologie il est entendu dans sa dimension disciplinaire Foucaldienne comme « l’inscription technique d’un projet social total, agissant par la contrainte, et visant le contrôle aussi bien des corps que des esprits » (Beuscart, Peerbaye, 2006). A contrario, les acteurs du médico- social proposent une vision du dispositif comme outil de désinstitutionalisation (Heuzé, 2016).
Terme troublant pour le.la sociologue, pour qui une institution reste « toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la collectivité » (Durkheim, 1871). L’institutionnalisation peut éventuellement évoluer mais en en aucun cas s’amenuiser. Entendu dans une approche psychotérapeutique, les dispositifs sont selon ses concepteurs « des lieux où l ’expérience s’évoque et se reprend, est adressée à un autre ou à des autres, et où s’élabore une expérience propre, de formulation d’identité, de construction de savoir en acte, pas seulement en mots mais à travers les mots par la médiation d’un dispositif pouvant introduire du changement » (Klein et Brackelaire, 2005 dans Gonnard et Desmet, 2014 ) .
À cette concurrence entre termes s’ajoute une difficulté d’appréhension d’un accompagnement qui à la prétention d’être soignant, en étant à la fois multi-modal, innovant, individualisé, global, ancré sur un territoire, inscrits dans un réseau partenarial, inclusifs et coordonnant des équipes pluridisciplinaires. Ce décloisonnement fait l’objet de premières études portant sur le travail pluridisciplinaire (Morel, 2018), la déségrégation (Dupont ; 2021), la place des familles dans le dispositif (Mazereau, 2018), la liminalité de l’inclusion scolaire (Lansade, 2021), la pauvreté comme handicap (Brumaud, 2022). Études porteuses de nouvelles controverses, elles font échos aux questions socialement vives provoquées par le dispositif. Par exemple sur son rôle dans la perpétuation de l’institutionnalisation, entendu ici dans l’enfermement ségrégatif, d’enfants et adolescents en situation de handicap (ONU, 2021).
Une journée d’études réunissant chercheurs, acteurs du médico-social et personnes concernées propose une approche nouvelle d’une réalité vécue par les enfants et professionnel.le.s au sein de ce dispositif presque 10 ans après ses premières expérimentations.
Elle se présente comme un point d’étape pour faire le bilan d’une compréhension du dispositif, de ce qui continue de résister aux sociologues : les évolutions méthodologiques qui s’imposent à lui (1), le rapport aux expertises et sciences concurrentes (2) et la (re) définition de concepts pour appréhender l’accompagnement (3).
1) L’individualisation des parcours et la multiplication des partenariats appellent un ajustement méthodologique et un renouvellement important de données.
L’accompagnement recompose les pratiques professionnelles. Il diversifie les situations éducatives et de soins vécues par les enfants, constituant autant de boîtes noires qu’il s’agit d’explorer et de relier entre elles. Le travail de coordination s’y développe, s’appuyant sur des objets socio-techniques de plus en plus sophistiqués et réfléchis tels que le GEVA-Sco (Mezziani et al. 2018), qui structurent l’interaction dans le dispositif. Les acteurs, réflexifs sur leurs propres pratiques, deviennent des pourvoyeurs de sources secondaires de situations invisibles du chercheur en sciences sociales. En ce sens, leur participation à la démarche de recherche les place en position de sachant, dépositaires d’une expertise et d’un savoir avec une légitimité nouvelle dans le champ de la recherche. Le statut de ces sources et des acteurs dans le dispositif est ainsi à requalifier.
2) La réaffirmation de la clinique et du soin thérapeutique dans le dispositif à travers les ordonnances XXXIV de la loi de 2005 montre la persistance de grilles de lectures d’influence psychanalytique malgré la baisse importante des pédopsychiatres dans les DITEP.
La pluridisciplinarité des approches fait intervenir des discours hétéroclites voire concurrents mobilisés par une communauté éducative élargie. L’autorité et l’étanchéité des discours scientifiques s’en trouvent bousculés, les acteurs mobilisant des catégories de différents champs propres à appréhender les situations professionnelles qu’ils vivent. Cette traduction du discours scientifique vulgarisé interroge sur cette étrange imposition d’une pluridisciplinarité qui se fait du terrain au chercheur, où elle devient par exemple une condition préalable à l’élaboration de recherches financées. Ce travail est l’occasion pour la recherche en Sciences du handicap psychique, critique des catégories médico-administratives, d’ouvrir des perspectives pluridisciplinaires dans laquelle elle s’exerce tout en perpétuant son travail critique.
3) Enfin, face à ces mutations de l’accompagnement, l’arsenal théorique construit autour d’enquêtes basées sur les Instituts de Rééducation et ITEP maintenant réformés doit être repensé et évoluer en fonction des résultats d’enquêtes nouvelles.
La réactualisation de concepts Goffmanien et Bourdieusien pour comprendre ces nouveaux modes d’accompagnement doivent s’ouvrir et saisir la possibilité d’un dispositif capacitant pour les enfants en situation de handicap psychique. Ils demandent donc à être éprouvés. D’autres concepts issus de cadres plus à même d’intégrer l’apport d’autres sciences et une place pour le discours des acteurs doivent être développés.
Cette journée d’étude cherche à comprendre la mise en dispositif : les controverses qui le traversent, les vécus des accompagnés et des accompagnants. Leur participation, loin d’être cosmétique, conduit la sociologie du handicap psychique à être « Une science [qui] se porte d’autant mieux, [...] est d’autant plus solide, rigoureuse, objective, véridique qu’elle se lie davantage, qu’elle s’attache plus intimement au reste du collectif. » (Latour, 1989)
Programme
9h-9h15 : Accueil et Introduction
- 9h15 : Le concept d’intervention en dispositif, historique, théorie et mise en application, Jacky Desmet (AIRe), Alexandra Lubrani (La Ribambelle)
- 11h : Apprendre à faire avec le DITEP : entre collaboration avec les accompagnants et défense des intérêts de son enfant, Témoignage d’une mère de famille
- 11h15 : Mise en dispositifs : Enjeux et controverses, Hugo Dupont (Gresco) et Florence Brumaud (CeDS)
Après-midi
- 14h : Le dispositif, une version légère, Caroline Darchicourt, cheffe de service
- 14h15 : Les frontières institutionnelles du dispositif, Melaine Cervera (L2LS) et Gaël Fabre, éducateur spécialisé
- 15h30 : L’exemple d’un dispositif : décontenance de l’institution et externalisation du service public, Patrick-Ange Raoult (CRPPC)
- 16h30 : Cartographier les controverses du Dispositif : Une tentative de modélisation synthétique de l’accompagnement, Hugo Rodts (ECP)
17h : Table ronde : Comprendre la mise en dispositif à plusieurs
Modalités pratiques
Cette journée, soutenue par le LISST, ECP et l’École Doctorale EPIC, se tiendra sur le campus des Berges du Rhône de l’université Lyon 2.
Il est possible d’y participer
- En présentiel, au campus des Berges du Rhône à l’université Lyon 2, en répondant à ce formulaire d’inscription :https://form.123formbuilder.com/6160484/formLa salle vous sera indiquée dans la notification d’inscription.
- En distanciel via ce lien : https://univ-tlse2.zoom.us/j/95540667912 ?pwd =TWs4eEVHbEx1ekVZK3pEUSsrSUZ3QT09ID de réunion : 955 4066 7912Code secret : 704388
Comité scientifique
- Hugo Rodts, ECP, Lyon 2 Lumière
- Audrey Parron, LISST, Toulouse
- Florence Brumaud, CEDS, Bordeaux
- Karine Girard, CRPPC, Lyon 2 Lumière
- Julien Payet, CRPPC, Lyon 2 Lumière
Subjects
- Sociology (Main category)
- Mind and language > Psyche > Psychology
- Mind and language > Education > Educational sciences
Places
- Arrêt T1 Quai Claude Bernard - Campus des Berges
Lyon, France (69002)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Tuesday, June 28, 2022
Attached files
Keywords
- dispositif, médico-social, inclusion, partenariat, handicap, enfant
Contact(s)
- Hugo RODTS
courriel : hugo [dot] rodts1 [at] univ-lyon2 [dot] fr - Audrey PARRON
courriel : audrey [dot] parron-gretter [at] univ-tlse2 [dot] fr - Florence BRUMAUD
courriel : florence [dot] brumaud [at] u-bordeaux [dot] fr
Information source
- Hugo RODTS
courriel : hugo [dot] rodts1 [at] univ-lyon2 [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Comprendre la mise en dispositif institutionnel dans le médico-social », Study days, Calenda, Published on Thursday, June 02, 2022, https://doi.org/10.58079/190w